Camp de Drancy
camp d'internement avant déportation, pour Juifs, de 1941 à 1944 De Wikipédia, l'encyclopédie libre
camp d'internement avant déportation, pour Juifs, de 1941 à 1944 De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le camp d'internement de Drancy ou camp de Drancy est la plaque tournante de la politique de déportation antisémite en France d' à . Situé au nord-est de Paris, dans la ville de Drancy (alors dans le département de la Seine, aujourd'hui en Seine-Saint-Denis), ce camp est pendant trois ans le principal lieu d'internement avant déportation depuis la gare du Bourget (1942-1943) puis la gare de Bobigny (1943-1944) vers les camps d'extermination nazis, principalement Auschwitz. Neuf Juifs déportés de France sur dix passent par le camp de Drancy lors de la Shoah.
Camp d'internement de Drancy | |||
Camp de Drancy (cité de la Muette). | |||
Présentation | |||
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Gestion | |||
Date de création | |||
Dirigé par | Theodor Dannecker | ||
Date de fermeture | |||
Victimes | |||
Géographie | |||
Pays | France | ||
Région | Île-de-France | ||
Localité | Drancy | ||
Coordonnées | 48° 55′ 11″ nord, 2° 27′ 18″ est | ||
Géolocalisation sur la carte : Seine-Saint-Denis
Géolocalisation sur la carte : France
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Protection | Classé MH (2001, 2002) | ||
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Le camp d'internement de Drancy a été installé en , dans un vaste bâtiment formant un U du quartier d'habitation HBM, dit la « cité de la Muette », conçu par les architectes Marcel Lods et Eugène Beaudouin[1]. Celui-ci, construit entre 1931 et 1934, comportait, en outre, cinq tours de quinze étages chacune, ainsi que plusieurs bâtiments sous forme de barres implantées en peigne, composées de trois et quatre étages[1].
Cet édifice dans lequel le camp fut établi était en cours de construction[1] (seul le gros œuvre était achevé). Comportant quatre étages, il était bâti autour d'une cour d'environ 200 mètres de long et 40 mètres de large. La forme du bâtiment, surnommé le « Fer à cheval », se prêta facilement à sa transformation en camp d'internement : des miradors furent installés aux quatre coins de la bâtisse, dès lors entourée de barbelés, tandis que le sol de la vaste cour fut tapissé de mâchefer.
Le bâtiment en U et les tours, ainsi que certains terrains attenants, sont réquisitionnés par l'Armée allemande le [1], afin de servir de lieu d'internement pour des prisonniers de guerre français, des civils yougoslaves et grecs, ainsi que pour des prisonniers de guerre britanniques et canadiens[1].
Un document est délivré le , faisant état de la réquisition « pour les besoins des troupes d'occupation allemandes » de la caserne républicaine de Drancy et de tous les biens mobiliers et immobiliers. Dans la même note, « l'adjoint du commandant du Frontstalag III, camp qui se trouve dans ces casernes », signale qu'il n'y a pas eu de réquisition par écrit des casernes en question, « mais que toutes les conventions ont été faites verbalement entre le service central des cantonnements de l'Armée à Paris et le Préfet de la Seine ». Les logements des officiers de la caserne de Drancy sont remis à leur disposition le .
Drancy va devenir un des principaux camps d'internement de Juifs en zone occupée en France[1], avec le camp de Royallieu à Compiègne (Oise), celui de Pithiviers (Loiret) et celui de Beaune-la-Rolande (Loiret).
Du 20 au , une grande rafle a lieu à Paris[3]. Cette rafle est d'abord menée, le , dans le 11e arrondissement (Rafle du ), puis étendue, le 21, aux 10e, 18e, 19e et 20e arrondissements[3]. Le 22, s'ajoutent les 3e, 4e et 12e arrondissements et le 23, les 1er, 5e, 6e, 9e, 13e, et 17e[3]. Elle continue le . Lors de cette rafle, la police française collaborant avec la Feldgendarmerie allemande, arrête tous les Juifs — hommes exclusivement — français et étrangers de 18 à 50 ans[3]. 4 232 personnes (sur les 5 784 personnes que prévoyaient les listes) sont arrêtées et emprisonnées à Drancy[3], dans la cité de la Muette devenue camp d'internement de Juifs. Elle est désormais identifiée sous le nom de « camp de Drancy ».
Le camp est d'abord un lieu d'internement, dans des conditions délibérément durcies, la sous-alimentation entraîne rapidement la dysenterie, une partie des gendarmes français brutalisent les internés et multiplient les sanctions arbitraires et humiliations (tontes des cheveux, amendes…)[4], etc.
En , 750 à 800 internés malades sont libérés. Cette libération se fait pendant l'absence de plusieurs semaines de Theodor Dannecker (chef de la Gestapo et SD à Paris) : « […] profitant de l'absence de Dannecker, les médecins de la préfecture purent obtenir des autorités allemandes la libération de 750 Juifs en quelques jours »[5]. « […] le principe de la libération d'autres grands malades était acquis et 150 sur 300 prévus en profitèrent jusqu'au 12 novembre »[6]. Au total 1 200 internés déficients sont ainsi libérés[6]. Jusqu'en , le camp sert de réservoir d'otages de représailles, où des personnes sont prélevées pour être fusillées avec d'autres, en représailles contre les attentats anti-nazis. Les prisonniers sont affamés (une douzaine d'internés sont morts de faim entre août et )[7].
À partir de 1942 et du tournant de l'Allemagne nazie vers la Solution finale, Drancy passe du statut de camp d'internement à celui de camp de transit, et constitue la dernière étape avant la déportation vers les camps d'extermination[1].
Ainsi, le , des détenus juifs sont déportés à Auschwitz : il s'agit du premier convoi de déportation entre Drancy et Auschwitz[8]. Lors de la grande rafle du Vel d'hiv', commencée le , la police française arrête près de 13 000 personnes[3]. Les couples sans enfants et les célibataires sont amenés à Drancy.
Rose Berkowicz, juive et résistante, arrêtée par la Brigade spéciale 1, est internée à Drancy et y meurt le , jour de sa déportation pour le camp d'extermination de Sobibor[9]. Max Jacob, poète, romancier et peintre français, arrêté du fait de ses origines ashkénazes, six mois avant la Libération de Paris, est interné par la gendarmerie française dans ce camp. il y meurt le , trente heures avant sa déportation programmée pour Auschwitz. Après leur arrestation par la Gestapo le , les enfants d'Izieu sont aussi envoyés à Drancy avant d'être déportés et assassinés à Auschwitz.
Au total, de 1942 à 1944, une soixantaine de convois français de déportés juifs sont partis de Drancy, d'où son surnom d'« antichambre de la mort ». Sur 76 000 hommes, femmes et enfants juifs déportés de France, 63 000 le sont à partir de Drancy[1]. Moins de 2 000 des déportés de Drancy sont revenus. Par ailleurs, entre le et le , 132 Juifs internés au camp de Drancy y sont morts (y compris 5 morts en gares du Bourget et de Bobigny, dont les corps ont été ramenés au camp avant le départ des convois de déportation pour Auschwitz), dont 12 de suicide et 117 de maladie, notamment de cachexie causée par la malnutrition et/ou de pathologies antérieures à l'internement non soignées et aggravées par les conditions de détention[10].
Le , à l'issue d'une réunion entre représentants des autorités d'occupation — Theodor Dannecker — et des autorités françaises, le camp est placé sous la responsabilité du préfet de police. Ce dernier a sous ses ordres la gendarmerie et les services du ravitaillement de la préfecture de la Seine. Le chef de camp est un commissaire de police. En réalité, le camp est « sous l'autorité directe des Allemands qui prononcent les internements et les libérations, et règlent par des instructions précises son régime intérieur », indique en une note de l'inspecteur général de la Santé et de l'Assistance Eugène Aujaleu.
Pendant ses trois années d'existence, le camp de Drancy est sous les directions successives de Theodor Dannecker jusqu'en , Heinz Röthke jusqu'en et Alois Brunner à partir de . Tous trois étaient des SS.
Theodor Dannecker « était un psychopathe violent […]. C'est lui qui avait ordonné d'affamer les internés, de leur interdire de circuler dans le camp, de fumer, de jouer aux cartes, etc. », indique Maurice Rajsfus dans son livre sur Drancy. Heinz Röthke (ou Roethke parfois en graphie française) a été moins présent dans le camp, mais c'est sous sa direction, d' à , que près des deux tiers de l'effectif total déporté du camp, environ 40 000 Juifs, sont envoyés à Auschwitz. Le troisième chef du camp est Alois Brunner, formé par Adolf Eichmann à l'Office central pour l'émigration juive à Vienne. Abraham Drucker, médecin chef du camp, interné à Drancy durant une très longue période, dit de lui : « Ce Brunner était chargé de la répression contre les Juifs en France, et aurait acquis une certaine notoriété par ses méthodes machiavéliques et brutales en Europe centrale (Salonique – Autriche) »[11].
Le camp de Drancy est gardé par des gendarmes français, installés dans les « gratte-ciels » derrière le bâtiment en U où sont internés les prisonniers, même si son fonctionnement est sous le contrôle du Service des affaires juives de la Gestapo.
Jusqu'au , le camp fonctionne ainsi comme lieu principal de rassemblement et de déportation. Ce jour-là, le consul de Suède Raoul Nordling, muni d'un document émanant de l'État-major du général von Choltitz, entre dans le camp de Drancy avec des représentants de la Croix-Rouge[12]. Parmi eux, l'assistante sociale Annette Monod est chargée de prendre la direction du camp et d'administrer la libération des détenus qu'il faut munir de papiers d'identité provisoire et de tickets de rationnement. Le capitaine SS Brunner, commandant du camp, prend la fuite.
Le lendemain, , et le surlendemain , 1 467 prisonniers sont libérés. Le souvenir de cette date est maintenu notamment au travers de plusieurs noms de voies et places en France.
Les 42 convois de déportation de Drancy partis du au sont partis de la gare du Bourget-Drancy (réseau Nord). Les 21 convois de déportation de Drancy partis du au sont partis de la gare de Bobigny (Grande Ceinture). Selon le décompte de Serge Klarsfeld et des FFDJF (Fils et filles des déportés juifs de France), 40 450 déportés sont partis de la gare du Bourget-Drancy et 22 450 de la gare de Bobigny.
58 de ces convois sont partis vers Auschwitz-Birkenau, deux vers Majdanek, deux pour Sobibór et un pour Kaunas et Tallinn. 47 convois transportaient mille personnes, 9 plus de mille (dont 3 transportant 1 500 personnes) et 7 moins de mille, dont le dernier. Ce dernier convoi, le — une semaine avant la libération de Paris —, permit à Alois Brunner et ses SS de fuir, en emmenant avec eux 51 déportés, dont Marcel Bloch, industriel connu après-guerre sous le nom de Marcel Dassault.
Jusqu'en , ces convois étaient escortés de militaires allemands et de gendarmes français. Par la suite, des policiers sont venus spécialement d'Allemagne.
Le camp de Drancy comprenait plusieurs annexes parisiennes[13] :
Maurice Rajsfus, auteur de l'ouvrage Drancy un camp de concentration très ordinaire, y ajoute :
Le camp est utilisé durant l'Épuration comme lieu d'internement pour collaboration, dirigé par les FTP. Sacha Guitry[15] et Mary Marquet[16], accusés de collaboration, y sont détenus et décrivent dans leurs livres leurs conditions de vie. Marie Laurencin, Arletty, et d'autres prisonniers célèbres du monde des arts et des lettres et de la politique y sont incarcérés[1].
Les bâtiments deviennent ensuite des habitations bon marché, revenant à leur destination initiale[1]. Ils sont aujourd'hui toujours un grand ensemble d'habitation.
À la Libération, des rescapés de Drancy portent plainte contre les gendarmes complices des Nazis. Une instruction pour intelligence avec l'ennemi est ouverte contre 15 gendarmes, dont 10 sont renvoyés devant la cour de justice de la Seine, inculpés d'atteinte à la sûreté extérieure de l'État. Tous sont laissés en liberté avant le procès, et trois prennent la fuite. Les sept autres plaident l'obéissance aux ordres reçus, malgré de nombreux témoignages de brutalité par des rescapés[17].
Le , la Cour de justice rend son arrêt : si tous les gendarmes sont reconnus coupables d'actes de nature à nuire à la Défense nationale, la Cour considère cependant qu'ils se sont réhabilités par « des actes de participation active, efficace et soutenue à la Résistance contre l'ennemi ». Seuls deux sont condamnés à de la prison ferme — deux ans — et à l'Indignité nationale pour cinq ans. Ils sont graciés et relevés de l'indignité nationale au bout d'un an[17].
En 1976, après un concours international, un mémorial est construit à Drancy par Shelomo Selinger, à côté du Wagon-Témoin, en bordure du quartier de la Muette[1]. Il se compose de trois blocs sur une petite butte pavée, formant la lettre hébraïque « Shin », traditionnellement gravée sur la Mezouzah à la porte des maisons juives. Les deux blocs latéraux représentent les portails de la mort. Shelomo Selinger décrit ainsi son œuvre : « Le bloc central est composé de dix personnages, ce nombre étant nécessaire pour la prière collective (Minian). […] Deux lettres hébraïques « Lamed » et « Vav » sont formées par la coiffe, le bras et la barbe des deux personnages, en haut de la sculpture. Ces deux lettres ont la valeur numérique 36, selon le nombre de « Justes » grâce auxquels le monde subsiste (selon la tradition juive). »
En 1989, l'association du Conservatoire historique du camp de Drancy (CHCD) est créée[1]. Le [18] : un arrêté de classement architectural de la cité de la Muette sur la liste des monuments et des sites protégés est signé par Catherine Tasca, ministre de la Culture. Ce classement est étendu au tunnel des déportés s'étendant sous l'ancien camp d'internement par arrêté du [18]. En 2009, des graffiti sur carreaux de plâtre sont découverts lors de travaux de rénovation[19]. Donnés en 2012 par l'Office public de l'habitat de Seine-Saint-Denis, ces carreaux sont conservés aux Archives nationales (site de Pierrefitte-sur-Seine) dans la sous-série AE/VIs[20].
Serge Klarsfeld le soulignait en 2004 :
« Drancy est le lieu le plus connu dans le monde entier de la mémoire de la Shoah en France : dans la crypte de Yad Vashem à Jérusalem où sont gravés dans la pierre les lieux les plus notoires de concentration et d'extermination des Juifs, Drancy est le seul lieu de mémoire français à figurer[21]. »
Le , le wagon-témoin et le Mémorial sont peints de svastikas. Cette action est condamnée par Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur[22],[23].
Pour compléter le mémorial de la Shoah de la rue Geoffroy-l'Asnier dans le 4e arrondissement de Paris, il a été fait appel aux architectes suisses Diener et Diener pour concevoir un nouveau lieu d’histoire et d’éducation présentant le passé du camp d’internement[24]. Celui-ci a été inauguré le , par François Hollande, alors président de la République française[25].
Les immeubles de la Muette sont devenus des logements sociaux. La plupart des 500 habitants, en , ignorent l'histoire des lieux[26].
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