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embranchement basal des métazoaires De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Éponges, Spongiaires
Règne | Animalia |
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Les éponges ou spongiaires (Porifera) sont des animaux formant l'embranchement basal frère des eumétazoaires. Elles sont définies comme des métazoaires sessiles à l'âge adulte. Elles possèdent un système aquifère permettant la circulation (unidirectionnelle) de l'eau. Il est composé de chambres choanocytaires reliées entre elles et au milieu extérieur par des pores inhalants (ostium) et un pore exhalant (oscule). Ces chambres sont tapissées de choanocytes, qui sont des cellules flagellées caractéristiques des éponges. Les éponges possèdent deux couches de cellules : le pinacoderme qui se situe à l'extérieur et le choanoderme qui se situe à l'intérieur. Entre ces deux couches, des cellules mobiles se déplacent dans la mésohyle, matrice extracellulaire composée de collagène. Elles ne possèdent pas de véritable système nerveux, de système excrétoire ou de muscles.
Dans l'histoire de la biologie, elles ont longtemps été considérées comme des végétaux. L'aire de répartition des éponges est très large, car elles ont colonisé les eaux marines, douces et saumâtres, de faibles profondeurs jusqu'à plus de 5 000 m de fond, sous tous les climats. Elles comptent parmi les tout premiers animaux coloniaux (déjà abondantes au Cryogénien)[1], ayant une importante action dans la filtration de l'eau.
Les éponges sont exploitées par l'homme pour leur capacité à absorber les liquides. C'est le squelette des démosponges qui est utilisé comme objet pour l'hygiène, en chirurgie, pour le tannage des cuirs et la céramique. On a récemment montré qu'elles abritent une diversité exceptionnelle d'endosymbiotes microbiens ou microalgaux[2],[3].
Les termes éponge et spongiaires proviennent tous les deux du latin spongia, signifiant éponge.
Le mot Porifera vient du grec ancien πόρος / póros, « passage, voie, pore », et φέρω / phérô, « porter »[4], et du latin porus, « petit trou, pore », et ferre, « porter ».
Littéralement, le terme Porifera veut dire : « qui porte des pores ».
Les caractéristiques propres (synapomorphies) des Porifères sont les suivantes :
Les éponges sont des animaux généralement fixés au substrat. Elles peuvent avoir un port rampant (forme encroûtante) ou dressé (en coupe, en amphore, en boule ou ramifiée). Chez les espèces ramifiées, les rameaux peuvent être disposés en touffe (formation de ramification dans tous les plans de l'espace) ou sur un seul plan (forme en éventail, ex. Janthella). Les rameaux peuvent rester isolés, ou s'anastomoser (ex. : chez Clathrina).
Les éponges sont généralement colorées, mais certaines sont blanches ou grisâtres. La coloration peut être due à des pigments, mais aussi à des sels métalliques (de fer par exemple), voire à des algues ou des bactéries symbiotiques[5].
Les éponges forment l'organisation la plus simple. Ce sont des colonies de cellules peu différenciées, sans agencement fixe. Elles ne possèdent ni appareil génital, ni appareil respiratoire, ni appareil excréteur. Le système nerveux est très primitif et diffus[6],[7]. Elles ne possèdent ni bouche, ni anus, ni d'ailleurs aucun organe différencié. En cela, elles sont homéomères, c'est-à-dire faites de parties qui ne sont pas différentes entre elles (contrairement, par exemple, aux poissons, dont les organes diffèrent entre eux).
La fonctionnalité essentielle acquise par les éponges est simple : c'est la capacité qu'ont leurs cellules de se spécialiser et de vivre en société. La capacité pour des cellules de se différencier suivant leur position dans un groupe est déjà observable chez les protozoaires, mais les éponges systématisent cette organisation, et la rendent permanente.
Les différents groupes d'éponges au sens strict se caractérisent par la nature du squelette interstitiel (spicules) que ces colonies utilisent pour acquérir une structure plus rigide : calcaire, chitine ou silice. L'avantage sélectif d'une structure rigide est dans la protection qu'elle apporte (elle est plus difficile à brouter pour un prédateur) mais aussi, pour les espèces à port dressé, de se maintenir au-dessus des particules sédimentaires des fonds marins, susceptibles d'encombrer les ostia. Ce squelette minéral interne[8], qui apporte à l'animal une certaine fermeté, est cependant généralement souple et permet à l'éponge de s'adapter aux contraintes de l'environnement. Chez les éponges de verre, il est rigide et persiste après la mort de l'éponge ce qui explique leur capacité de construction biorécifale.
La texture de leur surface dépend de la présence ou non de spicules sur l'animal. Une surface lisse correspond à l'absence de spicules dans la couche périphérique de l'éponge (ectoderme). Un aspect « hirsute » (hispide) est généralement dû à la présence de spicules en surface, faisant saillie. Ces spicules peuvent être dressés de façon aléatoire, ou selon une organisation qui confère à la surface un aspect géométrique ou régulier[5].
La consistance des éponges, leur dureté et leur résistance mécanique dépendent de la nature du squelette interne (nature, densité et disposition des spicules), mais aussi de la teneur de l'éponge en collagène ou en spongine : par exemple, seules les éponges possédant de la spongine sont élastiques. De plus, certaines éponges sont visqueuses ou collantes du fait de la production de sécrétions diverses par des cellules spécialisées[5].
Les dimensions des éponges sont très variables. Les éponges calcaires sont généralement de petite taille, dépassant rarement 5 cm, tandis que les démosponges ont des dimensions centimétriques à métriques, et les éponges siliceuses décimétriques à métriques. Plusieurs cas d'éponges massives — Monorhaphis chuni, Monorhaphididae — sont connus atteignant des largeurs de 3 m environ[9]. Le record de taille serait une éponge massive appartenant probablement à la famille des Rossellidae et à la sous-famille Lanuginellinae. Ce spécimen était long de plus de 3,5 m ; haut d'environ 2 m et mesurant environ 1,5 m de large, soit un volume plus important que ceux de toutes les autres éponges massives décrites jusqu'alors. Il a été découvert par hasard en 2 015 à 2 117 m de profondeur au large des côtes de Hawaï par un ROV affrété par la NOAA. Évaluer l'âge d'une éponge est difficile, mais il a été estimé pour d'autres éponges massives que certaines pourraient avoir plusieurs milliers d'années (plus de 2 300 ans selon McMurray et al.[10] en 2008)[11],[12],[13]. Le record précédent était détenu par une colonie d'éponge de l'espèce Aphrocallistes vastus (trouvée à moins de 25 m de profondeur à l'ouest du Canada, qui formait une structure de 3,4 m de large et 1,1 m de hauteur décrite par Austin et al.[14] en 2007)[11].
Les éponges ne présentent généralement pas d'élément de symétrie, mais il y peut apparaître chez certaines espèces une symétrie axiale.
Les numéros de la figure ci-contre correspondent aux structures suivantes :
Le choanoderme, constitué de choanocytes apparaît en rouge. |
L'évolution a fait en sorte qu'il est possible de reconnaître trois formes corporelles chez les porifères.
Les éponges sont constituées de deux couches de cellules :
Ces deux couches cellulaires sont séparées par une couche sans réelle structure, semblable à de la gelée, la mésohyle, qui contient différents types de cellules :
La grande majorité des éponges sont suspensivores et consomment principalement des bactéries, des débris organiques et des algues unicellulaires. Une éponge d'un volume de 10 cm3 peut filtrer 22 litres d'eau par jour[6]. Certaines espèces pourraient même filtrer 10 000 à 20 000 fois leur volume d'eau en une seule journée[17]. Seules les particules de diamètre inférieur à 50 µm seront aspirées. Celles dont le diamètre varie entre 1 et 50 µm seront phagocytées par des amibocytes, celles dont le diamètre est inférieur à 1 µm seront phagocytées par des choanocytes.
1 : l'eau, chargée de particules en suspension, entre par les pores inhalants.
2 : les grosses particules sont phagocytées par les amibocytes.
3 et 6 : les particules organiques subissent une digestion intracellulaire dans les vacuoles digestives des amibocytes.
4 : les particules inorganiques (par exemple les grains de sable) sont expulsées vers le pore exhalant.
5 : les petites particules parviennent jusqu'à la corbeille vibratile, où elles sont phagocytées par les choanocytes, puis transférées à des amibocytes.
Toutefois, des éponges carnivores ont été découvertes, comme Asbestopluma hypogea ou certaines espèces des genres Cladorhiza et Chondrocladia, qui capturent de petits crustacés grâce à leurs spicules agissant comme des crochets sur la carapace de ses proies[18],[19].
Les éponges sont capables de se régénérer, même si elles sont écrasées, râpées et tamisées afin de dissocier complètement les cellules (expérience de Wilson, Galstoff et Fauré-Frémiet) : les cellules sont capables de se ré-associer spontanément pour former de nouveaux individus.
Ces capacités sont utilisées pour multiplier les éponges de toilette par une méthode appelée bouturage (qui diffère du bouturage chez les végétaux) : les individus de bonne taille et de bonne qualité sont coupés en morceaux (en général en 4 ou 8), puis taillés en forme sphérique ; chaque morceau redonnera un individu entier en reprenant sa croissance.
Elles peuvent aussi subir une déshydratation importante (être hors de l'eau) pendant plusieurs années et revivre une fois replongées dans leur biotope naturel. Elles possèdent aussi une forme de résistance et d'attente appelée gemmule. En revanche, elles sont généralement très sténohalines (elles ne supportent pas les variations de salinité).
Les éponges résistent globalement bien aux variations d'acidité (à part les éponges calcaires), et pourraient être les grandes gagnantes du réchauffement climatique et de l'acidification des océans : on observe déjà dans de nombreux récifs de corail un remplacement progressif des coraux par des éponges, notamment aux Caraïbes[20].
Selon des études récentes, les éponges peuvent atteindre des âges très avancés, surtout celles vivant dans les océans froids et qui ont une croissance très lente. Cette étude estime l'âge des Cinachyra antarctica (Démosponges) de grandes tailles à environ 1 550 ans (entre 1 050 et 2 300 ans), et celles des plus grandes Scolymastra joubini (Hexactinellides de la famille des Rossellidae) à au moins 13 000 ans (âge minimum donné par la modélisation) et au plus 15 000 ans (âge au-delà duquel la zone de vie des spécimens étudiés était exondée)[21],[22],[23]. Cela ferait de ces éponges parmi les plus vieux êtres vivants au monde.
Les éponges peuvent être gonochoriques (cas général chez les éponges calcaires) ou hermaphrodites (cas général chez les éponges siliceuses). Les gamètes (spermatozoïdes et ovules) proviennent de la différenciation de certains amibocytes[6]. Selon d'autres auteurs, ils proviendraient d'amibocytes ou de choanocytes dédifférenciés[24].
Si, dans ce groupe, la spermatogenèse est classique, l'ovogenèse présente des particularités. Lorsque les ovocytes I sont formés, chacun s'associe à deux choanocytes dédifférenciés qui seront annexés par l'ovocyte.
Autre particularité, les éponges présentent une fécondation indirecte : les spermatozoïdes, expulsés par un individu et ayant pénétré dans une autre éponge, seront capturés par des choanocytes différenciés. Ces derniers se dédifférencient en archéocytes, deviennent alors mobiles, pénètrent dans la mésoglée où se trouvent les ovules, et y transportent les spermatozoïdes.
Les éponges sont le plus souvent vivipares : après la fécondation, l’œuf se développe dans la mésoglée puis devient une larve nageuse (larve amphiblastula chez la plupart des espèces, ou parenchymula chez certaines éponges siliceuses), recouverte de flagelles, qui est libérée dans le milieu extérieur. La faible proportion de larves qui réussissent à survivre vont se fixer sur un support et se métamorphoser en éponge adulte[6].
Les éponges peuvent également se reproduire de façon asexuée. Des fragments détachés peuvent reformer une éponge entière (voir le paragraphe « Régénération »). Elles peuvent aussi produire des bourgeonnements de cellules indifférenciées, protégées par une coque solide, l'ensemble étant appelé gemmule (sauf chez certaines Hexactinellides, où ces « bourgeons » possèdent des cellules déjà différenciées et sont appelées sorites). Les gemmules (ou sorites) sont généralement libérées à la mort de l'individu et, si les conditions sont favorables, s'ouvriront et donneront de nouveaux individus[6].
La plupart sont marines, mais il existe une cinquantaine d’espèces d'éponges d'eaux douces, toutes de la famille des Spongillidae. Par exemple, la spongille Spongilla lacustris vit fixée sur les cailloux, des branches immergées ou des végétaux aquatiques, en eau douce.
Leur répartition couvre tous les océans du globe et mers attenantes.
Les éponges calcaires sont plus courantes dans les eaux tempérées, alors que les démosponges sont généralement présentes dans les eaux plus chaudes. Ces deux groupes se rencontrent le plus souvent dans les eaux peu profondes, mais certaines démosponges vivent plutôt, de même que les hexactinellides, dans les zones bathyales et abyssales, où elles s'ancrent au sédiment meuble grâce à des spicules spécialisés. Les espèces de démosponges vivant dans les eaux plus froides contiennent beaucoup moins de spongine, qui peut alors se réduire à de simples plaques basales ou juste enrober les spicules siliceux[5].
Les éponges sont, sauf exceptions, sessiles, c'est-à-dire des animaux sédentaires qui vivent sur un support. Ce dernier peut être de nature variée : roche dure, sédiment meuble, coquilles, carapaces de crustacé décapode, polypiers, etc.
Elles sont particulièrement bien représentées dans les zones littorales où la nourriture est abondante, entre 6 et 20 mètres de profondeur, mais certaines espèces peuvent vivre jusqu'à 8 600 m de profondeur[25].
Les éponges peuvent servir d’abris à de multiples animaux dits commensaux qui profitent des apports en nourriture que leur fournit l'éponge hôte, comme des crevettes avec les espèces du genre Euplectella, ou les larves de certains insectes Névroptères qui s'abritent dans certains Spongillidae, ou certaines espèces de Cnidaires du genre Parazoanthus, qui s'installent sur des éponges pour profiter du courant d'eau permanent généré par ces dernières[26]. Il peut aussi exister des associations de type mutualisme, comme Suberites domuncula, qui peut se fixer sur la coquille abritant un bernard l'ermite: ce dernier se trouve ainsi protégé par l'éponge immangeable, qui, elle, profite des débris alimentaires et reliefs de repas du crustacé. Certaines éponges peuvent s'associer à des algues unicellulaires (comme Spongilla lacustris avec des chlorelles), sans que cette association prenne un caractère obligatoire[24]. La plupart des éponges marines s'associent à des bactéries (principalement des genres Pseudomonas et Aeromonas) ; chez certaines (ordre des Verongida), la masse bactérienne peut atteindre 40 % de la masse corporelle de l'éponge. Les éponges sont aussi les seuls animaux connus à vivre en symbiose avec des cyanobactéries[27]. Wilkinson (1983) a démontré que six des dix espèces d'éponges les plus communes de la grande barrière de corail sont, grâce à leurs symbiotes photosynthétiques, davantage producteurs primaires que consommateurs, et qu'elles dégagent trois fois plus de dioxygène grâce à cette photosynthèse qu'elles n'en consomment par respiration[28].
Il existe d’autre part des éponges parasites dont certaines espèces capables de dissoudre très efficacement la roche calcaire, ou la coquille de certains coquillages. C'est le cas par exemple de Cliona celata qui se fixe sur des coquilles d’huîtres et peut les transpercer.
Certaines éponges sont connues pour être très toxiques pour certains organismes marins. C'est le cas notamment des Aaptos aaptos, Chondrilla nucula, Tethya actinia, Spheciospongia vesparium et Suberites domuncula[29]. De plus, les spicules qui forment le squelette de certaines éponges les protègent d'un grand nombre de prédateurs, du fait du caractère nocif des fines aiguilles de calcaire ou de silice pour la muqueuse intestinale. Les tortues imbriquées sont les seuls tétrapodes à être spongivores[29]. La patelle, le bigorneau, certaines étoiles de mer, certains poissons et les Dorididae sont régulièrement spongivores. Une espèce d'éponge littorale de la mer des Antilles, Fibula nolitangere provoque par contact de dangereuses inflammations, d'où son nom scientifique[24] (fibula est l'épingle en latin, et nolitangere signifie ne touchez pas).
D'autres substances permettant de se défendre contre des prédateurs ou micro-organismes parasites ont été découvertes. Ces substances présentent un intérêt pharmacologique : la spongopurine possède des propriétés antivirales[réf. nécessaire], la theonelladine A ∼ D (une pyridine) présente des propriétés antitumorales[30]. D’autres molécules possèdent des propriétés antibiotiques[31].
Certaines éponges ont participé à des bioconstructions dans l'histoire de la Terre : constructions à archéocyathidés du Cambrien, rôle prépondérant des stromatopores dans les zones les plus turbulentes des récifs siluro-dévoniens, biohermes (récifs bioconstruits) à spongiaires de l'Oxfordien… À l'inverse, certaines éponges, comme les espèces du genre Cliona, ont un rôle dans le cycle biogéochimique du calcium dans les océans en décomposant les roches ou les coquilles calcaires.
La masse de sédiments produite à partir de cette bioérosion par les éponges perforantes est considérable.
Certaines éponges marines et leurs associations symbiotiques jouent un rôle particulier à l'égard du phosphore[32] dont en séquestrant le phosphore sous forme de polyphosphate[33].
Les récifs de coraux, qui abritent la moitié de la biodiversité marine mondiale, sont gravement impactés par le réchauffement climatique et l'acidification des océans. Or, il s'avère que les éponges sont relativement indifférentes à ces deux phénomènes, et tolèrent également de plus hauts niveaux de pollution que le corail : ainsi, comme cela se voit déjà dans certaines régions des Caraïbes, il n'est pas impossible que le XXIe siècle voit le remplacement progressif des récifs de corail par des récifs d'éponges, ce qui devrait cependant donner lieu à des écosystèmes extrêmement différents[20].
Les spongiaires sont un groupe très ancien, très abondant dans les sédiments paléontologiques, formant l'embranchement basal des métazoaires et le groupe frère des eumétazoaires[34].
Ce n'est qu'en 1765 que les éponges, jusqu'alors considérées comme des végétaux, sont reconnues comme étant des animaux[24]. Dans les années 1970, des fossiles anciens ont permis d'attribuer aux spongiaires divers groupes autrefois considérés comme des cnidaires. Au début des années 2000, avec le développement de la systématique moléculaire, il a été possible de vérifier les hypothèses concernant l'homologie morphologique et les hypothèses évolutives qui en découlent. Un fragment de l'ARNr 28S de plusieurs espèces d'Astrophorida a été séquencé. Celles qui ont été examinées présentaient de nombreuses particularités morphologiques et certains de ces caractères ont pu être réévalués d'après les données moléculaires. Les résultats sur l'ordre des Astrophorida sont en contradiction avec la classification historique. La classification risque d'en être bouleversée[35].
Des études de phylogénies moléculaires ont récemment montré que les homoscleromorphes ne sont pas des démosponges et forment donc une Classe d'éponges bien à part[36].
Les spongiaires ou éponges représentent environ 9000 espèces réparties dans différents ensembles :
Leurs noms scientifiques en classification classique sont, selon World Register of Marine Species (1er mars 2016)[37] :
Les plus anciens fossiles d'éponge connus ont longtemps été ceux de la faune de Burgess, datant du Cambrien (genre Vauxia). Des études ont montré qu'il s'agissait de démosponges, éponges évoluées, ce qui prêtait à penser que ce groupe existait en fait depuis beaucoup plus longtemps[38]. En 1996, Gehling and Rigby identifièrent et décrivirent une éponge, Paleophragmodictya, de la faune d'Ediacara en Australie, datant de la fin du Précambrien (Édiacarien). Les spécimens révélaient un réseau de spicules ressemblant à celui existant dans les hexactinellides[39].
Les éponges du Paléozoïque et du Mésozoïque participaient activement à la construction de massifs récifaux sous-marins, et vivaient dans des eaux marines peu profondes[40]. Les récifs d'éponge du groupe des Hexactinellidés ont d'abord été identifiés dans les couches du Trias moyen pour atteindre leur plein développement au Jurassique tardif avec un récif discontinu de 7 000 km s'étendant dans les bassins adjacents nordiques de la Téthys et de l'océan Atlantique Nord[41]. Cette chaîne de récifs d'éponge est la plus grande biostructure connue à avoir jamais existé sur Terre[41]. Au Jurassique, pour de raisons inconnues les hexactinellides ont quasiment disparu des eaux peu profondes pour coloniser des profondeurs qui sont, sauf exception, d'au moins 200 m.
La structure histologique fondamentale des éponges n'est pas perceptible à l'état fossile, et la détermination de l'espèce doit se faire par l'étude microstructurale, ce qui oblige à connaître l'ensemble des éponges existantes lors du processus de biominéralisation. Les spicules, dans certaines roches, sont si abondants qu'ils peuvent en constituer l'élément principal. C'est le cas des gaizes et spongolites.
Depuis 2014 quelques communautés récifales de grandes tailles composées d'Hexactinellida, Aphrocallistes vastus (Heterochone calyx appartenant à un groupe animal parmi les plus anciens de la planète) ont été découverts, d’abord près de l’île Anvil (la troisième plus grande des îles de Howe Sound, en Colombie-Britannique) puis à proximité en mer des Salish (Colombie-Britannique) à l’aide d’un sonar et d’une caméra télécommandée. Par chance, ces communautés vivent à une profondeur permettant d’envoyer facilement un engin habité (alors que ces animaux filtreurs vivent habituellement entre 500 et 3 000 m. Ces assemblages de plus de 10 000 ans abritent des Sebastes et des crevettes. Les spécialistes pensaient que ce type de récifs avait disparu depuis le Jurassique[41]. Ils sont explorés avec l’aide d’un petit sous-marin habité par l’Aquarium de Vancouver et la Marine Life Sanctuary Society (ONG de biologistes marins et de science citoyenne». Discovery Channel a pu utiliser le sous-marin de l’expédition pour filmer ces éponges en direct. C’est la première fois que ces écosystèmes sont observés. Ce site a été baptisé « Clayton Bioherm ». Une étude de 2021 rapporte la découverte de fossiles d'éponges vieux de 890 Ma[42].
Les spongiaires européens sont restés longtemps méconnus des naturalistes.
En 1751, l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert décrit ainsi ces animaux, encore très mystérieux à l'époque :
« EPONGE, s. f. spongia, (Hist. nat.) substance légère, molle & très poreuse, qui s’imbibe d’une grande quantité d’eau à proportion de son volume. On avait mis l’éponge au rang des zoophytes ; on a crû aussi que c’était une plante, jusqu’à ce que M. Peyssonel, médecin de Marseille, ait découvert que l’éponge était formée par des insectes de mer, de même que beaucoup d’autres prétendues plantes marines[43]. »
En 1900 encore, le Dr. Ernest Rousseau écrivait[44] que le littoral belge était « fort pauvres en Spongiaires », mais qu'« il a suffi de quelques dragages effectués par M. E. Van Beneden il y a peu d'années pour lui permettre de trouver trente-trois espèces de Spongiaires (Topsent, Arch. Biol., XVI, 1900) alors que le nombre des espèces connues jusqu'alors était très restreint (trois dans les travaux de P. J. Van Beneden, quatre dans la Faune de Belgique, par Lameere). À en juger par les listes données par Topsent (Spongiaires du Pas-de-Calais [Rev. biol. du nord de la France, VII, 1894]), Maitland (Prodiome de la faune des Pays-Bas et de la Belgique flamande), Lameere [Faune de Belgique), etc., ainsi qu'une liste des Spongiaires de Hollande obligeamment communiquée par M. Vosmaer, on arrive à un total d'environ quatre-vingts espèces qui se rencontreront probablement chez nous. ».
Les éponges fournissent de nombreux services écosystémiques.
Espèces ingénieurs, elles ont la capacité, en s'installant, de créer des micro-habitats riches en nutriments qui hébergent une diversité faunistique importantes. L'enfouissement de leurs squelettes joue un rôle majeur dans le cycle géochimique de la silice océanique[46]. Leur capacité de filtration (jusqu’à 10 000 litres d'eau en une journée[47]) en fait des bons candidats comme agents de bioremédiation[48],[49]. Ce pouvoir de filtrage en fait également des candidats à être l'échantillonneur d'e-ADN (ou ADN environnemental) le plus simple et le plus efficace de l'océan, constituant un outil de « vidéosurveillance sous-marine »[50]. Organismes fixés, ils ont développé des armes chimiques pour se défendre contre les prédateurs, ces substances étant utilisées pour fabriquer des médicaments ou des produits répulsifs en écologie[51].
Les spongiaires sont utilisés depuis plusieurs millénaires[n 1] comme éponges avec une importante activité de pêche remontant à l'Antiquité dans les îles grecques du Dodécanèse et notamment à Kalymnos, l'« île des pêcheurs d'éponges ».
L’éponge commercialisée n’est en fait que le squelette d’une démosponge (Spongia par exemple) qui provient des mers tempérées chaudes. Ce squelette est constitué d'un réseau de fibres entremêlées composées d'une matière organique, la spongine.
La spongine est une scléroprotéine iodée qui a comme particularité d'absorber l'eau et, ce faisant, de gonfler, acquérant douceur et élasticité. Elle est capable d'absorber d'autres liquides, même non aqueux.
Les espèces les plus couramment utilisées comme éponges naturelles sont celles du genre Spongia, mais d'autres espèces d'origines différentes peuvent aussi être utilisées, comme celles du genre Hippospongia[52],[6].
La pêche sous-marine de l'éponge était effectuée à mains nues et en apnée depuis l'antiquité. À partir de 1860, elle commence à être réalisée en Grèce en scaphandre à casque, généralement relié à la surface par un narguilé. À partir des années 1950, les éponges sont récoltées en scaphandre autonome.
Cette pêche se pratique essentiellement en Méditerranée, mais aussi en mer Rouge, le long des côtes d'Amérique centrale et en Australie. Une fois remontées, les éponges sont lavées à grande eau et pressées pour débarrasser le squelette de spongine de toutes les parties vivantes. Puis elles subissent de nouveaux lavages, notamment dans des solutions chlorées afin de les blanchir[52].
Selon la mythologie grecque, le dieu Glaucos aurait été, à l'époque où il était encore mortel, le premier pêcheur d'éponges et aurait même créé un véritable centre de pêche à l'éponge en mer Égée[52].
Dans l'Antiquité, outre l'utilisation pour la toilette, l'usage des éponges était multiple :
L'aquaculture des éponges est en plein développement dans de nombreux pays tropicaux (notamment la Micronésie et Zanzibar), avec pour débouchés le marché des cosmétiques naturels et l'industrie pharmaceutique (qui exploite certaines molécules rares produites par certaines éponges). C'est une culture très rentable car peu coûteuse, très productive, et avec un impact environnemental nul voire positif, puisqu'il s'agit d'animaux filtreurs capables de dépolluer les eaux malsaines[54].
Les éponges à spicules siliceux ont elles aussi été utilisées dans l'histoire humaine. Les jeunes filles russes, par exemple, se frottaient autrefois les joues pour les rougir avec une poudre constituée de spicules siliceux d'éponge broyés. Les Indiens d'Amérique du Sud mêlaient des fragments d'éponge à l'argile utilisée pour fabriquer leurs poteries, pour rendre le matériau plus résistant et plus compact[24].
Les éponges sont de nos jours aussi utilisées en chirurgie, pour le tannage des cuirs, la céramique et dans le cas des éponges les plus fines, en bijouterie et en lithographie[52]. Elles sont parfois utilisées comme protection hygiénique[55] (éponges menstruelles) ou comme éponges contraceptives, méthode de contraception locale en association avec une substance spermicide[56],[57].
Elles sont enfin une source de bio inspiration (biomimétique), par exemple pour produire de la « biosilice » (voie de silicification n'ayant pas recours à des températures élevées ni à des pH extrêmes comme c'est le cas aujourd'hui dans l'industrie. En conditions physiologiques des organismes comme le plancton siliceux ou les éponges siliceuses savent en effet biosynthétiser des structures siliceuses très pures et parfois extrêmement complexes dans les nanodimensions. Cette voie peut notamment intéresser l'optoélectronique et l'ingénierie du tissu osseux. Ceci nécessite de maitriser des phases de nucléation, de croissance contrôlée, ainsi qu'une précipitation à l'état d'équilibre[58].
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