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Un camp d'internement français est une appellation générique qui désigne tout à la fois, des centres de rétention administrative, des camps de réfugiés ou de prisonniers de guerre, créés en France pendant la période s'étalant de la Première Guerre mondiale à la guerre d'Algérie.
Il convient de distinguer camp de concentration, camp d'internement et camp d'extermination[1].
En 1914-1918, on parle officiellement de camps de concentration[1]. Ainsi, l'historien Jean-Claude Farcy, a-t-il intitulé son ouvrage en 1995, Les camps de concentration français de la Première Guerre mondiale. Pendant la Grande Guerre, des camps d'internement dépendent d'autorités étrangères sur le territoire français : c'est le cas par exemple du camp de travailleurs chinois du Commonwealth établi à Noyelles-sur-Mer (Somme), entre 1916 et 1919[2].
Cependant, depuis la Seconde Guerre mondiale, le sens du terme « camp de concentration » a évolué, il désigne aujourd'hui les camps de concentration nazis.
Pendant le conflit, seuls deux camps de concentration nazi, c'est-à-dire sous l'autorité directe de l'Allemagne nazie, existent sur le territoire français. Le plus connu est celui de Natzweiler-Struthof[3],[4],[5],[6] en Alsace annexée. Ce camp étant équipé d'une chambre à gaz. Le second est le camp de Thil, seul camp de concentration installé par les nazis en territoire français non annexé[7]. Cette dépendance du camp du Struthof étant également équipée d'une chambre à gaz.
Le camp de Royallieu à Compiègne, Frontstalag depuis 1940, devient de juin 1942 à août 1944, camp de transit vers les camps d'extermination nazis.
Des camps de travail forcé allemands (Zwangsarbeitslager), comme celui de Watten dans le Nord, servent à cantonner la main-d'œuvre au service de l'Organisation Todt.
On réserve, en général, les termes « camp d'internement » aux camps placés sous l'autorité de l'État français. Les camps de Compiègne, Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande sont aussi désignés par l'expression « camp de transit ». Bien que les conditions de vie aient été très dures dans les camps français, et la mortalité élevée[1],[8], ils n'entrent pas - à l'exception notable des camps de transit - dans un projet d'extermination et ne doivent durer, en principe que le temps d'un conflit[1] (Première et Seconde Guerres mondiales, guerre d'Espagne).
Dès la déclaration de la guerre, en septembre 1939, les ressortissants des « pays ennemis » réfugiés en France font, en raison de leurs nationalités, l'objet de mesures d'internement : le statut de réfugié politique ne prévaut alors nullement sur le critère d'appartenance à un pays ennemi. Parmi ces internés se trouvent de nombreux intellectuels antinazis et des Juifs qui ont fui les persécutions. Cet afflux important de la population des camps (Les Milles, Gurs, Rivesaltes et beaucoup d'autres) est très mal géré ; la nation en guerre a d'autres soucis[9]. Environ 40 000 étrangers, dont de nombreux réfugiés espagnols, sont soumis, à partir de septembre 1940 au travail obligatoire dans ce qu'on appelle les groupements de travailleurs étrangers. En métropole, il peut s'agir, en zone libre, de travaux agricoles dans des fermes pour remplacer les prisonniers de guerre, en zone occupée de travaux de fortification du mur de l'Atlantique dans le cadre de l'Organisation Todt.
Après le débarquement de Provence, des camps d'internement sont créés, ou passent sous l'autorité des puissances alliées, dont celle de la France. Tel est le cas du camp d'internement de la police militaire américaine de Septèmes-les-Vallons (Bouches-du-Rhône), ou de celui du centre de séjour surveillé (CSS) de Saint-Mître à Aix-en-Provence[10].
En Afrique du Nord, dans des « camps de représailles » comme Hadjerat M'Guill, ou dans des chantiers comme celui du transsaharien, « de nombreux travailleurs succombent à la faim, aux maladies et à la torture »[11],[12]. Le procès des bourreaux d'Hadjerat M'Guill, ouvert le 29 janvier 1944 à Alger se conclut par quatre condamnations à mort et six condamnations à des peines de travaux forcés de dix ans, de vingt ans et à la perpétuité[13].
Le déclenchement de la guerre provoque la signature de plusieurs décrets présidentiels dès août 1914 organisant le contrôle des étrangers ennemis sur le sol français. Le décret du 4 août 1914 prévoit que les autorités françaises doivent demander aux ressortissants allemands et austro-hongrois s'ils désirent rentrer dans leur pays ou subir des contrôles importants et réguliers de la part des services de police. La seconde solution est préférée parce que le gouvernement ne désirait nullement laisser partir des hommes valides capables de combattre leurs propres soldats ou des femmes suspectées d'être des espionnes ou des agents de renseignement au service de l'ennemi[14]. C'est pourquoi la décision d'ouvrir des camps pour étrangers civils a été prise par les autorités françaises qui utilisent un vocabulaire pénitentiaire puisqu'ils sont officiellement dénommés « dépôts de faveur ».
J.C. Farcy dresse l'état des lieux de ces camps et estime qu'il y en a une cinquantaine sur le territoire national, plutôt localisés dans l'ouest et le sud, loin des zones de conflit ou d'occupation du nord-est. Les îles sont particulièrement privilégiées car elles permettent aux autorités d'écarter ces populations à risque des Français souffrant des conditions de la guerre. D'importants camps sont ainsi recensés comme celui de l'île d'Yeu où plusieurs centaines d'austro-allemands sont surveillés ou encore celui de Garaison, à Lannemezan dans les Hautes-Pyrénées[15]. Dans le sud-ouest, certains camps sont aussi importants comme celui de Libourne[16] (Gironde), Bergerac (Dordogne), Marmande (Lot-et-Garonne), Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), Saintes (Charente-Maritime). Il faut aussi souligner l'existence d'un dépôt important à Pontmain en Mayenne.
Les camps d'internement en France pour la période 1938-1946 ont été étudiés par l'historien Denis Peschanski dans sa thèse de doctorat d’État soutenue en 2000, Les camps français d’internement (1938-1946)[Note 1].
Des camps sont ouverts par le gouvernement Daladier pour regrouper les réfugiés de la Guerre civile espagnole (décret-loi du de Daladier qui prévoit l’internement des « étrangers indésirables », élargi par la loi du 18 novembre 1939 qui permet l’internement « de tout individu, Français ou étranger, considéré comme dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique »[17],[18],[19],[20]). Les premiers camps - notamment à Saint-Cyprien, Argelès-sur-Mer, Agde, Le Vernet ou Gurs - furent des espaces ceints en urgence de barbelés, gardés notamment par les troupes sénégalaises ; les réfugiés couchaient à même le sol ; les barbelés furent considérés comme plus urgents que les baraquements qui ne furent érigés, dans la plus grande précarité, que progressivement.
Au nombre de 500 000, les réfugiés espagnols sont regroupés dans des camps d'internement situés surtout dans le sud de la France, notamment en Roussillon, mais aussi jusqu'en Bretagne. Les principaux lieux d'internement sont :
Le décret du prévoit, en cas de conflit armé, l'internement de « tous les étrangers ressortissants de territoires appartenant à l'ennemi », âgés de dix-sept à soixante-cinq ans. Le ministre de l'Intérieur Albert Sarraut justifie le fait par la présence de traîtres en action et potentiels. En novembre, un nouveau décret-loi permet l'internement de tous les « individus dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique »[24].
Durant la drôle de guerre, on a :
Dès 1939, les camps existants se remplissent d'Allemands et d'Autrichiens, c'est-à-dire indifféremment d'opposants au régime nazi (communistes, socialistes, opposants divers, Juifs allemands ou autrichiens) ou de personnes favorables au régime hitlérien, ou de combattants allemands. Ensuite, après la défaite de 1940 et la chute du régime républicain, viendront les Juifs, qui seront peu à peu livrés aux nazis.
Le régime des multiples camps qui existent en France pendant la guerre est extrêmement variable, selon qu'ils se trouvent en zone libre, en zone occupée ou en zone annexée, selon l'époque on distingue : avant et après la dénonciation du traité d'armistice de 1942 et l'invasion de la zone libre par les Allemands, et aussi selon leurs statuts qui va d'un régime quasi carcéral, à celui de centres de villégiature pour réfugiés dont la direction est déléguée à des associations confessionnelles, en général protestantes d'origine alsacienne.
Sous le régime de Vichy, sont créés des camps qui s'appellent diversement :
Une autre catégorie apparaît sous le régime pétainiste :
Les nazis étendent également leur parc de camps dans la zone occupée, dénommés[25] :
Dans les départements français d'Algérie et départements français du Sahara, des camps de travail ou d'internement pour les Juifs et travailleurs étrangers sont créés.
Note : 600 militants, communistes ou responsables syndicaux pour la plupart, anarchistes aussi, avaient été déportés sans jugement particulier [réf. nécessaire]. Parmi eux, figuraient les 27 députés communistes dont Florimond Bonte a retracé « le Chemin de l’honneur », qui avaient été condamnés à cinq ans de prison en avril 1940 par un tribunal militaire. Les députés avaient été enfermés au bagne de Maison Carrée, les autres dans des camps du Sud algérois, notamment à Djelfa, ou du Sud oranais[54].
Il y eut plusieurs camps d'internement et de concentration japonais pour les populations civiles françaises durant l'occupation japonaise.
Pendant la période de la libération (juin 1944 - mai 1946) de nombreux camps servent à l'internement administratif des suspects de collaboration dans le cadre de l'épuration.
Environ 750 000 prisonniers de guerre allemands sont internés en France en 1945, encore 301 000 au début de 1948 et les derniers sont libérés fin 1948[55].
Exemples : camps de Voves[Note 2], de Pithiviers, de Gurs[Note 3], Joffre à Rivesaltes...
La dernière fermeture de camp pour « nomades » a lieu le 1er juin 1946.
Parce qu'ils sont réclamés par Staline, la France interne dans plusieurs camps, dont le camp de Beauregard situé à La Celle-Saint-Cloud, les citoyens soviétiques faits prisonniers ou enrôlés de force par l'armée allemande qui se trouvent sur le territoire français[56].
Des camps ont existé, pendant les guerres d'Indochine et d'Algérie, généralement appelés camps de regroupement.
Durant la guerre d'Algérie, le ministère de l'Intérieur français obtint en 1957 la possibilité de recourir à nouveau à l'internement administratif collectif. Plusieurs centres d'assignation à résidence surveillée furent créés en métropole sur des sites militaires : Larzac (Aveyron), Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), Saint-Maurice-l'Ardoise (Gard), camp de Thol (Ain), Vadenay (Marne). Près de 14 000 Algériens suspectés d'être membres du Front de libération nationale (FLN) y furent internés.
Le plus important était le camp du Larzac, à la fois par sa taille — plus de 30 km2, près de 4 000 assignés et plusieurs centaines de membres du personnel — et par sa place dans l'organisation centrale de l'internement.
L'Action civique non-violente (ACNV) fait signer un Appel au Président de la République. « Priver des hommes de leur liberté et de leur travail et exposer ainsi leur famille à la misère matérielle et morale, c’est porter atteinte à la justice et à la dignité humaines[57]. » Trente volontaires de l'Action civique non-violente dont Joseph Pyronnet, Jean-Pierre Lanvin et André Dupont, dit Aguigui Mouna, se déclarant suspects, demandent à partager le sort des Algériens internés sans jugement[57],[58]. Le , à l'appel lancé par l'ACNV, le Comité Maurice Audin et le Comité de vigilance universitaire et signé par 21 personnalités dont Germaine Tillion, Gabriel Marcel, Théodore Monod, Laurent Schwartz et Pierre Vidal-Naquet, entre 700 et 1 000 manifestants marchent silencieusement vers le centre de tri de Vincennes[59]. Comme ils opposent une résistance passive à l'ordre de dispersion, la police en enferme dans les sous-sols de la mairie du 11e arrondissement et conduit certaines personnalités devant la tombe d’un gardien de la paix récemment tué par le FLN[60]. Le , des manifestations ont lieu dans une douzaine de villes[61]. La principale réunit 1 500 non-violents, par principe ou par tactique, qui marchent vers le ministère de l'Intérieur[62]. Selon les autorités judiciaires, 629 personnes sont appréhendés. Elles sont emprisonnées jusqu’au lendemain[57],[63].
Après les accords d'Évian, en 1962, plusieurs de ces camps sont dévolus de façon durable à l'« accueil » des harkis, dans des conditions de fonctionnement restant proches de celles des camps d'internement.
En Algérie même, l'armée crée des camps de regroupement. Elle chasse la population de ses habitations et la concentre dans ces camps afin de créer des « zones interdites » et de priver le FLN de l'appui de la population. On estime à deux millions le nombre d'Algériens ayant vécu dans ces camps durant la guerre d'Algérie[64]. Michel Rocard, alors administrateur sortant de l'ENA qui effectuait son service militaire en Algérie dans les bureaux de l’Armée française, est l’auteur, sous un pseudonyme, du Rapport sur les camps de regroupement en Algérie. Il les qualifie de « camps de concentration ».
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