Le but est alors double: offrir des débouchés aux jeunes artistes et faire découvrir l'impressionnisme et ses prolongements à un public populaire.
Le choix de l'automne comme saison de présentation est stratégique à plus d'un titre: il permet aux artistes de présenter les petits formats réalisés en extérieur au cours de l'été —en se plaçant ainsi à la pointe de l'actualité artistique— et de se démarquer des deux autres grands salons —celui de la Société nationale des beaux-arts et celui des artistes français— qui ont lieu au printemps.
Le Salon d'Automne se singularise par sa pluridisciplinarité en présentant des peintures, sculptures, photographies (à partir de 1904), dessins, gravures, œuvres d'arts appliqués… et par la clarté de son agencement, plus ou moins par école. Les peintres étrangers y sont particulièrement représentés.
De nombreuses disciplines sont venues s'ajouter. À ce jour, le Salon d'Automne compte une vingtaine de sections (entre autres: Art digital, Art singulier, Livres d'artistes, Art naïf, Pop Art…).
Premiers Salons
Avant-gardiste, le Salon d'Automne a lancé deux grands courants de l'art moderne: le fauvisme en 1905 et le cubisme en 1911. Au salon de 1912, František Kupka présente pour la première fois au public des toiles abstraites non figuratives (Amorpha, fugue à deux couleurs, Prague, Narodni Galerie, et Amorpha, chromatique chaude, Malá Strana, musée Kampa).
De la création du Salon à la Première Guerre mondiale
1903: L'inauguration du premier Salon d’Automne a lieu le à 18h. Cette heure tardive du vernissage est rendue possible grâce à l'électricité[a 1]. Au total, 998 œuvres sont exposées et près de 10 000 invitations sont envoyées dans tout Paris. La première exposition s’étend du au .
1904: Le , l'inauguration de la deuxième édition du Salon d’Automne est réalisée par le président de la République Émile Loubet. Près de 2 074 œuvres sont exposées dans cette première édition au Grand-Palais[b 1].
1905: Le Salon d'Automne de 1905 a un très grand retentissement. La salle VII du salon exposent notamment Henri Matisse, Henri Manguin, André Derain, Maurice de Vlaminck et Albert Marque. Les peintres proposent des toiles aux couleurs vives, pures, disposées en larges aplats. Ces peintures contrastent avec les deux bustes traditionnels de Marque placés au centre de la salle. Louis Vauxcelles écrit le dans la rubrique artistique du Gil Blas: «La candeur de ces bustes surprend au milieu de l'orgie de tons purs: c'est Donatello chez les fauves»[2]. Dès lors, le mouvement prend le nom de fauvisme. Cette édition marque également le début de la répartition des artistes dans le catalogue par ordre alphabétique quelle que soit leur catégorie.
1906: exposition sur l'art russe.
1907: grande rétrospective sur Cézanne avec 50 de ses plus grands tableaux.
1909: Le Salon voit apparaître la tendance cubiste. Léger, Metzinger et quelques futuristes italiens y exposent.
1910: Cette édition voit la presque totale disparition des impressionnistes. 18 salles de l'exposition présentent les arts décoratifs allemands: les «Munichois»[a 2].
1912: Le salon de 1912 est au centre de deux débats, Jacques Villon démissionne du comité. Certains trouvent qu'il y a trop d'artistes étrangers, d'autres critiquent les oeuvres cubistes. Marcel Sembat vient à la rescousse des artistes et du salon: "Mon cher ami, quand un tableau vous semble mauvais, vous avez un incontestable droit: celui de ne pas le regarder, d'aller en voir d'autres; mais vous n'appelez pas les gendarmes!"[3]. Cette édition accueille 7 des têtes primitivistes de Modigliani ainsi que l'artiste Giorgio De Chirico.
1913: Le salon cède sa place au Salon de l'Automobile au Grand Palais pour ne s'ouvrir qu'à la mi-novembre. L’huile sur toile Tableau, peinte en 1913 par Kees van Dongen, est exposée cette année-là et fait scandale pour atteinte aux bonnes mœurs[b 2] à tel point que le secrétaire des Beaux-Arts appelle la police. Le Salon influence à l’international notamment à Moscou, Berlin, ou encore à New-York où a lieu l’Armory Show.
1914: Le est annoncée la Première Guerre mondiale, et le Grand Palais devient un hôpital de guerre. Les expositions sont suspendues pendant les années de conflit, mais des bulletins artistiques sont publiés régulièrement et des conférences sont organisées.
L’Entre-deux-guerres
1919: Le a lieu la réouverture du Salon d’Automne. Dès lors, le salon renoue avec sa réputation scandaleuse d’avant-guerre. Francis Picabia lance en France le mouvement dada avec Tristan Tzara. Ses tableaux mécaniques sont accrochés au pire endroit par le jury: sous l’escalier du Grand Palais. Cette édition voit également l'exposition d’œuvres d’artistes morts pour la patrie tels que le compositeur Albéric Magnard[c 1].
1920: Le salon voit enfin la participation de Georges Braque acceptée. L'artiste expose alors régulièrement au salon entre 1920 et 1946. La rétrospective de cette édition est consacrée à Auguste Renoir. La Salon reçoit également cette année-là un décret signé du président de la République, «énonçant que la Société du Salon d'Automne est reconnue comme établissement d'utilité publique»[c 2].
1921: L’œuvre de Picabia L'Œil cacodylate provoque un nouveau scandale auprès du jury. Cependant, membre de la Société du Salon d'Automne, Picabia est assuré de pouvoir exposer[c 3].
1922: cette année voit la création d'une nouvelle section consacrée à l'art religieux. Conçue par George Desvallières, la section est défendue par le peintre nabis Maurice Denis. La politique des grandes rétrospectives d'artistes est relancée. L'édition met en avant de grands noms de l’artisanat et du design moderne français: Pierre Chareau, Jean Lurçat, René Lalique…
1926: La première apparition de meubles métalliques tubulaires au Salon a lieu en 1926. L’exposition de meubles en aluminium de Djo-Bourgeois et René Herbst provoquent un nouveau conflit. Pierre Chareau présente également sur son stand un ensemble de mobilier destiné au Grand hôtel de Tours en fer martelé. Le métal rendu volontairement visible frappe les esprits[b 3].
1930: à la suite du krach boursier de 1929, des problèmes économiques amènent le Salon à réduire la surface d’exposition.
1934: Le Salon présente les intérieurs des cabines de luxe des grands paquebots de Robert Mallet-Stevens et Jean Prouvé. L'exposition est également consacrée aux artistes juifs fuyant le gouvernement nazi en Allemagne.
1935: Frantz Jourdain, président fondateur du Salon d'Automne, meurt. Une exposition de ses artistes préférés lui est consacrée parmi lesquels se trouvent Cézanne, Gauguin, Renoir, Pompon, ainsi que des portraits de sa femme réalisés par Pierre Bonnard. Georges Desvallière devient le nouveau président de l’association.
1937: Le Salon d’Automne a lieu sur l’esplanade des Invalides en raison de l’Exposition universelle.
1939: En septembre est annoncé le début de la Seconde Guerre mondiale, le Salon est alors annulé.
1940-1943: Malgré l’occupation allemande dès , les organisateurs décident de continuer à faire vivre le Salon. Quatre expositions sont organisées entre 1940 et 1943 au Palais de Chaillot. Certains membres reconnus du Salon d'Automne (Derain, Vlaminck[b 4]) sont suspectés d'avoir eu des relations trop étroites avec le régime du maréchal Pétain et l'occupant allemand. Ces membres avaient acceptés un voyage culturel organisé en Allemagne par le sculpteur Arno Breker, promu par le régime nazi, en 1941.
1943: Georges Braque a droit à la plus importante exposition qu’un artiste vivant ait eu pendant la guerre. Il y expose six peintures et neuf sculptures.
1944: L'exposition de 1944 est l'une des plus célèbres du Salon d'Automne. Elle prend le nom de «Salon de la Libération». Ce fut la plus grande exposition publique en France de Pablo Picasso. Guernica y est exposée ainsi que 74 autres peintures et cinq sculptures des années de guerre. Cette exposition prend place au Palais de Tokyo. Matisse, le grand rival de Picasso, n'expose pas en 1944, mais Picasso lui rend un discret hommage en exposant parmi ses œuvres une monumentale nature morte fauve de Matisse. Il y a aussi des artistes du groupe surréaliste: Miro, Magritte, Ernst, Tanguy et Chaïm Soutine. Une section rend hommage à 22 artistes juifs disparus dans les camps de concentration nazis.
1945: le Salon est désigné comme «Salon de la Paix» alors que le climat au sein des sociétaires est tendu. En effet, la pression des idéologies politiques sur la vie artistique constitue un obstacle à leur cohésion. Cette édition fête Henri Matisse en lui dédiant une rétrospective, plus minimaliste que celle réalisée pour Picasso en 1944. La rétrospective de Matisse expose des œuvres de toutes les périodes de sa vie. Au total, 43 œuvres prennent place sur les cimaises dont Le luxe I, Greta Prozor, La Lecture et Le Rideau jaune.
De 1946 à nos jours
Après la Seconde Guerre mondiale, les nouveaux salons d'art, les foires commerciales, les galeries d'art contemporain se développent considérablement et commencent à remettre en cause la prééminence des vieux salons en tant que principales vitrines du monde de l'art.
1952: Le Salon d'Automne confirme l'importance grandissante du mouvement Nouveau réalisme qui préconise le retour à la réalité objective et au sujet. Ce mouvement est lancé dès 1948 avec la création du groupe «l'Homme Témoin». Cette même année, André Fougeron lance réellement ce mouvement au Salon d'Automne avec Mes Parisiennes[4]. En 1952, trois salles du Grand Palais sont réservées au Nouveau réalisme et attirent l'attention de la critique. Lors du Salon de 1952 a lieu une importante rétrospective consacrée au pionnier du fauviste Louis Valtat. Ce dernier récemment disparu exposait au Salon d'Automne sans relâche depuis 1904.
1953: L'exposition de 1953 marque les 50 ans du Salon d'Automne. Pour l'occasion, 200 œuvres réalisées entre 1903 et 1953 par les plus prestigieux exposants sont présentées. La salle «1903» réunit 37 artistes parmi les premiers artistes audacieux qui avaient exposés dans le sous-sol du Petit Palais, notamment Léger, Chagall, Matisse, Braque et Dufy. Le reste du Salon expose les tout débuts du siècle et l'École de Paris de l'Entre-deux-guerres en passant de Renoir à Picasso. L'exposition rétrospective de cette année est un hommage à l'artiste mort récemment: Kisling[b 5].
Le Salon d'Automne a su s'adapter à l'accélération des évolutions et à la variété de la scène artistique parisienne de l'après-guerre en perpétuant ses traditions de rétrospective historique et d'exposition internationale. De plus, la création du musée d'Art moderne (MAM) en 1947, du musée national d'Art moderne - Centre Pompidou en 1977, et de la foire internationale d'art contemporain (FIAC) en 1974, a contribué à la canonisation de certains artistes modernes, souvent au détriment d'une grande partie de la création contemporaine. Le Salon d'Automne continue de défendre dans ses éditions la variété des styles et des artistes.
1967: Le Salon de 1967 rend hommage à Jean Lurçat, peintre qui s'illustra notamment comme décorateur de théâtre et dans la création de cartons de tapisserie.
1969: L'édition de 1969 est baignée dans l'actualité. Les œuvres de Roger Somville abordent la guerre du Viêt Nam. Cet engagement mêlant art et militantisme se fait de plus en plus rare sur la scène artistique contemporaine[b 6].
1977: En 1977, le Salon d'Automne organise une édition «fête du cinéma». Le Septième art est représenté au Salon pour la première fois grâce à Frantz Jourdain et Canudo. La rétrospective met à l'honneur van Gogh.
1979: L'édition de 1979 remet à l'honneur les artistes fauves des débuts du Salon d'Automne.
1986: le président Édouard Georges Mac-Avoy organise une exposition rétrospective Peintres Témoins de leur Temps et présente les affiches du Salon réalisées entre 1951 et 1982[b 7].
Un Salon tourné vers le monde
Dès l’origine, en recevant de très nombreux artistes étrangers, le Salon d’Automne est tourné vers l’extérieur. En 1946, le nouveau président Pierre-Paul Montagnac a comme volonté de créer une coopération culturelle entre la France et l'Autriche, deux pays que la guerre a opposés, 250 sociétaires exposent à Vienne. Une telle exposition de groupe à l'étranger (plus de 500 envois) a un caractère inédit.
Aujourd’hui encore, de nombreuses expositions ont lieu à l’étranger, afin de toujours mettre en avant le caractère international du Salon d’Automne. On en compte notamment au Japon, Chine, Chypre, Espagne, Israël, Allemagne, Pologne)[5].
La photographie au Salon d'Automne
1904: La photographie fait ses débuts au Salon d'Automne en 1904 lorsque Paul Cézanne présente trois cadres contenant chacun neuf tirages. Douze artistes exposent à ce Salon dans cette nouvelle section.
Pendant l'Entre-deux-guerres, peu de photographes exposent au Salon. La photographie est alors perçue plutôt comme un support illustratif qu'un art à part entière. Il faut attendre 1977 pour voir réapparaître la photographie au Salon avec 14 exposants. La section photographie du Salon s'officialise en 1979 avec Lucien Clergue comme président de section[6].
En 1980, le Grand Prix du reportage photographique de Paris Match se déroule au sein même du Salon d'Automne et est remis par le Premier Ministre Jacques Chirac[6]. En 1983, Roger Corbeau présente une éblouissante suite de portraits. Cette édition accueille des exposants de grande notoriété, tels que Pierre Jahan ou Peter Knapp. En 1987, David Hamilton expose 100 tirages de natures mortes. Cette participation accroît grandement la renommée de la section Photographie[6].
1995: le Salon est uniquement consacré à la photographie et à la sculpture. Yann Arthus-Bertrand a présenté en avant-première un choix de photographies grand format issu de son travail aérien La Terre vue du ciel.
Le cinéma au Salon d'Automne
Dès 1911, l'écrivain Ricciotto Canudo parle de la naissance d'un 6eart, qu'il rebaptisera le 7e art: le cinéma[d 1]. C'est à la suite de la rencontre entre Canudo et Frantz Jourdain que le Salon d'Automne accueille pour la première fois le cinéma en 1921, se plaçant ainsi en pionnier. Lors de cette exposition, les visiteurs peuvent assister à des conférences, des causeries des auditions musicales et des projections de fragments de films français et étrangers.
1923: L'édition de 1923 présente des fragments des meilleurs productions cinématographiques de l'année, choisis avec soin par Canudo qui meurt malheureusement dix jours avant l'ouverture du Salon[d 2].
1931: L'édition de 1931 marque la fin du cinéma au Salon d'Automne. Cela est dû à la crise économique que traverse l'Europe et à l'arrivée du cinéma parlant en France. L'augmentation des coûts de production des films met fin au cinéma d'avant-garde français.
1942: Malgré la période sombre, le Salon d'Automne de 1942 voit le retour du cinéma. Consacrée aux courts-métrages, l'édition présente essentiellement des dessins-animés et des documentaires.
Après l'édition de 1962, le cinéma réapparaît occasionnellement au Salon, en 1965 et 1981[d 2]. Cette disparition s'explique par le développement des cinémas, des ciné-clubs et par l'émergence de la Cinémathèque française. Le cinéma n'est plus à la recherche d'occasions de reconnaissance. Il est alors exposé dans des lieux qui lui sont exclusivement consacrés.
Noël Coret (dir.) et Susan Day, L'art en effervescence: 100 ans de Salon d'Automne 1903-2003, t.2, Paris, Castadiva, éditions d'art, , 159p. (ISBN2-915163-04-9)
Noël Coret (dir.) et Jean-Pierre Zénobel, L'art en effervescence: 100 ans de Salon d'Automne, t.2, Paris, Castadiva, éditions d'art, (ISBN2-915163-04-9), p.157
Additif au catalogue, deux gravures: Sables II (n°1160) et TRoncs (n°1161).
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Frantz Jourdain et Robert Rey, Le Salon d'automne, Paris, L'Art et la Vie, 1926.
Noël Coret (dir.), Susan Day, Isabelle Vazelle, Pascale Blondel, Simon Texier, Philippe Cathé et Jean-Pierre Zénobel, L'art en effervescence: 100 ans de Salon d'Automne, t.1, 2 et 3, Paris, Casta Diva, (ISBN2-915163-02-2) (coffret de trois tomes)
Pierre Sanchez (préf. Olivier Meslay), Dictionnaire du Salon d’automne (1903-1945): répertoire des exposants et liste des œuvres présentées, 3 vol., Dijon, L'Échelle de Jacob, 2006.
Le Salon d'Automne à travers ses affiches de 1903 à nos jours (Répertoire des artistes exposants), 2019, Paris, Éditions Lelivredart (ISBN978-2-35532-334-8)