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réponse d’un écosystème à l’introduction ou l’ajout de substances De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'eutrophisation (du grec ancien : εὖ / eû, « bien », et de τροφή / trophḗ, « nourriture ») est le processus par lequel des nutriments s'accumulent dans un milieu ou un habitat (terrestre ou aquatique)[1],[2]. Les causes sont multiples et peuvent donner lieu à des situations d'interactions complexes entre les différents facteurs. Les nutriments concernés sont principalement l'azote (provenant surtout des nitrates et des eaux usées, ainsi que secondairement de la pollution automobile) et le phosphore (provenant surtout des phosphates et des eaux usées). L'ensoleillement ou la température de l’eau (qui tend à augmenter avec le réchauffement climatique) peuvent exacerber l'eutrophisation.
L'eutrophisation des milieux aquatiques est un déséquilibre du milieu provoqué par l'augmentation de la concentration d'azote et de phosphore dans le milieu. Elle est caractérisée par une croissance excessive des plantes et des algues due à la forte disponibilité des nutriments[3]. Les algues qui se développent grâce à ces substances nutritives absorbent de grandes quantités de dioxygène. Leur prolifération provoque l'appauvrissement, puis la mort de l'écosystème aquatique présent : il ne bénéficie plus du dioxygène nécessaire pour vivre, ce phénomène est appelé « asphyxie des écosystèmes aquatiques »[4].
Le degré d'eutrophisation décrit l'état trophique (agronomique ou écologique) d'un milieu terrestre ou aquatique ou d'un agroenvironnement où des êtres vivants sont exposés à un « excès » chronique de nutriments[1]. Quand elle a une origine anthropique, depuis les révolutions agricole et industrielle, l'eutrophisation apparait généralement conjointement à une acidification du milieu, qui peut aussi rendre les espèces plus vulnérables à certaines pollutions et maladies[2]. Dans les cas extrêmes, on parle de dystrophisation. L'eutrophisation a des coûts sociaux-environnementaux[5] et juridiques et financiers[6] importants.
Elle existe localement dans la nature (dans les milieux dits « eutrophes » et « mésotrophes »), mais quand elle est anormalement active sur des milieux naturellement pauvres en nutriments elle est considérée comme un phénomène indésirable, voire dangereux pour la biodiversité car l'eutrophisation favorise quelques espèces des milieux « riches » et à croissance rapide (et souvent envahissantes[7]), au détriment de la biodiversité quand elle affecte des milieux naturellement non eutrophes. Elle pose aussi des problèmes de santé environnementale. Dans les milieux aquatiques, l'eutrophisation peut être source de phénomènes épisodiques ou chroniques d'anoxie du milieu et d'étouffement puis de mort de nombreuses espèces, car dans l'eau, ces nutriments dopent la production de phytoplancton et de quelques espèces aquatiques, en augmentant la turbidité et la sédimentation, ce qui prive le fond et la colonne d'eau de lumière et peut causer l'anoxie périodique ou chronique du milieu, en favorisant des biofilms bactériens et des bactéries dont certaines (cyanophycées) pouvant sécréter des toxines.
Le processus inverse se nomme l'oligotrophisation.
Au contraire d'un milieu oligotrophe (mot désignant un milieu naturellement pauvre en éléments nutritifs), un milieu est dit « eutrophe » quand il est naturellement riche en éléments nutritifs, sans que cela interfère négativement avec ses fonctions écosystémiques et les services écosystémiques fournis par le milieu.
À partir des années 1970, alors que les milieux cultivés, semi-naturels et naturels étaient régulièrement enrichis en engrais ou modifiés par des apports d'eaux usées, de boues d'épuration et retombées atmosphériques riches en azote[8], le terme « eutrophisation » a été inventé et utilisé pour qualifier la dégradation des grands lacs comme le lac d'Annecy[9], le lac du Bourget, le lac de Nantua ou le Léman[10] par excès de nutriments (de même pour les réservoirs de barrages[11],[12]). Au début du XXIe siècle, il a un sens proche de dystrophie et vient souvent comme qualificatif de sens négatif pour des milieux aquatiques d'eau douce ou marins.
Un milieu aquatique pauvre en éléments nutritifs est dit oligotrophe ; dans le cas intermédiaire, on qualifie le milieu de mésotrophe. Les facteurs naturels produisent des milieux plus ou moins chargés en nutriments (hors de toute intervention humaine) ; l'état d'eutrophisation d'un milieu aquatique doit donc être apprécié en fonction du contexte naturel et ne peut pas se baser sur des indicateurs absolus.
L'eutrophisation devient un problème écologique et économique quand il y a déséquilibre entre un apport excessif et la consommation naturelle de nutriments par l'écosystème :
Ce milieu déséquilibré est dit dystrophe et peut devenir hypertrophe. Pour les trois nutriments évoqués ci-dessus, des variations de conditions du milieu abiotique (oxydo-réduction) ou biotique (sous l'influence de l'activité bactérienne et des racines, ainsi que du métabolisme végétal, fongique et animal) peuvent faire passer l'azote, le carbone et le phosphore de l'une de leurs formes à une autre. Or ces formes sont plus ou moins toxiques ou écotoxiques.
C'est dans les années 1960 avec la subite et rapide dégradation des lacs en aval de zones fortement urbanisées qu'on a pris conscience de ce phénomène[17].
Ce processus a comme principales origines :
La conjonction de ces phénomènes a fait de l'eutrophisation un processus fréquent, atteignant même les zones océaniques, pouvant provoquer l'extension de zones mortes), ou le développement d'algues toxiques, telles Dinophysis, sur les littoraux, par exemple en Bretagne (France). Dans certaines régions, comme en Bretagne, les marées vertes et certaines algues toxiques semblent principalement dues au rejet du lisier provenant de l'élevage porcins (densément implanté en Bretagne)[22].
Dans l'acception courante, l'eutrophisation est donc souvent synonyme de pollution, bien que cette dernière puisse revêtir bien d'autres aspects : contamination biologique (bactéries, parasites…), chimique (pesticides, métaux, solvants…) ou physique (chaleur, radionucléides…).
La pêche en milieux fermés ou cours d'eau très lents (canaux notamment) est une cause d'eutrophisation voire d'anoxie (eau) lorsque les réempoissonnements sont excessifs ou que des boules d'amorce riches en nutriments sont jetées dans des étangs fermés, canaux ou cours d'eau à courant lent (cause de turbidité). Une étude récente a montré que la pêche en mer est aussi à l'origine d'un impact important sur le cycle marin de l'azote.
Toutefois, les principaux facteurs de maîtrise sont connus : réduire les apports du bassin versant en phosphore (pour les cours d'eau, lacs et lagunes littorales) et en nitrates (impactant pour les lagunes littorales), améliorer la qualité physique du milieu (lutter contre l'érosion des sols, contre la diminution des zones humides périphériques des plans d'eau et lagunes, etc.).
Bien qu'il puisse aussi contenir des nutriments (nitrates, rabattus au sol par les pluies notamment), on ne parle pas d'eutrophisation de l'air (ou de l'atmosphère), car l'air n'est pas considéré comme un milieu vivant ou un habitat où une espèce pourrait accomplir la totalité de son cycle de vie en tant que tel. Le cycle de l'azote est néanmoins un cycle biogéochimique qui se déroule dans les trois milieux eau-air-sol et à leurs interfaces[23].
De manière générale, la notion d'eutrophisation décrit une modification ou une altération écologique du milieu (qui est à la fois une source et une conséquence)[24]. Dans ce domaine (comme dans d'autres[25], il existe un lien fort entre « eau » et « sol » notamment car les nitrates sont particulièrement solubles dans l'eau (qui est le vecteur principal de l'azote et du phosphore dans la plupart des cas d'eutrophisation ou de dystrophisation).
La notion d'eutrophisation décrit aussi les « réponses » de l'écosystème et du milieu concernés à l'apport de nutriments « supplémentaires ». On distingue généralement l'eutrophisation des sols et l'eutrophisation des milieux aquatiques, mais l'eau et les sols sont en interactions constantes du point de vue des échanges de nutriments et du cycle biogéochimique des nutriments. Les végétaux et les bactéries jouent un rôle majeur dans ces cycles.
Certains scientifiques vont cependant plus loin et n'hésitent pas à parler d'une eutrophisation généralisée de la biosphère (Peterson, B. J., & Melillo, J. M. (1985). The potential storage of carbon caused by eutrophication of the biosphere. Tellus B, 37(3), 117-127), ce qui ne signifie pas qu'elle soit homogène (et dans un contexte général d'eutrophisation, il peut exister des sols dont les complexes argilo-humiques ont été dégradés qui se sont appauvris en nutriments).
Pour l’Organisation de coopération et de développement économiques l'eutrophisation de l'eau est l'« enrichissement des eaux en matières nutritives qui entraîne une série de changements symptomatiques, tels que l’accroissement de la production d’algues et de macrophytes, la dégradation de la qualité de l'eau et autres changements symptomatiques considérés comme indésirables et néfastes aux divers usages de l'eau »[26].
Elle peut concerner ou affecter les eaux douces (les plus concernées car proches des sources anthropiques de nitrates et phosphates), mais aussi saumâtres et salées (marines ou intérieures), le milieu marin (profond ou superficiel), des berges ou des sédiments, et en particulier :
Tout sols vivant et fonctionnels contient au moins un peu d'eau. Les plantes terrestres pompent de l'azote et du phosphore dans l'eau, et les sols perdent une partie de leurs nutriments dans l'eau, qui transportent aussi de l'azote et du phosphore issu des excrétas, excrément, urines et de la décomposition de la matière organique et de la nécromasse.
Un phénomène général d'« eutrophisation des sols » naturels et agricoles[29] est constaté dans une grande partie du monde par les agronomes et pédologues[30] dont en France par l'Inra[30],[31] et plus largement en Europe et dans tous les pays riches. Le droit européen de l'environnement prend ce problème en compte via notamment la Directive cadre sur l'eau, la Directive nitrate et des « plafonds d'émission nationaux de certains polluants atmosphériques »[32] et la lutte contre les pollutions transfrontières[33].
Dans le monde de la recherche, les spécialistes du domaine, à l'Institut national de la recherche agronomique par exemple en France, cherchent aussi à mieux comprendre les processus d'« eutrophisation des sols ». Des chercheurs alertent sur le fait que le développement de solutions présentées comme vertes (agrocarburants par exemple) peut aussi contribuer à aggraver l'eutrophisation[29].
Les espèces qui profitent le plus de l'eutrophisation sont souvent aussi des « mange-lumière » (c'est-à-dire qu'elles inhibent le développement des autres espèces en les privant de lumière[34].
Des relations complexes existent entre l'azote et le phosphore[35], avec des relations d'aggravation ou au contraire de pondération du phénomène d'eutrophisation (selon les conditions biogéochimiques[36] et édaphiques qui semblent également jouer un rôle atténuateur, neutre ou aggravant selon les cas[37].
Les phénomènes d’eutrophisation ont été observés dès le début du XXe siècle, principalement dans les zones urbaines et industrielles de l’hémisphère nord. « Entre les années 1970 et 1990, l’action publique dans ces pays s’est concentrée sur le traitement des pollutions industrielles et domestiques, avec des effets positifs observés par exemple sur le lac Léman ou le lac Erié ». Depuis la situation s’est de nouveau dégradée, notamment dans les zones côtières où « le nombre et l’emprise des zones très pauvres en oxygène en milieu ont triplé depuis les années 1960. En 2010, on recensait 500 zones sur une superficie de 245 000 km2 : mer Baltique, Grands Lacs laurentiens, baie de Chesapeake, golfe du Mexique, de très nombreux lacs et zones côtières en Chine, le lac Victoria, les côtes bretonnes, les lagunes méditerranéennes, etc. »[38]. Ces données sont issues de l’expertise scientifique collective réalisée par des experts du CNRS, de l’Ifremer, de l'Inra et d'Irstea sur la base d’un ensemble de 4 000 références bibliographiques, et rendue publique en 2017. Les experts ont notamment pointé les effets à venir du changement climatique qui va affecter l’ensemble des mécanismes intervenant dans l’eutrophisation et en amplifier les symptômes : transfert au sein des bassins versants, physico-chimie des milieux, dynamique des réseaux trophiques, etc.[39].
Dans les années 1950 à 1970, les Grands Lacs d'Amérique du Nord étaient devenus les déversoirs naturels d'égouts des villes riveraines et de l'amont et du ruissellement agricole des bassins environnant. Riche en azote et en phosphore, l'urine des habitants suffisait à fortement dégrader la qualité du milieu aquatique. À cela s'ajoutaient d'autres pollutions comme celles liées au lessivage des intrants agricoles et celles issues des nombreux engins à moteur de l'époque, très polluants, qui pouvaient contaminer les eaux par le lessivage de leurs fumées et leurs rejets d'huile et de plomb tétraéthyle.
Le lac Érié, l'un des Grands Lacs, était qualifié dans les années 1950 de « Dead Sea of North America ». À la suite d'un ambitieux programme de réduction de phosphore, son état s'est amélioré progressivement dans les années 1990. Il a cependant connu des épisodes très sévères de proliférations de cyanobactéries en 2001 et 2014 qui a donné lieu à un programme d'investigation et de travaux scientifiques pour comprendre les causes du phénomène et bâtir des stratégies d'action (contrôle des efflorescences de cyanobactéries en agissant sur le rapport N:P par exemple)[40].
De 1957 à 1977, les concentrations de phosphore ont été multipliées par neuf dans les eaux du lac Léman, ce qui a conduit les autorités à engager un programme de remédiation des émissions de phosphore d'origine urbaine (près d'un million de riverains et 500 000 touristes) basé sur l'interdiction des lessives phosphatées (Suisse 1986, France 2007) et l'équipement de déphosphatation des stations d'épuration. Quarante ans après, le taux est passé de 80-90 microgrammes/L à 20 µg/L. La CIPEL s'est fixé un objectif à 10–15 µg/L en 2020[40].
Des améliorations récentes très nettes ont aussi été constatées sur le lac du Bourget qui a fait également l'objet d'un plan de restauration, qui a permis l'amélioration de la qualité des eaux et le retour d'une espèce emblématique du lac, le lavaret[41].
L’environnement de la mer Baltique est unique et fragile, les activités humaines exercées ont ultérieurement influencé la vie des espèces marines, la population des pays qui entourent l’océan sont maintenant concernés par son état environnemental ; par conséquent, les pays du Baltique ont fini par s'unir en créant la « convention pour la protection de la mer Baltique » dite « Convention d'Helsinki »[42].
Les nutriments accèdent la mer Baltique a travers les rivières, un lien de décharge direct de sources.
situés tout au long de ligne côtière mais aussi via la déposition atmosphérique[42].
L'eutrophisation peut se décomposer en plusieurs étapes :
Les oiseaux d'eau via leurs fientes et en raison de densité de population pouvant être très élevées sur les points migratoires et les zones de nidifications contribuent (via leur alimentation à la dispersion de leurs fientes) à transporter des nutriments d'un point à un autre, avec des effets tantôt localement réducteurs ou tantôt aggravants de l'eutrophisation[47].
Il peut résulter des processus listés ci-dessus la mort d'organismes aquatiques aérobies — insectes, crustacés, poissons, mais aussi végétaux —, dont la décomposition, consommatrice d'oxygène, amplifie alors le déséquilibre et entretient un cercle vicieux (Zone morte).
Les effets d'un enrichissement en nutriments sont plus ou moins visibles et graves selon le milieu qu'elle affecte. Une partie de ces effets est réversible, et une autre définitive (c'est par exemple le cas pour le processus d'accélération de la transformation des zones humides ou lacs peu profonds en marais, puis en prairie ou en mégaphorbiaies et finalement en forêt. Le comblement d'une mare ou d'un marais peut être fortement accéléré par l'apport de nutriments « artificiels », avec d'autres facteurs connexes à l'occupation humaine à prendre en compte, dont la présence d'arbres au-dessus de l'eau (source de feuilles mortes) ou l'absence du spectre faunistiques naturel de l'eau et des berges qui se nourrissait dans l'eau tout en exportant les nutriments (par exemple, amphibiens, canards ou élan mangeant des algues, des invertébrés et des plantes aquatiques, par dizaines de kilogrammes par jour dans le cas de l'élan). L'atterrissement d'une petite mare en sous-bois peut se faire en quelques décennies, alors que les lacs naturels se comblent eux en dizaines de milliers voire en millions d'années). La disparition d'une espèce si elle concerne toute son aire de répartition est également irréversible.
Les inconvénients principaux de l'eutrophisation sont la diminution de la biodiversité et de la qualité de l'eau en tant que ressource.
Elle a aussi indirectement des effets négatifs sur le tourisme (à la suite de la perte de transparence de l'eau, du développement d'algues filamenteuses et de blooms planctoniques dans l'eau, et d'une flore banale et peu diversifiée sur terre, avec souvent l'apparition d'odeurs putrides et de phénomènes d'envasement, qui sont quelques-uns des indices visibles de problèmes trophiques :
Parfois les algues peuvent boucher les prises d'eau, les filtres, entraver le fonctionnement d'écluses voire du moteur de petits bateaux pour les algues filamenteuses.
Outre le gaspillage financier dû au lessivage des engrais chimiques par les pluies et le ruissellement ou à l'évaporation d'une partie des nitrates dans l'air.
À titre d'exemple :
De par ses nombreux effets sur les milieux aquatiques, l'eutrophisation peut affecter la santé (aussi bien chez l'homme que chez d'autres organismes). Il nous faut ici distinguer les conséquences de l'eutrophisation sur les maladies non transmissibles de ses effets sur les maladies infectieuses et parasitaires.
Le manque d'oxygène et la présence de composés toxiques lors d'efflorescences algales peuvent causer la mort de nombreuses espèces dans la chaîne alimentaire. L'accumulation et la biomagnification de composés potentiellement nocifs peut alors atteindre l'homme lors de la consommation de poissons et de fruits de mer ou lors de l'ingestion d'eau non potable. Ceci peut causer une intoxication (symptômes : convulsion, ptyalisme, etc.) et s'accompagner de séquelles neurologiques, voire entrainer la mort (un cas sur deux pour l'ingestion de cyanotoxines)[52].
Les conséquences de l'eutrophisation sur les maladies infectieuses sont encore mal connues à cause d'un manque de travaux scientifiques mais surtout de par la complexité des mécanismes sous-jacents aux épidémies[53]. Pour de faibles apports en nutriments, l'eutrophisation favorise la production primaire. Ceci peut notamment induire l'expression de facteurs de virulence par des pathogènes opportunistes et favoriser leur transmission. Ce phénomène a été notamment associé avec l'émergence de maladies fongiques chez les coraux[54]. L'augmentation de la production primaire favorise les populations d'herbivores, ce qui a pour conséquences directes d'augmenter leur densité et de favoriser la transmission de leurs parasites. Les parasites à cycle de vie complexe qui utilisent ces organismes pour se reproduire sont alors particulièrement abondants. C'est le cas de plusieurs trématodes qui se reproduisent asexuellement dans les mollusques aquatiques. Trois mécanismes majeurs ont été avancés pour expliquer les effets positifs de l'eutrophisation sur leur transmission[55] :
Ces mécanismes ont été avancés pour expliquer l'augmentation des cas de malformations développementales (causées par des trématodes) chez les amphibiens[56] et de dermatites cercariennes[57].
Lorsque l'apport en nutriments est extrême, l'eutrophisation cause un stress général dans l'écosystème qui induit la disparition de plusieurs espèces d'hôtes et de leurs parasites. Ceci est supposé réduire la richesse spécifique de parasites dans les écosystèmes, favorisant les espèces à cycle de vie court avec le moins d'hôtes possible et les espèces généralistes, capables d'infecter une multitude d'espèces hôtes[53].
Cependant, il est important de mentionner que les effets de l'eutrophisation peuvent varier d'une espèce de parasite à l'autre, avec parfois des effets négatifs sur la transmission, même pour de faibles niveaux d'apports en nutriments[53]. Plus généralement, les conséquences de l'eutrophisation sur les maladies parasitaires restent mal compris[55],[53].
Les symptômes de l'eutrophisation révèlent que l'apport en un ou plusieurs nutriments atteint ou dépasse la capacité immédiate des plantes et de l'écosystème à les absorber. Autrement dit : la limite des capacités auto-épuratrices des milieux aquatiques ou du sol et de l'écosystème qu'il supportent sont atteintes (momentanément ou de manière chronique).
Divers moyens de lutte et d'atténuation (« déseutrophisation »[58]) sont nécessaires et existent, d'abord testés pour les lacs, dont en France[59],[60] ; ils consistent par exemple[26],[61] à :
Les traitements algicides ne sont pas une solution, et certains traitements à base de carbonate de calcium sous forme de craie pulvérisée ou de sable corallien sont discutés ou controversés[71],[72],[73] car s'ils suppriment (très provisoirement) le « symptôme », ils relarguent dans le milieu une grande partie des nutriments contenus par les algues, ou facilitent l'évacuation de la vase vers l'aval, mais en déplaçant alors le problème vers l'aval, ce déplacement pouvant en outre être freiné par les plantes aquatiques.
De manière générale, il faut d'abord bien connaître le fonctionnement des cycles biogéochimiques dans les écosystèmes concernés, et donc le fonctionnement et l'état du réseau trophique ainsi que la rémanence (stock du sol[15] et stock sédimentaire dont le rôle ne doit pas être sous-estimé[74],[75],[76]) et l'importance des sources de nutriments (dont sources cachées ou discrètes telles que les apports d'azote via les eaux météoriques, ou les apports d'azote et de phosphore via fuites d'égouts, le drainage de zone dystrophes, des épandages illégaux ou non déclarés, etc.), que l'on commence à savoir modéliser[77].
L'azote met jusqu'à plusieurs décennies pour percoler du sol aux nappes phréatiques, et il peut remonter par capillarité avec l'eau ou diffuser horizontalement dans les nappes, sur des centaines de kilomètres.
La dénitrification et le cycle de l'azote seront influencés par la productivité végétale, par les changements de température de l'air de l'eau et du sol et par de probables changements dans les précipitations (force et distribution)[78].
Les teneurs du sol en matière organique et les taux atmosphériques de dioxyde de carbone auront aussi une incidence sur la persistance ou le lessivage des nitrates agricoles, via les modes de travail du sol (agriculture sans labour ou avec labour, avec ou sans bandes enherbées ou zones-tampons). Les modifications pédologiques (y compris via les populations de vers de terre par exemple affectées par les pesticides ou métaux lourds). Nombre de ces facteurs seront contrôlés en partie par un probable dérèglement climatique[78] qui aura indirectement un impact sur la dénitrification des sols. La production urbaine d'émissions azotées pourrait aussi augmenter (transport, chauffage). Certains scénarios tendanciels prévoient une augmentation du lessivage des nitrates avec des conséquences allant d'une augmentation limitée à un doublement possible des taux de nitrates dans les aquifères en 2100. Ces changements peuvent être en partie masqués par des réductions de nitrate permises par des améliorations des pratiques agricoles[78].
À l'issue de l'expertise scientifique collective sur l'eutrophisation menée de 2015 à 2017, les chercheurs préconisent la mise en œuvre de travaux de recherche très intégrateurs, à l'échelle des territoires, prenant en compte les hydrosystèmes, les espaces urbains et agricoles, les modes de production, d'alimentation et de recyclage, mais aussi une réflexion à partir des données issues des études scientifiques et des réseaux de suivi pour dégager les espaces à risque de demain[39].
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