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écrivaine française De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Annie Ernaux, née Duchesne le à Lillebonne (Seine-Inférieure), est une professeure de lettres et écrivaine française. Le prix Nobel de littérature lui est décerné en 2022 pour « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle ».
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Annie Thérèse Blanche Duchesne |
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Née dans un milieu modeste, elle passe son enfance et son adolescence à Yvetot, en Haute-Normandie, avant de faire ses études à l’université de Rouen, puis à celle de Bordeaux. Elle devient successivement professeure certifiée, puis agrégée de lettres modernes en 1971. Elle enseigne jusqu'à la retraite, qu'elle prend en 2000, afin de préserver son activité d'écriture des impératifs économiques[1].
Annie Ernaux fait son entrée en littérature en 1974 avec Les Armoires vides, un roman autobiographique. Elle obtient en 1984 le prix Renaudot pour La Place, également autobiographique.
Son œuvre littéraire, pour l'essentiel autobiographique, qui entretient des liens étroits avec la sociologie, est traduit dans une cinquantaine de langues[2].
Annie Thérèse Blanche Duchesne[3] naît le [4] à Lillebonne (Seine-Inférieure) de parents cauchois dans un milieu social modeste. Son père, Alphonse Léon Duchesne (1899-1967), est né à Autretot, et sa mère, Blanche Madeleine Dumenil (1906-1986)[5], à Yvetot ; ils sont ouvriers, puis exploitants, avant de devenir propriétaires d'un café-épicerie à Yvetot. Leurs généalogies respectives remontent au XVIIe siècle avec des familles de paysans, cultivateurs et tisserands issues de Hautot-Saint-Sulpice, Étoutteville, Ouville-l'Abbaye [6], villages tous situés à moins de 10 km au nord d'Yvetot.
En 1950, en écoutant une conversation de sa mère, elle apprend l'existence d'une sœur aînée, Ginette (1932-1938), morte de diphtérie[7],[8],[9],[10],[11].
Elle passe son enfance et son adolescence à Yvetot, où ses parents l'inscrivent dans un établissement d'enseignement privé catholique pour jeunes filles [12], obtient le baccalauréat en 1959 à Caen[13] puis poursuit ses études à l’université de Rouen et à celle de Bordeaux[14] à partir de 1964[13]. Elle devient successivement professeure certifiée, puis agrégée de lettres modernes en 1971. Elle travaille un temps à un projet de thèse, inabouti, sur Marivaux[15].
Au début des années 1970, elle enseigne au lycée de Bonneville[16], au Collège Évire à Annecy-le-Vieux puis en 1977 à Pontoise avant d'intégrer le Centre national d'enseignement à distance (CNED)[17].
En 1964, elle épouse Philippe Ernaux, étudiant à Sciences Po qui deviendra haut-fonctionnaire territorial[18],[19]. Ils ont deux fils : Éric (né en 1964) et David (né en 1968[20]). Le couple divorce en 1981 après 17 ans de vie commune[21],[22].
De 1994 à 1997, elle a une relation amoureuse avec un étudiant à Rouen, de 30 ans son cadet. Il a pour elle une ferveur dont, dit-elle, elle « n'avait jamais été l'objet de la part d'un amant. Avec mon mari autrefois, je me sentais une fille du peuple, avec lui, cette fois j'étais une bourge »[23],[24],[25],[26].
Entre mars 2003 et janvier 2004, atteinte d'un cancer du sein, elle partage la vie du photographe Marc Marie[27],[28].
Avec son fils David, elle présente le film Les Années Super 8 [a] (en compétition pour la Caméra d'or) à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2022, la sortie en salles du film est programmée pour le 18 décembre 2022[29].
Elle réside à Cergy (Val-d'Oise) depuis 1975[30].
Annie Ernaux publie son premier roman, à caractère autobiographique, Les Armoires vides aux éditions Gallimard en 1974. Puis, chez le même éditeur, Ce qu'ils disent ou rien en 1977, La Femme gelée en 1981 et La Place en 1983, autre de ses ouvrages à caractère autobiographique qui obtient le prix Renaudot en 1984.
Suivent une dizaine d'ouvrages publiés, dont Une femme en 1988, Passion simple en 1992, La Honte en 1997, L'Événement (2000) et L'Occupation en 2002.
Les Années, vaste fresque qui court de l'après-guerre à nos jours, publiée en 2008, est récompensée en 2008 et 2009 par plusieurs prix. Cette même année 2008, elle reçoit le prix de la langue française pour l'ensemble de son œuvre[31].
En 2011, Annie Ernaux publie L'Autre Fille, une lettre adressée à sa sœur Ginette, décédée en 1938[32], ainsi que L'Atelier noir, qui rassemble différents carnets d'écriture constitués de notes, de plans et de réflexions liées à la rédaction de ses ouvrages. La même année, une anthologie intitulée Écrire la vie paraît dans la collection « Quarto ». Elle rassemble la plupart de ses écrits autobiographiques et propose un cahier d'une centaine de pages, composé de photos et d'extraits de son journal intime inédit.
En avril 2016, elle publie à nouveau un récit autobiographique, Mémoire de fille, dans lequel, près de soixante ans plus tard, elle se penche sur l'année de ses 18 ans, l'été 1958[33], lorsqu'elle a ses premières relations sexuelles et sa première expérience de la vie en collectivité pendant une colonie de vacances dans l'Orne — expérience qui restera pour elle, comme elle l'écrit dans l'ouvrage, « la grande mémoire de la honte, plus minutieuse, plus intraitable que n'importe quelle autre. Cette mémoire qui est en somme le don spécial de la honte[34] ». Dans ce livre, elle évoque aussi son séjour à Finchley, dans la banlieue de Londres, comme fille au pair en 1960, avant qu’elle ne décide d’étudier les lettres à l'université de Rouen, abandonnant la formation entamée pour devenir institutrice[35].
Son œuvre aborde fréquemment des thèmes du féminisme et de l'engagement politique[36].
En 2017, elle reçoit le prix Marguerite-Yourcenar, décerné par la Société civile des auteurs multimédia[37], pour l'ensemble de son œuvre.
Elle est de plus en plus traduite et diffusée en langue anglaise, notamment ses deux ouvrages Les Années et L'Événement[38]. Ce dernier est adapté au cinéma en long-métrage, en 2021, par Audrey Diwan[39].
Le , l'Académie suédoise annonce que le prix Nobel de littérature est décerné à Annie Ernaux « pour le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle met à découvert les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle ». Elle est la 17e femme à se voir décerner ce prix prestigieux[40],[41]. Ce choix suscite les éloges de la presse internationale qui salue les combats politiques et sociétaux de l’écrivaine normande, et souligne l’originalité de son écriture[42]. Le journal régional Paris-Normandie parle d'« une fierté normande », « même si elle eut parfois des mots durs à l’endroit de sa région natale »[43].
Dans son discours à l'Académie suédoise, elle indique avoir placé dès 1974 son œuvre littéraire, pour l'essentiel autobiographique et entretenant des liens étroits avec la sociologie, dans une aire sociale et féministe, constatant que son but affiché de « venger sa race[44],[45] et venger son sexe ne feraient qu'un dorénavant »[46],[47].
Impliquée dans les luttes sociales et politiques, engagée politiquement à gauche, la féministe Annie Ernaux ne confond pas « l'action politique de l’écriture littéraire, soumise à sa réception par le lecteur ou la lectrice avec les prises de position qu'[elle]j [s]e sen[t] tenue de prendre par rapport aux événements, aux conflits et aux idées », comme le faisaient les écrivains et intellectuels français des années 1950[46]. La littérature est le lieu d’émancipation où elle inscrit sa voix de femme et de transfuge social.
L'œuvre d'Annie Ernaux est tirée de son expérience personnelle, qu'elle relate tout d'abord, dans ses trois premiers romans, sous l'angle du récit, certes autobiographique, mais néanmoins modifié par rapport au vécu réel. À partir de 1982, Annie Ernaux rejette totalement la forme romanesque pour se concentrer sur le matériau autobiographique que constitue son enfance dans le café-épicerie parental d’Yvetot, en Normandie. Mêlant expérience historique et expérience individuelle, ses ouvrages dissèquent l’ascension sociale de ses parents (La Place, La Honte), son mariage (La Femme gelée), sa sexualité et ses relations amoureuses (Passion simple, Se perdre, L'Occupation, Le Jeune Homme), son environnement (Journal du dehors, La Vie extérieure), son avortement (L'Événement), la maladie d'Alzheimer de sa mère (« Je ne suis pas sortie de ma nuit »)[48], la mort de sa mère (Une femme) ou encore son cancer du sein (L'Usage de la photo, en collaboration avec le photographe Marc Marie)[27].
Annie Ernaux revendique une écriture neutre, « sans jugement, sans métaphore, sans comparaison romanesque », et évoque un style « objectif, qui ne valorise ni ne dévalorise les faits racontés », cherchant ainsi à « rester dans la ligne des faits historiques, du document[49] ». La parution de La Place en 1983 constitue un tournant dans son écriture, puisqu'elle adopte alors un style plus froid, factuel et minimaliste, qu'elle qualifie d'« écriture plate » et que certains ont rapproché de l'« écriture blanche » de Roland Barthes, parallèle qu'elle réfute[50].
Pour Annie Ernaux, il n'existe « aucun objet poétique ou littéraire en soi », et l'écriture est motivée par un « désir de bouleverser les hiérarchies littéraires et sociales en écrivant de manière identique sur des objets considérés comme indignes de la littérature, par exemple les supermarchés, le RER, et sur d'autres, plus nobles, comme les mécanismes de la mémoire, la sensation du temps, etc., en les associant »[51].
Elle déclare par ailleurs tenter d'écrire sur la langue du monde ouvrier et paysan normand qui a été le sien jusqu'à ses dix-huit ans : « Ce qui m'importe, c'est de retrouver les mots avec lesquels je me pensais et pensais le monde autour »[52].
La dernière phrase de Les Années propose une synthèse de son œuvre, de ses ambitions, mais surtout de son style : « Sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais », sauver « toutes les images [qui] disparaîtront ».
L'œuvre d'Annie Ernaux est très fortement marquée par une démarche sociologique[53] qui tente de « retrouver la mémoire de la mémoire collective dans une mémoire individuelle »[54]. En tentant d'échapper au « piège de l'individualité », l'œuvre d'Ernaux esquisse une redéfinition de l'autobiographie, selon laquelle « l'intime est encore et toujours du social, parce qu'un moi pur, où les autres, les lois, l'histoire, ne seraient pas présents est inconcevable »[55].
Dès lors, Annie Ernaux adopte une démarche objectivante empruntée au sociologue, et se considère avant tout comme la somme d'un vécu nourri de références et de caractéristiques collectives :
« Je me considère très peu comme un être singulier, au sens d'absolument singulier, mais comme une somme d'expérience, de déterminations aussi, sociales, historiques, sexuelles, de langages, et continuellement en dialogue avec le monde (passé et présent), le tout formant, oui, forcément, une subjectivité unique. Mais je me sers de ma subjectivité pour retrouver, dévoiler les mécanismes ou des phénomènes plus généraux, collectifs[56]. »
Selon elle, cette démarche sociologisante permet d'élargir le « je » autobiographique traditionnel : « Le "Je" que j'utilise me semble une forme impersonnelle, à peine sexuée, quelquefois même plus une parole de “l'autre” qu'une parole de “moi” : une forme transpersonnelle en somme. Il ne constitue pas un moyen de m'autofictionner, mais de saisir, dans mon expérience, les signes d'une réalité »[57].
En 2003, elle crée le terme d'« autosociobiographie » (ou « auto-socio-biographie ») pour désigner le genre littéraire de son œuvre[58].
Ainsi, ses ouvrages traitent du « métissage social », de sa trajectoire (fille de petits commerçants devenue étudiante, professeure puis écrivaine) et des mécanismes sociologiques qui l'accompagnent.
À la mort du sociologue Pierre Bourdieu en 2002, Annie Ernaux signe un texte-hommage publié dans Le Monde[59], dans lequel elle revient sur les liens ténus qui unissent son œuvre à la démarche sociologique, les textes de Bourdieu ayant été pour elle « synonymes de libération et de « raisons d'agir » dans le monde ». En 2013, elle participe à l'ouvrage collectif Pierre Bourdieu. L'insoumission en héritage, dans lequel elle écrit l'article « La Distinction, œuvre totale et révolutionnaire »[60].
À l'élection présidentielle de 2012, elle soutient le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, car « il reprend une parole, communiste mais pas seulement, qu'on n'entendait plus[61]. »
En décembre 2021, elle rejoint le parlement de l'Union populaire, qui rassemble des personnalités du monde associatif, syndical et intellectuel derrière la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l'élection présidentielle de 2022[62]. Elle participe en février 2023 au lancement de l'Institut La Boétie de la France Insoumise, groupe de réflexion et organisation de formation politique du parti du même nom, aux côtés de Jean-Luc Mélenchon[63].
Le , elle est parmi les signataires de l'Appel des 58 : « Nous manifesterons pendant l'état d'urgence »[64],[65].
En 2023, elle s'oppose publiquement à la réforme des retraites[66].
Le , elle fait partie des signataires d'une tribune contre la tentative du gouvernement de discréditer le mouvement contre la loi El Khomri par des poursuites judiciaires[67].
En , elle cosigne une tribune dans Libération en soutien au mouvement des Gilets jaunes[68]. Toujours dans Libération, elle cosigne, le , avec 1 400 personnalités du monde de la culture, la tribune « Nous ne sommes pas dupes ! » soutenant le mouvement des Gilets jaunes et affirmant « … les gilets jaunes, c'est nous »[69].
Le , à la suite de la publication d'une analyse de Jean Birnbaum dans laquelle celui-ci « rapporte des propos tenus ici ou là sur les Indigènes de la République et, au-delà, sur l'antiracisme décolonial et politique », elle cosigne, dans Le Monde, une tribune de soutien à Houria Bouteldja — porte-parole du mouvement et auteure de Les Blancs, les juifs et nous (2016) —, affirmant notamment qu'elle est « la cible privilégiée des accusations les plus insensées, qui sont autant de calomnies : racisme, antisémitisme, homophobie…[70]. » La pétition déclenche à son tour quelques réactions[71],[72], Jack Dion de Marianne décrivant le texte comme étant « ahurissant d'allégeance à une dame qui a exposé son racisme au vu et au su de tous[73] ».
En , elle est signataire d'une pétition en collaboration avec des personnalités issues du monde de la culture pour boycotter la saison culturelle croisée France-Israël, qui selon l'objet de la pétition sert de « vitrine » à l'État d'Israël au détriment du peuple palestinien[74]. En 2019, elle cosigne dans Mediapart un appel au boycott[75] du Concours Eurovision de la chanson 2019 à Tel Aviv.
En octobre 2023, les autorités algériennes refusent d’accorder un visa à l’écrivaine qui devait assister au Salon international du livre d'Alger. Selon des observateurs, la décision pourrait être liée à une tribune cosignée en mai par Annie Ernaux, réclamant la libération du journaliste algérien Ihsane El Kadi[76].
En janvier 2024, elle est signataire de la pétition "Strike Germany" pour protester contre la politique allemande d'invisibilisation du soutien aux Palestiniens[77].
Le , dans les débuts de la crise du Covid-19, elle adresse une lettre ouverte[b] à Emmanuel Macron[c], lue par Augustin Trapenard, dans l'émission Boomerang sur France Inter, pour dénoncer sa politique : « Depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d'alarme du monde de la santé et ce qu'on pouvait lire sur la banderole d'une manif en novembre dernier – "L'État compte ses sous, on comptera les morts" – résonne tragiquement aujourd’hui[78],[79],[80] ».
Si Annie Ernaux bénéficie d'une réception critique favorable dans le milieu universitaire (comme en témoigne le grand nombre de thèses et d'études dont son œuvre est le sujet[90]), en France, certains critiques littéraires ont dans le passé qualifié son œuvre de « misérabiliste » et « racoleuse », et ont reproché à l'auteure d'« observer des gens sans ressources » et de « relever de leur catégorie au titre de RMIste du style et du vocabulaire »[91]. Son œuvre fait cependant l'objet d'éloges quasi unanimes après la publication des Années, en 2008, « ce grand et beau livre, éblouissant de maîtrise » selon Nathalie Crom[92] dans Télérama, récompensé par plusieurs prix littéraires. Annie Ernaux est dès lors l'objet d'une « attention extraordinaire de la part des critiques littéraires et du lectorat », la publication des Années ayant entraîné une « acclamation générale »[93].
Pour Frédéric Beigbeder, Annie Ernaux est devenue un « écrivain officiel » qui serait « unanimement salué par une critique béate »[94], "Qu'importe, le public l'adore" écrivait Le Figaro Magazine le 14 octobre 2022[95]. La remise du prix Nobel de littérature ne met pas un terme aux quelques jugements négatifs concernant son œuvre[96],[97]. Christian Salmon considère, lui, qu'à la « joie » des lecteurs devant ce prix répond « une clameur de haine venue de l'extrême droite, mais aussi de l'extrême centre qui visait tout autant l'autrice, dont on niait le talent, que la militante de gauche honnie ». Selon lui, les livres d'Annie Ernaux déconstruisent « les manières codifiées de voir et de penser » ce qui expliquerait sans doute leur rejet par les « garde-chiourmes de la langue. Et du pouvoir »[98]. Pour Frédéric-Yves Jeannet, ces critiques « relèvent sans aucun doute de mobiles plus obscurs –politiques, misogynes ou bien-pensants– que ceux de l'analyse littéraire »[98]. Solange Bied-Charreton, dans Marianne, estime également que le procès de son style révèle une mauvaise foi partisane de ses détracteurs[99].
La critique contre l'autrice touche davantage ses idées politiques que son art d'écrire, comme l'exprimait l'académicien Antoine Compagnon dans le magazine L'Obs le 9 décembre 2022 : "Ses livres m'accrochent autant que ses tribunes me fâchent"[100].
En , Annie Ernaux réagit à la publication de Langue fantôme suivi d’Éloge littéraire d'Anders Breivik de Richard Millet et publie dans Le Monde un texte intitulé « Le pamphlet fasciste de Richard Millet déshonore la littérature ». Elle y dénonce notamment « des propos qui exsudent le mépris de l’humanité et font l’apologie de la violence[101]. » Le lendemain, le même quotidien publie un texte de soutien à cette prise de position signé par 109 personnalités du monde des lettres. Dans Le Point, Patrick Besson ironise sur cette « liste exhaustive de dénonciateurs qui restera dans l'histoire des lettres françaises comme la liste Ernaux » qu'il qualifie par ailleurs d'« écrivain lamentable »[102]. Franck Spengler, dans un article intitulé « Jean-Marie Gustave Le Clézio et Annie Ernaux se déshonorent » pose la question : « Qui êtes-vous, Madame Ernaux, Monsieur Le Clézio pour définir ce qui est bon ou non d'écrire ? » et pour envoyer « au bûcher » Richard Millet[103].
Revenant sur cette affaire quelques années plus tard, Benoît Duteurtre note qu'Annie Ernaux en demandant que Richard Millet ne soit plus édité ni ne puisse éditer les autres et en rassemblant « un bataillon d’auteurs en vue d’obtenir son châtiment » parvint à « accomplir ce qu’on avait rarement vu, même en Union soviétique : une pétition d’écrivains dirigée contre un écrivain ; confrérie rassemblée non par solidarité, mais par la volonté d’éliminer une brebis galeuse »[104].
Le 9 décembre 2022, dans un entretien au Parisien, Annie Ernaux s'insurge contre les idées de l’écrivain Michel Houellebecq, l'auteur de Soumission qu'elle juge « réactionnaire » et "antiféministe". La romancière se réjouit que son concurrent, candidat lui aussi pour le prix Nobel de littérature, n'ait pas reçu ce prix. « Il a des idées totalement réactionnaires, antiféministes, c’est rien de le dire ! » déclare-t-elle, avant d’ajouter « Quitte à avoir une audience avec ce prix, étant donné ses idées délétères, franchement, mieux vaut que ce soit moi ! »[29],[105],[106]
Annie Ernaux souligne l'absence de travail d'écriture dans les romans de Houellebecq : "L’écriture… Il n’y en a pas. Alors il est très traduit, parce que c’est extrêmement facile à traduire."[107]L'écrivaine du Jeune Homme adresse ici au romancier le reproche qui lui est habituellement destiné.
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