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écrivain, philosophe et encyclopédiste français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Denis Diderot, né le à Langres et mort le à Paris, est un écrivain, philosophe et encyclopédiste français des Lumières, à la fois romancier, dramaturge, conteur, essayiste, dialoguiste, critique d'art, critique littéraire et traducteur.
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Anne-Antoinette Champion (de 1743 à 1784) |
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Diderot est reconnu pour son érudition, son esprit critique et un certain génie. Il laisse son empreinte dans l'histoire de tous les genres littéraires auxquels il s'est essayé : il pose les bases du drame bourgeois au théâtre, révolutionne le roman avec Jacques le Fataliste et son maître, invente la critique à travers ses Salons et supervise la rédaction d'un des ouvrages les plus marquants de son siècle, la célèbre Encyclopédie. En philosophie également, Diderot se démarque en proposant plus de matière à un raisonnement autonome du lecteur plutôt qu'un système complet, fermé et rigide[1].
Mal connu de ses contemporains, tenu éloigné des polémiques de son temps, peu enclin à la vie des salons et mal reçu par la Révolution, Diderot devra attendre la fin du XIXe siècle pour recevoir tout l'intérêt et la reconnaissance de la postérité dans laquelle il avait placé une partie de ses espoirs. Certains de ses textes sont restés inédits jusqu'au XXIe siècle et l'édition moderne de ses œuvres complètes entamée par l'éditeur parisien Hermann en 1975 n'est pas encore achevée.
Denis Diderot naît à Langres[2], dans une famille bourgeoise le et est baptisé le lendemain en l'église Saint-Pierre-Saint-Paul de Langres[3], la cathédrale étant réservée aux baptêmes de nobles[4].
Ses parents mariés en 1712 eurent six enfants dont seulement quatre atteignirent l'âge adulte. Son père Didier Diderot (1685-1759), maître coutelier, était réputé pour ses instruments chirurgicaux, scalpels et lancettes notamment. Son grand-père Denis Diderot (1654-1726), coutelier et fils de coutelier, s'était marié en 1679 à Nicole Beligné (1655-1692), de la célèbre maison de coutellerie Beligné[5]. Sa mère Angélique Vigneron (1677-1748) était la fille d'un maître tanneur[6].
Diderot était l'aîné de cette fratrie dont chaque membre tint un rôle important dans la vie de l'écrivain. Angélique (1720-1749), ursuline, mourut jeune (et folle) au couvent et inspira en partie La Religieuse[7] ; Didier-Pierre (1722-1787) embrassera la carrière ecclésiastique et sera chanoine de la cathédrale de Langres. Les relations entre les deux frères seront toujours conflictuelles, au-delà même du décès de Denis. Denise (1715-1797), enfin, également restée au pays, sera le lien permanent et discret entre Diderot et sa région natale.
De 1723 à 1728, Denis suit les cours du collège jésuite, proche de sa maison natale. À douze ans (1725), ses parents envisagent pour lui la prêtrise et, le , il reçoit la tonsure de l'évêque de Langres et prend le titre d'abbé dont il a la tenue. Il doit succéder à son oncle chanoine à Langres, mais la mort prématurée et sans testament du chanoine ne peut faire bénéficier son neveu de sa prébende[8].
Peu intéressé par la carrière ecclésiastique, ni davantage par l'entreprise familiale et les perspectives de la province, il part étudier à Paris en 1728. Il ne reviendra plus guère à Langres que quatre fois, en 1742, à l'automne 1754, en 1759 et en 1770 et essentiellement pour régler des affaires familiales.
Ses premières années parisiennes sont mal connues. De 1728 à 1732, il suit sans doute des cours au collège d'Harcourt puis étudie la théologie à la Sorbonne. En tous cas, le , il reçoit une attestation de l'université de Paris qui confirme qu'il a étudié avec succès la philosophie pendant deux ans et la théologie durant trois ans.
Les années 1737-1740 sont difficiles. Diderot donne des cours, compose des sermons, se fait clerc auprès d'un procureur d'origine langroise, invente des stratagèmes pour obtenir de l'argent de ses parents, au désespoir de son père.
Ses préoccupations prennent progressivement une tournure plus littéraire. Il fréquente les théâtres, apprend l'anglais dans un dictionnaire latin-anglais[9], et donne quelques articles au Mercure de France — le premier serait une épître à M. Basset, en janvier 1739. À la fin des années 1730, il annote une traduction d'Étienne de Silhouette de l'Essay on man d'Alexander Pope et se tourne vers la traduction.
Diderot rencontre Jean-Jacques Rousseau à la fin de 1742. Une forte amitié naît entre les deux hommes. Par l'intermédiaire de Rousseau, Diderot rencontre Condillac en 1745. Ils forment à trois une petite compagnie qui se réunira souvent.
Entre 1740 et 1746, Diderot déménage fréquemment sans jamais s'éloigner du Quartier latin[10]. En 1740 on le trouve rue de l'Observance puis rue du Vieux-Colombier et rue des Deux-Ponts.
En 1742, il effectue un premier retour à Langres pour solliciter auprès de son père le droit de se marier[11]. Il essuie un refus. Au début de l'année 1743, s'opposant au mariage qu'il projette malgré son refus et sans doute fatigué des frasques de son fils, son père le fait enfermer quelques semaines dans un monastère près de Troyes. Denis s'en échappe et ayant atteint sa majorité matrimoniale (30 ans à l'époque) en octobre, épouse secrètement Anne-Antoinette Champion (1710-10 avril 1796[12]) en l'église Saint-Pierre-aux-Bœufs[13] le [14]. Le jeune couple s'installe rue Saint-Victor (1743).
La clandestinité du mariage peut laisser penser à un mariage d'amour, mais cette union ne sera pas heureuse longtemps. Diderot oublie rapidement son épouse très éloignée sans doute de ses considérations littéraires ; sa première liaison connue, avec Madeleine de Puisieux, est attestée en 1745. Mais, en dépit de ses écarts conjugaux, Diderot aura toujours soin de protéger les siens ; et, de son couple, naîtront quatre enfants dont seule la cadette, Marie-Angélique (1753-1824), atteindra l'âge adulte[15].
L'année 1743 marque le début de la carrière littéraire de Diderot, par le biais de la traduction. Il traduit The Grecian history de Temple Stanyan, puis, surtout en 1745 paraît sa traduction, largement augmentée de ses réflexions personnelles, de An inquiry concerning virtue or merit de Shaftesbury, sous le titre Essai sur le mérite et la vertu[16], premier manifeste du glissement de Diderot de la foi chrétienne vers le déisme.
En 1746, le couple se trouve rue Traversière puis, en avril, rue Mouffetard, (avril 1746)[17]. C'est l'époque de la publication de sa première œuvre originale, les Pensées philosophiques en 1746.
De 1746 à 1748, il collabore avec Marc-Antoine Eidous et François-Vincent Toussaint à la traduction du Medicinal dictionnary de Robert James. En 1748 il publie Les Bijoux indiscrets, conte orientalisant parodiant entre autres la vie à la cour et des Mémoires sur différents sujets de mathématiques, ces derniers jetant les bases de sa notoriété, comme mathématicien...
Il rencontre à cette époque Jean-Philippe Rameau et collabore à la rédaction de sa Démonstration du principe de l'harmonie (1750).
Les positions matérialistes de sa Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient, qui paraît en 1749, achèvent de convaincre la censure que leur auteur, surveillé depuis quelque temps, est un individu dangereux. L'œuvre est condamnée et Diderot est arrêté chez lui, rue de l'Estrapade[18] et emmené au château de Vincennes où il sera incarcéré trois mois sur ordre de Berryer.
À son domicile on saisit le manuscrit de La Promenade du sceptique[19] et on cherche vainement le manuscrit de L'Oiseau blanc : conte bleu.
Durant sa détention, Diderot reçoit la visite de son ami Jean-Jacques Rousseau qui, en chemin, a eu la fameuse illumination qui l'amènera à écrire, sans doute avec l'aide de Diderot, son Discours sur les sciences et les arts[20]. Sa pénible détention traumatise Diderot[21] et l'incite à une grande prudence dans ses publications, préférant même réserver certains de ses textes à la postérité.
À l’origine, l’Encyclopédie ne devait être que la traduction en français de la Cyclopædia d’Ephraïm Chambers, dont la première édition date de 1728, mais Diderot, auteur polygraphe dont la pensée philosophique ne cesse de s'accentuer dans le sens de l'athéisme, du matérialisme, mais aussi de l'évolutionnisme, préfère entreprendre l'œuvre d'une vie[22].
L'année 1747 marque le début des pleines responsabilités de Diderot dans le vaste projet éditorial de l'Encyclopédie. Il s'installe alors rue de l'Estrapade sur la montagne Sainte-Geneviève. Le Prospectus paraît en 1750 et le premier volume l'année suivante. Il consacrera 20 ans de sa vie à ce projet qu'il n'achève qu'en juillet 1765, rempli de l'amertume due au manque de reconnaissance, aux errements de l'édition et au comportement des éditeurs (Le Breton en particulier).
Pour contourner la censure de l'époque, lui et les éditeurs de l'Encyclopédie ont inséré des renvois et des références croisées dans leurs articles, préfigurant ainsi les liens hypertextes modernes pour transmettre des idées critiques, notamment à l'égard du dogme religieux, de manière indirecte[23].
Cette période de travail intense, avec ses charges, ses menaces, ses satisfactions et ses déceptions est également marquée par quelques événements privés importants.
En 1750, il est nommé à l'Académie royale des sciences de Prusse. Et en 1753 naît Marie-Angélique, seul de ses enfants qui lui survivra.
Les finances s'améliorent et, en 1754, la famille Diderot s'installe aux 4e et 5e étages d'un logis de la rue Taranne et n'en bougera plus. Cette maison a disparu à la fin du XIXe siècle, mais une statue[24] de Jean Gautherin rappelle son emplacement approximatif au niveau du numéro 145 du boulevard Saint-Germain.
En 1755 il rencontre Sophie Volland, peut-être par l'intermédiaire de Rousseau. Cette liaison, clandestine, qui se prolongera jusqu'à la mort de celle-ci, est à l'origine d'une abondante correspondance qui apparaît aujourd'hui comme essentielle pour la connaissance de l'écrivain.
À partir de 1757, ses idées commencent à diverger de celles de Jean-Jacques Rousseau, entre autres sur la question de la valeur de l'homme dans la société. Diderot en effet comprend mal le principe de solitude exprimé par Rousseau et écrit dans Le Fils naturel, que « l'homme de bien est dans la société, et qu'il n'y a que le méchant qui soit seul. » Rousseau se sent attaqué et s'offusque[25]. La brouille a également pour origine les indiscrétions que Rousseau attribue à Diderot au sujet de sa liaison avec Louise d'Épinay[26]. Dans la version de 1760 du Contrat social dite « Manuscrit de Genève », Rousseau introduit une réfutation de l'article « Droit naturel » publié en 1755 dans l'Encyclopédie. La polémique avec Diderot[27] le conduit à supprimer le chapitre « La Société générale du genre humain », contenant la réfutation[28]. C'est le début d'un éloignement qui ne fera plus que se marquer davantage.
Le décès de son père, en 1759, impose à Diderot un voyage à Langres pour régler la succession. C'est l'occasion pour lui de retrouver sa terre natale et de repenser à l'intégrité de son père. Il en sortira des textes importants, comme le Voyage à Langres et l'Entretien d'un père avec ses enfants.
Dès 1761, Diderot pense à vendre sa bibliothèque pour doter correctement sa fille — qui n'a alors que 8 ans. L'impératrice de Russie Catherine II intervient et achète le bien. Non seulement elle l'achète « en viager » pour permettre au philosophe d'en garder l'usage jusqu'à sa mort, mais elle le nomme aussi bibliothécaire de ce fonds et le rétribue en tant que tel. À la suite d'un retard de paiement, l'impératrice lui paye même 50 années d'avance. Cette vente et ces largesses permettront au philosophe de mettre sa fille et ses vieux jours à l'abri du besoin, et auront un impact important sur la réception de son œuvre.
À partir de 1769, Grimm confie plus largement la direction de la Correspondance littéraire à Diderot[29] et Louise d'Épinay. Ce sera l'occasion pour Diderot de développer une activité de critique d'une part littéraire et d'autre part artistique par le biais des neuf salons qu'il rédigera entre 1759 et 1781. La Correspondance littéraire sera également le premier mode de diffusion, manuscrit et très restreint, de nombreux textes du philosophe.
Au printemps 1769, Diderot devient l’amant de Jeanne-Catherine Quinault (dite madame de Maux, du nom de son mari), nièce de la comédienne Jeanne-Françoise Quinault et amie de Louise d'Épinay.
Les divergences avec Rousseau s'affirment depuis quelques années déjà, la dispute s'amplifie jusqu'à la rupture totale en 1770. Rousseau considère dès lors Diderot comme un ennemi. L'un et l'autre alimenteront une grande amertume de cette rupture. Ainsi, dans sa Lettre sur les spectacles, Rousseau écrit : « J'avais un Aristarque sévère et judicieux, je ne l'ai plus, je n'en veux plus ; mais je le regretterai sans cesse, et il manque bien plus encore à mon cœur qu'à mes écrits ». Et Diderot répond, dans l'Essai sur les règnes de Claude et de Néron : « Demandez à un amant trompé la raison de son opiniâtre attachement pour une infidèle, et vous apprendrez le motif de l'opiniâtre attachement d'un homme de lettres pour un homme de lettres d'un talent distingué ».
À cette époque également, Diderot négocie l'achat de tableaux pour Catherine II. Grande amatrice d'art, l'impératrice chargeait ses principaux contacts, dont Diderot, d'acheter des œuvres européennes alors introuvables en Russie. C'est Diderot, par exemple, qui se charge en personne de l'achat de la « galerie Thiers » en 1771, en faisant jouer son amitié avec le prince Galitzine et sa relation avec Louise Crozat de Thiers dite « la Maréchale » ; l'accord est signé le 4 janvier 1772 pour 460 000 livres[30].
Le 9 septembre 1772 sa fille unique se marie avec Abel François Nicolas Caroillon de Vandeul.
Depuis plus de 10 ans, Diderot était invité par Catherine II dont les largesses imposaient la reconnaissance. Peu enclin aux mondanités et d'un caractère casanier, ses obligations éditoriales et familiales incitaient Diderot à reporter le déplacement. Ce n'est qu'en 1773, après avoir terminé l'Encyclopédie et conclu le mariage de sa fille qu'il entreprit enfin ce voyage[31].
Diderot effectue ainsi l'unique voyage hors de France de sa vie du au . Ce voyage sera marqué d'un séjour à Saint-Pétersbourg, de ses entretiens avec Catherine II[32] et deux longs séjours à La Haye, dans les Provinces-Unies de l'époque[33].
Diderot avait pris avant son départ les dispositions nécessaires en prévision de son décès éventuel avec son ami Jacques-André Naigeon. Il revint indemne, des projets plein la tête, mais très affaibli ; les conditions du voyage et les rigueurs de l'hiver russe ont pu écourter sa vie de quelques années...
À l'aller et au retour de son voyage, Diderot passe deux longs séjours à La Haye, dans les Provinces-Unies[34]. Son Voyage en Hollande est une synthèse de ses observations et, surtout, de ses lectures sur le pays.
Il séjourne une première fois à La Haye du au , chez l'ambassadeur de Russie Dimitri Alexeïevitch Galitzine et sa femme Amélie Galitzine[35] à l'ambassade de Russie, Kneuterdijk, no 22[36]. Lors de ce séjour, Diderot a rencontré personnellement entre autres, le philosophe François Hemsterhuis, et a visité Haarlem, Amsterdam, Zaandam, Utrecht et Leyde[37]. Il a rencontré des professeurs de lycée à l'Université de Leyde[38].
Le 20 août, Diderot et le chambellan de l'impératrice, Aleksei Vasilievich Narychkine, quittent La Haye pour Pétersbourg, passant par Leipzig et Dresde, et arrivent le 8 octobre, Diderot, malade, se décrivant « plus mort que vivant ». Il est hébergé dans la maison de son ami le sculpteur Falconet, rue Millionaya, près du palais, mais le fils de celui-ci, rentré un peu plus tôt de Londres, occupe la chambre réservée au philosophe. Finalement, Diderot va passer cinq mois dans la maison de Narychkine. La présentation à l'impératrice a lieu le 15 octobre, lors d'une fête costumée : Diderot portait son costume noir et on lui prêta une perruque. Les entretiens avec Catherine commencèrent les jours suivants et ils eurent lieu trois fois par semaine, entre trois et six heures de l'après-midi, dans les appartements privés. Diderot prépara un total de 65 mémoires pour l’impératrice, dans lesquels il suggéra des thèmes de discussion. Ces écrits sont conservés aux Archives centrales historiques de Moscou[39].
La correspondance de Diderot révèle le grand sérieux des sujets abordés : la valeur de la libre concurrence dans le commerce et le gouvernement, la nécessité de régler la succession au trône russe, la commission législative que Catherine avait assemblée en 1767, l’éducation publique, le luxe, le divorce et les académies, et bien sûr la littérature[40]. Il espère aussi faire démarrer la traduction et l'adaptation de l'Encyclopédie en russe. Vers le 5 novembre 1773, il reçoit une première pression politique par le biais de l'ambassadeur de France à Pétersbourg, François-Michel Durand de Distroff, pour essayer d'améliorer l'attitude de la souveraine vis-à-vis de la France. À quoi passait-il ses autres journées ? Il visita les environs de la ville impériale, assista à des représentations théâtrales et fut membre étranger de l’Académie russe des sciences. Il quitte la ville le 5 mars 1774, après plusieurs semaines de problèmes intestinaux, période pénible, humide et froide, durant laquelle il a peu produit[41].
Sur le chemin du retour de Russie, il séjourne à nouveau chez Galitzine, du 5 avril 1774 au 15 octobre 1774 — soit 6 mois et 17 jours. C'est lors de ce séjour, qu'il rencontre l'éditeur Marc-Michel Rey et envisage avec lui une édition complète de ses œuvres qui ne verra pas le jour[42].
Dès son retour, il ralentit progressivement sa vie sociale, sa santé se dégrade et il l’accepte mal. Il multiplie et allonge les séjours à Sèvres, dans la maison de son ami le joaillier Étienne-Benjamin Belle[43] où il vient régulièrement pendant les dix dernières années de sa vie et au château du Grandval[44] (Sucy-en-Brie), chez d'Holbach, parfois en famille. En 1781, il collabore un peu à l'Encyclopédie méthodique de Charles-Joseph Panckoucke et Jacques-André Naigeon.
À partir de 1783, Diderot met de l'ordre dans ses textes et travaille avec Naigeon à établir trois copies de ses œuvres : une pour lui, une pour sa fille et la dernière pour Catherine II. Sophie Volland meurt le 22 février 1784. Le 15 mars 1784, le décès prématuré de sa petite-fille lui est peut-être caché pour le ménager.
Le , il déménage au 39 rue de Richelieu à Paris, dans l'hôtel dit de Bezons[45], grâce aux bons soins de Melchior Grimm et de Catherine II qui souhaitaient lui éviter de gravir les quatre étages d'escalier de son logis de la rue Taranne. Il ne profite que deux mois de ce confort et y meurt le 31 juillet 1784, probablement d'un accident vasculaire. À sa demande répétée, il est autopsié[46] le 1er août, puis inhumé à l’église Saint-Roch, dans la chapelle de la Vierge, le même jour. Naigeon semble être le seul homme de lettres à suivre le convoi.
« L’an 1784, le 1er août, a été inhumé dans cette église M. Denis Diderot, des académies de Berlin, Stockholm et Saint-Pétersbourg, bibliothécaire de Sa Majesté Impériale Catherine seconde, impératrice de Russie, âgé de 71 ans, décédé hier, époux de dame Anne-Antoinette Champion, rue de Richelieu, de cette paroisse, présents : M. Abel-François-Nicolas Caroilhon de Vandeul, écuyer, trésorier de France, son gendre, rue de Bourbon, paroisse Saint-Sulpice ; M. Claude Caroilhon Destillières, écuyer, fermier général de Monsieur, frère du Roi, rue de Ménard[47], de cette paroisse ; M. Denis Caroilhon de la Charmotte, écuyer, directeur des domaines du Roi, susd. rue de Ménard, et M. Nicolas-Joseph Philpin de Piépape, chevalier, conseiller d’État, lieutenant général honoraire au bailliage de Langres, rue Traversière, qui ont signé avec nous [...], Marduel, curé. »
— Extrait du registre paroissial de l'église Saint-Roch à Paris[48].
En juin 1786, sa bibliothèque et ses archives sont envoyées à Saint-Pétersbourg. Elles n'y recevront pas l’attention accordée à celles de Voltaire : les pertes, les disparitions et l'absence de tout inventaire nuiront également à la connaissance et la bonne réception de l'œuvre de Diderot[49].
Durant la Révolution, les tombes de l’église Saint-Roch sont profanées et les corps jetés à la fosse commune[50]. La sépulture et la dépouille de Diderot ont donc disparu, contrairement à celles de Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, tous deux inhumés au Panthéon de Paris comme l'indique Raymond Trousson.
Diderot a touché à tous les genres littéraires, en s'y montrant souvent novateur.
En tant qu'écrivain de fiction, Diderot s'est illustré dans le roman et au théâtre. Dans ces deux genres, malgré une production limitée il est parvenu à marquer l'histoire de la littérature par son style qui modernise le roman, et par le développement d'un nouveau genre théâtral, le drame bourgeois. Le Fils naturel ou Les épreuves de la vertu sont écrits et représentés pour la première fois en 1757.
À partir de 1747, à 34 ans, Diderot dirige et rédige, avec D'Alembert, l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Il s'investira dans la rédaction, la collecte, la recherche et la réalisation des planches entre 1750 et 1765. Il a personnellement rédigé le Prospectus (paru en 1750) et plus d'un millier d'articles.
L'abondante activité de critique de Diderot a connu la publication principalement dans la Correspondance littéraire, philosophique et critique, pour laquelle il a rédigé de nombreux comptes rendus de lecture. Il a en outre rédigé plusieurs ouvrages ou « postfaces » à portée critique touchant à ses conceptions du théâtre ou d'auteurs en particulier.
On conserve de Diderot deux importants corpus de correspondance, outre sa correspondance générale. Le premier concerne les 187 lettres conservées adressées à son amante, Sophie Volland[51]. Dans l'une d'elles, datée du , Diderot aurait enrichi la langue française du mot calembour[52]. Le second provient d'un échange avec Falconet sur l'immortalité de l'artiste, l'art et la postérité.
Diderot a entamé sa carrière littéraire par des traductions, qui lui permirent de subvenir initialement aux besoins de sa famille.
Travailleur infatigable, sans doute éternel insatisfait, relecteur attentif, toujours prêt à rendre service, par amour, amitié ou obligeance, ou à encourager le débutant, Diderot a consacré une grande énergie aux œuvres d'autrui. Une part de son œuvre est ainsi éparpillée, voire difficilement discernable dans les publications de son entourage littéraire : Madeleine de Puisieux, D'Holbach, Raynal, Galiani, Madame d'Épinay, Tronchin, etc. Diderot ne manque toutefois pas de nier sa contribution, ou d'en réduire l'importance, de bonne ou mauvaise foi.
Loin de la recherche d'un système philosophique cohérent, Diderot rassemble les idées et les oppose. Sa pensée, qui a été qualifiée d’« associative », est loin de viser « la réduction du complexe au simple » : elle cherche plutôt à maintenir « le complexe en tant que sens locaux et multiples, comme réseau »[53]. Son œuvre est donc surtout, plus qu'une exposition de ses idées personnelles, une incitation à la réflexion. Cette démarche, volontaire, se retrouve dans la forme dialoguée qu'il donne à ses œuvres principales (Le Neveu de Rameau, Le Rêve de D'Alembert, Supplément au Voyage de Bougainville) avec cette particularité qu'aucun des personnages ne représente à lui seul la pensée de l'auteur. Cette pluralité se retrouve d'ailleurs dans ses titres (pensées, principes). Quand il ne conçoit pas de dialogue, il répond — fût-ce fictivement —, ajoute (Supplément au voyage de Bougainville), renie (Réfutation d'Helvétius). Diderot retravaille aussi fréquemment ses textes, et même, dans la seconde moitié de sa vie, rédige quelques Additions (aux Pensées philosophiques, à la Lettre sur les aveugles notamment) pour rendre compte de l'évolution de ses propres réflexions.
Diderot développe souvent ses œuvres à partir du canevas de l'œuvre d'un tiers, pour le commenter - ce n'est d'ailleurs qu'un cas particulier de dialogue. C'est le cas du Paradoxe sur le comédien où Diderot développe ses idées sur le théâtre à partir de Garrick ou Les acteurs anglais de Sticotti ; c'est le cas des Salons qui suivent le catalogue de l'exposition. Dans le même esprit, Diderot s'appuie souvent sur l'œuvre d'un tiers pour développer ses idées, pour contredire (Supplément au Voyage de Bougainville), pour s'inscrire dans un contexte ou une polémique (Suite de l'Apologie de M. l'abbé de Prades).
La digression est le principe même de Jacques le Fataliste que l'on pourrait centrer sur des amours que Jacques ne raconte jamais et autour desquelles gravitent une série de récits qui constituent l'œuvre.
La digression c'est aussi des détails sans rapport avec le contenu du texte et qui servent à l'introduire, à alléger le propos. Ainsi, la première réplique du Paradoxe sur le comédien est : « N'en parlons plus ».
La mise en abyme est utilisée par Diderot afin de mener de front l'exposition d'une théorie et son application. Le Fils naturel en est un exemple flagrant ; s'y trouvent en effet mêlés la pièce et son commentaire. La pièce de théâtre constitue en fait une incise au sein de l'exposé d'une théorie du théâtre (Entretiens sur Le Fils naturel). Diderot d'ailleurs se met en scène occupé à assister à une représentation théâtrale privée à laquelle participe la personne avec laquelle il discute.
Chez Diderot, les idées s'effacent quelque peu devant la méthode (voir ci-dessus). Il est moins question d'imposer ses vues personnelles que d'inciter à la réflexion personnelle sur la base de différents arguments, donnés, par exemple, par les intervenants des dialogues. Les idées personnelles de Diderot ont de plus évolué avec l'âge.
Plutôt qu'un philosophe, Diderot est avant tout un penseur. Il ne poursuit en effet ni la création d'un système philosophique complet, ni une quelconque cohérence : il remet en question, éclaire un débat, soulève des paradoxes, laisse évoluer ses idées, constate sa propre évolution, mais tranche peu.
Pour autant, des thèmes apparaissent récurrents dans sa pensée et des orientations générales peuvent être dégagées de ses écrits.
Selon Andrew S. Curran, les questions centrales à la pensée de Diderot sont les suivantes[54] :
La position de Diderot à l'égard de la religion évolue dans le temps, en particulier dans sa jeunesse. Ses parents le vouaient à une carrière ecclésiastique et il reçut la tonsure de l'évêque de Langres. Arrivé à Paris, son parcours académique se fait dans des institutions d'obédience catholique, comme la Sorbonne. C'est au gré de ses lectures que sa foi va s'étioler et qu'il semble évoluer vers le théisme, le déisme, et enfin souscrire aux idées matérialistes. C'est cette évolution que l'on constate des Pensées philosophiques à la Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient. Plus tard, ces positions sont confirmées dans le Supplément au voyage de Bougainville qui évoque la religion naturelle et dans un dialogue très représentatif, l'Entretien d'un philosophe avec la maréchale de ***. Diderot rejette autant les excès de la religion que la religion elle-même en tant que système fondé sur la croyance en un être supérieur. Toute sa vie, il fut en conflit avec son frère sur ces questions.
La morale[55] est une préoccupation récurrente de Diderot. Le thème apparaît dans ses critiques artistiques (voir ci-dessous), dans son théâtre (voir ci-dessus) et dans quelques textes (contes et dialogues) rédigés en 1771-1772 autour du thème de la morale, inspirés par un retour dans sa région natale, occasion de se remémorer la droiture morale de son père décédé.
Les contacts de Diderot avec les peintres et leurs œuvres lors des salons parisiens l'amènent à développer une pensée sur l'art pictural qu'il expose dans ses Essais sur la peinture et ses Pensées détachées sur la peinture.
Synthèse[56]
Œuvres principales
Diderot s'est peu engagé directement dans les débats politiques[58] de son temps et on ne trouve pas non plus chez lui de traité politique ou d'ouvrage qui synthétise ses idées. Les réflexions et ses idées politiques se découvrent donc à travers sa vie et l'ensemble de son œuvre, jusque dans les écrits esthétiques[59], en particulier à partir des années 1770.
À côté des textes personnels, il faut isoler quelques écrits qui portent sur des questions politiques concrètes ou des projets et qui sont des œuvres de commande - comme la Première lettre d'un citoyen zélé (1748), écrite pour M.D.M. (parfois identifié avec Sauveur-François Morand).
Lors de son incarcération à Vincennes, Diderot s'était engagé à modérer ses écrits ; et dès sa libération, il s'est effectivement appliqué, non à respecter son engagement, mais à jouer de discrétion et contourner la censure. Cette lutte, qui sera incessante jusqu'à la fin de la publication de l'Encyclopédie, est le premier positionnement de Diderot à l'égard du pouvoir[60] et du système politique.
Les préoccupations importantes de Diderot sont le rejet du despotisme, le rôle de l'enseignement non religieux dans le bonheur, le développement de la société et celui du droit d'auteur[61] — sans porter préjudice à la circulation du savoir.
Diderot est également auteur ou coauteur de quelques ouvrages scientifiques. En tant que matérialiste, la compréhension des phénomènes naturels est une préoccupation importante que l'on retrouve à travers toute son œuvre.
Bibliographie
La réception de l'œuvre Diderot a une histoire particulière car l'image du philosophe a évolué avec le temps, au gré de la révélation progressive de son œuvre. Cette révélation progressive apparait clairement dans le tableau de synthèse de l'article Œuvres de Denis Diderot.
Diderot, de son vivant, s'est montré prudent face à la censure. Après son incarcération de 1749, il ne voulait plus prendre de risque ni en faire courir à sa famille. Il va donc lui-même reporter la publication de certains textes, parfois de plusieurs années après les avoir écrits. Par ailleurs, certains textes ne sont parus que dans la Correspondance littéraire de Grimm. La publication manuscrite de ce périodique ne permettait pas d'assurer une connaissance publique de l'œuvre de Diderot.
En 1765, Catherine II de Russie, bibliophile, achète à Diderot sa bibliothèque personnelle en viager contre 15 000 livres et une pension annuelle de trois cents pistoles[62]. Diderot en garda l'usage et perçoit une rente en tant que bibliothécaire, mais l'accord impliquait que le fond et tous ses manuscrits seraient transférés à Saint-Pétersbourg à sa mort. Ce qui fut fait en juin 1786. Cet éloignement n'a pas favorisé la publication des textes soigneusement cachés par Diderot. De plus, sur place, les documents n'ont pas eu les égards de ceux de Voltaire (transférés dans des circonstances similaires), n'ont pas été catalogués et se sont éparpillés. Certains n'ont réapparu qu'au XXe siècle...
De son côté, sa propre fille, catholique et conservatrice, a sans doute, malgré l'admiration qu'elle vouait à son père, cherché à orienter la publication de ses œuvres, « corrigeant » si nécessaire les textes qui ne respectaient pas assez ses valeurs, la bienséance ou les intérêts commerciaux de son mari. Un exemple concret[63] est le grattage systématique des noms de personnes dans les manuscrits de Ceci n'est pas un conte. Dans d'autres textes, certains noms seront remplacés ou ramenés à leur initiale. Même le fidèle secrétaire, Naigeon n'obtiendra pas sa collaboration pour l'édition des Œuvres complètes qu'il préparait avec Diderot à partir de 1782 et qui ne paraitra qu'en 1800 (voir ci-dessous).
Les vicissitudes de l'histoire ont également porté atteinte à l'image de Diderot. En 1796 parait l'Abdication d'un roi de la fève ou Les éleuthéromanes. Le public tient des passages de ce texte pour responsables de certains excès de la Révolution française et les reproche à Diderot[64]. Ces dispositions n'inciteront ni à l'étude, ni à la publication ni à la découverte de textes durant tout le XIXe siècle.
Dans la première partie du XIXe siècle, les œuvres de Diderot sont toujours contestées et interdites à de nombreuses reprises. On notera que le , à Paris, le Tribunal Correctionnel de la Seine, ordonne la destruction du roman de Denis Diderot Jacques le Fataliste et son maître et condamne l'éditeur à un mois de prison. D'autres œuvres de Diderot connaîtront la censure étatique pour outrage à la morale publique dont La Religieuse (en 1824 et 1826), ou encore les Bijoux Indiscrets (en 1835)[65].
Il faut en fait attendre le bicentenaire de sa naissance, 1913, pour rencontrer un regain d'intérêt et avoir une vision considérée à l'époque comme complète de ses écrits. Cependant, en 1949, Herbert Dieckmann découvre le fonds Vandeul et permet d'apporter un nouvel éclairage complémentaire, ainsi que des inédits[66].
L'image de Diderot a donc évolué avec le temps en fonction de l'idée que l'on pouvait se faire de l'intégralité de son œuvre. Ses contemporains le connaissaient essentiellement comme l'éditeur de l'Encyclopédie, le promoteur d'un nouveau genre théâtral (le « drame bourgeois »), l'auteur d'un roman libertin (Les Bijoux indiscrets) et de quelques textes philosophiques critiqués. Après sa mort, il est assez symptomatique de voir les éditions d'« Œuvres complètes » s'enrichir avec le temps.
À l'occasion du tricentenaire de la naissance de Diderot en 2013, sa ville natale, Langres, inaugure la Maison des Lumières Denis Diderot, seul et unique musée consacré à l'encyclopédiste, bien que ce dernier n'y soit revenu que quatre fois après s'être installé à Paris, en raison notamment des relations conflictuelles avec son frère[67].
Voir aussi : Personnalité liée à Denis Diderot et L'Académie de Berlin.
L'analyse de l'entourage de Diderot souligne, autant que la diversité de son œuvre, son côté éclectique. Les personnages repris ici n'entretenaient bien sûr pas tous les mêmes rapports avec Diderot : si tous ont eu un impact sur sa vie ou son œuvre, ces contacts ont pu n'être alimentés que sporadiquement ou ponctuellement.
Jean-Jacques Rousseau Diderot et Rousseau sont amis entre 1742 et 1757 - date de la publication du Fils naturel.
Paul Henri Thiry d'Holbach Diderot passe son premier séjour à Granval (Sucy-en-Brie[70]), sur son invitation en 1759.
Melchior Grimm, rencontré en 1749.
Voltaire Lettres connues à Voltaire : 11 juin 1749 (Lettre sur les aveugles), 19 février 1758, 28 novembre 1760, 29 septembre 1762, 1766. Diderot lui a manifestement adressé un exemplaire de la Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient. Voltaire lui répond et marque son intérêt pour l'ouvrage. Voltaire collabore à l'Encyclopédie avec quelques articles. Respect mutuel mais l'éventuelle unique rencontre, en 1778, n'est pas confirmée. Dans une lettre à Palissot du 4 juin 1760, Voltaire dit : « sans avoir jamais vu M. Diderot (...) j'ai toujours respecté ses profondes connaissances. »
Michel-Jean Sedaine La rencontre date de 1765 : l'attention de Diderot est attirée par le Philosophe sans le savoir, présenté au public le 2 décembre 1765, qu'il apprécie tout particulièrement.
François Tronchin Diderot remanie sa pièce Catilina au point d'en modifier la focalisation et de devoir changer le titre en Terentia en 1775.
Étienne Maurice Falconet, Anna Dorothea Therbusch, Charles van Loo, Jean-Honoré Fragonard, Claude Joseph Vernet (qui lui offre son tableau Fin de tempête en 1768), Allan Ramsay (rencontré en septembre 1765).
Son père, Didier Diderot (1685-1759)
Malgré les tensions avec son fils, Didier lui transmettra ses préoccupations morales et un intérêt pour la technique, qui aidera Diderot dans sa rédaction de l’Encyclopédie.
Son frère, Didier-Pierre Diderot
Sa fille, Marie-Angélique (1753-2 décembre 1824).
Elle est aimée de son père et lui témoigne une grande admiration[71]. Elle donne en 1797 une notice historique sur Sedaine, à la Correspondance littéraire[72].
Il existerait (ou aurait existé) un portrait d'elle par Jacques Augustin Catherine Pajou et Louis Léopold Boilly. Claveciniste talentueuse, son père lui rapportera des partitions inédites de Carl Philipp Emanuel Bach, rencontré à Hambourg en revenant de Saint-Pétersbourg. Pieuse et soucieuse des intérêts financiers de son mari (Abel Caroillon de Vandeul), elle finira par nuire volontairement à la réception de l'œuvre de son père. Il existe une copie manuscrite (inédite) de 160 de ses lettres adressées à son ami Drevon[73], juge du tribunal à Langres entre 1805 et 1822[74].
Le monde politique n'est pas représenté dans les proches de Diderot (voir ci-dessous ses écrits en ce domaine). Toutefois, Diderot a pu profiter à différentes périodes de soutiens plus ou moins affichés. Lors de sa détention à Vincennes, on notera par exemple de l'intervention de Madame de Pompadour et l'édition de l'Encyclopédie bénéficiera du soutien de Malesherbes.
N'ayant pas vraiment eu d'ennemis personnels, les opposants[75]...
Bien qu'il ne semble pas avoir été initié, Diderot est entouré de francs-maçons[76] : Louis de Jaucourt, André Le Breton, Montesquieu, Jean-Baptiste Greuze, Claude-Adrien Helvétius, Friedrich Heinrich Jacobi, Voltaire[77], Otto Hermann von Vietinghoff, Carlo Goldoni...
On notera également l'intérêt particulier qui lui est porté par des francs-maçons qui ne le connaitront pas de son vivant : Goethe, Guizot, Frédéric Bartholdi...
Diderot fut par ailleurs lié à Jacques-Henri Meister, Galiani[78], Damilaville, d'Holbach, Guillaume Le Monnier, l'abbé Raynal, André Le Breton, madame Geoffrin qui lui offre fin 1768 la trop luxueuse robe de chambre qui lui fera regretter l'ancienne, l'orfèvre Étienne-Benjamin Belle, chez qui il fera quelques séjours (à Sèvres), David Garrick, Roland Girbal (son copiste[79]), la princesse de Nassau-Sarrebruck, Julie de Lespinasse (amie de D'Alembert, qui s'offusquera d'être un personnage du Rêve de d'Alembert), Suzanne Curchod, Jacques-André Naigeon, Jean Jodin[80], Léger Marie Deschamps, moine bénédictin, auteur d’un Vrai système, rencontré en 1769 et que Diderot critique sévèrement dans la Correspondance littéraire pour ne pas avoir assez lu entre les lignes, comme lui expliquera l’auteur.
Diderot entretint une amitié de quarante ans avec Étienne-Benjamin Belle[81], décédé, sans union connue ni enfant, le 6 fructidor an III (23 août 1795). Il avait acquis - voire avait fait construire ou surélevé, selon certaines sources - en 1766, une maison face à l'ancien pont de Sèvres (bien marquée sur le plan cadastral), aujourd'hui rue Troyon, no 26, où Diderot séjourna à plusieurs reprises. Ses neveu (Alexandre) et nièce (Marie-Anne Belle, veuve Labanche, manufacturier de Sedan) héritèrent de ses biens et les revendirent rapidement. Étienne-Benjamin était le frère d'un joaillier mort à Paris vers 1777.
Diderot était un sédentaire. Il n'aimait guère les voyages[82].
Devenu célèbre grâce à l'Encyclopédie, Diderot a souvent été représenté en peinture ou en sculpture à partir des années 1760. Les nombreux portraits réalisés de lui dans la gravure, la peinture et la sculpture, selon les modes les plus divers, témoignent de l'intérêt marqué que Diderot portait à la diffusion de son propre visage de son vivant et à sa transmission à la postérité[83]. Voici une liste chronologique – dont il est difficile de garantir l'exhaustivité – des portraits de Diderot effectués de son vivant et parfois, quand l'original fait défaut, les gravures qui en découlèrent. Cet aperçu participe à la connaissance de sa réception. Les références sont complétées par l'avis du modèle sur son image, quand il nous est connu[84].
Jean-Baptiste Garand, 1760[85].
« Je n'ai jamais été bien fait que par un pauvre diable appelé Garand, qui m'attrapa, comme il arrive à un sot qui dit un bon mot. Celui qui voit mon portrait par Garand, me voit »
Claude Bornet, portrait, 1763[86].
Carmontelle, Grimm et Diderot, dessin à la mine de plomb et aquarelle, 1760[87].
Étienne Maurice Falconet, buste, antérieur à 1767.
« Je dirais seulement de ce mauvais buste, qu'on y voyoit les traces d'une peine d'âme secrète dont j'étais dévoré quand l'artiste le fit »
Marie-Anne Collot, différents bustes antérieurs à 1767.
« Il[88] est bien, il est très bien. Il a pris chez lui[89] la place d'un autre, que son maître, M. Falconet[90], avait fait, et qui n'était pas bien. Lorsque Falconet eut vu le buste de son élève, il prit un marteau, et cassa le sien devant elle »
Louis Michel van Loo, portrait, 1767.
« Moi, j’aime Michel, mais j’aime encore mieux la vérité. Assez ressemblant; très vivant ; c’est sa douceur, avec sa vivacité ; mais trop jeune, tête trop petite, joli comme une femme, lorgnant, souriant, mignard, faisant le petit bec, la bouche en cœur ; et puis un luxe de vêtement à ruiner le pauvre littérateur, si le receveur de la capitation vient l’imposer sur sa robe de chambre. L’écritoire, les livres, les accessoires aussi bien qu’il est possible, quand on a voulu la couleur brillante et qu’on veut être harmonieux. Pétillant de près, vigoureux de loin, surtout les chairs. Du reste, de belles mains bien modelées, excepté la gauche qui n’est pas dessinée. On le voit de face; il a la tête nue; son toupet gris, avec sa mignardise, lui donne l’air d’une vieille coquette qui fait encore l’aimable; la position d’un secrétaire d’État et non d’un philosophe. La fausseté du premier mouvement a influé sur tout le reste. C’est cette folle de madame Van Loo qui venait jaser avec lui, tandis qu’on le peignait, qui lui a donné cet air-là et qui a tout gâté. […] Il fallait le laisser seul et l’abandonner à sa rêverie. Alors sa bouche se serait entrouverte, ses regards distraits se seraient portés au loin, le travail de sa tête fortement occupée se serait peint sur son visage, et Michel eût fait une belle chose. Mon joli philosophe, vous me serez un témoignage précieux de l’amitié d’un artiste, excellent artiste, plus excellent homme. Mais que diront mes petits-enfants, lorsqu’ils viendront à comparer mes tristes ouvrages avec ce riant, mignon, efféminé, vieux coquet - là ! Mes enfants, je vous préviens que ce n’est pas moi. J’avais en une journée cent physionomies diverses, selon la chose dont j’étais affecté. J’étais serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste ; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là. J’avais un grand front, des yeux très vifs, d’assez grands traits, la tête tout à fait du caractère d’un ancien orateur, une bonhomie qui touchait de bien près à la bêtise, à la rusticité des anciens temps. »
« Je n'ai pas encore vu les Vanloo, mais je les verrai demain. Michel m'a envoyé le beau portrait qu'il a fait de moi ; il est arrivé, au grand étonnement de Madame Diderot qui le croyait destiné à quelqu'un ou quelqu'une. Je l'ai placé au-dessus du clavecin de ma petite bonne [sa fille]. Je l'aimerais bien autant ailleurs. Mme Diderot prétend qu'on m'a donné l'air d'une vieille coquette qui fait le petit bec et a encore des prétentions. Il y a bien quelque chose de vrai dans cette critique. Quoi qu'il en soit, c'est une marque d'amitié de la part d'un excellent homme, qui doit m'être et me sera toujours précieuse. »
— Lettre à Sophie Volland, 11 octobre 1767.
Louis Michel van Loo, dessin sur papier brun, sans date, musée du Louvre[91].
Anna Dorothea Therbusch, représentation de Diderot torse nu, vers 1767. Le portrait original est perdu mais il a été reproduit en émail par Pierre Pasquier et gravé ensuite par Pierre François Bertonnier pour l'édition Brière des Œuvres de Diderot (1825). Brière a offert l'émail de Pasquier à M. François Guizot[92].
« Ses autres portraits sont froids, sans autre mérite que celui de la ressemblance, excepté le mien, qui ressemble, où je suis nu jusqu'à la ceinture, et qui, pour la fierté, les chairs, le faire, est fort au-dessus de Roslin et d'aucun portraitiste de l'Académie. Je l'ai placé vis-à-vis celui de Van Loo, à qui il jouait un mauvais tour. Il était si frappant, que ma fille me disait qu'elle l'aurait baisé cent fois pendant mon absence, si elle n'avait pas craint de le gâter. La poitrine était peinte très-chaudement, avec des passages et des méplats tout à fait vrais »
Marie-Anne Collot, buste en marbre, 1772, Musée de l'Ermitage[95]
Jean Simon Berthélemy, non daté (XVIIIe siècle, sans doute après 1770), musée Carnavalet (Paris)[98].
Anonyme, XVIIIe siècle, musée Antoine Lécuyer (Saint-Quentin)[99].
Dmitri Levitsky, 1773 ou 1774[100], huile sur toile, 58 × 48,5 cm, Musée d'Art et d'Histoire de Genève[101].
Jean-Baptiste Pigalle, buste, bronze, 41 cm (h.) x 34 cm (l.) x 25 cm (p.), 1777, musée du Louvre[102]. Au revers, cette inscription « En 1777. Diderot par Pigalle, son compère, tous deux âgés de 63 ans. »
Gabriel-Jacques de Saint-Aubin, portrait d'après Louis Michel van Loo, connu d'après une gravure anonyme non datée conservée au musée national de la Coopération franco-américaine (Blérancourt)[103].
Jean Honoré Fragonard, portrait désormais rejeté[104], huile sur toile, vers 1769, musée du Louvre[105].
Au-delà de 1784, il faut signaler quatre représentations majeures de Diderot.
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