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livre de Denis Diderot De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le Neveu de Rameau ou La Satire seconde (sous-titre ajouté à la main par Diderot sur le manuscrit) est un dialogue écrit par Denis Diderot sans doute entre 1762 et 1773. Il s'agit d'une discussion à bâtons rompus entre Moi, le narrateur, philosophe, et Lui, Jean-François Rameau, neveu du célèbre compositeur Jean-Philippe Rameau.
Le Neveu de Rameau ou La Satire seconde | |
Édition princeps | |
Auteur | Denis Diderot |
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Pays | France |
Genre | Dialogue philosophique |
Éditeur | Plon |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | 1891 |
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L'épigraphe du livre, « Vertumnis, quotquot sunt, natus iniquis » (« né sous l'influence maligne de tous les Vertumnes réunis ») est à rapprocher du sous-titre satire seconde, du latin satura (mélange). Vertumne est en effet le dieu du changement de temps et des saisons. Cet exergue annonce le thème de l’inconstance cher à Diderot.
Moi est à la fois un intervenant du dialogue et le narrateur qui relate l'entrevue. C'est Rameau, quand il apparaît qui l'interpelle comme philosophe : « Ah, vous voilà, monsieur le philosophe. » Moi joue surtout un rôle maïeutique : il fait parler Rameau, le pousse à approfondir ses réflexions et recentre par moments la conversation. Il semble regarder Rameau avec indulgence ou amusement, mais c’est néanmoins Lui (Rameau) qui impose sa vision immorale et cynique de la vérité.
Lui est clairement identifié à Jean-François Rameau, neveu du célèbre compositeur Jean-Philippe Rameau. Dans sa brève introduction à l’entretien, Moi le présente comme un original, excentrique et extravagant, amoral, provocateur, rempli de contradictions, « composé de hauteur et de bassesse, de bon sens et de déraison ». Il présente surtout une vision matérialiste, hédoniste et cynique de la vie[1].
En fait, Lui et Moi sont surtout allégoriques et le dialogue est surtout celui de Diderot avec lui-même, ou plus exactement entre deux facettes inconciliables de ses considérations morales. Plus généralement encore, Le Neveu de Rameau manifeste l'écart entre la réflexion philosophique et la réalité quotidienne.
Selon Andrew S. Curran, les conséquences du matérialisme athée sont le thème principal du Neveu de Rameau. L'inexistence de Dieu y est tenue pour acquise, les personnages explorent les thèmes de la possibilité de la morale dans un monde sans dieu et la distinction entre les êtres humains et les autres animaux[2].
Le neveu de Rameau est à la fois artiste, fantasque et cynique. Comparé au « Neveu », le philosophe incarne en lui la réflexion. Il a surtout pour but de donner la réplique au Neveu. Rameau réfute les valeurs morales imposées par la société : vertu, amitié. Il pense qu'il faut être immoral pour pouvoir réussir. Le philosophe tente de le persuader que l'honnêteté seule peut rendre heureux. Les deux hommes discutent ainsi au café de la Régence à côté du Palais-Royal. Ils se demandent à quelle personne il faut ressembler pour devenir le citoyen idéal.
Prenant l'apparence d'une conversation à bâtons rompus, cette discussion est centrée sur le thème de la morale — thème important dans l'œuvre de Diderot. Il est approché par différents biais, comme l’éducation, la place de l’homme de génie dans la société, la musique…
Les hommes, pour satisfaire leurs besoins, se soumettent et s’éloignent des valeurs défendues par le philosophe car la philosophie serait irréaliste. Cependant, la vie de Lui paraît vide et improductive, inutile et vaine. Il n’aurait rien produit là où le philosophe travaille pour le bien de l’humanité (le début supposant la rédaction du Neveu de Rameau y correspond puis prend place à l'époque où Diderot, précisément, achève l'Encyclopédie).
Pour illustrer son propos, ajouter du réalisme à la scène — trait courant dans les fictions de Diderot —, régler ses comptes ou introduire de l'humour ou une digression, Diderot évoque des personnages, des œuvres ou des événements de son temps et égratigne quelques-uns de ses adversaires[3]. Ces évocations comptent parmi les rares indices qui permettent de dater la rédaction du dialogue et l'associe au genre de la satire.
Le Neveu de Rameau s’inscrit dans un contexte historique bien précis, celui de la charge des anti-philosophes contre les auteurs de l’Encyclopédie : Diderot, d’Alembert, Voltaire, Rousseau, ceux qu’on appelle les Philosophes des Lumières. Quel est l’enjeu de cette querelle ? Irrité par l’admiration que les Philosophes portent au roi de Prusse Frédéric II au moment de la guerre de Sept Ans, Choiseul, le premier ministre de Louis XV, lance contre eux une cabale. Choiseul accuse Diderot en 1758 d’avoir pillé les planches de Réaumur pour l’Encyclopédie et plagié Goldoni dans sa pièce Le Fils naturel. Les Philosophes sont soutenus notamment par Madame de Pompadour et Malesherbes, directeur de la librairie, qui obtient finalement la permission tacite d’imprimer l’Encyclopédie. Fréron est l’antiphilosophe le plus dangereux, mais c’est Charles Palissot, protégé de Choiseul et ami de Voltaire, qui est animé d’une rancune toute particulière contre Diderot. Il se consacre à « démasquer les sophistes du temps ». À la tête de la cabale antiphilosophique, il attaque particulièrement Diderot en tant que chef de file de l’Encyclopédie. Palissot condamne l’intolérance des Philosophes et leur esprit de parti : « L’enthousiasme de la nouvelle Philosophie était porté si loin que l’on traitait de crime irrémédiable la plus légère plaisanterie que l’on pût se permettre sur aucun de ses adeptes. »
Ce débat marque l’avènement d’une élite nouvelle qui souhaite jouer un rôle national et dont les clans rivaux s’affrontent en prétendant chacun distribuer la gloire et diriger l’opinion. En tant que chef de file de l’Encyclopédie, Diderot est particulièrement attaqué, ridiculisé, critiqué, persécuté. On lui reproche son jargon, sa pédanterie. Il promet de ne pas écrire de mot de représailles, mais sa réponse la plus forte sera le Neveu de Rameau.
La querelle des Bouffons met en opposition le parti du Roi (conduit par Rameau) et celui de la Reine (mené par Rousseau). Le parti du Roi luttait contre l'italianisation de la musique française. Les thèses de Diderot sont le signal d’une évolution du goût et des arts. Il en est de même pour la danse. La danse n’est pour lui qu’une sorte de ballet de cour, un divertissement qui tient de la fête et du feu d’artifice, avec des ornements et des figures qui n'ont pas suffisamment évolué depuis un siècle. Il pense qu’il faut trouver de nouveaux sujets. Diderot reproche à Jean-Philippe Rameau de ne pas pouvoir complètement s’émanciper d’une esthétique qui semblait alors ancienne à beaucoup de professionnels ou d'amateurs, d’un genre créé par Lully au siècle précédent. La vieillesse de Rameau est troublée par les critiques dures d'autres Philosophes. Il offre ainsi une autre image du grand homme calomnié, qui vient doubler celle de Diderot[4].
La rédaction fut sans doute étalée entre 1761 et 1774 mais on sait peu de choses des circonstances qui présidèrent à cette création que Diderot cacha soigneusement. Deux raisons sont possibles à cette dissimulation :
Au décès de Diderot, un exemplaire manuscrit part en Russie et un ou deux autres restent en France, dans la famille du philosophe. Quinze ou vingt ans après, un Russe, qui a lu et apprécié le livre, le fait découvrir à Schiller, qui le présente à son tour à Goethe. Ce dernier, admiratif, traduit le texte en allemand et le publie en 1805. Il est « traduit » en français en 1821.
En 1891, Georges Monval trouve par hasard, dans un lot de documents acheté chez un bouquiniste parisien, un autre exemplaire du Neveu, manuscrit et autographe de Diderot, qui constitue depuis lors le texte de référence des éditions récentes[5].
La forme de dialogue prédispose Le Neveu de Rameau à l'adaptation théâtrale. Toutefois, le fond du texte, anecdotique, et sa longueur font que le texte est peu joué et rarement intégralement.
Voir aussi Henri Coulet, « Les Éditions du Neveu de Rameau », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 1988, no 254, p. 387-393.
Peu après sa parution en allemand, Hegel commente le Neveu de Rameau dans sa Phénoménologie de l'esprit.
Dans sa thèse Histoire de la folie à l’âge classique (p. 431 sq. dans l’édition Tel), Michel Foucault commente également cette œuvre.
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