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famille d'insectes De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Formicidae, Formicoidea · Formicidés
Les fourmis sont des insectes hyménoptères du sous-ordre des Apocrites, qui constituent la famille des Formicidés (Formicidae).
Ce sont des animaux eusociaux qui forment des colonies appelées fourmilières, comportant de quelques dizaines d'individus à plusieurs millions et parfois extrêmement complexes. Certaines espèces forment des supercolonies de plusieurs centaines de millions d'individus. Les sociétés de fourmis ont une division du travail (polyéthisme d'âge et de caste), une communication entre individus et une capacité à résoudre des problèmes complexes. Ces analogies avec les sociétés humaines ont depuis longtemps été une source d'inspiration et le sujet d'études scientifiques.
Plus de 16 600 espèces[a] de fourmis sont reconnues en 2023[3],[4] mais il en reste probablement des milliers à découvrir[b]. Les fourmis ont une répartition cosmopolite (elles ont colonisé toutes les régions terrestres à l'exception du Groenland et de l'Antarctique) et atteignent une particulière densité dans les milieux tropicaux et néotropicaux[6]. Bien que les fourmis représentent moins d'un pour cent des espèces d'insectes, leur population estimée à un milliard de milliards d'individus est telle que la masse de la myrmécofaune[c] excède le poids de l'humanité et représente 10 à 15 % de la biomasse animale dans beaucoup d'habitats[8], cette masse conjuguée à celle des termites représentant le tiers de la biomasse animale de la forêt amazonienne[9].
Le succès évolutif des fourmis est en grande partie dû à leur organisation sociale, à leur plasticité génétique associée à la présence de nombreux éléments mobiles dans le génome, et à leur opportunisme alimentaire[10].
Le substantif féminin « fourmi » est issu, par l'intermédiaire du latin vulgaire formicus, du latin classique formica, de même sens[11],[12], mot résultant probablement d'une dissimilation de °mormi-, attesté par le grec murmêx (d'où les vocables myrmécologie, myrmécophilie), lui-même apparenté à plusieurs formes indoeuropéennes basées sur la racine °morwi-[13].
Les fourmis se distinguent morphologiquement des autres hyménoptères aculéates principalement par des antennes ayant un coude marqué (l'article basal, très long et flexible, favorise les attouchements antennaires très fréquents), deux mandibules dirigées vers l'avant (et non sous la tête), deux glandes métapleurales sur la partie postérieure du tronc, et un étranglement du deuxième segment abdominal (le pétiole) et parfois aussi du troisième (le postpétiole), ce qui forme le pédicelle[14]. Cet étranglement donne à l'abdomen une plus grande mobilité par rapport au reste du corps. À l’exception des individus reproducteurs dotés de quatre ailes, la plupart des fourmis sont aptères. Beaucoup d'espèces de fourmis possèdent un aiguillon, souvent réduit, et qui peut être absent chez les mâles[15].
Ces insectes ont des organes spécifiques en relation étroite avec leur comportement élaboré : jabot social dans lequel les ouvrières récolteuses stockent des liquides, le plus souvent sucrés, et les régurgitent à des ouvrières nourrices qui à leur tour les transfèrent bouche-à-bouche aux larves et à la reine (mode de transfert appelé trophallaxie)[16] ; filtre à particule (soies) au niveau du pharynx qui permet de n'absorber que la nourriture liquide, les particules solides étant stockées dans une poche infrabuccale et régulièrement vidangées[17].
Les plus de 12 000[18] espèces actuelles connues de fourmis (on en estime le nombre total à plus de 20 000, voire 30 000 à 40 000 selon le myrmécologue Laurent Keller[19], plusieurs centaines de nouvelles espèces étant décrites chaque année[20]) varient en taille de 0,75 à 52 mm[21]. La plus grande espèce connue est le fossile Titanomyrma gigantea, la reine atteignant six cm de long et quinze cm d'envergure[22]. La plus grande ouvrière est Dinoponera quadriceps (trois cm de long). Cushman et al. notent une variation de la diversité spécifique et de la taille des fourmis européennes selon un gradient latitudinal[23].
La plupart des sociétés de fourmis comportent une reine et des ouvrières, et pendant de courtes périodes des individus ailés (mâles et futures reines), qui diffèrent morphologiquement. Chez certaines espèces les ouvrières comportent diverses sous-castes à la fonction différente, mais qui diffèrent aussi par leur morphologie. Ce polymorphisme se manifeste notamment par la taille générale et par la forme de la tête et des mandibules.
La taille du génome de 40 espèces de fourmis indique qu'il est relativement petit par rapport aux autres insectes. Elle n'est pas liée à la taille de l'espèce correspondante[24].
Le séquençage complet du génome de deux premières espèces de fourmis, Pegnathos saltator et Camponotus floridanus (en), a été réalisé en 2010. Ils comportent respectivement 17 064 et 18 564 gènes[d], dont 20 % sont uniques et 33 % partagés avec l'être humain[25].
La différence dans un seul gène de Solenopsis invicta décide si la colonie a une reine simple ou des reines multiples[26].
Les fourmis se développent par métamorphose complète, en passant par trois stades successifs: œuf, larve, nymphe puis le stade adulte final dit parfait ou imago, un type de développement nommé holométabole. L'œuf est minuscule et généralement blanc écru. La larve qui en sort est privée de pattes et est particulièrement dépendante des adultes. Elle fait l'objet de soins particuliers en termes de nourrissement à intervalles réguliers avec de la bouillie protéinée et de nettoyages par léchage. Elle est de plus régulièrement retournée et déplacée afin de respecter ses besoins en hygrométrie et température. Trois à cinq stades larvaires se succèdent et sont les seuls stades où l'animal grandit. S'ensuit la formation de la nymphe qui se passe soit dans un cocon tissé de soie par la larve chez les Formicinae soit nue comme chez les Myrmicinae. Durant cette métamorphose, la nymphe immobile prend l'aspect d'un adulte recroquevillé sur lui-même. Au début blanche, elle se pigmente petit à petit jusqu'à sa dernière mue nommée mue imaginale[27]. Durant ce stade, elle produit un méconium des nymphes qui, s'il n'est pas éliminé, développe des infections fongiques et cause sa mort[28].
Les différences morphologiques majeures entre les reines et les ouvrières, et entre les différentes castes d’ouvrières quand celles-ci existent, sont principalement induites par le régime alimentaire au stade larvaire. Quant au sexe des individus, il est génétiquement déterminé : si l’œuf est fécondé, l’individu est alors diploïde et l’œuf donnera une femelle (ouvrière ou reine) ; s’il ne l’est pas, l’individu est haploïde et forme un mâle[29].
Une nouvelle ouvrière passe les premiers jours de sa vie adulte à s’occuper de la reine et des jeunes. Ensuite, elle participe à la construction et au maintien du nid, puis à son approvisionnement et à sa défense. Ces changements sont assez brusques et définissent des castes temporelles[20]. C’est-à-dire que les ouvrières se regroupent selon l’activité commune qu’elles auront à un stade de leur vie.
Chez certaines fourmis, il existe également des castes physiques. Selon leur taille, les ouvrières sont dites mineures, moyennes ou majeures, ces dernières participant plutôt à l’approvisionnement. Souvent les fourmis les plus grandes paraissent disproportionnées : tête plus grande et mandibules plus fortes. Chez quelques espèces, les ouvrières moyennes ont disparu, et il existe une grande différence physique entre les plus petites et les plus grandes. Ce polymorphisme est progressif mais rien ne distingue morphologiquement les petites des grandes. D'autres appelées parfois soldats, bien que leur rôle défensif ne soit pas nécessairement prépondérant possèdent une morphologie adaptée à leur fonction.
Environ un pour cent des espèces de fourmis recensées dans le monde sont des fourmis sans reine[30]. Elles vivent au sein de colonies très réduites dans lesquelles certaines ouvrières se reproduisent. Chez certaines espèces, le privilège de la reproduction est le fruit d’une organisation hiérarchique, où la gamergate, individu aux organes reproducteur développés, occupe une place centrale. Son privilège reproductif pourra être remis en cause par des rivales au cours de joutes phéromonales et d’agressions ritualisées[31].
Chez d'autres espèces, tous ou une partie des individus peuvent se reproduire par parthénogenèse thélytoque[32]. On peut citer notamment :
Le record de longévité pour une fourmi est détenu par une reine de la fourmi noire des jardins, Lasius niger, qui vécut vingt-huit ans et huit mois dans un laboratoire[33].
Les mâles (caractérisés par leur petite tête et de gros ocelles) ont une vie très brève et, ne sachant pas s'alimenter seuls, meurent dès qu'ils se sont reproduits. La fourmi ouvrière vit entre trois semaines et un an. La reine, elle, peut vivre beaucoup plus longtemps, plusieurs années (jusqu'à quinze ans pour la reine des fourmis rousses Formica rufa)[34].
Les œufs sont pondus par une ou parfois plusieurs reines (les espèces de fourmis possédant une seule reine sont appelées « monogynes » et celles possédant plusieurs reines sont dites polygynes). Certaines espèces peuvent tolérer, lorsque la colonie est importante, plusieurs reines tellement éloignées qu’elles ne se rencontrent jamais (on parle alors d’espèce oligogyne). La plupart des individus grandissent pour devenir des femelles aptères et stériles appelées « ouvrières ». Périodiquement, des essaims de nouvelles princesses et de mâles, généralement pourvus d’ailes, quittent la colonie pour se reproduire. C'est le vol nuptial qui a lieu, grâce à des facteurs climatiques, de façon synchrone avec l'envol des mâles, pour tous les nids d'une même espèce et d'une même région, durant quelques heures. Après l'accouplement, les mâles meurent ensuite rapidement (mais leur éjaculat survit plusieurs années dans la spermathèque des princesses), tandis que les reines survivantes, fécondées, perdent leurs ailes (souvent elles se les arrachent elles-mêmes), s'enfoncent généralement dans le sol et commencent à pondre, pour établir de nouvelles colonies ou, parfois, retournent dans leur fourmilière natale[35].
La densité de nids varie fortement selon l’espèce et l’environnement, étant notamment liée à la disponibilité en nourriture. La taille des colonies varie d'un extrême à l'autre. La plus petite colonie compte quatre individus avec une reine dans le nid[20].
Formica yessensis, une espèce de fourmi des bois, a construit une supercolonie de 45 000 nids sur 1 250 ha à Hokkaidō (Japon), abritant plus d’un million de reines et 306 millions d’ouvrières[36].
Une division du travail sur le plan de la reproduction, appelée polyéthisme de caste, se manifeste par une caste de reproducteurs (reines et mâles) et une caste « stérile » travailleuse (ouvrières).
Le polyéthisme de caste se retrouve au sein même des ouvrières dont des sous-castes morphologiques se spécialisent dans la réalisation de fonctions différentes. Le polyéthisme d'âge se traduit par le fait qu'un même individu passe par différentes formes de spécialisation au cours de son existence dans la société (soins au couvain, puis activités domestiques à l'intérieur du nid, puis garde à l'entrée du nid, et enfin fourrageage (recherche de nourriture)[37].
Les fourmis possèdent un comportement que l’on retrouve chez les termites, les abeilles et chez d'autres insectes sociaux consistant à rassembler un grand nombre d’individus afin de créer une colonie fonctionnelle et rapide.
Toutes sortes de comportements sont observés chez les fourmis, le nomadisme en est l’un des plus remarquables. Les fourmis légionnaires d’Amérique du Sud et d’Afrique, par exemple, ne forment pas de nid permanent. Elles alternent plutôt entre des étapes de vie nomade et des étapes où les ouvrières forment un nid provisoire, le bivouac (en), à partir de leurs propres corps. Certaines espèces de fourmis légionnaires et de fourmis de feu forment même des ponts et des radeaux vivants pour franchir des cours d'eau ou s'autoassemblent en structures émergentes étanches (sphère, dôme ou radeau, les fourmis alternant leurs positions respectives dans ces structures) pour survivre à des inondations[38].
La plupart des fourmis forment des colonies stationnaires, creusant généralement dans le sol. Les colonies se reproduisent par des vols nuptiaux comme décrit plus haut, ou par fission (un groupe d’ouvrières creuse simplement un nouveau trou et élève de nouvelles reines). Les membres de différentes colonies se reconnaissent entre eux grâce à leur odeur.
Quelques cas de développement de nouvelles colonies par des mécanismes particuliers :
La communication entre les fourmis se fait surtout au moyen de produits chimiques volatils appelés phéromones. Trente-neuf glandes les émettant ont été répertoriées[46]. Les phéromones sont parfois excrétées dans une substance lipophile qui recouvre naturellement tout le corps de la fourmi. Comme d’autres insectes, les fourmis captent ces composés odorants avec leurs antennes. Celles-ci sont assez mobiles, ayant — comme mentionné plus haut — une articulation coudée après un premier segment allongé (le scape), leur permettant d’identifier aussi bien la direction que l’intensité des odeurs.
L’utilisation principale des phéromones réside dans la définition et le repérage de « pistes » olfactives destinées à guider les fourmis vers des sources de nourriture (voir ci-dessous). Les phéromones sont aussi mélangées avec la nourriture échangée par trophallaxie, informant chacune sur la santé et la nutrition de ses congénères. Les fourmis peuvent aussi détecter à quel groupe de travail (par exemple la recherche de nourriture ou la maintenance de nid) l’une ou l’autre appartient. De manière analogue, une fourmi écrasée ou attaquée produira une phéromone d’alerte dont la concentration élevée provoque une frénésie agressive chez les congénères à proximité ou dont une concentration plus faible suffit à les attirer. Dans certains cas, les phéromones peuvent être utilisées pour tromper les ennemis, ou même pour influencer le développement des individus.
Certaines fourmis émettent des sons, on parle alors de stridulation. Ces sons permettent par exemple d’attirer d’autres ouvrières pour porter une proie trop lourde pour un individu isolé.
Certaines espèces utilisent aussi la communication visuelle. Chez Tetraponera par exemple, lorsque les larves ont un besoin en nourriture, elles remuent simplement la tête afin qu'une ouvrière intervienne pour leur fournir de la nourriture liquide de bouche à bouche. Chez les fourmis tisserandes, lorsqu’une ouvrière se lance dans la construction d’un nouveau nid, elle commence par agripper une feuille pour la courber. Elle sera immédiatement rejointe par son entourage qui aura aperçu la scène et qui l’aidera dans sa tâche. C’est ainsi qu’elles pourront rejoindre les bords de deux feuilles pour les tisser entre elles.
La majorité des fourmis pratiquent la trophallaxie, un processus alimentaire au cours duquel une fourmi régurgite une partie de la nourriture qu’elle a ingérée dans son jabot social pour la restituer à une autre fourmi.
L'entomologiste américain W. M. Wheeler propose en 1911 d'assimiler la colonie de fourmis à un superorganisme où 95 % d'individus stériles permettent aux 5 % de reproducteurs d'assurer une reproduction inégalée[47]. Le biologiste britannique de l’évolution W. D. Hamilton[48] et le sociobiologiste français Pierre Jaisson[49] introduisent l'hypothèse de super-société, Jaisson donnant l'exemple d'une Fourmi rousse des bois capable de constituer au Japon une fédération de 45 000 colonies interconnectées par 100 kilomètres de pistes et occupant 270 hectares[50]. Ces termes qui idéalisent les colonies et en font des modèles miniatures des sociétés humaines sont entachés d'une doctrine téléologique du « spectacle de la nature » rempli d'harmonie, et sont, comme les termes désignant des « castes » composées par des « reines », des « ouvrières » et des « soldats », empreints d'anthropomorphisme[51].
Les fourmis attaquent et se défendent de plusieurs manières : morsure grâce aux mandibules (chez les femelles de certaines espèces, ces appendices buccaux sont reliés à des glandes produisant des phéromones d'alarme et des composés toxiques proches de ceux du venin, infligeant des morsures parfois plus douloureuses que celles faites avec un aiguillon)[52] ; envenimation grâce à un appareil à venin (glande à poison produisant un venin habituellement formé d'un mélange très concentré d'enzymes protéolytiques en phase aqueuse ; glande de Dufour (en) qui produit une substance lipophile facilitant la pénétration du venin ; aiguillon, appelé aussi dard). L'aiguillon peut être vulnérant et provoquer une piqûre plus ou moins douloureuse selon les espèces. Il peut avoir une extrémité aplatie en spatule qui étale le poison au niveau des membranes intersegmentaires de la cuticule d'arthropodes[53]. Chez les Formicinés qui n'ont plus d'aiguillon venimeux, la glande à poison contient essentiellement de l'acide formique qui joue alors à la fois le rôle de phéromone d'alarme, de phéromone de piste et de composé toxique. Cet acide concentré est répandu sur les morsures qu'elles infligent à leur ennemi avec leurs mandibules, faisant fondre la chitine grâce à sa causticité (la concentration de cet acide peut atteindre 60 %)[54]. Les fourmis des bois adoptent une autre stratégie en projetant l'acide à plusieurs centimètres par compression de l'abdomen, ce qui a pour but d'alerter la colonie et de dissuader tout prédateur[53].
Les fourmis Camponotus cylindricus peuvent s'agripper à un ennemi puis faire exploser leur abdomen qui contient une substance collante[55],[56].
Chez la plupart des espèces, la colonie a une organisation sociale complexe et est capable d’accomplir des tâches difficiles (exploiter au mieux une source de nourriture, par exemple). Cette organisation apparaît grâce aux nombreuses interactions entre fourmis, et n’est pas dirigée — contrairement à une idée répandue — par la reine. On parle alors d’intelligence collective pour décrire la manière dont un comportement collectif complexe apparaît en faisant appel à des règles individuelles relativement simples.
Dans les colonies de fourmis, le « comportement global » n’est donc pas programmé chez les individus, et émerge de l’enchaînement d’un grand nombre d’interactions locales entre les individus et leur environnement.
Un exemple classique de comportement collectif auto-organisé est l’exploitation des pistes de phéromones. Une fourmi seule n’a pas l’intelligence nécessaire pour choisir le plus court chemin dans un environnement complexe. De fait, c’est la colonie dans son ensemble (ou du moins les individus impliqués dans la recherche de nourriture) qui va choisir ce chemin.
En 1980, Jean-Louis Deneubourg a pu vérifier expérimentalement qu’une colonie de fourmis (de l’espèce Lasius niger) disposant de deux chemins de longueurs différentes pour rallier une source de nourriture, choisissait plus souvent le chemin le plus court. Il décrit ainsi ce phénomène[57] :
« […] un « éclaireur », qui découvre par hasard une source de nourriture, rentre au nid en traçant une piste chimique. Cette piste stimule les ouvrières à sortir du nid et les guide jusqu’à la source de nourriture. Après s’y être alimentées, les fourmis ainsi recrutées rentrent au nid en renforçant à leur tour la piste chimique. Cette communication attire vers la source de nourriture une population de plus en plus nombreuse. Un individu qui découvre une source de nourriture y « attire » en quelques minutes n congénères (par exemple 5) ; chacun de ceux-ci y attirent à leur tour n congénères (25), et ainsi de suite. »
Si l’on considère plusieurs chemins pour se rendre sur le lieu d’approvisionnement, on comprend que les individus empruntant le plus court reviendront plus vite à la fourmilière que ceux qui auront pris le plus long. C’est ainsi que ce chemin comportera une trace olfactive de plus en plus forte par rapport aux autres et sera donc préféré par les fourmis
Certaines fourmis peuvent s’éloigner jusqu'à 200 m de leur nid[58], en laissant des pistes odorantes qui leur permettent de retrouver leur chemin même dans l'obscurité. Dans les régions chaudes et arides, ces mêmes fourmis qui affrontent la dessiccation doivent trouver le chemin de retour au nid le plus court possible[59]. Les fourmis diurnes du désert du genre Cataglyphis naviguent en gardant la trace de la direction ainsi que de la distance parcourue mesurée par un podomètre interne qui tient compte du nombre de pas effectués[60] et en évaluant le mouvement des objets dans leur champ visuel (flux optique). Les directions sont mesurées en utilisant la position du soleil (leur œil composé possède des cellules spécialisées capables de détecter la lumière polarisée du soleil[61]), de la lune, des étoiles[62] ou le champ magnétique terrestre[61].
En 2011, Antoine Wystrach soutient une thèse qui montre que les fourmis n'utilisent pas des repères visuels individuels, mais l'ensemble du panorama de leur champ visuel. Ceci leur permet d'avoir une orientation précise et exacte dans des environnements naturels[63],[64].
Écozone | Nombre d’espèces[14] |
---|---|
Néotropique | 2162 |
Néarctique | 580 |
Europe | 400 |
Afrique | 2500 |
Asie | 2080 |
Mélanésie | 275 |
Australie | 985 |
Polynésie | 42 |
Les fourmis se sont adaptées à presque tous les milieux terrestres et souterrains (on en a trouvé jusqu’au fond d’une grotte de 22 km de long en Asie du Sud-est)[réf. souhaitée], à l’exception des milieux aquatiques et des zones polaires et glaciaires permanentes.
Les fourmis représenteraient 1 à 2 % du nombre d’espèces d’insectes. Le nombre total de fourmis vivant à un instant donné est estimé à 1015-1016 (un à dix millions de milliards)[65],[66] et bien que chaque individu ne pèse que de 1 à 10 milligrammes, la masse cumulée de toutes les fourmis était estimée en 1990 à environ quatre fois celle de l’ensemble des vertébrés terrestres[67]. Une nouvelle estimation en 2000 a établi que leur biomasse est comparable à celle de l'humanité, ce qui représente 15 % à 20 % de la biomasse animale terrestre[68]. Environ 12 000 espèces de fourmis[69] étaient répertoriées en 2005 (dont 285 en France[70]), mais de nouvelles espèces sont régulièrement décrites, essentiellement en zone tropicale et dans la canopée. Seules 400 espèces sont connues en Europe[69], alors qu’on peut compter jusqu’à 40 espèces différentes sur un seul mètre carré de forêt tropicale en Malaisie (668 espèces comptées sur 4 hectares à Bornéo)[69] et 43 espèces sur un seul arbre de la forêt péruvienne amazonienne[69], soit presque autant que pour toute la Finlande ou pour les îles Britanniques[69]. Environ huit millions d’individus ont été comptés sur un hectare d’Amazonie brésilienne[69], soit trois à quatre fois la masse cumulée des mammifères, oiseaux, reptiles, et amphibiens vivant sur cette surface. Elles jouent un rôle majeur dans le recyclage des déchets et dans la formation et la structuration des sols. Plusieurs espèces vivent en symbiose avec des bactéries, des champignons, d'autres animaux (papillons ou pucerons par exemple) ou avec des plantes.
Lors des séances d'auto-toilettage, les fourmis sécrétent, au niveau des glandes métapleurales de nombreux composés aux propriétés insecticides, fongicides, bactéricides, virucides servant de défenses chimiques contre les agents pathogènes (notamment chez les fourmis champignonnistes pour protéger leurs œufs et leurs cultures des champignons). Elles produisent également une batterie de molécules qui ont d'autres fonctions documentées chez certaines espèces[74].Elles font partie des espèces pionnières et montrent des capacités étonnantes de terrassement, de colonisation et de résilience écologique[75].
Certaines fourmis semblent ne pas ressentir la chaleur. Ainsi dans la Pampa d'Argentine les gauchos mettent régulièrement le feu aux herbes sèches. Les fourmis Atta qui vivent au sol continuent à couper des feuilles jusqu'à brûler vives[réf. souhaitée].
Les Solenopsis invicta, aussi appelées fourmis de feu, forment un radeau en s'accrochant les unes aux autres lorsqu'elles sont confrontées à un risque de noyade. Cette technique leur permet de survivre dans la forêt amazonienne, lors des moussons, où les risques d’inondations et de noyade sont élevés[38] .
Les ouvrières de l’espèce Atta d’un seul nid peuvent mobiliser et répartir sur 100 mètres carrés jusqu’à 40 tonnes de terre. Certaines espèces jouent un rôle au moins aussi important que celui des lombrics en ce qui concerne les couches superficielles du sol ; ce sont de 400 à 800 kg de sol qui sont creusés, mobilisés, transportés, maçonnés pour construire un nid climatisé dans le désert, et 2,1 tonnes en Argentine par Camponotus punctulatus.
De nombreuses espèces décolmatent et acidifient le sol, rendant ainsi mobilisables des nutriments bien moins disponibles. Elles enfouissent de la matière organique et remontent en surface un sol fragmenté en petites particules propices à la croissance des graines.
Les fourmis contribuent à la fois à homogénéiser et aérer le sol, à l’enrichir en surface et en profondeur, tout en diversifiant les habitats en fonction de la proximité de la fourmilière.
Les fourmis jouent un rôle pédologique majeur en protégeant certains arbres de parasites. Ainsi, le merisier attire les fourmis grâce à ses nectaires – des glandes produisant du nectar – situées sur le pétiole de ses feuilles. La fourmi rousse des bois Formica polyctena consommerait 14 500 tonnes d’insectes par an, rien que dans les forêts alpines d’Italie, conservant des « îlots verts » autour de leurs nids lors des épisodes de défoliation. Elle est protégée par la loi dans plusieurs pays comme la Suisse et la Belgique, au même titre que les autres espèces de Formica, stricto sensu.
Certaines fourmis contribuent à disperser et à faire germer de nombreuses graines, près de 100 % des graines d’une euphorbe méditerranéenne sont transportées par 3 ou 4 espèces de fourmis qui consomment l’élaïosome charnu et gras de la graine en rejetant le reste, sans affecter sa capacité germinative[réf. nécessaire].
De nombreuses épiphytes dépendent des fourmis ou sont favorisées par leur présence[76]. Ces plantes produisent du nectar qui les attire et/ou un abri. En contrepartie, les fourmis fournissent une protection contre divers prédateurs et parfois jouent un rôle dans la dispersion des graines. Certaines espèces de Crematogaster[77],[78] ou de Camponotus végétalisent leurs nids et fabriquent des jardins suspendus en incorporant des graines d’épiphytes dans les parois de leurs nids faits de fibres ou pulpe de bois mâchées. Elles défendent activement leurs jardins dont elles tirent un nectar extrafloral, un abri supplémentaire et peut-être une protection microclimatique.
Seize espèces de fourmis pratiquent un mutualisme de pollinisation[79]. La plupart des autres, si elles fréquentent les fleurs pour y récolter du nectar[80], produisent via leur glande métapleurale des substances antibiotiques inhibant la croissance du tube pollinique[81] ou pratiquent une castration mécanique de la fleur (destruction des pousses florales, ablation d'une partie de la fleur qui sert de gîte aux colonies de fourmis)[82]. La myrmécochorie concerne quant à elle 3 000 espèces de plantes[83]. Certaines plantes tropicales pratiquent aussi le mutualisme de nutrition, appelé myrmécotrophie, ce qui désigne leur aptitude à absorber les nutriments prélevés dans les déchets stockés par les fourmis. Enfin, l'interaction la plus courante est le mutualisme de protection : en échange de nourriture par la plante, la fourmi la débarrasse de ses parasites et phytophages[84].
Certaines espèces causent cependant des dégâts à certaines plantes cultivées via l’élevage qu'elles font des pucerons et cochenilles.
Certaines espèces de fourmis tisserandes sont depuis longtemps introduites dans les cultures fruitières pour défendre les fruits d’attaques d’insectes. Des fourmis du genre Ectatomma à petits effectifs mais à nids nombreux (11 000 nids/ha comptabilisés dans les plantations de café ou cacao au Chiapas[réf. nécessaire] au Mexique mangeraient annuellement 16 millions de proies pour Ectatomma tuberculatum et 15 fois plus (260 millions) pour Ectatomma ruidum.[réf. nécessaire]. Solenopsis invicta défend la canne à sucre de certains parasites majeurs et Wasmannia auropunctata protège les cocotiers des punaises. En Europe, ces espèces sont toutefois considérées comme invasives.
Les fourmis jouent un rôle majeur en tant que nécrophages en se nourrissant de petits animaux morts. En nettoyant rapidement les cadavres, elles participent à empêcher la libération de nombreuses propagules de microbes pathogènes dans l’environnement.
On estime que 90 % au moins des cadavres d’insectes dans la nature finissent dans des fourmilières, avant d’être recyclés dans le sol.
Les fourmis se nettoient sans cesse et s’enduisent de molécules bactéricides, virucides et antifongiques. Les « nettoyeuses », fourmis chargées d’éliminer les cadavres du nid (reconnus par l’acide oléique gazeux qu'ils dégagent), les excréments et autres déchets, sont souvent des ouvrières en fin de vie ou des individus qui restent dans les endroits consacrés aux déchets (dépotoirs) et n’ont plus de contacts directs avec les autres fourmis, ce qui limite la propagation d'épidémies. Ces fossoyeuses sont en effet imprégnées d'acide oléique et se voient refuser l'accès au nid par les fourmis-soldats[85]. Certaines espèces s’enduisent de bactéries filamenteuses « amies » qui repoussent d’autres bactéries, pathogènes. Cependant, leurs élevages de pucerons peuvent induire l’infestation des plantes par des champignons, via le miellat ou les piqûres faites dans les feuilles.
L’industrie, en particulier l'industrie pharmaceutique, s’intéresse aux nombreuses substances synthétisées par les fourmis. Des fourmilières reconstituées et circulant dans des salles et couloirs de plastique sont quant à elles utilisées comme moyen pédagogique. La fourmi en tant qu’individu ou société intéresse également les cybernéticiens et les scientifiques qui travaillent sur l’auto-organisation.
La pollution, notamment celle provoquée par les pesticides, affecte de nombreuses espèces. Toutefois, c’est surtout l’introduction d’espèces de fourmis invasives et la destruction de leurs habitats (forêts, prairies, savanes et terres arbustives tempérées, savanes, bocage) qui sont les menaces principales pesant sur la diversité des fourmis.
Leurs prédateurs naturels sont nombreux (notamment amphibiens, reptiles, oiseaux, mammifères ou encore arthropodes). Certains animaux en sont des consommateurs spécialisés, comme le pangolin ou le tamanoir, et d'autres les consomment épisodiquement (par exemple le faisan ou l’ours brun en Europe, ou encore les chimpanzés, qui savent utiliser des brindilles pour aller les chercher dans leur nid, sans jamais mettre en péril les espèces[réf. nécessaire]).
Certaines mouches parasites pondent leurs œufs à l'intérieur de fourmis. Les larves se nourrissent et se développent à l'intérieur de leur hôte avant d'en émerger. Certaines espèces de mouches parasites de la famille des Phoridae ont notamment été introduites aux États-Unis dans une démarche de lutte biologique afin de lutter contre la prolifération de la fourmi de feu.
Les fourmis arboricoles se déplaçant le long des branches ou sur les feuilles dans la canopée de la forêt sont sujettes à être balayées par le vent, la pluie, ou encore le passage d'un animal. On a observé en 2005 que les fourmis arboricoles survivent en se comportant en « parachutistes ». Lorsqu'elles tombent, elles se mettent en position pattes écartées, comme les parachutistes qui contrôlent leur chute en inclinant leurs membres et leur corps. Ces fourmis glissent avec les pattes antérieures et l’abdomen orientés vers le tronc d’arbre, effectuant souvent des virages à 180° en direction de la cible dans les airs.
Un petit coléoptère, la loméchuse, présente des poils spéciaux à l'extrémité de son abdomen. Les fourmis lèchent ces poils avec avidité ; et, à partir de ce moment, la colonie est condamnée : au lieu de soigner leurs petits, elles perdront leur temps à lécher les loméchuses, ce qui les intoxique jusqu'à leur faire perdre l'équilibre. La loméchuse, quant à elle, pond ses œufs dans le couvain des fourmis : les jeunes larves à peine écloses dévorent toutes les larves de fourmis qui sont à leur portée, mais seront elles-mêmes bien soignées par les nourrices encore attachées à leur devoir. Au bout de peu de temps, la colonie n'a plus de jeunes et les rares qui naissent, mal nourris, sont anormaux. Alors la troupe de loméchuses sort de la fourmilière qu'elle a conduite à sa ruine et va en exploiter une autre. C'est le seul exemple connu de consommation d'une substance toxique conduisant à la mort de la colonie[86].
Chez les ponérines, les reines ne se distinguent généralement que difficilement des ouvrières ; le passage d’une caste à l’autre se fait plutôt par des formes de transition. Elles diffèrent des autres fourmis par la base de l’abdomen : le pétiole se compose d’un segment avec un nœud, et l’anneau abdominal qui suit est séparé du gastre par une encoche très nette. Reines et ouvrières possèdent un aiguillon. Les nymphes sont toujours enveloppées par un cocon. Cette sous-famille habite surtout les pays chauds. En France, elle est représentée par 7 espèces.
Après de longues années de controverses et de recherche, il est aujourd'hui accepté que la plupart des espèces considérées comme faisant partie des Ponerinae au sens large ne représentent pas une famille monophylétique mais plutôt un ensemble de familles basales, certaines étant les ancêtres des autres familles[87]. On utilise généralement le terme Poneromorphe (ou Ponerinae lato sensu) pour désigner ce groupe paraphylétique, qui reste utile dans certains cas.
Exemple d'espèce en France : Ponera coarctata (elle fait partie des « Fourmis sans reine » citées plus haut).
Les Myrmicinae se distinguent facilement des autres fourmis par leur pétiole abdominal. Il se compose toujours de deux segments en forme de nœuds qui correspondent aux 1er et 2e segments abdominaux. Reines et ouvrières possèdent un aiguillon, et certaines espèces peuvent infliger des piqûres très douloureuses. Les nymphes ne sont pas enveloppées d’un cocon comme chez la plupart des fourmis à écaille (Myrmicinae, Dolichoderinae, Formicinae). En France, on trouve 106 espèces de Myrmicinae.
Quelques exemples d'espèces en France : Myrmica rubra, Temnothorax affinis, Tetramorium caespitum.
Les représentantes de cette sous-famille peu nombreuse (9 espèces en France) possèdent un pétiole à écaille, mais celui-ci est bas et incliné vers l’avant, contrairement à celui des Formicinae, que nous verrons par la suite. Le gastre n’est composé que de 4 segments chez les reines et ouvrières. L'aiguillon est atrophié et les nymphes sont nues.
Exemple d'espèce en France : Dolichoderus quadripunctatus, Tapinoma erraticum.
Chez les Formicinae, le pétiole forme une écaille plate et dressée. Le gastre, se compose de 5 segments chez les ouvrières et les reines. Chez presque toutes les espèces, les nymphes sont enveloppées d’un cocon. 55 espèces de Formicinae sont présentes en France.
Quelques exemples d'espèces en France : Camponotus ligniperdus, Lasius niger, Formica rufa, Formica sanguinea, Polyergus rufescens.
Les fourmis fossiles les plus anciennes sont datées de l'Albien, un étage géologique vieux d'environ 100 millions d’années[88] mais les myrmécologues estiment que les premières espèces pourraient être apparues au Crétacé inférieur, entre 120 et 143 millions d'années[89]. Le plus ancien fossile connu apparenté aux fourmis est celui de Gerontoformica cretacica, découvert en 2004 par le paléoentomologiste du MNHN André Nel dans l’ambre de l’Albien supérieur, en Charente-Maritime (France)[90]. Son anatomie laisse penser qu'elle était carnivore (longues jambes, fortes mandibules)[91].
Les fourmis semblent avoir divergé d’insectes apparentés à des guêpes solitaires (certaines espèces de fourmi ont d'ailleurs conservé un dard et seules les ouvrières ont perdu leurs ailes)[92]. La sous-famille Martialinae, dont la seule espèce connue est Martialis heureka, pourrait être à l’origine de toutes les autres sous-familles[réf. souhaitée]. Une radiation explosive se produit dans la litière des forêts tropicales au milieu du crétacé et est contemporaine de l'apparition des plantes à fleurs (coévolution naturelle pour s'adapter aux insectes phytophages et pollinisateurs)[93]. L'extinction Crétacé-Tertiaire il y a 66 millions d'années touche peu les insectes (essentiellement les insectes qui ont les associations les plus spécialisées avec les fleurs, tandis que beaucoup de familles d'insectes ont probablement été protégées par leur mode de vie souterrain)[94] et les fourmis poursuivent leur diversification et leur expansion comme les mammifères[92].
Position phylogénétique de la famille Formicidae[95]
Vespoidea |
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Comme chez d'autres hyménoptères, l'eusocialité a évolué au début de la lignée des fourmis et n'a presque jamais été perdue par la suite. L'apparition de l'eusocialité aurait été favorisée par le système de détermination sexuelle haplodiploïde des hyménoptères et les soins parentaux déjà présents chez les ancêtres des fourmis actuelles[96]. Les soins parentaux témoignent d'un investissement important dans la reproduction, et favorisent le contact entre différentes générations, tandis que le système de détermination haplodiploïde rend les sœurs génétiquement plus proches entre elles qu'elles ne le seraient de leurs propres descendants. La théorie de la sélection de parentèle explique que dans une telle situation des individus peuvent avoir intérêt à privilégier la reproduction de leurs parents plutôt que la leur.
De plus, il semble que chez les fourmis le métabolisme de l'insuline soit impliqué dans l'apparition d'une caste stérile d'ouvrières[97], comme le suggèrent les études de Daniel Kronauer sur le gène ilp2 (insulin-like peptide 2). Ce gène agirait sur le cycle de ponte, permettant à certains individus seulement de se reproduire, en inhibant la reproduction des autres[98].
Les rapports entre humains et fourmis sont très variables. D’un côté, les fourmis ont souvent été utilisées dans des fables et des histoires enfantines pour représenter l’acharnement au travail et l’effort coopératif. Elles peuvent aussi être perçues comme utiles pour éliminer certains insectes nuisibles et aérer le sol. Diverses expéditions ont montré que la tribu Rahamefy se servait des fourmis pour rendre les sols meubles.
Toutefois, elles peuvent devenir sources de nuisances lorsqu'elles envahissent les maisons, les cours, les jardins et les champs.
Les fourmis sont un plat particulièrement apprécié pour ses qualités nutritives par certaines tribus aborigènes d'Australie.
Certaines espèces ont la réputation d'être potentiellement dangereuses pour l'homme, comme les fourmis légionnaires du genre Dorylus ou encore la fourmi « bull dog » (Myrmecia pyriformis). Dans leur quête de nourriture ou pour la défense de leurs nids, elles sont capables d'attaquer des animaux beaucoup plus grands qu’elles. Dans le cas de la fourmi bulldog, même si les attaques sur l’être humain sont plutôt rares, les piqûres et les morsures peuvent être mortelles si elles sont répétées, en raison d'un possible choc anaphylactique[99].
Les fourmis peuvent aussi être source de problèmes lorsqu’elles sont introduites dans des zones géographiques où elles ne sont pas indigènes. C'est le cas de Linepithema humile, la fourmi d’Argentine, qui forme une supercolonie qui va des côtes italiennes aux côtes espagnoles en passant par la France, soit plus de 6 000 km[100], et extermine les espèces indigènes. Ce phénomène a pu être renforcé par le renforcement des échanges commerciaux et des transports.
L'adaptation à un environnement modifié par l'être humain tel que la ville peut faire évoluer des colonies forestières comptant quelques milliers d'individus et une seule reine à plusieurs millions de membres et plusieurs dizaines de milliers de reines. C'est le cas de la fourmi odorante (Tapinoma sessile) en Amérique. Cette adaptation reste exceptionnelle et d'autres espèces, bien qu'étant soumises aux mêmes contraintes et bénéfices, ne réagissent pas de la même manière. Une des explications possibles serait que la fourmi odorante s'adapte plus vite que les autres espèces et monopolise alors cette nouvelle niche écologique au détriment des autres espèces qui en dépendent[101].
Les œufs de fourmis relèveraient d'un rituel de beauté séculaire en Turquie et au Moyen-Orient où les femmes badigeonnaient leurs bébés d'œufs de fourmis pour qu'ils grandissent imberbes[102],[103].
Les œufs de certaines fourmis (en)sont utilisés pour l'alimentation humaine.
Certaines odeurs fortes ont une action répulsive sur les fourmis. C'est notamment le cas du jus de citron[34] et du vinaigre, ce qui permet de les éloigner en en dispersant sur leur passage[104].
Les myrmécologues étudient les fourmis en laboratoire et dans leurs conditions naturelles. Leurs structures sociales complexes et variées ont fait des fourmis un organisme modèle très utilisé. Leur capacité à voir dans l'ultraviolet a été découverte par Sir John Lubbock en 1881[105]. Des études sur les fourmis ont principalement été menées dans les domaines de l'écologie et de la sociobiologie. Un intérêt important leur a été porté dans le cadre de l'élaboration de théories concernant la sélection de parentèle (leur système de détermination sexuelle haplodiploïde avec des mâles haploïdes et des femelles diploïdes crée des asymétries de parenté entre les représentants des différentes castes de la fourmilière[106]) et les stratégies évolutivement stables[107]. Les colonies de fourmis peuvent être étudiées en élevage ou en les maintenant temporairement dans un vivarium spécialement conçu dans lequel les individus peuvent par exemple être suivis en les marquant avec des couleurs[108].
Les techniques utilisées avec succès par les colonies de fourmis ont été étudiées en informatique et en robotique afin de produire des systèmes distribués et tolérants aux pannes pour servir à résoudre des problèmes complexes, comme avec les algorithmes de colonies de fourmis et la robotique des fourmis (en). Ce domaine de la biomimétique a conduit à des études sur la locomotion des fourmis, sur les moteurs de recherche qui font usage du « chemin le plus court entre la fourmilière et une source de nourriture », d'algorithmes tolérant aux pannes de stockage en réseau.
La fourmi d’Argentine, Linepithema humile, décrite pour la première fois en 1868, par Gustav Mayr a profité des échanges commerciaux pour s’expatrier et coloniser le Sud des États-Unis dès 1891, l'Europe en 1904, l'Afrique du Sud en 1908 et l'Australie en 1939. Il est probable qu’elle ait atteint les côtes méditerranéennes en 1920 par le biais de l'importation de plantes à fleur.
En 2002, des entomologistes européens ont constaté que la fourmi d’Argentine avait envahi l'Europe du Sud sur 6 000 km, du nord de l’Italie jusqu’à la Galice et le Portugal, en passant par le sud de la France. Cette supercolonie est la plus grande jamais observée dans le monde. La deuxième se situe en Catalogne.
Le changement d’environnement de ces fourmis serait à l’origine de l'échelle de leurs colonies. En effet, dans leur pays natal, les colonies de Linepithema Humile forment des groupes beaucoup plus petits. C’est l’absence de prédateur en Europe qui aurait permis à ces fourmis d’augmenter la densité de leurs nids[109], augmentant ainsi les échanges entre les ouvrières des différents nids, et entraînant un appauvrissement de la diversité des gènes de reconnaissance des individus au sein de leur nid d'origine, ce qui aurait résulté en l'émergence d'une unique supercolonie composée de l'alliance d'une multitude de colonies.
En 2004, des scientifiques américains ont remis en cause l’idée d’appauvrissement génétique. L’étude de Deborah Gordon sur une supercolonie présente en Californie, publiée dans la revue Ecology, a révélé que la coopération des fourmis aurait plutôt pour origine un régime alimentaire commun.
Les fourmis d’Argentine ne sont pas dangereuses pour l’homme mais elles nuisent à l’écosystème de l’Europe du Sud. Un des moyens envisagés pour empêcher l’expansion de cette supercolonie serait de lutter contre l’unicolonialité qui unit les nids de fourmis.
La fourmi symbolise souvent l'ardeur au travail (cf. par exemple les fables de La Fontaine). Les fourmis sont parfois utilisées comme un remède contre la paresse (comme au Maroc). Dans certaines régions africaines, les fourmis sont les messagers des dieux. On dit souvent que les morsures de fourmis ont des propriétés curatives. Quelques religions amérindiennes, comme la mythologie Hopi, reconnaissent les fourmis comme des ancêtres. Les morsures de fourmis sont utilisées comme test d’endurance et de courage dans les cérémonies d’initiation de certaines cultures africaines et amérindiennes[e].[source insuffisante]
Alors que la culture met d'ordinaire en avant la fourmi comme travailleuse, une étude visant à déterminer la charge de travail chez les fourmis Temnothorax rugatulus (en) a révélé qu'en réalité 45 % des fourmis d'une fourmilière sont inactives[110],[111].
La fourmi est aussi un élément de certaines expressions imagées :
Le thème de la fourmi est traité en littérature, dans les arts visuels ou plastiques, et dans les jeux vidéo :
Il en est fait mention dans la Bible[113], dans le livre des Proverbes où est évoqué la notion de courage :
« Va vers la fourmi, paresseux ;
Considère ses voies, et deviens sage.
Elle n'a ni chef, ni inspecteur, ni maitre ;
Elle prépare en été sa nourriture, elle amasse pendant la moisson de quoi manger. »
— (Proverbes 6:6-8)[114].
« Les fourmis, peuple sans force, préparent en été leur nourriture. »
— (Proverbes 30:25)[115].
Une sourate du Coran, la XXVIIe, est intitulée Les fourmis (ou La fourmi, selon les traductions). Il s'agit d'une parabole qui évoque l'insecte[116] :
« 27.18. Et lorsqu'elles arrivèrent à la vallée des fourmis, l'une de celles-ci s'écria : « Ô fourmis ! Regagnez vos demeures de peur que Salomon et ses armées ne vous écrasent sans s'en apercevoir. »
27.19. Ces paroles firent sourire Salomon qui dit : « Seigneur ! Permets-moi de rendre grâce des bienfaits dont Tu nous as comblés, mon père, ma mère et moi-même. Fais que toutes mes actions Te soient agréables et admets-moi, par un effet de Ta grâce, parmi Tes saints serviteurs. »
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