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peintre, illustrateur, décorateur et sculpteur catalan De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Antoni Clavé, né le à Barcelone (Espagne) et mort le à Saint-Tropez (Var), est un peintre, graveur et sculpteur espagnol.
Naissance | |
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Décès | |
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Période d'activité |
- |
Nom de naissance |
Antoni Clavé i Sanmartí |
Pseudonyme |
Clave, Antoni |
Nationalités | |
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Formation |
École de la Llotja, Barcelone |
Maître | |
Lieu de travail | |
Mère |
Maria Sanmartí (d) |
Distinction | |
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Lorsque, alors qu'Antoni Clavé i Sanmartí n'est âgé que de deux ans, son père abandonne le foyer familial, sa mère, qui est coiffeuse, s'installe au no 56 de la calle Valdonzella, à Barcelone, pour y vivre jusqu'en 1934. Antoni effectue sa scolarité au collège de San Lorenzo, puis au collège hispano-américain de Barcelone[1].
Après avoir été commis dans une maison de tissus pour gaines et corsets en 1925, Antoni Clavé i Sanmartí entre aux cours du soir de l'École de la Llotja en 1926 (école annexe de la calle Aribau, ne fréquentant l'école principale que de 1930 à 1932), y ayant pour maîtres Felix Mestres (ca), José Mongrell (es) (dessin) et Ángel Ferrant (es) (modelage), et sa famille le laisse poursuivre sa voie[2]. De son passage dans l'atelier d'Àngel Ferrant, « grand champion de l'avant-garde », il conservera en particulier le buste en terre cuite d'Àngel Guimerà qu'il y exécute et qui demeurera le témoin initial « de son plaisir à créer des formes dans l'argile et de son intérêt pour la sculpture »[3].
Antoni Clavé est en 1927 recommandé à Aureli Tolosa (ca), propriétaire d'une entreprise de peinture en bâtiment où il devient apprenti. Attiré par le côté artisanal du métier où il apprend à faire du minium, puis à peindre du bois, à manier les brosses, à dessiner les lettres, Clavé, dès 1928, commence à peindre à l'huile le portrait de sa grand-mère. Son patron lui apprend notamment à copier Vélasquez[4], ce que Clavé accomplit « avec toute la perfection dont il est capable, pour La Reddition de Breda »[3].
En 1932, il remporte le deuxième prix au concours d'affiche de la Caisse d'épargne de Barcelone[5] et, l'année suivante, abandonne la peinture en bâtiment pour vivre de ses dessins, de travaux de décoration, d'illustrations de revues enfantines et surtout, recruté à cette fin par Sixte Illescas (ca), architecte de la Cinémathèque nationale espagnole (CINAES)[1], de la conception d'« affiches pour le cinéma auxquelles il intègre, non sans esprit d'avant-garde, des collages de matériaux de toutes sortes »[6] allant des cordes aux tissus imprimés et du carton ondulé aux fragments de journaux. Il se fait rapidement un nom dans cette spécialité qui absorbera totalement son année 1935 et poursuit cependant ses recherches de matières nouvelles avec Salvador Ortiga, son condisciple de la Llotja, ses autres amis étant alors Emilio Grau Sala, Apelles Fenosa, Manolo, Eudald Serra (es). Parallèlement, Clavé admire tout particulièrement les primitifs catalans[7].
Un an après le début de la guerre civile espagnole, Clavé est mobilisé sur le front républicain d'Aragon, fantassin de deuxième classe. Il est dessinateur et créateur de décors pour le théâtre des armées avec son ami Marti Bas (1910-1966), futur lithographe illustrateur de Henry de Montherlant[1].
En , Clavé est contraint de suivre la retraite de l'armée républicaine et il franchit la frontière française, « mêlé à la masse anonyme des républicains qui traversent à pied les Pyrénées, en quête de liberté, dans le plus grand mouvement d'émigration qu'ait connu l'Europe du XXe siècle. Cruel paradoxe : le gouvernement français du Front populaire leur offre aussitôt comme asile ses camps de concentration, où les conditions de vie sont des plus dures »[3]. Clavé est interné en même temps que Pedro Florès, d'abord au camp de Prats-de-Mollo, « centre d'accueil pour Espagnols et membres des Brigades internationales »[8], puis au camp des Haras, à Perpignan, dont tous deux sortent grâce à l'action de Martin Vivès, artiste peintre en même temps que secrétaire de la mairie de Perpignan[9] : Clavé meublant le temps de son internement par des croquis de ses compagnons d'enfermement et des gardiens de camp sénégalais, « Vivès, qui s'efforçait de venir en aide aux artistes espagnols internés, fut emballé et entreprit les démarches pour obtenir sa libération. Il le recueillit chez lui pendant deux mois, lui fournissant couleurs et toiles pour lui permettre de peindre »[10]. Cette même année, il connaît de la sorte sa première exposition chez Vivant, pâtisserie-salon de thé tenu à Perpignan par Marie Martín. Dès le , grâce aux deux mille francs que lui apporte cette exposition, il quitte Perpignan pour Paris où le médecin catalan Enguera de Sojo lui prête une chambre de bonne à Neuilly[11].
À Paris, il vit pendant quatre années de son ancien métier d'illustrateur pour enfants (il mettra même en bandes Le signe de Zorro pour un magazine)[10], s'essaye à la lithographie dans l'atelier d'Edmond Desjobert[12] tout en poursuivant la peinture dans un style alors influencé par Pierre Bonnard, Édouard Vuillard[13], mais aussi Georges Rouault[14] et Chaïm Soutine[6]. En 1941, il installe son premier atelier au no 45 rue Boissonade à Paris. Il ressent deux immenses bonheurs avec la naissance de son fils Jacques le et, au mois de mai suivant, l'arrivée à Paris de sa mère qui a pu franchir la frontière grâce à des amitiés complices, parmi lesquels Emilio Grau Sala[1] : à son contact, elle se mettra à faire « des gouaches d'une saveur naïve » et mourra en , « le laissant désemparé comme un petit enfant, malade de chagrin »[10]. 1942 est également l'année de la première exposition parisienne, en même temps qu'Emilio Grau Sala et Marti Bas, à la Galerie Castelucho.
La première rencontre d'Antoni Clavé avec Pablo Picasso, dans l'atelier de la rue des Grands-Augustins de celui-ci, date très précisément du , jour de la Libération de Paris, et est une révélation[13] : « pendant deux ans, évoquera-t-il lui-même avec modestie, j'ai fait du sous-Bonnard et du sous-Vuillard sans m'en apercevoir. En 1942, j'ai même peint un portrait de ma mère qui était carrément un Vuillard, mais en moins bien »[15]. Dès l'approche de Picasso et du cubisme, il commence à pratiquer « le collage sur carton, papier peint, ficelle, corde, etc. et se lance dans la lithographie »[15] avec ses travaux d'illustrations bibliophiliques (Les Lettres d'Espagne, Carmen).
L'envoi d'Antoni Clavé au Salon d'Automne de 1944 est cité par René Huyghe et Jean Rudel « parmi les œuvres marquantes d'artistes promis à la gloire » avec celles de Jean Aujame, Jean Bazaine, Jacques Despierre, Léon Gischia, Jean Le Moal, Alfred Manessier, André Marchand, Mario Prassinos et Gustave Singier[16]. L'artiste participe ensuite à la fondation du Casal de Catalunya de Paris, créé le et, en 1946, il est invité en Tchécoslovaquie, avec plusieurs peintres dont Pablo Picasso, à l'occasion d'une exposition consacrée aux artistes espagnols. Il se rendra en 1947 au Royaume-Uni pour sa première exposition personnelle à Londres, puis, en 1952, aux États-Unis.
À l'instar de Picasso dont il devient durablement l'ami[17], Antoni Clavé est très inspiré par la corrida. Sur ce sujet, il produit un grand nombre de lithographies, notamment La Corrida et des Toreros dont il a interprété le costume (Torero en costume rouge) pour le chorégraphe Boris Kochno, dont le ballet Los Caprichos avait été donné en 1943 par la compagnie les Ballets des Champs-Élysées dirigée par Roland Petit. Connaissant un fort succès pour ses décors de théâtre et de ballet, il demeure perçu comme « l'un des plus importants décorateurs de théâtre de l'après-guerre, utilisant l'espace scénique dans sa totalité, non seulement en tant que peintre, mais aussi en tant que metteur en scène, avec un chromatisme allant du rouge le plus violent au gris le plus profond »[6]. Au début des années 1950, il travaille avec Roland Petit, offrant à Raymond Cogniat de restituer que « sa souplesse de style, sa richesse d'invention qui va de la plus grande intensité dramatique à l'ironie la plus évidente, servent aussi bien Carmen en 1949 que Deuil en 24 heures en 1953 »[18], mais décide de peindre et d'arrêter la décoration en 1954. À partir de ce moment, Clavé n'acceptera plus de nouvelles commandes pour le théâtre[19], il n'en demeure pas moins que « les figures du théâtre lui auront inspiré un univers de figures à demi populaires, sombres et monumentales, d'une étrangeté vigoureuse »[16].
Il installe un atelier qui, situé au no 4 rue de Châtillon à Paris et ouvrant sur un minuscule jardin, est envahi d'objets hétéroclites, d'une tête de taureau naturalisée, de mannequins, de décors rappelant les coulisses d'un théâtre et d'une reproduction de Guernica. La maison est aujourd'hui démolie.
Clavé travaille avec acharnement, confrontant, observe Jean Cassou, « les ardeurs de sa terre natale aux inventions de la peinture française »[20]. Inclassable, ni figuratif, ni abstrait et les deux à la fois avec sa force et son mystère, « lithographe et graveur au trait exceptionnel »[6], il aime aussi les collages et se livre volontiers au hasard de la création. Quant à la sculpture, il ne s'y intéresse que par périodes, au début de sa carrière puis beaucoup plus tard. À la fin des années 1950, Clavé connaît le succès. Mais en 1963, il s'interroge : il a cinquante ans, une œuvre considérable. Il est reconnu en France, aux États-Unis, au Japon, en Suisse, en Suède, on recherche ses toiles dans le monde entier, ce qui l'inquiète. Il décide de quitter Paris et la société qui fait la mode, notamment le monde du spectacle[21].
Antoni Clavé quitte Paris pour Saint-Tropez en 1965. Il se fait construire un atelier et une maison au Cap Saint-Pierre qu'il décore avec un soin méticuleux, aidée de sa femme Madeleine. Tous deux réalisent un « Palais de couleurs » avec des tentures. C'est là que les plus grandes toiles du peintre seront composées[22] : à partir de cette nouvelle vie « dont le climat se rapproche de celui de sa terre natale, et peut-être pour cette raison, s'est épanouie son exubérance toute hispanique. Il fait surgir les couleurs, plus éclatantes de se confronter au noir »[23], offrant à Pierre Cabanne d'écrire qu'« avec lui nous pénétrons dans les chambres d'échos de la couleur »[24].
À Saint-Tropez, où il réserve un atelier exclusivement à la gravure, Antoni Clavé, au retour d'un séjour à Barcelone en 1965 où il s'est initié à l'eau-forte et l'aquatinte[25], délaisse la lithographie au profit de la taille-douce, et rend hommage dans une série de planches à Rembrandt, Goya et Albrecht Dürer. C'est en 1968 qu'il découvre la gravure au carborundum, récemment mise au point par Henri Goetz[12].
En 1977, il expose ses premiers collages en trompe-l'œil, effet qu'il obtient par des projections à l'aérographe sur des papiers froissés ou sur des pochoirs[23]. En 1984, alors que la Biennale de Venise expose plus de cent de ses œuvres au pavillon espagnol, il reçoit la médaille d'or du mérite des beaux-arts par le ministère de l'Éducation, de la Culture et des Sports d'Espagne[26].
Antoni Clavé, emporté par une insuffisance respiratoire, meurt le et est inhumé au cimetière du Montparnasse[27] à Paris[28],[15]. En lui est alors salué « l'esprit rebelle aux conventions, en perpétuelle évolution créatrice, qui a su transformer l'héritage de Bonnard et de Vuillard pour nous offrir le plus beau des spectacles : l'étonnement »[29].
C'est à la fin de la décennie 1980 qu'Antoni Clavé est reconnu officiellement par les autorités catalanes. Le peintre, dès lors et encore aujourd'hui, « offre pour son pays l'image d'un Catalan déraciné que l'on se rapproprie afin de mieux affirmer une identité nationale »[30]. On assiste ainsi dans le cadre de la politique culturelle menée dans la décennie 1990, à une réappropriation du peintre. « La reconnaissance de l'œuvre de Clavé est tardive, constate Catherine Xerri, l'art catalan ayant peut-être été trop longtemps symbolisé par une seule figure, celle de Tàpies : cette reconnaissance va de pair avec un double enjeu, identitaire et culturel »[30].
Pour ce qui est de l'œuvre, « bien qu'invitant au silence et au recueillement en raison de la noblesse et la puissance imposante qu'elle dégage, lira-t-on onze ans après la mort d'Antoni Clavé dans le catalogue de sa rétrospective à l'Espace Paul-Rebeyrolle, sa peinture est pourtant emplie de bruit et de fureur, jusqu'à atteindre un équilibre fragile entre ordre et désordre, tension et fragilité ». Mais « il reste des secrets d'atelier » précisera peu après Aude Hendgen[31], et « c'est peut-être cela qui fait la force de son œuvre gravé : cette impossibilité à saisir pleinement le processus qui l'a mis au monde, qui laisse à Antoni Clavé un voile de mystère, une inintelligibilité un peu magique »[32].
Il convient, pour trouver les racines relationnelles d'Antoni Clavé à la sculpture, de remonter à 1930 lorsque, avec son ami le peintre catalan Salvador Ortega, il commence à « utiliser des matières jusqu'ici laissées à l'écart : tissus usés, imprimés, macules, carton ondulé, flans d'imprimerie, coupures de journaux, étiquettes, papiers peints, etc. »[1]. L'ex-ouvrier de Tolosa « malaxe, colle, agence, incruste le plâtre dans la pâte, utilise l'ondulé avec les astuces et la main de l'artisan l'imagination et l'invention de l'artiste dont son Téléphone constitue l'un des premiers témoignages »[37], offrant à Pierre Seghers de le situer avec Marcel Duchamp et Pablo Picasso dans les précurseurs des recherches contemporaines[1], à Lluís Permanyer de souligner sa « fascination par les détritus, la ferraille, les fragments ou les pièces hors d'usage, mais qui ont une courbure naturelle et pure, qui, hors de leur contexte originel, prennent un sens aussi nouveau qu'insolite »[3].
La pratique de la sculpture, qu'il avait occultée depuis son arrivée en France, resurgit chez Antoni Clavé en 1960. « Le bronze, le plomb fondu, le bois, la glaise, sont autant de techniques visant à exalter le travail de l'empreinte et des matériaux assemblés »[15] et offrent à Pierre Daix de substituer le mot assemblages au mot sculptures pour cette part de l'œuvre[38] : « apparaissent des figures fantastiques et guerrières, exotiques et musicales, poétiques et royales. Clavé poussera très loin ce jeu avec la matière en allant jusqu'à exécuter une série hasardeuse composée de pinceaux, palettes, pigments séchés, ou encore de casseroles, caisses et outils »[15].
Antoni Clavé « fait partie des peintres graveurs du XXe siècle qui, comme Pablo Picasso ou Joan Miró, ont trouvé dans la gravure une pratique à part entière comme celle de la peinture et de la sculpture »[40]. Il est l'un des très rares artistes qui exécutent totalement par eux-mêmes lithographies et gravures, ayant installé chez lui plusieurs presses que lui seul fait fonctionner[3]. On recense cinq cent vingt estampes originales (compte non tenu des contributions bibliographiques ci-dessous) : lithographies, eaux-fortes, aquatintes, gravures au carburundum, gaufrages, collages et kraft lithographié[41],[5].
« D'abord il rend hommage, puis se singularise, explique Aude Hendgen : ses lithographies des années 1950 représentent souvent ses Rois bien connus, dans des tons noirs, marron, ocres, puis deviennent plus abstraites et sombres dans les années 1960 »[31]. Avec alors un goût prononcé pour cinq couleurs (blanc, gris, noir, bleu et rouge), toujours à la limite entre figuration et abstraction, « Antoni Clavé joue avec les effets de matières. Il gaufre du papier peint, estampe des petits motifs avec des moules à gâteaux », associe à ses eaux-fortes et à ses aquatintes des cordelettes, des coupures de journaux, des vis, des punaises, des trombones, des agrafes, des clefs, des clous, des serpillières ou des gants[42].
C'est ainsi en employant le terme de tri-dimensionnalité que l'on définit l'œuvre gravé d'Antoni Clavé. « Libérées de la bi-dimensionnalité, confirme Léone Métayer, ses œuvres abstraites se font écho par un jeu d'associations de matériaux divers et de motifs récurrents. Les recherches du peintre graveur, communes à celles d'autres artistes comme Joan Miró ou Antoni Tàpies, sont le signe d'une époque où l'estampe connaît un regain d'intérêt pour le renouvellement des formes qu'elle rend possible »[43].
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