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général et homme d'État romain (100-44 av. J.-C.) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Jules César (en latin : Caius Iulius Caesar IV à sa naissance, Imperator Iulius Caesar Divus après sa mort), aussi simplement appelé César, est un général, homme d'État et écrivain romain, né le 12 ou le à Rome et mort le (aux ides de mars) dans la même ville.
Jules César | |
Le buste de Tusculum, l’un des deux portraits acceptés de Jules César[1], trouvé par Lucien Bonaparte à Tusculum. | |
Fonctions | |
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Imperator Caius Julius Caesar Divus | |
Consul | |
– (moins d’un an) |
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– (2 ans) |
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Dictateur | |
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– (2 ans) |
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Proconsul de Gaule cisalpine et transalpine | |
– (8 ans) |
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Pontifex maximus | |
– (19 ans) |
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Autres fonctions Questeur (69 av. J.-C.) Édile Curule (65) Préteur (62) Propréteur (61) Pater patriae (45) | |
Biographie | |
Dynastie | Julio-Claudiens |
Date de naissance | 12 (ou 13) juillet 100 av. J.-C. |
Lieu de naissance | Rome |
Origine | Romaine |
Date de décès | 15 mars 44 av. J.-C. (à 55 ans) |
Lieu de décès | Curie de Pompée (Rome) |
Nature du décès | Assassinat |
Père | Caius Julius Caesar III |
Mère | Aurelia Cotta |
Conjoint | Cossutia (85 à 84 av. J.-C.)[A 1],[A 2] Cornelia Cinna (84 à 68 av. J.-C.) Pompeia Sulla (68 à 63 av. J.-C.) Calpurnia Pisonis (59 à 44 av. J.-C.) |
Enfants | Auguste (adopté) Brutus ? (avec Servilia Caepionis)[A 3] Julia (avec Cornelia Cinna) Ptolémée XV ? (avec Cléopâtre VII)[2] |
Guerre des Gaules
Guerre civile de César
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Son parcours unique, au cœur du dernier siècle de la République romaine — bouleversée par les tensions sociales et les guerres civiles —, marque le monde romain et l'histoire universelle. Ambitieux, il s'appuie sur le courant réformateur et démagogue (populares) qui traverse la cité romaine pour favoriser son ascension politique. Stratège et tacticien, il repousse, à l'aide de ses armées, les frontières de la République romaine jusqu'au Rhin et à l'océan Atlantique en conquérant la Gaule, puis utilise ses légions pour s’emparer du pouvoir au cours de la guerre civile l’opposant à Pompée, son ancien allié, puis aux républicains.
Acclamé comme un imperator favorisé des dieux, seul maître à Rome après une suite de victoires foudroyantes sur ses adversaires, il entreprend de réformer l’État et de modifier l'organisation de la classe politique dirigeante afin de satisfaire les revendications de la mouvance des populares, dont il se revendique. Pour ce faire, il concentre progressivement — grâce à son contrôle sur le Sénat de Rome — de nombreux pouvoirs exceptionnels, adossés à une politique de culte de la personnalité inédite reposant sur ses ascendances divines et sa fortune personnelle.
Adoré du peuple, pour qui il fait montre de largesses frumentaires, économiques et foncières, il se fait nommer dictateur, d'abord pour dix ans avec des pouvoirs constitutionnels, puis à vie, étant autorisé à porter la toge et la couronne des triomphateurs en permanence. Soupçonné de vouloir instaurer par ces mesures une nouvelle monarchie à Rome, il est assassiné peu après par une conspiration de sénateurs dirigée par Brutus et Cassius.
Son héritage est rapidement l'objet d'une nouvelle guerre civile entre ses partisans et successeurs, son fils adoptif par testament, Octave, triomphant de ses adversaires. Jules César est divinisé et Octave, vainqueur de Marc Antoine, achève par sa victoire et par l'élimination des derniers républicains la réforme de la République romaine, qui laisse place au principat et à l'Empire romain en tant que régime de gouvernement de la cité. Son nom devient synonyme de pouvoir et l’un des titres de référence pour nombre de pouvoirs personnels en Europe occidentale. Sa personnalité et son parcours sont l'objet de nombreux récits plus ou moins légendaires au fil du temps, dans les cultures du monde entier ; de même, sont désignées par le terme de « césarisme » les attitudes politiques visant à faire reposer un pouvoir personnel fort sur l'approbation populaire et sur le plébiscite.
L'époque de Jules César est connue grâce à de nombreuses sources historiques, qu'elles soient primaires (littéraires, numismatiques, épigraphiques, archéologiques) ou secondaires, parmi lesquelles on reconstitue les écrits ayant servi à leur composition, dans la discipline historique de la Quellenforschung. Le problème est que César a souvent été vu comme un personnage paradoxal en raison de ses actes et de sa personnalité, de sorte que les contemporains adoptèrent un jugement divisé, ambigu, propice aux réhabilitations et aux fréquents changements de points de vue. Quoique cette période de l'Antiquité soit l'une des plus fournies en sources, le portrait est faussé en fonction de l'idéologie et de la vision que l'on a de lui[3].
Les sources primaires permettant de connaître la vie de César, ses actions et ses idées sont naturellement en premier lieu les écrits de César lui-même et les trois récits de guerre insérés dans le corpus césarien. À ce premier noyau de source, il faut ajouter d'autres contemporains : l'historien Salluste, bien que ses deux Lettres à César soient probablement apocryphes[4],[N 1] ; les informations issues du prolifique Cicéron sont fondamentales : contemporain du dictateur, tantôt adversaire politique, tantôt allié de circonstance, il fait de nombreuses mentions de ses relations avec César dans sa correspondance privée. Le fameux orateur romain, très commenté et dont la production littéraire est très diversifiée et bien connue, est une source historique de premier intérêt grâce à ses traités et à sa correspondance, bien que les recueils ne respectent pas la chronologie précise[5]. Varron, homme politique et grammairien de la fin de la République romaine, est également une source mais fait vraisemblablement peu profession de ses idées personnelles et ne rallie le camp de César qu'après sa victoire à Pharsale, une fois Pompée éliminé.
La Libertas que confisque César au profit de son idéal réformateur et de son ambition d'éteindre la guerre civile[réf. nécessaire] eut un effet relativement négatif sur bon nombre de commentateurs contemporains, issus de l'aristocratie romaine. Asinius Pollion, dont la chronique est perdue, aurait ainsi changé de camp, se ralliant à Octave. Les mêmes problèmes d'interprétation se posent pour un historien inconnu et dont l'œuvre est perdue, probablement Lucius Aelius Tubero (qui aurait apprécié la stratégie militaire de César mais critiqué sa politique), il est utilisé par Dion Cassius. Tite-Live, surnommé « le pompéien » par Auguste, n'est pas conservé pour l'époque césarienne, seules subsistent des periochae très sommaires, tant et si bien que l'attitude et l'orientation idéologique qu'il manifeste à l'égard de César nous sont inaccessibles, bien qu'il soit probable qu'en tant que proche d'Auguste, le fils adoptif de César, il ait été relativement clément à l'égard du dictateur assassiné, malgré son ambivalence entre monarchisme contraint ou républicain convaincu, selon Ronald Syme. La periocha CXVI montre néanmoins une opposition franche à César sur certains points[3].
Les sources secondaires quant à elles sont confrontées à plusieurs problèmes, puisque certaines des œuvres faisant état de la vie de Jules César oscillent entre une quête de moralisme et un vrai souci d'analyse historique. Ces sources, surtout contemporaines des débuts de l'Empire, portent en elles la distance avec la défense du régime républicain, désormais aboli et lointain, n'étant plus d'actualité dans le champ des idées politiques. Peu de sources secondaires furent donc hostiles à César, mais il peut y subsister des influences du fait des sources primaires utilisées par les historiens ultérieurs. Tite-Live a été beaucoup lu, notamment par Lucain. Asinius Pollion, contemporain de César a laissé une œuvre, aujourd'hui perdue, qui contenait de nombreuses informations sur les événements. Cet ouvrage a servi de source pour bon nombre d'écrivains postérieurs comme Florus et Suétone.
Les propos de Florus, Suétone, Flavius Josèphe, Plutarque, Appien et Dion Cassius sont généralement plutôt favorables à César[3], bien qu'emprunts d'une forme d'exagération voire de complaisance à l'égard du père adoptif du fondateur de l'Empire.
Parmi les autres sources contemporaines, on peut naturellement citer la numismatique, surtout utilisée pour la dernière partie de sa carrière pour ce que les émissions monétaires disent de sa communication politique et religieuse. L'épigraphie est beaucoup moins développée qu'à l'époque impériale et est souvent mal attribuée, telle les tables d'Héraclée, probablement plus anciennes que l'époque de Jules César[6],[7]. L'archéologie demeure une source fondamentale pour comprendre notamment les entreprises militaires de César : au cours de ses longues campagnes en Gaule et par la suite, César entreprend de nombreux sièges, campements de marche, établit de nombreuses colonies à travers le monde romain, tant et si bien que de nombreux lieux portent encore la trace de ce passage dans leur toponymie. Les camps romains dits Camp de César sont nombreux en France bien que plusieurs d'entre eux sont inauthentiques. Parmi les sites archéologiques célèbres sur lesquels la présence de Jules César est attestée, on peut mentionner bien sûr le site de la bataille d'Alésia, ou encore Bibracte et Gergovie. L'archéologie à Rome et en Gaule permet également de mieux cerner César et les constructions qui lui sont attribués[3], notamment le Forum de César et les Saepta Julia.
Caius Julius Caesar IV est une convention des historiens modernes. L'identité des numéros III (le père de Jules César, sénateur, questeur, préteur et proconsul d'Asie) et II (son grand-père, sénateur et préteur urbain) ne fait pas de doute, ils sont notamment mentionnés par Suétone et Pline l'Ancien et cités dans les Fastes d'Antium[8]. Pour Wilhelm Drumann le numéro I est son arrière-grand-père, qu'il identifie à un historien mentionné par Tite-Live[9], mais les indices sont ténus[8]. On connaît un autre Caius Julius Caesar dans l'ascendance de Jules César : Caius Julius Caesar Strabo Vopiscus, peut-être son arrière-arrière-grand-oncle. Il y aura sous l'Empire d'autres Caius Julius Caesar , dont Auguste, Germanicus et Caligula. Jules César naît vers 100 av. J.-C., il est le fils de Caius Julius Caesar III et d’Aurelia Cotta, femme exemplaire et de grande vertu selon Tacite et Plutarque, également d’origine patricienne puisque issue de la gens Aurelia (trois de ses frères furent consuls). Malgré les sources historiques, la date précise de cette naissance reste incertaine : le 12 juillet 100[A 4] ou le 13 juillet 100[N 2],[A 5],[A 6],[A 7],[A 8] ou 102[A 9],[N 3].
Jules César est issu d'une gens patricienne, les Jules ou Iules (Iulii), remontant aux temps les plus anciens de l'histoire de Rome. Le surnom de sa famille, Caesar, qui signifie « celui qui taille », indique qu'un de ses ancêtres s'est distingué à la guerre avec son épée. Sa famille était néanmoins peu en vue au moment de sa naissance. Son père, Caius Julius Caesar III, ne dépasse pas, dans sa carrière politique, le rang de préteur en 92 av. J.-C. et meurt subitement un matin de 85 av. J.-C. en mettant ses chaussures[A 10] ; César est alors âgé de quinze ans[A 1]. Son oncle, Sextus Julius Caesar III, obtient le consulat en 91 av. J.-C. mais meurt au siège d’Asculum lors de la Guerre sociale. On considère traditionnellement qu'avant César, les Iulii forment en réalité une gens patricienne d'importance mineure, qui avait exercé aux siècles précédents quelques consulats mais ne faisait pas partie, au Ier siècle av. J.-C., de la cinquantaine de familles de la nobilitas qui fournissent la plupart des consuls et qui ont un contrôle sur les institutions et les magistratures de la cité. Les Iulii connurent des revers de fortune, et sont quelque peu désargentés au moment du début de la carrière de Jules César qui grandit dans le quartier de Subure, zone de la ville de Rome de mauvaise réputation[A 11].
César affirme avoir pour ancêtre Iule (ou Ascagne), fils d'Énée et de Créuse, amené en Italie par son père après la chute de Troie. Ce fondateur d’Albe la Longue est considéré comme le créateur de la vieille gens des Iulii qui, selon l’empereur Claude, se joignit ensuite aux patriciens de Rome[A 12]. Par ce lignage, César revendiqua, lorsqu'il prononça l’éloge funèbre de sa tante Julia, la femme de Marius, une ascendance remontant à Vénus[A 13] dont il célébra les vertus et le don de faiseuse de vie par la naissance en faisant ériger le temple de Vénus Genitrix sur son forum.
Selon Tacite, en mêlant dévouement maternel et ferme discipline, sa mère Aurelia donna à Caius et ses deux sœurs Julia une éducation exemplaire[A 14]. Cicéron attribuera à cette éducation familiale et à des études assidues l’élégance du latin de César et la qualité de son éloquence[A 15], César ayant en effet écrit au cours de sa vie plusieurs ouvrages théoriques (hélas perdus) sur la grammaire et la rhétorique. Plutarque et Suétone souligneront aussi son art des relations en société tout au long de sa vie : amabilité et politesse envers ses hôtes, prodigalité sans retenue, savoir-vivre et bonne tenue dans les banquets (Caton, qui pourtant le déteste, lui accorde qu’il est le seul ambitieux qui ne s’enivre pas), conversation brillante et cultivée[A 16]. Ces qualités de séduction seront ses premiers atouts dans la vie publique romaine, qu'il commence à partir de 84 av. J.-C., alors qu'il a 16 ans.
La jeunesse de Jules César s'inscrit dans un contexte de violentes luttes politiques qui opposent à Rome les optimates aux populares. Les premiers maintiennent une ligne conservatrice et aristocratique qui place le sénat romain au cœur de la République. Les seconds veulent satisfaire les revendications sociales et accorder plus de place politique aux Italiens et aux provinciaux, en intégrant à la citoyenneté de nouvelles élites, en redistribuant les terres publiques accumulées dans les mains de quelques grandes familles au cours des conquêtes, et en donnant plus de pouvoir aux membres de l'ordre équestre.
Jules César grandit ainsi au milieu de troubles sanglants (première guerre civile) : combats de rue à Rome en 88 av. J.-C. entre les partisans de Caius Marius, chef des populares, et ceux de Sylla, puis victoire des légions de Sylla sur les marianistes aux portes de Rome en 82 av. J.-C., suivie d'impitoyables chasses à l'homme contre les proscrits du camp adverse. Son précepteur jusqu'à sa prise de la toge virile est Marcus Antonius Gnipho[10].
Ses relations familiales placent Jules César parmi les populares dans le jeu politique romain. Sa tante Julia a été l’épouse du consul Marius et lui-même épouse en 84 av. J.-C. Cornelia Cinna, la fille de Cinna, successeur de Marius à la tête de la mouvance populaire. Malgré ces alliances familiales, Jules César ne semble pas s'être joint aux marianistes les plus extrémistes lors de la guerre civile qu’ils menèrent contre Sylla, peut-être aussi car il est trop jeune pour entrer dans ces affrontements. Il est possible que César ait suivi les modérés qui se rallièrent à Sylla[11].
En 84 av. J.-C. César est choisi (ou est candidat) au sacerdoce de flamen dialis (premier prêtre de Jupiter) à la suite du suicide de Lucius Cornelius Merula durant les proscriptions marianistes. Ce poste honorifique lui aurait interdit toute activité guerrière, donc d'entreprendre le cursus honorum. Sylla exige alors que César divorce de Cornelia Cinna et rompe ainsi ses derniers liens avec les marianistes pour être éligible à ce poste. César refuse et choisit de se cacher, jusqu’à ce que de puissants protecteurs, dont son oncle Lucius Aurelius Cotta, fassent fléchir Sylla et cesser la traque. Sylla lui a entre-temps bloqué sa nomination comme flamen dialis et les interdits qui l'accompagnent (ainsi que la dot de sa femme et une partie de son héritage). Prudent, César quitte Rome[N 4].
Il s'enrôle vers 80 av. J.-C. dans l’armée et rejoint avec le préteur Marcus Minucius Thermus le théâtre d’opérations militaires en Asie, où Lucullus assiège la cité de Mytilène, capitale de Lesbos qui s’est ralliée à Mithridate VI. César reçoit pour mission de demander au roi de Bithynie, Nicomède IV, le renfort de sa flotte. Suétone se fait l'écho d’une rumeur sur la réputation de César, rapportant qu’il aurait eu, au cours de cette ambassade, à deux reprises des relations sexuelles passives avec Nicomède IV, vice le plus méprisable aux yeux des Romains : il aurait servi d'échanson à la cour du roi et aurait partagé sa couche[12]. Cette suspicion, qui sera par la suite une lourde et classique plaisanterie entre ses soldats, plutôt qu'une réalité indémontrable, a longtemps suivi César, y compris jusqu'à son triomphe final, quand ses troupes autorisées à le railler le brocardent du titre de « reine de Bithynie »[A 17], le qualifiant de mari de toutes les femmes et de femme de tous les maris.
Lors de la prise de Mytilène, César accomplit un acte que les historiens ne précisent pas, mais qui lui vaut en récompense une couronne civique, la plus grande décoration militaire, habituellement décernée pour avoir sauvé au combat la vie d'un concitoyen. César sert encore en Cilicie sous les ordres de Servilius Isauricus, puis est démobilisé.
À la mort de Sylla en 78 av. J.-C., César demeure quelque temps en Asie. Selon Plutarque, lors de son trajet sur la mer Égée en 75 av. J.-C., il est enlevé par des pirates ciliciens qui le font prisonnier durant 38 jours sur l'île de Farmakonisi et réclament une rançon de vingt talents d'or. César déclare en valoir cinquante, et promet de revenir exécuter les pirates après sa libération, ce qu'il fait effectivement : après avoir lancé quatre galères logeant 500 hommes armés, il les capture dans leur repaire et les fait crucifier[13]. Puis il perfectionne son éloquence auprès du célèbre rhéteur grec Molon de Rhodes[A 18].
De retour à Rome, il commence sa vie publique en attaquant en justice le proconsul Cnaeus Cornelius Dolabella qui vient d'achever son mandat en Macédoine et l'accuse de concussion. Malgré les discours de César et les nombreux témoins à charge qu'il cite, la cible a trop de poids politique : Dolabella est acquitté, probablement par solidarité de classe avec ses juges, tous issus du Sénat[N 5]. César tente une seconde attaque contre Caius Antonius Hybrida, qui faillit réussir. Antonius dut recourir à l'intervention des tribuns de la plèbe pour échapper à une condamnation[A 19].
Après cette première séquence politique et militaire visant à l'intégrer dans les milieux aristocratiques du temps, César développe dans un second temps activement ses relations, dépensant beaucoup en réceptions, et entame le parcours politique classique (cursus honorum) : tribun militaire, questeur en 69 av. J.-C. en Hispanie, puis édile en 65 av. J.-C., il capte la faveur du peuple en rétablissant le pouvoir des tribuns de la plèbe et en relevant les statues de Marius. Chargé de l’organisation des jeux, il emprunte massivement pour en donner de spectaculaires, alignant selon Plutarque le nombre record de 320 paires de gladiateurs[A 20].
Parallèlement, César poursuit son activité judiciaire, pour des causes qui flattent le courant des populares. En 64 av. J.-C., il intente des procès contre d’anciens partisans de Sylla, fait condamner Lucius Liscius et Lucius Bellienus, payés pour avoir ramené la tête de proscrits. Mais il échoue contre Catilina, les jurés se refusant à condamner un membre de la vieille famille des Cornelii[A 21]. L’année suivante en 63 av. J.-C., avec l’aide du tribun de la plèbe Titus Labienus, César tente un coup juridique extravagant en accusant de haute trahison le vieux sénateur syllanien Gaius Rabirius pour des faits anciens de trente-sept ans : le meurtre du tribun de la plèbe Saturninus. L’affaire est sans précédent depuis le légendaire procès d’Horace. Cicéron assure la défense de Rabirius (Pro Rabirio), mais les deux juges désignés par le préteur ne sont autres que César lui-même et son cousin Sextus. Rabirius est condamné, mais fait appel au peuple romain, son jugement devant les comices est reporté puis l’affaire est finalement abandonnée[A 22],[14].
César se fait élire en 63 au titre de pontifex maximus grâce à une campagne financée par Crassus. Il dépense d’importantes sommes d’argent et contracte de nombreuses dettes, afin de remporter les suffrages des comices tributes, contre deux anciens consuls (Servilius Isauricus et Quintus Catulus), plus âgés et expérimentés que lui[A 23]. Selon l’usage, César s’installe dans la demeure du pontife à la Regia, et exerce la fonction de grand pontife jusqu’à sa mort.
Désigné préteur urbain pour l'année suivante au moment de la conjuration de Catilina (63)[A 24], il ne fait rien, selon Suétone, pour la prévenir[A 25]. Lors du vote au Sénat sur le sort des complices de Catilina, César s'oppose à leur exécution immédiate qu'il considère illégale. Il propose de répartir les conjurés à travers les prisons des municipes et de confisquer leurs biens, mais son avis est mis en minorité après l'intervention de Caton[A 26]. L'animosité des sénateurs à son égard est telle que ses amis doivent l'aider à quitter les lieux[15]. Quelques mois plus tard, il est accusé de complicité. Il est contraint de demander de l'aide à Cicéron qui témoigne avoir spontanément apporté des informations sur la conjuration et qui fait emprisonner ses calomniateurs[16].
Envoyé comme propréteur en Bétique (Hispanie) en 60 av. J.-C., il ne peut partir qu’après avoir donné des cautions à ses créanciers[A 27],[N 6]. Son départ précipité de Rome est motivé par sa volonté d’échapper à une action judiciaire éventuellement engagée à la fin de sa charge. César mène son premier commandement par une offensive contre les Ibères encore insoumis. Après avoir pacifié la province, il revient à Rome afin d’y défiler en triomphe pour son succès militaire puis de briguer le consulat. Mais les préparatifs du triomphe lui imposent de stationner hors de Rome, tandis qu’il doit y être présent pour poser sa candidature dans les délais. Il demande une dérogation, que Caton fait traîner en palabres. César doit choisir, et renonce à son triomphe pour viser le consulat[A 28].
L'homme le plus en vue à cette date est Pompée, après sa victoire en Orient contre le roi Mithridate VI. Cette campagne a permis à Rome de s'étendre en Bithynie, au Pont et en Syrie. Pompée revient couvert de gloire avec ses légions mais conformément à la règle, il les licencie après avoir reçu le triomphe, en 61 av. J.-C..
Au faîte de la gloire, Pompée demande des terres pour ses anciens soldats et la confirmation des avantages qu’il a promis pour les cités et princes d’Orient, mais le Sénat refuse. César exploite opportunément la déception de Pompée, le rapproche de Crassus, et forme avec eux le premier triumvirat[A 29]. Cet accord secret scelle une alliance entre les trois hommes, chacun s’abstenant de réaliser des actions nuisibles à l’un des trois[A 30]. César renforce peu après cette alliance en mariant sa fille Julia à Pompée.
Grâce au financement de sa campagne électorale par Crassus, César est élu consul en 59 av. J.-C., en ralliant notamment à sa cause Lucius Lucceius, un de ses éventuels compétiteurs[A 30].
Durant son mandat, il ne laisse à son collègue le conservateur Marcus Calpurnius Bibulus qu’une ombre d’autorité. Bibulus et Caton multiplient les actions d’obstruction contre César, mais ils sont chassés du forum lors de la promulgation d’une loi agraire. À la suite de cet incident, Bibulus se retire chez lui jusqu’à la fin de son mandat, laissant le pouvoir à César qui l’exerce seul[A 31],[A 32]. Suétone rapporte quelques vers décrivant la situation politique :
« Ce que César a fait, qui d’entre nous l’ignore ? — Ce qu’a fait Bibulus, moi je le cherche encore. »
César peut désormais légiférer comme un tribun, selon l’expression de Plutarque, satisfaire les revendications des populares, rendre des gages à Pompée et gagner de nouveaux soutiens auprès des chevaliers et des provinciaux : passant outre les protestations des sénateurs Lucullus et Caton, il fait ratifier les initiatives de Pompée qui a réorganisé les principautés du Moyen-Orient sans demander l’avis du Sénat ; il promulgue plusieurs lois agraires : distribution aux vétérans de Pompée de parcelles des terres publiques (l’ager publicus), faisant de Capoue une colonie romaine, achat de terres à des particuliers qui sont ensuite distribuées à 20 000 citoyens pauvres. La diminution d’un tiers du fermage dû par les publicains à l’État est une aubaine pour les chevaliers, affairistes et banquiers (lex de publicanis)[A 33]. Sa loi contre la concussion (lex Iulia de repetundis) permet enfin de sanctionner d’amendes les gouverneurs de province qui monnayent leurs interventions ou se livrent à des exactions financières[A 34]. Enfin, il place le Sénat sous le contrôle de l’opinion publique, en faisant publier les comptes rendus de séance (Actus senatus)[A 32].
Cette activité politique va de pair avec une activité mondaine soutenue : Suétone[A 35] prête à César entre autres maîtresses les épouses de Crassus et Pompée, et, ce qui paraît mieux attesté, Servilia, la demi-sœur de Caton[N 7]. Plus officiellement, César épouse Calpurnia, fille de Calpurnius Pison, consul désigné pour l’année suivante, ce qui lui assure une future protection politique. César se fait un autre allié en la personne de Clodius Pulcher, qui a pourtant courtisé sa précédente épouse, en satisfaisant une requête qui lui tient à cœur : troquer son rang de patricien pour celui de plébéien et postuler ainsi à l’élection de tribun de la plèbe.
César profite de sa popularité pour préparer l’étape suivante de sa carrière : normalement, le Sénat prolonge le mandat d’un consul par le proconsulat d’une province pour un an. César contourne cette règle avec l’aide du tribun de la plèbe Publius Vatinius : celui-ci fait voter par le peuple un plébiscite qui confie à César et pour cinq ans deux provinces, la Gaule cisalpine et l’Illyrie, avec le commandement de trois légions (lex Vatinia). Pour sauver une apparence d’autorité, le Sénat lui accorde en plus la Gaule transalpine et une quatrième légion[A 36].
Homme politique averti, César peut attaquer Cicéron de façon frontale. Ce dernier, privé de ses biens, choisit de s’exiler. César n’a alors plus d’ennemis notables à Rome[17].
Dès la fin de son consulat, César gagne rapidement la Gaule, tandis que le préteur Lucius Domitius Ahenobarbus et le tribun de la plèbe Antistius le citent en justice pour répondre à l’accusation d’illégalités commises pendant son mandat. En fin juriste, César fait objecter par les autres tribuns qu’il ne peut être cité en application de la loi Memmia[N 8], qui interdit toute poursuite contre un citoyen absent de Rome pour le service de la République. Pour éviter toute autre mise en cause devant la justice, César s’appliqua durant son proconsulat à demeurer dans ses provinces. Il passe ainsi chaque hiver en Gaule cisalpine, où il reçoit partisans, clients et solliciteurs et s’assure chaque année d’avoir parmi les élus à Rome des magistrats qui lui soient favorables[A 37]. La gestion de ses affaires à Rome même est confiée à son secrétaire Lucius Cornelius Balbus, un chevalier d’origine espagnole, avec qui il échange par précaution des courriers chiffrés[A 38].
Dès le début de son proconsulat, César engage la conquête de la Gaule en usant du prétexte de la migration des Helvètes en mars 58 av. J.-C. ; menaçant selon lui les alliés de Rome, tels les Éduens, un tel déplacement de population associé à l'élection d'un roi chez les Helvètes apparaît aux yeux du politicien comme une bonne raison de déclencher les hostilités sous couvert de remise en ordre de la région. Cette expédition militaire est donc motivée par ses ambitions politiques, mais aussi par des intérêts économiques qui associent les Romains à certaines nations gauloises clientes de Rome (Éduens, Arvernes, etc.).
Tout en menant ses campagnes, César maintient ses relations avec la classe politique romaine : Quintus Tullius Cicero, frère de l'orateur Marcus Tullius Cicero, dit Cicéron, commande ainsi une légion en Belgique[A 39] ; Publius et Marcus, les fils de Crassus, interviennent en Belgique puis en Aquitaine[A 40] ; Lucius Munatius Plancus[A 41] et Marc Antoine seront à Alésia[A 42].
À Rome, les conservateurs réagissent à la guerre que mène César : son affrontement contre le germain Arioviste, qui a la qualité d’ami du peuple romain, accordée lors du consulat de César, scandalise Caton d'Utique, qui proclame qu’il faut compenser cette trahison de la parole romaine en livrant César aux Germains[A 43]. Ultérieurement, César se justifia longuement dans ses Commentaires en détaillant ses négociations préliminaires avec l’agressif Arioviste, lui faisant même dire que « s’il tuait [César], il ferait une chose agréable à beaucoup de chefs politiques de Rome, ainsi qu’il (Arioviste) l’avait appris par les messages de ceux dont cette mort lui vaudrait l’amitié »[A 44].
En 56 av. J.-C., Lucius Domitius Ahenobarbus, candidat au consulat soutenu par Caton et par Cicéron, met à son programme électoral la destitution et le remplacement de César au poste de proconsul des Gaules. Toujours obligé de se cantonner en Gaule, César riposte et réunit à Lucques ses deux alliés de circonstance, Crassus et Pompée, ainsi que tous les sénateurs qui les soutiennent. Ils renouvellent tous trois leur accord et définissent un partage des provinces[A 45]. Ahenobarbus et Caton sont agressés en plein forum et empêchés de faire campagne. Pompée et Crassus profitent de l’appui de César pour remporter les élections et être élus pour un second consulat en 55[A 46]. Cicéron est alors un des obligés de Pompée, chose que celui-ci lui rappelle vertement par l’intermédiaire de son frère Quintus[A 47]. Cicéron choisit alors de s’incliner pour ne pas se retrouver isolé et soutient la prorogation du gouvernement de César pour cinq nouvelles années[A 48], César est alors sûr de pouvoir terminer sa conquête dans des conditions politiques favorables.
À l’issue de leur consulat en 54 av. J.-C., chacun des deux autres membres du triumvirat reçoit le gouvernement d’une province : Crassus part en Asie chercher une gloire militaire qui pourrait égaler celle, immense, de Pompée et celle, croissante, de César. L’Espagne et l’Afrique sont attribuées à Pompée, qui préfère rester à Rome, le centre du pouvoir, et choisit de transférer à des légats la gestion des affaires provinciales. Sur les quatre légions consulaires qui lui sont attribuées, Pompée en prête deux à César, qui a alors besoin de renforts[A 46].
Pendant son second mandat proconsulaire, à partir de 55 av. J.-C., César traverse la Manche et réalise une première incursion en Bretagne (l’actuelle Grande-Bretagne)[A 49], terre inconnue et quasi mythique pour les Romains de l’époque[A 50]. Ultérieurement, il réalise une attaque militaire au-delà du Rhin, y faisant réaliser un pont évoqué dans la Guerres des Gaules sous forme d'analogie avec le titre de pontifex maximus (littéralement « celui qui fait le pont (entre les hommes et les dieux) » qu'il détient depuis 63 av. J.-C. Dans le même temps, en 54 av. J.-C., la fille de César, Julia, qui a épousé Pompée pour sceller le premier triumvirat, meurt en couche. Son décès intervient alors au pire moment pour César : les troubles à Rome entre son parti et celui de Pompée s'accentuent et font vaciller l'ordre public ; la rupture entre les deux hommes n'est pas totale, mais le décès de Julia fait qu'elle devient de moins en moins évitable, poussés qu'ils sont tous deux par leurs entourages politiques[A 51]. Lors de l'élection des édiles de 55, Pompée avait en effet été encerclé par une foule nerveuse de partisans de César et sa toge salie par du sang de manifestants. Un esclave a alors rapporté la toge de Pompée à sa maison. Julia, aimante, s'imaginant que son mari avait été tué, fit une fausse couche[A 52]. Sa santé en est durablement affaiblie, causant son décès en couches en août 54[18]. Son enfant, un garçon selon certains auteurs[A 53], une fille selon d'autres[A 54], ne lui survit que quelques jours[A 55]. César est alors en Bretagne, d'après Sénèque[A 56] quand il reçoit la nouvelle de la mort de Julia[A 57]. À partir de l’hiver 54/53, la situation en Gaule se détériore, et des révoltes se multiplient contre la brutalité de la guerre de César, qui n'hésite ni à réduire en esclavage des dizaines de milliers de civils, ni à passer au fil de l'épée de nombreuses communautés vaincues sur le champ de bataille. En 53 av. J.-C., la défaite et la mort de Crassus et de son fils Publius à la bataille de Carrhes contre les Parthes, achève de défaire les derniers liens du triumvirat[A 58],[A 59]. César propose à Pompée la main de sa petite-nièce Octavie et demande en mariage la fille de Pompée, mais ces offres d’alliances matrimoniales n’aboutissent pas[A 60]. Il est désormais patent pour tous que la fin des hostilités en Gaule correspondra au début d'une nouvelle guerre civile.
Le début de l’année 52 av. J.-C. est difficile pour César : la révolte en Gaule se généralise sous l’impulsion de l’Arverne Vercingétorix. À Rome, les désordres sont tels que Pompée est nommé consul unique, avec l’assentiment de Caton et des conservateurs. Pompée épouse Cornélie, la jeune veuve de Publius Crassus et la fille du conservateur Metellus Scipion, qu’il prend au milieu de l’année comme collègue au consulat[A 61]. Pompée est désormais le défenseur du parti des conservateurs.
En 52 av. J.-C., Jules César remporte une victoire décisive au siège d'Alésia, où il reçoit la reddition de Vercingétorix[A 62]. Après un hivernage au cours duquel il rédige vraisemblablement ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, il reprend le chemin de la guerre en 51. Après avoir étouffé les derniers foyers de révolte, César affirme la souveraineté de Rome sur les territoires de la Gaule situés à l’ouest du Rhin.
Selon Velleius Paterculus, en neuf campagnes, on n’en trouverait à peine une où César n’aurait pas mérité le triomphe ; il massacra plus de quatre cent mille ennemis et en fit prisonniers un plus grand nombre encore[A 59]. Pour Plutarque, la conquête de la Gaule est l’une des plus grandes victoires de Rome et place son commandant César au rang des plus illustres généraux romains, tels les Fabius, les Metellus, les Scipions : « En moins de dix ans qu’a duré sa guerre dans les Gaules, il a pris d’assaut plus de huit cents villes, il a soumis trois cents nations différentes, et combattu, en plusieurs batailles rangées, contre trois millions d’ennemis, dont il a tué un million, et fait autant de prisonniers »[A 63].
Tandis qu’il termine son mandat de proconsul, César prépare son retour à Rome par la conquête de l’opinion romaine : il répond aux critiques sur sa conduite de la guerre par la publication de ses Commentaires sur la guerre des Gaules, sobre mais calculateur compte-rendu où il se présente à son avantage, puis en 51 av. J.-C., il annonce la construction d’un magnifique et nouveau forum, financé par le butin des Gaules, sur lequel est érigé le temple dédié à Vénus Genitrix dont il est censé descendre. L’objectif de César est maintenant de se présenter aux élections de 50 av. J.-C. pour un second consulat en 49 av. J.-C., conformément à la loi qui impose un intervalle de dix ans entre chaque consulat. Pour éviter l’attaque en justice que lui a jurée Caton et qui l’empêcherait de faire campagne, il lui faut conserver son mandat de proconsul en Gaule et être candidat malgré son absence de Rome. Mais c'est sans compter sur l'opposition des optimates qui cherchent à faire obstruction.
À Rome, les conservateurs, désormais ralliés à Pompée, cherchent à tout faire pour empêcher le projet de candidature de César. En 50 av. J.-C., César mène sa politique à distance depuis la Gaule cisalpine où il campe ses troupes depuis la fin de la révolte en Gaule. Depuis le nord de l'Italie, il manœuvre pour faire élire Marc Antoine au poste de tribun de la plèbe pour l’année suivante. Soldant les dettes du tribun de la plèbe Curion, il fait en sorte qu'il lâche Pompée et qu'il passe de son côté[A 64]. Enfin, César neutralise un des consuls, Lucius Aemilius Paullus, en lui versant les fonds nécessaires à la réfection de la basilique Aemilia sur le forum[A 65]. Malgré ces dispositions, César échoue à faire élire son lieutenant Servius Sulpicius Galba, candidat au consulat pour 49, qui est battu : les consuls élus sont alors Lucius Cornelius Lentulus Crus et Caius Claudius Marcellus qui lui sont farouchement hostiles. Les conservateurs s’activent eux aussi pour fragiliser la position de César auprès de ses propres fidèles et prennent des contacts avec Titus Labienus, le meilleur lieutenant de César qui s'est illustré à la bataille de Lutèce et à Alésia[A 66].
À la fin de l’année 50 av. J.-C., les premières passes d’armes restent dans la voie légale et se déroulent au Sénat. Le tribun Curion propose que Pompée et César licencient simultanément leurs troupes ; les consuls s’y opposent[A 67]. Le Sénat décide que Pompée et César envoient chacun une légion pour préparer la guerre contre les Parthes. Pompée choisit la Ire légion, qu’il a prêtée à César, César renvoie la XVe, et doit se dessaisir ainsi de deux légions (il en conserve néanmoins neuf, dont une l’accompagne en Gaule cisalpine tandis que les autres hivernent en Gaule)[A 68]. Pompée envoie ces deux légions prendre leurs quartiers d’hiver en Italie du sud. En chemin, leurs officiers se livrent à un intense travail de désinformation, affirmant que César est devenu odieux et détesté par ses soldats, et induisent Pompée à le sous-estimer[A 69].
Toujours par l’intermédiaire de Curion et Marc Antoine, désormais tribun, César tente une nouvelle proposition : il accepte de ne conserver que deux légions et le gouvernement de la Gaule cisalpine et de l’Illyrie, pourvu qu’on accepte sa candidature au consulat. Malgré la recherche d’un compromis par Cicéron, Caton refuse qu’un simple citoyen impose ses conditions à l’État ; le nouveau consul Lentulus s’emporte et fait expulser du Sénat Curion et Marc Antoine. L'historien Velleius Paterculus accusera Curion d'être responsable de cette rupture, tandis que Appien présentera Marc Antoine comme l'initiateur de la dispute. Selon Plutarque, « c’était donner à César le plus spécieux de tous les prétextes » : s’en prendre aux tribuns de la plèbe, les représentants sacro-saints du peuple. Le Sénat décrète que César doit abandonner son poste de gouverneur et revenir à Rome en simple particulier[A 70].
César peut se présenter comme la victime de l’acharnement des conservateurs et comme le défenseur des tribuns de la plèbe[A 71]. Prenant l’initiative de l’illégalité, il décide le 11 janvier 49 av. J.-C. de pénétrer en armes en Italie et franchit le Rubicon, rivière marquant la frontière entre l’Italie et la Gaule cisalpine. Plutarque et Suétone mettent en scène ce tournant historique et attribuent à César la citation « Alea jacta est » (« Le sort en est jeté »), signifiant qu’il tente la destinée[A 72]. Pour César, il n’y a plus que deux issues : la mort et le déshonneur ou la victoire et le pouvoir. Il mise sur l’audace et la rapidité de ses déplacements militaires et sur l’expérience et la fidélité de ses légions, et se démarque des atrocités de la précédente guerre civile par sa politique de clémence, n’exerçant ni proscriptions ni représailles.
César prend le port de Rimini et progresse rapidement vers Rome sans rencontrer de résistance, et ajoute à ses forces les trois légions que Pompée a commencé à lever. Pompée récupère des troupes à Capoue, et se replie sur Brindisi d’où il écrit à tous les gouverneurs de provinces de mobiliser contre César. Les consuls, Caton, Bibulus et même les sénateurs modérés comme Cicéron fuient en hâte, rejoignent Pompée à Brindisi et s’embarquent pour Dyrrachium en Épire[A 73]. Sans flotte, César ne peut les poursuivre.
Pendant les quelques jours qu’il passe à Rome, il rassure les sénateurs restés sur place, offre au peuple une distribution de blé, promet un don de 75 deniers à chaque citoyen et accorde la citoyenneté romaine aux habitants de la Gaule cisalpine. Après ça, le peuple le fera désigner dictateur pendant son absence. Assuré du soutien de l’Italie, il confie la gestion de Rome à Lépide, envoie Curion s’emparer de la Sicile et de la Sardaigne, garantissant le ravitaillement de Rome en blé, libère l’ex-roi juif Aristobule II afin de l’envoyer en Syrie avec deux légions et empêcher Pompée de mobiliser des troupes. Mais les partisans de Pompée empoisonnent Aristobule[A 74].
C'est alors que César décide de se rendre en Espagne pour mettre hors d'état de nuire les sept légions que Pompée possède encore à l'Ouest, avant même de penser à poursuivre son rival, avec des moyens maritimes qu'il n'a de toute façon pas. N'ayant plus rien à craindre du côté de Rome, César prend la route de la Gaule transalpine et, s'accrochant avec les Ligures de Vintimille au passage[19], arrive bientôt aux portes de Marseille. La cité grecque refuse de le laisser entrer, affichant une neutralité de façade dans le conflit qui oppose les deux hommes, mais en secret liée à Pompée. César essaye en vain de franchir les remparts de la ville, mais les Massaliotes repoussent si bien ses assauts qu'il préfère poursuivre sa route vers l’Espagne en laissant à trois légions, conduites par Trébonius, le soin de poursuivre le siège, tandis qu'il ordonne à Brutus d'organiser un blocus maritime[20]. Quand l’année 49 se termine, César est maître de l’Italie, des Gaules et des Espagnes, mais ses lieutenants ont subi des revers : Curion s’est fait tuer en Afrique, Gaius Antonius a été fait prisonnier en Illyrie, et son meilleur lieutenant, Titus Labienus, a rejoint le camp de Pompée, qui a levé une armée sur les provinces d’Orient et les royaumes alliés de Rome. La flotte pompéienne contrôle l’Adriatique, prête à débarquer en Italie.
L’année suivante, en janvier 48, César est élu consul ; poursuivant sa stratégie fondée sur l’initiative et la rapidité de mouvement, il prend un risque considérable en traversant l’Adriatique pendant l’hiver et surprend Pompée en Épire. Mis en difficulté lors du siège de Dyrrachium où il a enfermé Pompée pendant quatre mois, César doit se replier, attirant Pompée en Thessalie. En août 48, poussé par son entourage, Pompée accepte la bataille rangée. Malgré l’avantage du nombre, il est battu à Pharsale. Cicéron et Brutus se rendent à César, qui les accueille chaleureusement. Caton et Labienus fuient en Afrique, Pompée se réfugie en Asie, puis à Chypre, d’où il gagne l’Égypte, pensant trouver de l’aide chez le jeune pharaon dont il a autrefois protégé le père[A 75].
César parvient à Alexandrie début octobre 48 où il trouve, horrifié, le corps de Pompée, assassiné sur l’ordre du jeune Ptolémée XIII[A 76]. César passe l’hiver 48/47 à Alexandrie, et la guerre s’engage alors entre Ptolémée et César. Ce dernier n’a qu’un faible effectif et doit mener un combat difficile ; lors d’un engagement dans l’île de Pharos, il est même obligé de fuir à la nage et d'abandonner son lourd manteau d'imperator, aussitôt récupéré par son adversaire qui l'érige en trophée[21]. César sort vainqueur de l’affrontement en mars 47, et détrône le jeune souverain au profit de Cléopâtre VII et du plus jeune de ses frères[A 76],[A 77].
D’Égypte, César se rend en Asie (juillet/août 47), afin de réprimer Pharnace II, fils de l’ancien roi du Pont Mithridate VI, qui a profité de la guerre civile pour reconquérir des territoires et réaffirmer son autorité. Le cinquième jour de son arrivée, en quatre heures de combat et en une seule bataille (bataille de Zéla), César écrase et détrône Pharnace[A 76]. À cette occasion, il écrit au Sénat ces mots célèbres : « Veni, vidi, vici » pour exprimer la facilité avec laquelle il est venu à bout de son adversaire[A 78].
De retour en Italie, César doit faire face à l’insubordination des soldats cantonnés en Campanie. Il les reçoit à Rome, et parvient à les ramener à l’ordre sous la menace de les licencier[A 79]. Puis, César passe en Afrique fin 47 av. J.-C., où il passe l’hiver. Il détruit à la bataille de Thapsus l’armée républicaine que commandent Metellus Scipion et Caton d'Utique et leur allié le roi numide Juba Ier (février 46)[A 80] ; Metellus Scipion et Juba meurent dans la bataille, Caton se suicide à Utique pour éviter d’être capturé, Titus Labienus se réfugie en Espagne. L’annexion de la Numidie s’ajoute aux conquêtes de César.
Lorsque César revient à Rome, la paix est revenue, l'Italie n'a pas connu les atrocités des précédentes guerres civiles. Tous les écrivains loueront la clémence de César, qui a accueilli sans restriction les pompéiens qui se rendent et n'a exercé aucune proscription contre la classe politique. César peut annoncer au peuple que l'annexion des Gaules et de la Numidie et le protectorat sur l'Égypte vont permettre d'obtenir du blé et de l'huile en abondance et définitivement résoudre les problèmes de ravitaillement de Rome.
En août et septembre 46 av. J.-C., César célèbre par un quadruple triomphe ses victoires sur les Gaules, le Pont, l'Égypte et la Numidie. La durée et le faste des cérémonies, l'énormité du butin éclipsent tous les triomphes précédents. À chaque cérémonie, César vêtu de pourpre parcourt en char la Voie Sacrée, suivi du butin, des captifs[N 9], des soldats qui ont toute liberté pour scander les plaisanteries les plus osées sur son compte. Pour monter au Capitole offrir un sacrifice au temple de Jupiter Capitolin, le char de César passe entre deux rangées d’éléphants qui tiennent des flambeaux.
César offre au peuple des représentations théâtrales, des courses, des joutes d'athlètes, des spectacles de chasse et de gladiateurs, des reconstitutions de combat terrestre et nautique, cette dernière est la première naumachie montrée à Rome. Des banquets publics réunissent près de 200 000 convives[N 10]. La vente du butin rapporte plus de 600 millions de sesterces[A 81], et l’argent est distribué à flots : les 75 deniers que César a promis sont donnés à chaque citoyen, avec 25 deniers de plus pour compenser le retard, les légionnaires reçoivent 24 000 sesterces chacun, et des lots de terre. Les loyers de moins de 1 000 sesterces à Rome et moins de 500 sesterces en Italie sont annulés[A 82]. Un denier vaut 4 sesterces.
La plupart des revendications des populares sont maintenant satisfaites, et César entreprend les réformes nécessaires à l'administration du monde romain. Il fait procéder à un recensement, et ajuste à la baisse le nombre d'allocataires des distributions de blé. Il compense cette mesure en installant 80 000 citoyens pauvres et des soldats démobilisés dans de nouvelles colonies dans les provinces, dont Carthage et Corinthe qu'il fait reconstruire.
La paix ne dure que quelques mois. En 46 av. J.-C., les dernières forces du parti pompéien s’insurgent en Espagne, menées par Pompée le Jeune, fils de Pompée, et Titus Labienus. Consul pour la quatrième fois, César arrive à marches forcées en Espagne en décembre 46. Cette guerre est longue et sans merci, avec des exécutions de part et d’autre. César achève en avril 45 av. J.-C. ses derniers adversaires à Munda, dans la bataille la plus acharnée des guerres civiles[22]. Retardé par une maladie, son jeune neveu Octave le rejoint en Espagne malgré les dangers du trajet, geste que César apprécie hautement. Dans le dernier testament qu’il rédige, il déclare adopter Octave et le désigne comme héritier principal avec comme autre héritier Quintus Pedius, son autre neveu qui a combattu à ses côtés en Espagne[A 83].
Revenu à Rome en octobre 45, César y célèbre son cinquième triomphe. César commet là une erreur politique que Plutarque soulignera[A 84] : la règle veut qu’un triomphe honore une victoire sur un peuple ennemi de Rome, ce qui n’est pas le cas dans cette guerre civile. Ni Pompée vainqueur de Sertorius, ni Sylla vainqueur des marianistes n’ont célébré de triomphe. De plus, César accorde deux autres triomphes, à Fabius et son neveu Quintus Pedius[A 85]. Là encore, c’est une entorse aux usages qui réservent le triomphe au général doté de l’imperium et non à ses lieutenants.
César, nommé dictateur pour dix ans, est désormais le centre du pouvoir ; il reconstitue les effectifs du Sénat, en radie quelques sénateurs responsables de concussion dans leur province, et y inscrit des Gaulois cisalpins et des Espagnols, une première qui marque le début de la promotion des provinciaux. Il nomme lui-même les magistrats, sauf les tribuns de la plèbe et les édiles plébéiens, encore élus, et désigne des consuls pour quelques jours de charge seulement. Obtenir un titre, un avantage ou une faveur dépend de son approbation. Ainsi, Cicéron par des discours emplis d’adulation où il qualifie la clémence de César de « divine » fait gracier plusieurs de ses amis[A 86].
Cicéron propose de décerner à César des honneurs, les autres sénateurs suivent en une surenchère de plus en plus excessive. Ainsi César reçoit le nom de Liberator et le titre d’Imperator transmissible à ses descendants, quoiqu’il n’ait plus d’enfant[A 87]. Il réforme le calendrier, on renomme le mois de Quintilis de son nom de famille, Iulius[A 88]. Pompée a eu l’honneur de porter les emblèmes du triomphe, robe pourpre et couronne de lauriers, lorsque des jeux sont célébrés à Rome. César reçoit le même honneur, mais par décret du Sénat à titre permanent, la couronne lui permettant notamment de cacher sa calvitie qu'il supporte mal car source de nombreuses railleries[A 89] ; il peut siéger sur un siège plaqué d’or. Il reçoit également un nombre considérable de pouvoirs extraordinaires, comme l'exercice de la tribunicia potestas, les pouvoirs des tribuns de la plèbe[23], le droit d'être consul pendant cinq ans et, plus tard, à partir de 44, la fonction de dictateur à vie. Certains privilèges accordés par les sénateurs vont jusqu’à l’extravagance, comme l’autorisation d’avoir commerce avec toutes les femmes qu’il voudra[A 90]. Pour Dion Cassius, les sénateurs agissent par excès de flatterie, ou par raillerie. Plus préoccupant, selon Plutarque, c’est pour certains une manœuvre destinée à déconsidérer César et le rendre odieux, et se préparer plus de prétextes de l’attaquer un jour[A 84].
En nommant lui-même les magistrats supérieurs, César arrête le cycle corrupteur des campagnes électorales ruineuses financées par l’extorsion financière sur les provinces, et soulage la charge de celles-ci ; mais ceci réduit les profits des publicains et remplace la compétition politique par un arbitraire et une flagornerie indigne qui suscitent des oppositions : pour l’année 44 av. J.-C., César désigne Marc Antoine comme consul et Marcus Junius Brutus et Cassius comme préteurs. Selon Plutarque, la déception de Cassius qui espérait le consulat est une des raisons qui l’amènent à comploter. Tous les historiens romains le présentent comme l’instigateur principal du complot. Cassius regroupe peu à peu une coterie d’opposants, d’anciens pompéiens graciés par César, mais également, notent les historiens modernes, des césariens qui ont servi lors de la guerre des Gaules, notamment Decimus Junius Brutus Albinus[24] et plusieurs autres[N 11]. Ces derniers redoutent vraisemblablement l’expédition militaire que prépare César contre les Parthes qui serait suivie d’un retour par la Scythie et la Germanie[25].
Les comploteurs cherchent en Marcus Junius Brutus le chef symbolique idéal : il porte le nom mythique de Brutus qui chassa Tarquin le Superbe, le dernier roi de Rome. Neveu et admirateur de Caton, Brutus, souvent tenu pour stoïcien mais en réalité bien plus proche de l'Académie[26], peut de surcroît trouver dans ses convictions philosophiques des raisons d'agir contre un « tyran ». Il a épousé Porcia, fille de Caton et veuve de Bibulus, et par conséquent il est l’héritier moral des derniers républicains. Toutefois, César l’a comblé de faveurs et l’a nommé préteur urbain. Les comploteurs mènent donc une approche psychologique : ils parsèment chaque jour le tribunal que préside Brutus de messages anonymes qui invoquent le Brutus chasseur de roi : « Brutus, tu dors, tu n’es pas le vrai Brutus ! » Ensuite, Cassius convainc Brutus d’agir contre César. Présenter Brutus comme l’inspirateur du complot contre César permet de fédérer d’autres opposants[A 91]. Les rumeurs de complot parviennent à César, qui les néglige, affirmant en être informé, ou même en plaisante : quand on l'informe que Brutus complote, César rétorque en se pinçant « Il attendra bien la fin de cette carcasse ! ».
Le 14 février 44, le Sénat confère à César la dictature perpétuelle. Son pouvoir est désormais sans limite, même l’intercessio des tribuns ne peut s’exercer sur son imperium. Tout espoir d’une abdication comme celle de Sylla et d’un retour à la République d’avant la guerre disparaît. César prend alors des décisions surprenantes : il décrète une amnistie générale, et licencie sa garde personnelle[A 92]. Autre inconséquence aux yeux des historiens romains, César néglige les présages : avertissements des devins, mise en garde pour la période allant jusqu’aux ides de mars, cauchemar de son épouse Calpurnia la veille des ides[A 93]. Tout au plus, apprenant les signes néfastes observés sur les victimes offertes en préliminaire de la réunion au Sénat, César se résout à ne prendre aucune décision importante ce jour-là[A 94].
Les conjurés ont prévu leur attentat aux ides de mars (15 mars de l’an 44 av. J.-C.), au début de la réunion du Sénat dans la Curia Pompeia sur le Champ de Mars. Seul César est visé, Marc Antoine qui accompagne César est attiré à l’écart par de faux solliciteurs, tandis que César est entouré par le groupe des conjurés. Metellus s’assure que César ne porte aucune protection, et tous l’assaillent : il tombe percé de 23 coups de poignard[A 95]. Le coup ultime vient de Brutus. Les derniers mots de César auraient été pour ce dernier, en grec, et non en latin comme l'affirma l’abbé Lhomond en 1779, « Toi aussi, mon fils »[A 95]. Depuis toujours sujette à controverse, l'expression « mon fils », traduite du grec τέκνον / teknon, devrait plutôt être entendue comme « mon petit », « mon enfant », traduisant un lien affectif bien plus que familial entre les deux hommes, selon Carcopino[27]. Elle a servi de base à l'idée fausse selon laquelle Brutus aurait été le fils adoptif de César[28].
Pas moins de onze auteurs antiques ont rapporté l’attentat, avec plus ou moins de détails[A 96]. Si le fait est bien connu, l’analyse de ses causes est délicate. Officiellement, les conjurés ont éliminé César pour l’empêcher de devenir roi et pour sauver la République. L’accusation d’aspirer à la royauté était le procès d’intention quasi rituel des conservateurs romains pour éliminer tout homme politique trop favorable aux revendications populaires[N 12]. Les écrivains romains ont relevé comme autant d’indices ce qui peut étayer cette suspicion :
Selon Plutarque, plusieurs signes auraient présagé la mort de César, comme le cœur manquant d'un animal dont celui-ci fait offrande[A 101]. Plutarque affirme aussi que César cherche à détruire la République et à devenir roi[A 102]. Parmi les historiens modernes, Jérôme Carcopino suit cet avis[25], et Joël Schmidt[29] voit dans cette liste autant de gestes voulus par César pour sonder l’opinion romaine sur l’idée de le couronner roi. D’autres historiens modernes sont plus circonspects dans l’interprétation des éléments cités par Plutarque et Suétone : pour Marcel Le Glay, il est difficile de séparer la réalité et la rumeur, et si César n’a pas voulu lui-même la royauté, certains dans son entourage l’ont voulue, et les Romains l’ont cru ou ont feint de le croire[25]. Christol et Nony rappellent que César « sut toujours donner le change sur ses intentions réelles » et considèrent que ce problème n’est pas soluble[30]. Plus encore, Ronald Syme estime que ce problème « n’a pas à être posé. César fut tué pour ce qu’il était, non pour ce qu’il aurait pu devenir. En revêtant la dictature à vie, il semblait écarter tout espoir de retour à un gouvernement normal et constitutionnel. Le présent était insupportable, l’avenir bouché »[31].
Mais Suétone complique les analyses sur la fin de César en ouvrant une autre piste[A 103] : César aurait eu la mort qu’il souhaitait. Là encore, Suétone produit ses indices :
Des historiens modernes ont développé cette thèse[32], justifiant l’attitude de César par sa perception d’une maladie qui le diminuait. Néanmoins, les préférences pour une mort brève et imprévue sont après tout banales, et selon Régis Martin[33], la croyance de César en sa chance protectrice (Fortuna) et sa certitude que sa perte provoquerait la guerre civile peuvent aussi expliquer sa conduite.
César désigna dans son testament trois héritiers, les petits-fils de ses sœurs, à savoir Octave, Lucius Pinarius Scarpus et Quintus Pedius. Il légua les trois quarts de son héritage au premier et le quart restant aux deux autres. Dans la dernière clause de son testament, César adopta Octave, le futur empereur Auguste, et lui donna son nom. Enfin, il légua au peuple romain ses jardins près du Tibre et trois cents sesterces par tête[A 105].
Le 20 mars, un bûcher est dressé sur le Champ de Mars, près de la tombe de sa fille Julia, et l’on imagine évidemment l’effet dramatique de cette proximité. Le corps de César, couché sur un lit d’ivoire tendu de pourpre et d’or, est d’abord déposé dans une chapelle dorée, édifiée sur le forum, devant la tribune aux harangues. À sa tête, sa toge ensanglantée est exposée sur un trophée. Comme le corps reposait face vers le ciel et ne pouvait être vu, on élève au-dessus de lui une effigie de cire grandeur nature, afin que la foule puisse contempler les vingt-trois blessures (trente-cinq selon d’autres auteurs) qui lui ont été sauvagement infligées au corps et au visage. Pour souligner l’ignominie de ce crime, Marc Antoine fait lire, en guise d’oraison funèbre, la liste des honneurs qui ont été dévolus à César, ainsi que le serment qu’ont prêté les sénateurs de défendre sa vie. On chante des vers parmi lesquels revenaient, pour susciter la compassion, une citation empruntée au Jugement des Armes de Pacuvius : « Fallait-il les sauver pour qu’ils devinssent mes meurtriers ? » (compte tenu de la mansuétude dont César a obstinément fait preuve à l’égard de Brutus, c’était particulièrement bien choisi).
Chavirée par l’habile et pathétique mise en scène, la foule en colère entasse autour du lit funèbre le bois arraché aux boutiques avoisinantes et tout ce qui lui tombe sous la main pour construire un bûcher d’apothéose, comme elle l’a fait quelques années plus tôt pour les funérailles de Clodius. Les vétérans de ses légions y jettent leurs armes et certaines femmes les bijoux qu’elles portent. Les Juifs, qui n’oublient pas que César leur a permis de relever les murs de Jérusalem abattus par Pompée, se réunissent plusieurs nuits de suite autour de son tombeau pour le pleurer.
On raconte que lorsque Caius Matius organisa des jeux funéraires en juillet 44 av. J.-C. à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance, la comète de César se mit à briller dans le ciel (apparition également attestée par les astronomes chinois) et l’Etna entra en éruption, faisant de sa mort un bouleversement cosmique. À l’emplacement où il fut incinéré, son petit-neveu et fils adoptif, le futur Auguste, fait ériger un temple où, encore de nos jours, des fleurs sont souvent déposées sur les restes de l'autel où le corps a été brûlé[34]. La plaque commémorative apposée par la ville à l’intention des visiteurs emprunte à Appien[A 106] son récit de l’événement :
« (…) et on le ramena sur le Forum, là où se trouvait l’ancien palais des rois de Rome ; les plébéiens rassemblèrent tous les objets de bois et tous les bancs dont regorgeait le Forum, et toutes sortes d’autres choses analogues, puis par-dessus mirent les ornements très abondants de la procession, plusieurs rapportèrent encore de chez eux quantité de couronnes et de décorations militaires : ensuite ils allumèrent le bûcher et passèrent la nuit en foule auprès de lui ; c’est là qu’un premier autel fut érigé, et que maintenant se trouve le temple de César, qui, juge-t-on, mérite d’être honoré comme un dieu… »
Le complot n’atteint pas ses objectifs, car le consul Marc Antoine a été épargné, à la demande de Brutus[A 107], et Lépide stationne avec des troupes à proximité de Rome, tandis qu'Octave, qui se trouve en Épire, est hors d’atteinte. En revanche, l’attentat contre César guide les prétendants à sa succession sur la conduite à tenir : ils font symboliquement rayer la dictature des magistratures romaines, et la remplacent par un triumvirat quinquennal. La politique de clémence a prouvé son danger suicidaire, les triumvirs commencent une vague de proscriptions sanglantes, suivie par quatorze ans de guerre civile, contre les assassins de César, contre Sextus Pompée, puis entre triumvirs. Octave finit par l’emporter en 31 av. J.-C. et recevoir le titre d'Auguste pour devenir le maître unique et absolu de l’Empire romain. Il confirma et continua les réformes entamées par César, organisant un empire pacifié, stabilisé et géré avec plus d’équité[réf. nécessaire]. Comme Auguste et la plupart des empereurs à sa suite, Jules César est divinisé après sa mort.
Outre sa carrière politique et militaire, Jules César est un passionné de lettres, de grammaire, de rhétorique et de poésie, conformément à l'éducation lettrée particulièrement poussée qu'il a reçue. La plupart des indications proviennent de Suétone[35]. La plupart de ses ouvrages ont été perdus comme la grande majorité de la littérature antique.
Des divers écrits qu'il a composés, il ne reste ainsi que le corpus de ses Commentaires (Commentarii rerum gestarum) :
Leurs conditions de rédaction sont mal connues, deux thèses principales s'opposant : d'abord celle d'une rédaction au fur et à mesure, avec une publication chaque année[36] ; ensuite, celle d'une rédaction en une fois, à la fin de chaque guerre, avec une sélection des faits saillants. La nature des œuvres, des commentaires, laisse à penser que la première option se vaut. Les quelques contradictions entre les différents livres plaident de même pour une rédaction échelonnée, même si ces contradictions dans l’œuvre peuvent tout autant plaider pour une rédaction rapide, à la hâte, à la fin de la guerre, pour une publication rapide. La structure en années n'est pas non plus déterminante, puisqu'il s'agit d'une tradition héritée de l'annalistique romaine[36], ajoutée à la nature même des opérations militaires relatées, qui s'interrompent à la mauvaise saison pendant plusieurs mois. Cette idée de la rédaction annuelle est donc aujourd'hui écartée : certaines informations des premiers livres présupposent la connaissance par César d'événements postérieurs, montrant que l'ensemble a été élaboré en plusieurs fois, mais rédigé au terme de chaque guerre[36]. Certains passages du Livre I faisant référence à l'alliance entre Boïens et Éduens ou à la trahison de Commios ont ainsi été écrits après 52, probablement après Gergovie et Alésia. On suppose donc désormais que les 7 premiers livres ont été écrits à l'automne 52 av. J.-C., au lendemain de la bataille d'Alésia, succès lui assurant une stabilité durable pour sa conquête en mettant un terme définitif à la résistance gauloise organisée : virtuellement achevée, la guerre peut donc être racontée pour préparer son retour à Rome et sa candidature à un deuxième consulat[36]. On peut retenir au crédit de la thèse de la rédaction en 52 le contenu d'une lettre de Caelius à Cicéron, écrite en mai 51, dans laquelle il est dit que seules des rumeurs et des bruits circulent concernant la guerre de César en Gaule[36].
D'autres ouvrages sont aussi attribués à César. On sait cependant qu'ils sont apocryphes, on parle ainsi de « Pseudo-César » ou de « Corpus Césarien » pour désigner ces œuvres. Ces récits sont assurément rédigés par un témoin proche des guerres commentées, en utilisant des informations et un journal de bord personnel, combinés avec les notes de César. Le style est cependant moins aisé, avec une rhétorique médiocre qui semblent indiquer aux philologues que ce n'est pas César qui écrivit ces textes (et que les auteurs n'ont pas cherché à imiter)[37]. Certaines hypothèses indiquent toutefois que ces ouvrages auraient été commencés par César, mais qu'ils furent inachevés. Il semblerait selon une hypothèse que ces écrits seraient des suppléments anonymes à l'œuvre de César, qui formeraient un tout continu, les rédacteurs ayant accès à ses archives et sa correspondance, et César aurait eu à long terme le projet de les incorporer[35]. Les auteurs sont inconnus, les styles varient trop pour qu'ils soient de la même main, Suétone croit, selon des rumeurs, qu'il s'agit d'un des généraux de César, Aulus Hirtius ou Caius Oppius[A 109]. Suétone aurait cependant confondu la continuation du récit et la rédaction d'une préface, et son hypothèse a été récemment décriée. Les auteurs de ces récits ont été témoins oculaires des guerres racontées, Oppius n'y a pas participé, seul Hirtius participa à la guerre d'Alexandrie, qui a l'intention de chroniquer cet épisode, mais le style médiocre fait plus soupçonner un travail inachevé, une ébauche ou un guide de travail (il est possible qu'il ait écrit ce récit mais que celui-ci a ensuite été perdu, et que les textes actuellement connus auraient été insérés en remplacement)[38]. On déclare que même pour Suétone, l'attribution est incertaine et l'est toujours[35].
Ces œuvres attribuées à César constituent un modèle du genre des mémoires historiques. Strabon traduit en effet le terme de commentaires par ὑπομνήματα / upomnémata (« mémoires » ou « journal de guerre »)[A 110]. Plutarque parle d'éphémérides[A 111],[36]. Mais aucun autre terme que « notes personnelles » ne semble suffisamment clair pour traduire l'intention et les modalités de rédaction d'une telle œuvre. L'objectivité et la part d'idéologie qui préside à l'organisation et au contenu de ces œuvres agite encore les débats et travaux des historiens[36]. En effet, ces ouvrages servent la communication politique de César et par conséquent leur exactitude — si ce n'est leur neutralité et leur exhaustivité — peut tout à fait être mise en doute ou questionnée pour tenter de déceler les déformations historiques volontaires laissées par l'homme politique dans son travail d'écrivain[réf. nécessaire].
La nature et le but des commentaires césariens a fait longtemps débat : s'agit-il d'une tentative de justification politique et publique ? Comment César concilie-t-il le souci de justification avec celui de la vraisemblance et de l'exactitude des faits ? Quelles sont les déformations volontaires que l'on trouve dans l’œuvre ? Une chose est certaine : nul n'était mieux placé que César pour livrer ce récit, mais nul n'est aussi bien placé que lui pour le tordre à sa guise. Le récit césarien est donc d'une extrême préciosité pour les historiens qui disposent ainsi d'un document de première main de grande qualité littéraire et factuelle, mais aussi d'un aperçu de la stratégie rhétorique d'un chef de guerre cherchant à limiter ses échecs et ses ratés par une discrétion redoublée à leur sujet. Ainsi, il faut différencier les Mémoires de ce que seraient par exemple des Confessions[réf. nécessaire].
La question de la véracité historique des œuvres césariennes se pose donc ainsi : César produit-il volontairement des récits obscurs par défaut d'information ? Altère-t-il sciemment la vérité par désir d'apologie personnelle ou en raison de ses ambitions politiques ?
Asinius Pollion, rapporté par Suétone, dit des Commentaires qu'ils sont écrits à la hâte, avec peu de soin et de respect pour la vérité[36]. César aurait accepté avec peu d'esprit critique le récit rapporté par ses légats et lieutenants. Il aurait été ainsi mal informé et peu sincère. Cependant, Pollion est un fidèle de César, du Rubicon jusqu'à Pharsale, il semblerait que son avis concerne donc avant tout les Commentaires sur la Guerre civile (il était lui-même l'auteur d'un ouvrage au sujet et titre similaires) et non la guerre des Gaules[36].
Toujours est-il que César semble avoir disposé pour la rédaction de ses commentaires de sources de première main : témoins directs — dont il faisait partie — et rapports de ses lieutenants et légats en détachement en Gaule sur d'autres théâtres opérationnels que le sien. On estime que ses sources historiques sont bonnes, voire excellentes, tandis que ses sources géographiques sont médiocres : beaucoup des orientations qu'il donne pour relater la topographie et l'espace celtique et breton sont fausses. César se base ainsi probablement sur des cartes mal dressées, trop anciennes ou incomplètes, tant les approximations sur les lieux semblent se multiplier, voire témoigner d'interpolations et de déplacements involontaires dans le récit[36]. On attribue généralement une telle faiblesse géographique à la traduction personnelle, par César, d'un corpus de géographes grecs de moindre qualité dont il a les textes avec lui ; cette traduction aurait été directement versée dans le corps du texte de la guerre des Gaules pour orner le récit d'un cadre descriptif sur la faune et la flore, sur le terrain, afin de donner plus de réalisme à l'environnement des guerres qu'il avait menées. Ce choix relève de la nature de l'œuvre : écrite en quelques mois, de circonstance, sans avoir un accès favorisé à des sources de meilleure qualité depuis ses cantonnements hivernaux au-delà des Alpes[36].
Il en ressort qu'on refuse généralement à César le qualificatif d'historien : colorant volontairement les faits, maître dans l'art des omissions opportunes, muet sur son ambition masquée par la migration des Helvètes pour expliquer le déclenchement du conflit, discret sur les profits financiers qu'il tira de ces années de combat, l'œuvre globale des Commentaires apparaît plutôt comme un monument de communication politique que comme une œuvre d'histoire à proprement parler[36].
César est reconnu pour sa pratique oratoire et celle de la rhétorique[10]. Il fait au moins deux éloges funèbres (laudatio), l'un en -68 pour sa tante Julia (le fait que Suétone cite un extrait indique qu'il a dû être publié) et l'autre pour sa femme[10]. Le discours pour la conjuration de Catilina a été recopié par Salluste mais les discours publiés sont fréquemment remaniés[10]. César écrit aussi en 45 av. J.-C. l'Anticato, réplique au panégyrique que Cicéron a prononcé en faveur de Caton d'Utique, « le dernier républicain » ; l'ouvrage n'est connu que par des fragments[A 112]. Ses qualités d'orateur ont divisé les contemporains, elles sont vantées par Cicéron (Brutus), Quintilien (Institution oratoire, X, 1) et Suétone mais sont critiquées par Tacite (Dialogue des orateurs, XXI)[10].
César a composé deux discours aux soldats durant la guerre d'Hispanie (Apud milites) dont Auguste aurait soupçonné qu'ils soient une forgerie[35], ainsi qu'un discours pour défendre Metellus qui selon Suétone est authentique mais mal retranscrit par les sténographes[35],[10]. Enfin, et plus curieusement, il a rédigé un traité de grammaire De analogia, en deux tomes, dans lequel il expose des théories grammaticales argumentées sur l'analogie, ainsi qu'un poème intitulé le Voyage[39].
César est l'auteur de nombreuses poésies dans sa jeunesse, dont ne subsiste, grâce à Suétone, qu'une épigramme considérée comme médiocre, sur Térence. Selon les Lettres de Pline le Jeune, leur caractère est léger[A 113]. Elles sont interdites par Auguste car il semble qu'elles aient été soit contraires à la pudeur soit trop médiocres[10]. César semble également avoir écrit plusieurs essais dans sa jeunesse (Éloge d'Hercule, une tragédie d'Œdipe, un Recueil de mots remarquables, ce dernier étant un volume d'apophtegmes (ou Dicta Collectanea) ; mais Auguste interdit leur publication après la mort du dictateur[A 114], probablement pour les mêmes raisons que les poésies[10]. Selon l'historien Pierre Grimal, ces trois œuvres perdues ont probablement été écrites en grec[40].
Jules César, devenu dictateur, reprend certaines réformes administratives entreprises une génération plus tôt par le précédent dictateur, Sylla. De nouveau, il faut adapter les institutions à l'extension de la puissance romaine qui résulte des conquêtes en Orient et en Gaule, et offrir des charges à ses partisans :
Pour l'administration des provinces, César veut éviter les mandats de cinq ans que Pompée et lui-même ont pratiqués ; il limite la durée des charges de gouverneur à un an pour un propréteur et deux ans pour un proconsul[A 116]. L'organisation des municipes italiens est précisée par une loi-cadre, dont les Tables d'Héraclée furent souvent vues comme une copie, bien que des études modernes proposent une datation largement antérieure à Jules César[6],[7].
Ces réformes seront conservées par Auguste, elles lui permettront de disposer d'une élite nombreuse, nécessaire à l'administration de l'Empire.
L’activité de bâtisseur de César se manifeste plusieurs fois dans sa carrière politique. À chaque fois, ses réalisations, toujours spectaculaires, sont destinées à renforcer son prestige et sa popularité.
À la fin de la guerre des Gaules en , César entame sa campagne électorale pour une future candidature au consulat. Pompée a construit le premier théâtre romain en pierre à Rome et une nouvelle curie quelques années auparavant. César lance à son tour un projet de bâtiment public prestigieux : un nouveau forum, au nord de l’ancien, ouvrant son côté est sur l’Argilète. Il est financé par le butin des Gaules, et commence par l’achat des terrains, pour une somme de cent millions de sesterces selon Suétone[A 43]. Ce Forum Julium suit un plan similaire à celui du forum de Pompéi qui date de la même période : une longue esplanade rectangulaire fermée par une enceinte bordée de portiques, au fond de laquelle s’élève le temple de Vénus. Selon Appien, la dédicace de ce temple aurait fait suite au vœu de César d’élever un temple à Vénus Victorieuse s’il est vainqueur à Pharsale[A 117]. Devant ce temple, il se fait représenter par une statue équestre[A 115]. Ce nouveau forum crée ainsi une architecture originale en combinant l’agora hellénistique et le temple romain sur podium, formule qu’adopteront tous les forums impériaux ultérieurs.
Maître sans partage de Rome à partir de , César a désormais tous les moyens de sa politique. Il commence par des aménagements de circonstance pour les jeux célébrant son triomphe : agrandissement des extrémités du cirque, construction d’un stade pour les lutteurs sur le Champ de Mars, creusement d’un bassin au bord du Tibre pour une naumachie[A 118].
Les travaux entrepris sur le vieux forum voient la reconstruction de la curia Hostilia, incendiée en par les partisans de Clodius Pulcher. D’autres projets plus ambitieux sont envisagés : la construction de la plus grande basilique de Rome sur l’emplacement de la vieille basilique Sempronia, l’édification d’un temple de Mars, et d’un second théâtre en pierre[A 119]. Tous ces chantiers seront suspendus pendant les guerres civiles. Octave devenu Auguste les mènera à leur terme en achevant la grande basilique Julia et le théâtre de Marcellus, et en dédiant un temple de Mars vengeur.
Pour décongestionner une Rome surpeuplée, César en repousse les limites administratives et élargit le périmètre sacré du pomœrium à un mille romain (1,5 km) des anciennes murailles de la ville[41]. Cette mesure fut à peine suffisante, car Auguste agrandit encore ce périmètre une génération plus tard en créant les quatorze régions de Rome.
Toujours pour la gestion de Rome, César fait recenser la population urbaine, selon une méthode inédite et originale : les citoyens ne sont plus convoqués par tribus pour défiler devant les services de recensement. Le recensement est organisé quartier par quartier, et ce sont les propriétaires des immeubles de location qui doivent déclarer leurs locataires. La méthode dut être efficace, car Auguste la reprendra[A 120]. Sans préciser les résultats de ce dénombrement, Suétone dit qu’il permit de ramener de 320 000 à 150 000 le nombre de bénéficiaires de distributions gratuites de blé instaurées par Clodius Pulcher en 58 av. J.-C.
Un ultime projet de loi de César destiné à améliorer quelque peu la circulation dans une agglomération aux rues étroites et encombrées interdit la circulation de jour à tout véhicule à roue, à l’exception des chars de procession lors des cérémonies et des charrettes d’entrepreneurs, nécessaires aux chantiers urbains. Cette loi est votée après la mort de César, et reste en vigueur plusieurs siècles, démontrant sa nécessité[41]. Depuis César, la nuit romaine est réservée au transit des marchandises, au grand dam des dormeurs, et suscitant les récriminations de Martial et Juvénal[A 121].
Les guerres civiles menées par César lui imposent de forts besoins financiers, pour entretenir de plus en plus de légions, qui se déplacent d’un secteur à l’autre de l’Empire. Il se dote donc à partir de 49 av. J.-C. d’un atelier monétaire qui suit ses déplacements sur les théâtres d’opération, et frappe les espèces monétaires dont il a un besoin croissant. Cette pratique n’est pas nouvelle, le Sénat romain l’a autorisée pour les grands corps expéditionnaires de Lucullus ou de Pompée en Orient[42], mais César se l’arroge en s’emparant de la réserve de la République[N 14]. De surcroît, César apporte deux grandes innovations, qui servent sa politique, que ses successeurs Marc Antoine et Octave pérenniseront, et qui s’institutionnaliseront sous l’Empire romain : la frappe de monnaie en or et la figuration de son portrait sur les monnaies.
Rome n’a émis de monnaies en or que temporairement, essentiellement aux moments les plus difficiles de la deuxième guerre punique et en puisant dans les réserves de métal précieux thésaurisées par le Sénat[N 15]. L’émission d’aurei renoue donc avec l’idée de puiser dans les réserves pour sauver la République. De plus, la forte valeur de cette monnaie (un aureus pour 25 deniers d’argent ou 100 sesterces) facilite les importantes gratifications aux soldats de César et contribue à leur prestige[réf. nécessaire].
Les motifs qui apparaissent sur les monnaies émises par César participent à sa propagande : outre son nom ou son portrait, une première sous la République, figurent principalement les motifs suivants[43] :
Les fonctions de pontifex maximus exercées par César comportent la fixation du début de chaque année. César la met à profit pour réformer le calendrier romain, pour que la durée moyenne de l’année soit exactement de 365,25 jours, la meilleure approximation connue à l’époque en Occident. Il donne ainsi son nom de famille au calendrier julien. Suétone précise cette modification du calendrier effectuée par César : « Il régla l’année sur le cours du soleil, et la composa de trois cent soixante-cinq jours, en supprimant le mois intercalaire, et en augmentant d’un jour chaque quatrième année. Pour que ce nouvel ordre de choses pût commencer avec les calendes de janvier de l’année suivante, il ajouta deux autres mois supplémentaires, entre novembre et décembre, à celle où se fit cette réforme ; et elle fut ainsi de quinze mois, avec l’ancien mois intercalaire, qui, selon l’usage, s’était présenté cette année-là »[A 88].
Il met ainsi un terme au calendrier traditionnel qui impose de créer chaque année un mois intercalaire pour compléter l'année solaire, comme l'atteste par exemple le calendrier des Fastes d'Antium.
Le nom de César, pris par Octave comme fils adoptif de Jules César, devint par la suite un titre que portèrent tous les empereurs et les princes romains, quoique étrangers à la famille des Césars. Il est ensuite attribué aux héritiers présomptifs de l’empire, usage qui devint une règle à partir de Dioclétien. Depuis cette époque les empereurs prirent le titre d’Auguste et s’adjoignirent avec le titre de César un prince qui doit leur succéder. Le nom de César a donné le mot « Kaiser » en allemand, ainsi que le mot « Tsar » (ou « Czar ») en russe et en bulgare.
L'étymologie du cognomen « Caesar » — déjà porté par le père, le grand-père et un autre aïeul, peut-être l'arrière-grand-père du dictateur[44],[8] — demeure inconnue[45].
Pline l'Ancien avance que le surnom de Caesar pourrait venir du fait que César soit né par césarienne (caesar, aris : enfant né par incision)[N 17]. Cependant, les césariennes n'existent durant l'Antiquité que sur une femme morte ou sur le point de mourir[46] et la mère de César, Aurelia Cotta, survit longtemps après la naissance de son fils illustre. Selon l'historien Jean-Paul Pundel, il n'existe aucun argument sérieux qui puisse accréditer la thèse de la naissance de Jules César par une césarienne, le récit de Pline relevant de la légende[47].
Une tradition populaire postule que c’est à la suite d’un exploit accompli pendant la première guerre punique par un représentant de la gens Julia, qui a vaincu au cours d’un combat un éléphant de l’armée carthaginoise, en lui tranchant les jarrets, qu’on l’aurait honoré du surnom de Caesor, « trancheur ». Puis le terme punique késar, « éléphant », donna caesar, et le sobriquet serait devenu héréditaire. La découverte de monnaies émises au début de la guerre civile, représentant un éléphant piétinant un serpent (ou un carnyx) au-dessus du nom « Caesar », semble étayer cette thèse. Cet ancêtre glorieux serait à placer aux environs de 250 av. J.-C. Mais le premier à porter ce cognomen dont l'histoire a gardé la trace est Sextus Julius Caesar qui a été préteur en 208 av. J.-C. et qui a eu un poste de commandement indéterminé à la bataille de Cannes en 216 av. J.-C.[48].
Enfin, une dernière hypothèse émise par Sextus Pompeius Festus[A 122] considère que le premier César de la gens Julia aurait été surnommé ainsi à cause d’une abondante chevelure, en latin caesaries[49].
Spartianus, dans la Vie d’Aelius, fait une synthèse des différentes origines possibles du nom César[N 18].
16. Sextus Julius Caesar (v. 245 - ap.208) préteur en -208 | ||||||||||||||||
8. Lucius Julius (Caesar) (v. 205 - ap.166) préteur en -166 | ||||||||||||||||
4. Caius Julius Caesar (v. 165 - ?) | ||||||||||||||||
2. Caius Julius Caesar Strabo (v. 135 à Rome – 85 à Rome) | ||||||||||||||||
20. Quintus Marcius Rex (v. 220 - ?) | ||||||||||||||||
10. Quintus Marcius Rex (v. 185 - ap. 143) préteur urbain en -144 | ||||||||||||||||
5. Marcie (v. 155 - ap.68) | ||||||||||||||||
1. Jules César (13/07/100 à Rome – 15/03/44 à Rome) | ||||||||||||||||
24. Lucius Aurelius Cotta (v. 215 - ap. 181) tribun militaire | ||||||||||||||||
12. Lucius Aurelius Cotta (v. 190 - ap. 138) consul en -144 | ||||||||||||||||
6. Lucius Aurelius Cotta (v. 162 - ap. 119) consul en -119 | ||||||||||||||||
3. Aurelia Cotta (v. 130 à Rome – 54 à Rome) | ||||||||||||||||
Le père de Jules César, Caius Julius Caesar III, né vers 135 av. J.-C. et mort en 85, est le fils de Caius Julius Caesar II. Issu d’une famille patricienne comptant plusieurs consuls (Sextus Julius Caesar II et Sextus Julius Caesar III) il exerce au cours de sa vie les fonctions de questeur (99 ou 98), préteur (92) puis gouverneur d’Asie (91). Il meurt brusquement de cause naturelle à Pisae en 85.
Sa mère Aurelia Cotta, née en 120 et morte en 54 ou 53[A 43], est issue d’une famille plébéienne et consulaire (ses trois frères furent consuls). Pour Tacite et Plutarque[A 123], elle incarne la matrone romaine, exemplaire par l’éducation et le dévouement qu’elle porte à ses enfants et à sa famille et en particulier à son fils[N 19]. Devenue veuve en 85, elle ne se remarie pas et continue d’habiter avec ce dernier.
À l’exception de César, Caius Julius Caesar III et Aurelia Cotta ont eu deux autres enfants, deux filles, Julia Caesaris « Maior » (l’ancienne) et Julia Caesaris « Minor » (la jeune).
Les informations concernant Julia Caesaris « Maior » sont peu nombreuses. Suétone confirme l’existence de cette dernière car elle aurait selon lui participé à l’accusation de Clodius Pulcher poursuivi pour sacrilège et adultère[A 124]. Elle a au moins un fils, car différents auteurs mentionnent la part réservée à cet enfant dans le testament de César[A 125].
Julia Caesaris « Minor » naît en 101 et meurt en 51[N 20]. Elle épouse Marcus Atius Balbus, originaire d’Aricie, et est la mère de Atia Balba Caesonia et la grand-mère d’Octave, qui sera adopté par César et deviendra l’empereur Auguste.
Selon Suétone, Cossutia est la première femme de César, dont il divorce pour épouser Cornelia (la mère de sa fille Julia) pour des motifs politiques : « et quoiqu’on l’eût fiancé, dès son enfance, à Cossutia, d’une simple famille équestre, mais fort riche, il la répudia, pour épouser Cornélie, fille de Cinna, lequel a été quatre fois consul[N 21].
L’examen des rares sources et la compilation des études sur le sujet mènent à dégager l’hypothèse suivante. César, venant juste de revêtir la toge virile, a épousé Cossutia, issue d’une riche famille de l’ordre équestre, entre juillet 85 et juillet 84 av. J.-C. (sans doute à l’instigation de ses parents et pour des raisons financières, la famille n’étant pas spécialement riche) et en divorça l’année suivante, sous le consulat de Lucius Cornelius Cinna, dont il épousa la fille, Cornelia (un choix plus personnel traduisant une orientation politique qui ne s’est jamais démentie par la suite, César, bien qu’encore très jeune étant devenu le chef de famille à la mort de son père).
Plutarque, quant à lui, n’apporte pas une solution satisfaisante, car le récit qu’il fait de la vie de César comporte certaines incohérences : « Au retour de sa questure, il épousa en troisièmes noces Pompeia ; il avait de Cornélia, sa première femme, une fille, qui par la suite fut mariée au grand Pompée ». Le passage comporte une contradiction que Napoléon III avait déjà relevée en son temps[A 2]. Enfin, si Pompeia Sylla est la troisième femme de César, et Cornélia sa première, Plutarque ne mentionne pas l’identité de sa deuxième épouse. Il semble plus vraisemblable que Cornélia est la deuxième épouse de César et Cossutia sa première.
En 68, après avoir exercé les fonctions de questeur en Hispanie, César épouse Pompeia Sylla, car sa deuxième épouse Cornélia est morte l’année précédente[A 126]. Cinq ans plus tard, en 63, César est élu pontifex maximus et décide de divorcer à la suite de relations supposées entre sa femme et un jeune patricien, Clodius Pulcher. Enfin, en 59, il épouse Calpurnia Pisonis avec laquelle il restera lié jusqu’à sa mort en 44.
Cornelia Cinna lui donne son unique enfant légitime[A 127], une fille prénommée Julia, qui naît en 83 ou 82 av. J.-C. et épouse Pompée en 60. Elle meurt en 54.
Au cours de son séjour en Égypte, César entretient des relations avec Cléopâtre VII qui accouchera plus tard (vers 47 ou plus probablement vers 44) d’un enfant, Ptolémée XV dit Césarion. Cependant, la paternité de César envers cet enfant est discutée par les historiens et semble déjà être l’objet d’une polémique peu de temps après la mort du dictateur[A 128]. Césarion est assassiné très jeune (15 ou 17 ans) par Octave (futur Auguste), le fils adoptif de César et premier empereur romain.
En 46 av. J.-C., César, sans descendance légitime, adopte son petit-neveu Octave par testament qui, selon l’usage romain en cas d’adoption, est désormais appelé Caius Julius Caesar Octavianus (Octavien). Il deviendra plus tard Auguste, premier empereur de Rome.
Enfin, César est peut-être le père de Brutus, qu’il aurait eu avec Servilia Caepionis en 85 av. J.-C. En effet, Plutarque rapporte la bienveillance de César envers celui-ci[A 129] et la croyance qu’il a acquise d’être le père naturel, l’enfant étant né durant la période où il fréquente Servilia Caepionis[A 130].
César entretient des relations particulières avec Servilia Caepionis, la mère de Brutus, dont la passion pour lui est publiquement connue à Rome[A 130] et qu'il semble lui-même tout spécialement apprécier. Ainsi, Suétone rapporte les divers présents et avantages qu’il offrit à sa bien-aimée, dont une perle d’une valeur de six millions de sesterces[A 35].
César a eu des relations amoureuses avec Eunoé, femme de Bogud, roi de Maurétanie[A 131]. C'est cependant sa liaison avec Cléopâtre VII qui est restée la plus célèbre. Suétone rapporte comment il remonte le Nil avec la reine d'Égypte[A 132] et la fait venir à Rome où il la comble d’honneurs et de présents[A 133]. C’est aussi pour lui un bon moyen de tenir sous contrôle l’Égypte, où trois légions sont présentes, et dont la place dans l’approvisionnement en céréales de l’Italie commence à devenir prépondérante. Toujours est-il que Cléopâtre est présente à Rome au moment de l’assassinat de son amant et qu’elle rentre rapidement dans son pays après le meurtre.
Suétone fait état d’une rumeur selon laquelle César, au début de sa carrière, aurait eu avec Nicomède IV, roi de Bithynie, des relations sexuelles où il aurait tenu le rôle passif : l'histoire le suit sa vie durant. Reprise par Cicéron, Caius Memmius et d'autres de ses adversaires politiques, elle lui vaut de la part de Bibulus, son collègue au consulat, le surnom de « reine de Bithynie ». Lors de son triomphe à Rome, après les campagnes en Gaule, ses soldats chantent encore : « César a soumis les Gaules, Nicomède a soumis César »[A 89]. Lui-même, selon Dion Cassius, rejette l'accusation, jusqu'à la nier sous serment[A 134].
Deux poèmes de Catulle laissent entendre que César et Mamurra, son ingénieur, auraient été amants[A 135] ; toutefois leur auteur, nous dit Suétone, s'en est par la suite excusé[A 136]. Quant à l'allégation, émise par Marc Antoine, selon laquelle Octave aurait obtenu d'être adopté par César au prix de faveurs sexuelles[A 137], elle relève pour le même Suétone de la catégorie des « bruits infâmes » les plus facilement démentis[A 138].
César s'est aussi vu attribuer des conquêtes féminines nombreuses, particulièrement dans les rangs de la haute société romaine : à Servilia Caepionis, Suétone ajoute Postumia, femme de Servius Sulpicius, Lollia, femme d’Aulus Gabinius, et Tertulla, femme de Marcus Crassus ; il évoque également des soupçons concernant Mucia, la femme de Pompée, et Tertia, la propre fille de Servilia[A 35]. Ce penchant de César pour les amours illicites est lui aussi chanté en vers par ses soldats lors de ses entrées triomphales[A 139] :
« Citoyens, surveillez vos femmes : nous amenons un adultère chauve.
Tu as forniqué en Gaule avec l’or emprunté à Rome. »
, rappelant que la calvitie dont il souffrait est un symbole de virilité[50].
Le mot qui le proclame « mari de toutes les femmes et femme de tous les maris », que Suétone attribue à Curion l'Ancien, rassemble les deux imputations de « sodomite » et d'« adultère »[A 131]. Comme le relèvent Florence Dupont et Thierry Éloi, si cette formule, lue avec le regard d'aujourd'hui, explique pour une bonne part la présence de César dans des recensions de « bisexuels célèbres »[N 22], elle n'a pas le même sens pour ses contemporains, dont les conceptions reposent sur d'autres catégories[51]. La société romaine ne réprouve pas qu'un citoyen ait des partenaires sexuels des deux sexes ; en revanche, elle fait d'un comportement sexuel passif le signe d'une soumission ou d'une infériorité indignes de son statut : une infamie qui, dans le cas de César, est contrebalancée, selon Eva Cantarella, par la réputation de virilité tirée de ses conquêtes, tant féminines que militaires[52]. Cependant les deux allégations symétriques renvoient au fond à la dénonciation d'une même hypersexualité, incontrôlée et dégradante[53] ; Florence Dupont et Thierry Éloi y lisent un lieu commun, un topos des discours sur les « tyrans », qui vise plus particulièrement, à propos de César, son aspiration supposée à la royauté[51].
Selon Plutarque, la santé de César est fragile, ce dernier étant en effet sujet à de fréquents maux de tête et à des attaques d’épilepsie[A 140],[A 141],[A 142],[A 143],[N 23].
Cette faiblesse de César et son mauvais état de santé semblent également être attestés par Suétone[A 144],[A 145],[A 146],[A 147]. Toutefois, Suétone souligne aussi l’endurance de César à la marche ou à la nage lors de ses campagnes[A 148].
D’autres auteurs font état, quant à eux, de malaises survenus tout à la fin de sa vie[A 149],[A 150].
Néanmoins, César n’aurait pas pu commander aussi efficacement ses troupes en Gaule s’il avait été en mauvaise santé[réf. nécessaire]. Quelle que soit la maladie l’affectant, il ne semble l’avoir éprouvée que tardivement. Les attestations de son « épilepsie » datent seulement des dernières années de sa vie (à Thapsus et peut-être à Munda). S’il en avait été autrement, Cicéron, qui ne le portait pas dans son cœur, ne se serait sûrement pas privé de l’attaquer sur le sujet, comme il l’a fait à propos d’une prétendue aventure avec le roi Nicomède IV de Bithynie. De plus, le diagnostic des maladies n’obéit pas aux mêmes critères qu’aujourd’hui et des symptômes ressemblant à ceux décrits très imprécisément par Plutarque et Suétone peuvent être dus à de nombreuses autres causes (hypoglycémie, malaise vagal, coup sur la tête, tumeur, hypotension orthostatique, etc.)[54].
Jules César fait partie des personnages historiques les plus saillants de la culture mondiale. Sa popularité ne cesse de croître dès le XIIe siècle avec la diffusion du motif des Neuf Preux, neuf grandes figures historiques ou mythiques qui incarnent l'idéal du roi chevalier. De cette tradition subsiste encore aujourd'hui le roi de carreau de nos jeux de cartes.
Les Faits des Romains, au début du XIIIe siècle, est la première biographie en français entièrement consacrée à César, qui s’inspire des œuvres de César lui-même, Lucain, Suétone et Salluste ; ce texte historique fait aussi appel à des procédés empruntés au roman ou à la chanson de geste, et aura une grande influence sur l’image de César au Moyen Âge.
Au début du haut Moyen Âge, Saint Césaire de Terracina, diacre et martyr, à cause de son nom, a remplacé et christianisé le culte païen de Jules César et des empereurs romains[55] ; ceci favorise la naissance de la Passio S. Caesarii (Histoire de la vie du saint protecteur des Caesars romains). Saint Julian, associé en Italie à Saint Césaire, montre que le nom de l'église au palais impérial sur le mont Palatin à Rome, a été interprété dans le titre impérial qui a pris naissance avec Jules César[56].
D’innombrables historiens ont entrepris des biographies de Jules César, on peut citer Jérôme Carcopino, Joël Schmidt, Robert Étienne et Max Gallo parmi les contemporains. Sa vie a été reprise de façon plus romancée par des auteurs tels que Colleen McCullough et Conn Iggulden.
Dans la bande dessinée, Jules César apparaît dès 1948 dans Les Aventures d'Alix, de Jacques Martin. Il devient le protecteur d'Alix dans le premier épisode (Alix l'intrépide)[57] puis en fait son envoyé en Égypte (Le Sphinx d'or)[58]. On le retrouve ensuite périodiquement dans les aventures suivantes, sans qu'il ne joue jamais un grand rôle.
Jules César au faîte du pouvoir est, à partir de 1959, un personnage récurrent de la bande dessinée Astérix, créant une vision humoristique (mais non ridicule) qui sera une constante dans la représentation française grand public de César.
Dans un registre plus sérieux mais autant dramatique qu'historique, César apparaît aussi dans la série Vae victis !, publiée par Simon Rocca (scénario) et Jean-Yves Mitton (au dessin) chez Soleil en 15 tomes entre 1991 et 2006. La seconde moitié de la série retrace la guerre des Gaules.
Les années 2010 voient l'adaptation en bande dessinée de La guerre des Gaules par Tarek (au scénario) et Vincent Pompetti (au dessin) : le tome 1, Caius Julius Caesar, paraît chez Tartamudo en 2012.
Au cinéma, Jules César apparaît dans de nombreux films sérieux ou comiques. En France, il eut surtout droit à des péplums burlesques :
Il apparaît aussi dans les différentes adaptations cinématographiques d’Astérix :
Plusieurs comédiens ont prêté leurs voix à Jules César :
Jules César n'apparait pas dans Astérix et le Coup du menhir sorti en 1989, réalisé par Philippe Grimond, et Astérix et les Vikings, réalisé par Stefan Fjeldmark et Jesper Møller sorti en 2006 mais y est mentionné.
Les rares apparitions de Jules César dans des péplums non-burlesques en France sont dans les films suivants, qui retracent la guerre des Gaules ;
Jules César apparaît aussi dans quelques péplums italiens où il est traité de façon beaucoup plus dramatique et sérieuse, les Italiens s'identifiant aux Romains de la même façon que les Français s'identifient aux Gaulois, d'où le traitement principalement burlesque du personnage en France et plus noble en Italie. En Italie, il apparaît notamment dans les films suivants qui retracent également la guerre des Gaules :
Inversement, les réalisateurs anglo-saxons le figurent de façon plus dramatique, notamment dans les nombreuses versions cinématographiques de Cléopâtre :
Les séries télévisées mettent tout aussi régulièrement en scène Jules César, la plupart de ses apparitions ont lieu dans des contextes qui se revendiquent davantage du genre historique :
Au sein du célèbre parc d'attractions, l'image de Jules César est bien sûr très présente.
Dès l'ouverture, une attraction porte même son nom : Le Carrousel de César. Son image est y également présente sur les décorations de l'attraction.
Lors de la saison 1998 est créé Les Espions de César. Si le personnage n'est pas présent, son ombre y plane quand même car les usagers du parcs embarquent dans des chars évoluant sur des rails et sont supposés jouer le rôle d'espion à la solde du camp romain.
En 2008, Le Défi de César ouvre ses portes. César y apparaît sous la forme d'une animatronique, s'exprimant avec la voix de Robert Hossein et tout le scénario tourne autour de son désir de former de nouvelles recrues pour ses légions.
La nouveauté 2019 du Parc est Attention Menhir !, un film d'animation, réalisé par François-Xavier Aubague et Arnaud Bouron, projeté dans un nouveau cinéma 4-D. Ce dernier prend place dans le Cinématographe situé dans La Rue de Paris, renommé pour l'occasion Les Studios Idéfix, en référence aux studios du même nom. Le style graphique de ce film d'animation est basé sur les deux films réalisés par Alexandre Astier et Louis Clichy. En revanche, si la distribution vocale reprend certaines voix de ses deux films, César est cette fois-ci interprété par Philippe Spiteri. Aussi, il n'apparaît pas dans le film lui-même mais seulement en ombre chinoise dans le pré-show présenté aux spectateurs avant leur entrée dans la salle de projection.
César est également présent en dehors des attractions. Par exemple dans le spectacle Gaulois - Romains : le match ! où il apparaît dans des images projetées sur écran géant, interprété par un acteur de chair et d'os.
Jules César apparaît dans des jeux de stratégie temps réel comme Age of Empires: The Rise of Rome ou Total War: Rome II. En 2017, Jules César est un des protagonistes principaux de l'histoire d'Assassin's Creed Origin's.
Jules César apparaît également dans la plupart des jeux vidéo adaptés de la bande dessinée Astérix.
Depuis 1991, Jules César apparaît dans plusieurs opus du jeu de stratégie Civilization.
Plusieurs phrases attribuées à Jules César sont passées à la postérité :
Sur près de deux cents portraits représentant César, seuls vingt à vingt-cinq sont antiques et seulement trois sont considérés comme une représentation de son vivant : les pièces de monnaie à son effigie (sept types de pièces montrant son portrait vu de profil[65]), le portrait du musée archéologique de Turin découvert à Tusculum en 1825[66],[N 24] et un portrait du musée d’Arles découvert en 2007 dans le Rhône, dont l'identification à César ne fait toutefois pas l'unanimité[67]. Les caractéristiques de ces deux derniers portraits, fortement individualisés, les situent entre 50 et 44 av. J.-C., dans les dernières années de vie du dictateur. On distingue dans les deux cas un cou allongé, marqué de plusieurs plis, la pomme d’Adam saillante, de petits yeux enfoncés dans les orbites, des arcades sourcilières étirées, la disposition décalée des oreilles, les rides de vieillesse et d’expression, des joues émaciées avec les pommettes saillantes, la fossette supra-thyroïdienne[N 25] qui constitue une marque individuelle relativement rare, la calvitie avancée avec deux golfes temporaux creusés et masquée par une mèche de cheveux ramenée en avant par vagues successives, des déformations pathologiques (clinocéphalie — aplatissement du sommet du crâne — et hypertrophie bitemporale un peu plus marquée à gauche, signe de plagiocéphalie) probablement liées à un traumatisme à la naissance, enfin la même organisation des boucles de cheveux sur les tempes. Le dessin de profil est identique dans les deux représentations[68].
Parmi les autres portraits antiques de César, deux sont devenus des représentations « canoniques » célèbres à l’époque augustéenne, quand se mettent en place la propagande et l’image officielle du défunt : celui du musée Chiaramonti au Vatican et celui du Camposanto de Pise. Dans les deux cas, le visage est allongé, anguleux, les joues sont creuses, les lèvres serrées, la frange horizontale qui efface tout souvenir de la calvitie, ce qui fait penser à une œuvre de propagande augustéenne[69].
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