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citoyens et résidents français nés ou ayant des ancêtres africains ou caribéens De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Les Noirs de France, également appelés les Français noirs, ou les Noirs français, constituent la population noire de France, c'est-à-dire les personnes ayant une origine ou un ancêtre originaire d'Afrique noire ou subsaharienne (y compris Madagascar), mélanésienne ou indienne. Selon certaines estimations ils représenteraient, au XXIe siècle, entre 2,5 % et 7,5 % de la population française (France d'outre-mer incluse)[1],[2],[3],[4],[5].
Régions d’origine | Afrique subsaharienne, Caraïbes, océan Indien, océan Pacifique, Amériques, Océanie, Mélanésie |
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Langues | Français, Créoles, Langues africaines |
Religions | Principalement le Christianisme et l'Islam |
Ethnies liées | Divers peuples d'Afrique subsaharienne (Afrique de l'Ouest) |
Cependant, l'absence de définition légale de ce qu'est « être noir » en France, l'importance du métissage depuis plusieurs siècles, la grande diversité des populations noires (africaines, caribéennes, indiennes ou mélanésiennes) ainsi que l'interdiction légale du recueil de données sur l'ethnicité dans les recensements de la population française rend cette entité sociale extrêmement difficile à cerner, contrairement à certains pays comme le Royaume-Uni et les États-Unis.
La réprobation de l'esclavage dans le pays des Francs peut remonter à la reine Bathilde, ancienne esclave, qui au milieu du VIIe siècle rend la vente et l'achat d'esclaves définitivement illégaux, sans toutefois obliger les propriétaires des grandes exploitations (souvent d'ancienne origine gallo-romaine), à affranchir les leurs immédiatement. Quant aux captifs venus de l'étranger et proposées à la vente, elle décrète qu'ils deviennent obligatoirement libres sur le sol des Francs.
Par l'édit du 3 juillet 1315, le roi de France Louis le Hutin pose « par tout notre royaume les serviteurs seront amenés à franchise. » D'où la maxime « nul n'est esclave en France[6],[7],[8] » et l'énonciation « le sol de la France affranchit l'esclave qui le touche[9]. »
Par rapport à la présence d'esclaves Noirs en France métropolitaine, l'édit est consacré en 1571 lorsqu'un tribunal de Bordeaux affranchit des esclaves Noirs mis en vente à Bordeaux par un armateur normand, au motif que la France « mère des libertés » ne tolère pas la pratique esclavagiste sur son sol[10],[11],[12].
L'Amérique est découverte par Christophe Colomb en 1492, et dès 1494 le Portugal et l'Espagne se répartissent le Nouveau Monde par le traité de Tordesillas.
La France, qui était à l'Époque moderne l'un des plus grands pays européens, très agricole et encore partiellement inexploité, n'a alors aucune vocation coloniale (ni maritime), et l'opinion publique y semble opposée[13].
L'esclavage quant à lui fut toujours condamné par la majorité des intellectuels français, en particulier les humanistes (comme Montaigne) et plus tard les Lumières (comme Voltaire, Diderot ou Condorcet)[13].
Cependant, la nécessité de ne pas se faire doubler par les grandes puissances coloniales qu'étaient déjà le Portugal, l'Espagne, l'Angleterre ou la Hollande pousse les deux rois du XVIIe siècle à se lancer à leur tour dans l'entreprise coloniale, avec plus d'un siècle de retard. Pour rattraper leurs rivaux, ils sont contraints d'user des mêmes techniques que ces derniers, en particulier le recours à l'esclavage (qui débute vers 1635 aux Antilles et prend de l'ampleur à partir de 1650), justifié par les penseurs utilitaristes (« Le sucre serait trop cher si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves » dit Montesquieu), en dépit des condamnations véhémentes de la plupart des moralistes, laïcs comme religieux[13].
En 1672, Louis XIV fonde ainsi la Compagnie du Sénégal, destinée à approvisionner les colonies françaises d'Amérique en esclaves africains, et fait rédiger en 1685 une Ordonnance de mars 1685 sur les esclaves des îles de l'Amérique (qui deviendra plus tard le « Code noir »), dont le but est d'encadrer ce nouveau modèle industriel et social des colonies, et de l'insérer dans le cadre légal du royaume. Le problème se pose alors de la contradiction entre le statut de l'esclave des colonies, lorsque celui-ci est déplacé en France métropolitaine par son maître, et le principe de la vertu affranchissante.
Cette époque marque donc le début de la traite négrière, qui dura en France de la fin du XVIIe au XVIIIe siècle, consistant à amener des esclaves achetés en Afrique vers les colonies d'Amérique (jamais en France métropolitaine, où l'esclavage demeurait strictement interdit).
Alors que Louis XIV privilégiait aux Antilles la culture du tabac, peu demandeuse en main-d’œuvre, Louis XV va y favoriser la culture du sucre, qui oblige à une massification de la traite, spécialement en Martinique, où subsistaient auparavant nombre de petites plantations de tabac n'employant que quelques esclaves. Cette île se mit alors à rattraper son « retard » économique par rapport aux possessions anglaises et hollandaises par la multiplication des « habitations », nom donné aux plantations comptant plus de cent esclaves et qui permettait d'en faire un fief avec titre de noblesse[14]. Cette nouvelle culture amène avec elle de nouveaux rapports sociaux, avec de grands planteurs régnant sur de très nombreux esclaves souvent d'une poigne de fer et au prix d'un taux de mortalité croissant, là où le modèle du XVIIe siècle, plus rural et familial, donnait lieu à des relations beaucoup moins asymétriques.
Par ailleurs, la promiscuité, l'absence de femmes parmi les colons et un certain espoir d'ascension sociale de certaines femmes esclaves fait aussi progresser le métissage, qui pose des problèmes d'ordre légal et commence à être réprimé : en 1680 la Martinique recense 314 métis (soit douze fois plus qu'en 1660), la Guadeloupe 170, et la Barbade 350. Les nouvelles réglementations vont donc inverser la coutume de France : les enfants d'une femme esclave seront esclaves, même si leur père est libre, sauf légitimation des enfants par le mariage des parents, cas rare[15].
Si le Code noir édicté par Louis XIV en 1685 statue sur le sort des esclaves dans les colonies, le royaume cherche à leur limiter l’accès à la métropole dès 1694, en interdisant à tout capitaine de navire d’embarquer un Noir sans autorisation du gouverneur de la colonie[16]. Parfois, les esclaves libérés en métropole sont de nouveau réduits en esclavage à leur retour dans les colonies[16].
L'historien Erick Noël indique qu'au début du XVIIIe siècle, l'esclavage est « à la fois rejeté par l'Église et dénoncé par la Monarchie » : « en s'appuyant sur l'édit de 1315, les juges royaux ont même élaboré à partir de la fin du XVIe siècle le principe de la vertu affranchissante de la terre des Francs, pilier de la justice française jusqu'au XVIIIe siècle » : tout esclave amené sur le sol français se voit ainsi affranchi[17].
Dès 1715, à la mort de Louis XIV, les planteurs font pression sur le Régent Philippe d'Orléans pour que les esclaves qui les accompagnent ne soient pas libérés à leur arrivée en métropole[16].
Le 25 octobre 1716, un édit royal[18] indique qu'un maître peut désormais se faire accompagner en métropole de son domestique ou d’un esclave, afin de l'instruire en religion « et pour leur faire apprendre en même temps quelque Art ou Métier ». Le statut d'exception qui y est défini se fonde sur l'idée que ces esclaves « ne sont pas en France des citoyens, leur domicile est dans les colonies », et se trouvent de ce fait dans la même position que des serviteurs d'ambassadeurs, sous le régime d'extraterritorialité[19].
Les principales dispositions en sont :
Cet édit est refusé par le Parlement de Paris, mais entériné rapidement par ceux de Bretagne et de Bordeaux, où les intérêts coloniaux sont importants[16].
L'historien Érick Noël relève que si « les parlements de Paris et du midi ont refusé d'entériner des dispositions qui reconnaissaient tacitement le statut servile », « ceux de l'ouest atlantique où avait germé l'idée de former des hommes pour les renvoyer ultérieurement aux colonies ont avalisé des textes dont l'effet a été de permettre l'entrée de quelque 4 000 individus peut-être avant le milieu du siècle »[17].
Selon Roger Botte, historien et anthropologue, l'édit de 1716 revient à un rétablissement de l'esclavage sur le sol français : « En autorisant les colons à posséder des esclaves en métropole, cette législation tranchait, au bénéfice des maîtres, entre leur droit de propriété individuelle sur un bien — meuble ou immeuble, on en débat — et le principal du sol libérateur. De fait, ceux qui, mis au courant du privilège de la terre de France, avaient tenté l'aventure, marrons juridiquement libres, étaient recherchés et contraints de retourner aux îles. Désormais, la France n'était plus un asile »[20].
Profitant du statut d'exception offert par l'édit de 1716, la présence d'esclaves noirs en France métropolitaine devient plus fréquente, ouvrant la voie à des abus : esclaves non déclarés, ou séjours en pratique permanent. Bien que la présence d'esclave soit en principe conditionnée par le but d'instruire en religion ou en métier, cette clause n'est en pratique pas respectée.
Ces abus conduisent le pouvoir royal à encadrer le statut d'exception par des contraintes de plus en plus sévères, sans guère de succès.
Faisant suite à l'affaire Jean Boucaud, du nom d'un esclave non déclaré à son arrivée en métropole par son maître et qui obtient de son affranchissement de fait[16], un nouvel édit, en date du 15 décembre 1738[21] :
Malgré ces dispositions qui conduisent à quelques renvois opérés principalement depuis Bordeaux, les recours en justice et les affranchissements s’accentuent entre 1750 (11 requêtes recensées) et 1760 (71 requêtes)[16].
L'édit du 30 juin 1763 interdit aux administrateurs des îles de délivrer tout droit de passage aux gens de couleur, qu’ils soient esclaves ou libres, et enjoint aux intendants de France de rapatrier vers leurs lieux d'origine tous ceux qui résident sur leurs territoires[16]. Il est le premier à mettre en avant la couleur de la peau devant la servitude[16]. Il restera sans portée[16].
Estimant que les règlements concernant les Noirs ne sont pas respectés[22] et avec la multiplication des procès au cours des années 1760 et 1770[23], Louis XVI promulgue, le 27 août 1777, la « Déclaration pour la police des Noirs », qui constitue un règlement de police et interdit à tout « Noir, mulâtre ou autres gens de couleur » de quitter les colonies pour venir en France, sauf l'exception d'un esclave accompagnant son maître, et ordonne un recensement des Noirs qui se trouvent déjà en France[24],[25],[26].
Les maîtres ont toutefois le droit d'emmener en France avec eux un esclave ou un domestique pour le service pendant la traversée[27].
Le préambule de la déclaration explique la nécessité de cette nouvelle législation par le fait que le « séjour [des Noirs] dans les villes de notre royaume, surtout dans la capitale, y cause les plus grands désordres ; et, lorsqu’ils retournent aux colonies, ils y portent l’esprit d’indépendance, et y deviennent plus nuisibles qu’utiles[23]. »
La Déclaration est suivie d'un arrêt du Conseil d'État du roi du 5 avril 1778 interdisant les mariages entre « Noirs, mulâtres et autres gens de couleur » et Blancs de métropole, et faisant défense à « tous notaires de passer aucun contrat de mariage entr'eux, à peine d'amende », tant que leur état (libre ou esclave) n'a pas été déterminé[24],[28].
Les principales dispositions de cette nouvelle déclaration sont les suivantes[27] :
La liste des ports où se trouveront de tels dépôts, établie en décembre 1777 conformément à l'article 4 de la déclaration, comprend Bordeaux, Brest, Dunkerque, La Rochelle, Le Havre, Marseille, Nantes et Saint-Malo[25],[16],[23]. Doivent y être laissés les « noirs, mulâtres, [etc.] » qui y accosteraient jusqu’à ce que l’on puisse les déporter vers leur colonie d’origine, ainsi que ceux venus de ports voisins[23]. Leur établissement prend plusieurs mois[23]. Selon Sue Peabody, « seuls Le Havre et Nantes, et peut-être Bordeaux, opérèrent régulièrement jusqu’à la Révolution »[23].
Selon l'historien Olivier Caudron, la Déclaration de 1777 n'est cependant « pas beaucoup mieux appliquée et respectée que les décisions royales antérieures relatives aux Noirs sur le sol français » : rapidement, les entrées de Noirs sur le sol métropolitain reprennent[25]. Les colons font pression pour endiguer leur renvoi[22].
Le choix de désigner les individus par leur couleur de peau plutôt que par leur statut d'esclave distingue cette déclaration des édits de 1716 et 1738 et permet, contrairement à ces derniers, son enregistrement par le Parlement de Paris, conformément à l'argumentaire d'Antoine de Sartine, ministre de la Marine[29],[25]. Selon Sue Peabody, le Parlement de Paris est alors « de plus en plus sous l’influence du rapport soi-disant « naturel » entre les Africains et l’esclavage »[23].
Selon l'historien Olivier Caudron, l'objectif du recensement est de faire repartir les Noirs aux colonies, où ils doivent servir de main-d’œuvre[25]. Olivier Caudron présente la Déclaration comme un « monument d’hypocrisie politicoadministrative », qui « [n'a] pas permis au pouvoir royal d’apporter la solution qu’il recherchait à la « question noire » qui était insoluble posée en ces termes, et en particulier n’avait pas mis fin aux demandes de liberté »[25].
Sue Peabody précise : « Bien que la législation de 1777, en évitant les termes « esclave » et « libre », n’ait permis aucune distinction d’état, elle ne paraît pas avoir été invoquée pour interdire le débarquement de personnes de couleur libres. Et, de fait, il semble que les officiers locaux aient détourné leurs regards dans certains cas, comme lorsque le diplomate américain, Thomas Jefferson, amena James (en) et Sally Hemings, ses esclaves, pour résider avec lui à Paris »[23].
Selon Érick Noël, avec la Déclaration pour la police des Noirs, « le développement d'un esclavage en France métropolitaine s'est trouvé juridiquement résolu par le renvoi du problème aux colonies, et le commerce de ces hommes lui-même n'a pu y donner lieu à un marché comme il en existait aux Îles, si ce n'est sous une forme clandestine[17]. »
Le recensement des « Noirs, mulâtres ou autres gens de couleur » libres alors ordonné aux intendants permet à l'historien Erick Noël d'estimer leur présence à 5 000 environ sur l’ensemble du territoire, soit 1 ou 2 pour 10 000[16]. Leur concentration relative les rend visibles dans certaines des plus grandes villes du royaume : les trois-quarts vivent à Paris ; ils sont autour de 700 à Nantes, 430 à Bordeaux, 66 à La Rochelle et 41 à Marseille[16]. Les administrateurs coloniaux font remarquer « qu'en France les habitants n'hésitent pas à se lier aux Nègres et n'ont pas pour eux le mépris qu'on a aux colonies »[22].
À cette époque, plusieurs personnes de couleur ayant bénéficié de l'éducation des Lumières deviennent des personnages illustres et bien insérés : ainsi le chevalier Joseph Bologne de Saint-George, illustre génie polymathe (philosophe, militaire, écrivain, musicien et maître d'armes du Roi), ou le général Thomas Alexandre Dumas, père du célèbre écrivain des Trois Mousquetaires.
L'historienne Sue Peabody souligne que la déclaration constitue « un complet retournement » : « Un siècle plus tôt en effet, le droit coutumier dit du « sol libre » était encore solidement ancré dans le royaume. Ce droit stipulait que tout esclave qui mettait le pied sur le sol de France devenait libre »[24]. Avec cette déclaration, la couleur de peau est désormais le critère fondamental, devant l'état de servitude[16]. Selon l'historien Olivier Caudron, les « Noirs » (esclaves) constituent des « éléments jugés perturbateurs dans le royaume et responsables d’un métissage qui, même s’il demeura limité en étendue, n’en inquiéta pas moins le pouvoir central qui y voyait une “altération” de la “race blanche”[25]. » Selon Sue Peabody, « la loi de 1777 constitue le point d'orgue d'une politique d'exclusion raciale qui est allée en s'intensifiant[24]. »
En 1785, plusieurs livres paraissent pour défendre des gens de couleur. Ils sont écrits par Raymond, (sans doute Julien Raimond[30]), un homme noir élevé en France, mais né à Saint-Domingue[31]. Le livre Réflexion sur le sort des Noirs dans nos colonies est daté de 1789[32].
À la veille de la Révolution, le , plusieurs intellectuels qui seront appelés à jouer de grands rôles créent la Société des amis des Noirs, sur le modèle de la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade (Société pour l'abolition du commerce des esclaves) anglaise créée un an plus tôt. Elle comptera rapidement des personnalités telles que Mirabeau, Condorcet, La Fayette, l'abbé Henri Grégoire, l'abbé Sieyès, ou encore le duc de La Rochefoucauld.
La condition des Noirs aux colonies est multiple : Toussaint Bréda fait par exemple partie des esclaves noirs affranchis qui bénéficient, sous l’Ancien Régime, d’une ascension sociale. Sa situation à l’aube de la Révolution française est donc plutôt confortable pour un Noir des colonies. Or la Révolution française menace l’ordre socio-économique dont il est, relativement, l'un des bénéficiaires.
Joseph Bologne de Saint-George, plus connu sous le nom de « chevalier de Saint-George » ou, plus simplement, « Saint-George », né en Guadeloupe le 25 décembre 1745[33] et mort à Paris le 10 juin 1799, fréquente les milieux abolitionnistes du XVIIIe siècle et, par sa position sociale, est une figure de l'émancipation des esclaves des empires coloniaux européens. Militaire, il devient, à la Révolution française, un citoyen actif ayant fait le choix politique des valeurs françaises, et s’engage pour la défense du territoire de la République. Désireux de « continuer et de s'immortaliser par sa valeur et son enthousiasme pour la liberté », il se met à la tête de la Légion franche des Américains.
Après la Révolution, le 5 décembre 1789, les « nègres, mulâtres libres, et gens de couleurs » qui sont à Paris se sont réunis pour demander à jouir des mêmes droits que les propriétaires blancs, et que tous les mulâtres soient déclarés libres[34]
Au 11 janvier 1790, la société des amis des Noirs a été affaiblie dans l'opinion publique par l'écrit de Rouvrai intitulé De l'état des nègres[34].
Thomas Alexandre Davy de La Pailleterie, dit le général Dumas, est un général de la Révolution française, né le à Jérémie (Saint-Domingue, aujourd'hui Haïti) et mort le à Villers-Cotterêts (Aisne). Mulâtre de Saint-Domingue, il est le premier général de l'armée française à avoir des ancêtres afro-antillais. Il fit la campagne de Belgique, la guerre de Vendée (1793-1796), la guerre des Alpes, la campagne d'Italie (1796-1797) et la campagne d'Égypte (1798-1801).
La première émancipation des esclaves a lieu à Saint-Domingue par le décret du 29 août 1793, renforcé par la suite par le décret d'abolition de l'esclavage du 4 février 1794.
La loi du 4 février 1794 (16 pluviôse an II) abolit l'esclavage dans l'ensemble des colonies françaises mais elle est très inégalement appliquée. Elle ne l'est pas du tout en Martinique, tombée sous le contrôle des Anglais dès le 6 février 1794.
Par la loi du 20 mai 1802 (30 floréal an X), Bonaparte, Premier Consul, maintient l'esclavage partout où la loi du 4 février 1794 n'a pas été appliquée (à cause de l'opposition locale aux Mascareignes, à la Réunion, en Île-de-France, à l'île Maurice et aux îles Rodrigues, mais aussi à la Martinique, à Tobago, à Saint-Martin et à Sainte-Lucie, îles récemment restituées à la France par l'Angleterre par le traité d'Amiens du 25 mars 1802).
Peu de temps après, l'esclavage est rétabli par arrêté à Saint-Domingue le 27 mai 1802, en Guadeloupe le 16 juillet 1802, et en Guyane le 7 décembre 1802.
Sous le Consulat et le Premier Empire, les droits et les revendications des Noirs ne sont pas pris en compte, en dépit de la persistance d'un courant abolitionniste, notamment au sein de la Société des amis des Noirs et des colonies. Napoléon Bonaparte reprend la déclaration royale du 9 août 1777 par un arrêté du 13 messidor an X (1802)[35], interdisant aux « noirs, mulâtres et autres gens de couleur d'entrer sans autorisation sur le territoire continental de la République »[36],[16]. Comme précédemment, la formulation « noirs, mulâtres et autres gens de couleur » est un euphémisme pour désigner des esclaves, les personnes de couleur « qui ne seraient point au service » étant susceptible de bénéficier d'un sauf-conduit administratif[35]. Tous les contrevenants seront arrêtés et détenus jusqu'à leur déportation, et les « dépôts de nègres » de l'Ancien Régime sont réactivés. Dans la pratique, on réexpédiera les indésirables par le premier bateau partant pour n'importe quelle colonie française où l'esclavage est en vigueur (c'est-à-dire autre qu'Haïti). À leur arrivée sous les tropiques, les contrevenants seront vendus au profit de l'État.
Jusqu'à 50 000 Afro-Américains auraient rejoint Paris depuis la Louisiane après que cette dernière fût vendue aux Etats-Unis par Napoléon Bonaparte en 1803[réf. nécessaire].
En juillet 1807, Napoléon Bonaparte ordonne une enquête visant à dénombrer le « individus noirs et de couleurs » en métropole, craignant les « nègres sans fortune dont la présence ne peut que multiplier les individus de sang-mêlé[37]. » L'enquête révèle une décroissance entre 50 et 70 % de la population noire par rapport à la période pré-révolutionnaire, passée en vingt ans d'environ 5 000 à 1 700 personnes. Elle se trouve surtout dans les villes côtières et se voit interdite de séjourner dans la capitale. La mise en spectacle des Noirs et le début d'une raciologie à prétention scientifique commence, avec l'exposition de Saartjie Baartman, connue sous le nom de la Vénus hottentote, dans les cabarets et les salons de Paris après l'avoir été à Londres, puis étudiée par Cuvier[38].
À partir de la Restauration, les idées anti-esclavagistes se répandent dans l'opinion publique, malgré le développement de thèses racistes dans les publications scientifiques. En 1823, la parution du pamphlet De la situation des gens de couleurs libres aux Antilles françaises[39] entraîne une répression politique qui déclenche un scandale en métropole. Son auteur présumé, Cyrille Bissette, condamné aux galères, est notamment défendu par Chateaubriand et Benjamin Constant, et libéré en 1827. Le roi Charles X, par la loi du 25 avril 1827, criminalise officiellement la traite négrière, et aggrave les sanctions. Si dans les années 1820, le courant abolitionniste reste modéré et graduelliste, l'immobilisme du gouvernement le pousse à exiger l'affranchissement immédiat dans la décennie suivante. En 1831, le nouveau roi Louis-Philippe durcit encore l'interdiction de la traite des Noirs, par la loi du 4 mars 1831. Créée en 1834, la Société française pour l'abolition de l'esclavage, composée principalement de notables et de nobles, dont Victor de Broglie, défend cette démarche progressive au Parlement et dans la presse. Les immédiatistes, au nombre desquels comptent Bissette et Schœlcher, commencent à gagner en audience comme l'illustre l'ouvrage de Félice, Émancipation immédiate et complète des esclaves[40]. Par contre, la censure pèse sur le monde du spectacle et des lettres, même si la figure du métis et du Noir ne se réduit plus au mythe du sauvage, bon ou mauvais, ainsi que l'illustre Bug-Jargal de Victor Hugo et le Docteur noir d'Anicet-Bourgeois et Dumanoir[41].
L'abolition de l'esclavage et l'essor de la colonisation moderne sous la Seconde République changent le discours et le statut des Noirs sur le territoire français. Le gouvernement provisoire issu de la Révolution de 1848 diligente une commission présidée par Victor Schœlcher pour préparer leur émancipation. Le décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848, entre autres rédigé par le polytechnicien mulâtre Auguste-François Perrinon, est définitivement voté le 27 avril. Pour la première fois, le Sénégal se trouve représenté à l'Assemblée nationale par le négociant Barthélémy Durand Valantin, et un esclave affranchi, Louisy Mathieu, est élu député de la Guadeloupe. Le coup d'État du 2 décembre 1851 et le Second Empire mettent un coup d'arrêt à cette évolution politique[42]. En 1849, l'État français indemnise les propriétaires d'esclaves de cette perte, afin de ne pas perdre les colonies concernées (Antilles, Guyane, Sénégal, Madagascar)[43].
Les Noirs restent peu nombreux en France métropolitaine durant cette période et se composent principalement d'étudiants, d'artistes, de domestiques, de dockers et de commerçants. Une bourgeoisie créole issue de la Louisiane s'installe en France, jouissant d'une liberté plus grande qu'aux États-Unis. Les expéditions militaires augmentent la visibilité des peuples colonisés, avec la création du corps des tirailleurs sénégalais le 21 juillet 1857 et les chroniques journalistiques vantant la conquête coloniale. Des stéréotypes se mettent en place, alternant entre « le guerrier valeureux » et le « sauvage à coloniser »[44].
L'anthropologie raciale s'affirme dans les années 1850, avec en 1859, Essai sur l'inégalité des races humaines de Arthur de Gobineau, promoteur d'une hiérarchisation racialiste et déterministe, ou encore Paul Broca défendant la colonisation par une comparaison du poids des cerveaux. La théorisation d'une infériorité des Noirs pénètre la pensée sociale et politique, de même que la littérature et la presse populaire[45]. Avec la Troisième République et la constitution du Second empire colonial français, le discours racialiste et péjoratif s'amplifie. Les manuels scolaires de Paul Bert diffusent l'image d'un Noir paresseux et limité, tandis que les anthropologues débattent sur la multiplicité ou non de l'origine de l'espèce humaine, la polygénie[46].
Malgré ce discours, des personnalités noires peuvent être intégrées socialement, comme le montre le cas d'Edmond Dédé, qui fut directeur de théâtre à Bordeaux après avoir été élève au conservatoire de Paris : « Dans cette capitale éclairée, où l'on est toujours bien disposé à l'égard de l'infortune et du talent, Edmond Dédé a rencontré de la sympathie et du secours[47]. »
Les expositions universelles contribuent à la formation d'une culture coloniale, qui, par des mises en scène exotiques, louent « l'action civilisatrice » de la France et l'extension de l'Empire. Les exhibitions de populations africaines émergent à partir de 1877, avec le confinement d'une troupe de Nubiens au Jardin zoologique d'acclimatation de Paris. Les spectacles folkloriques rencontrent un franc succès, avec par exemple la représentation de danses zoulous aux Folies Bergère[48].
Au début du siècle une grande partie de la population noire en France a été utilisée pour combattre sous le drapeau français lors de la Première Guerre mondiale. On estime qu'environ 29 000 tirailleurs sont morts lors de cette guerre pour la France[49], dont 1 400 en un jour lors de l'offensive du Chemin des Dames, le 16 avril 1917.
Cependant leur condition juridique ne changea pas, et un décret du 5 novembre 1928 vint confirmer l'exclusion des indigènes des modes d'acquisition de la nationalité française prévalant en France[50]. Seuls les descendants d'Européens sont concernés par le décret.
L'École coloniale forme certains cadres de l'Empire colonial, dont certains sont noirs, comme Félix Éboué.
L'histoire coloniale française a eu pour conséquence qu'à la fin des années 1950 il y avait plusieurs dizaines de millions de citoyens français noirs en Afrique et dans les Caraïbes, et un nombre indéterminé en métropole, où la présence de Noirs était déjà attestée depuis le XVIe siècle, comme dans d'autres pays européens[51].
Lors de la Première Guerre mondiale, les troupes américaines comportent une large proportion de Noirs. Elles permettent ensuite à l'intelligentsia parisienne de découvrir le jazz. Les conditions de vie étant largement meilleures en France que dans l'Amérique ségrégationniste, certains grands musiciens vont alors s'établir à Paris, comme Miles Davis (qui vit une idylle avec la chanteuse Juliette Gréco) ou encore Bud Powell. Le jazz devient alors un élément déterminant de la culture branchée des étudiants parisiens, rapidement adopté par des chanteurs locaux comme Boris Vian[52].
Après la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle génération d'intellectuels noirs émerge, avec notamment les deux figures de proue de la « négritude » que sont Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, tous deux normaliens. On assiste alors à une richesse des débats parmi les « Afro-Parisiens » : Abdoulaye Sadji, Nini, 1956 (l'impasse de l'assimilation) ; Ferdinand Oyono, Une vie de boy, 1956 (les méfaits de la colonisation) ; Birago Diop, Les contes d'Amadou Koumba, 1947 (la découverte de la tradition orale) ; Camara Laye, L'Enfant noir, 1953 (la célébration des valeurs villageoises) ; Ousmane Sembène Ô pays, mon beau peuple, 1957 (l'exaltation des cultures africaines) ; Bernard Dadié, Un nègre à Paris, 1959 (l'expérience européenne des étudiants africains). Selon les estimations du ministère de l'Éducation nationale, le nombre d'étudiants africains ne cesse d'augmenter : 250 en 1946, 800 en 1950, 2000 en 1955, 5 500 en 1960[53].
Un grand nombre d'intellectuels (Sartre, Aron, Camus, Gide, Monod, Leiris, etc.) soutiennent le lancement de la revue Présence africaine, fondée en 1947 par le Sénégalais Alioune Diop. « En septembre 1956, la presse se fait largement l'écho du premier Congrès international des écrivains et des artistes noirs, organisé par Alioune Diop dans l'amphithéâtre Descartes de la Sorbonne. »[54].
La population noire continue d'augmenter en Métropole et principalement à Paris : selon Philippe Dewitte, « On peut s'appuyer sur les recensements qui font passer la population d'Afrique subsaharienne résidant en métropole de 13 517 personnes en 1946 à 17 797 personnes en 1962. »[54].
Tout ceci[Quoi ?] concourt, écrit Philippe Dewitte, au fait que « le paternalisme existe lui aussi toujours, mais il est incontestablement moins affirmé qu'il ne l'était dans les années 1920 et 1930, quand « le Noir » était symbolisé par les tirailleurs et le parler « p'tit nèg’ », par les pseudos « cannibales » du jardin d'Acclimatation, par les exhibitions de l'exposition coloniale, par les spectacles de Joséphine Baker et les bals nègres où la bonne société parisienne n'hésitait pas à s'encanailler. »[55]
Cependant, le racisme existe malgré tout. Mongo Beti, écrit en 1953 dans Présence africaine : « A-t-on jamais évalué la proportion de chances, pour un Africain, de se trouver un emploi dans ce pays ? La France n'est pas un pays raciste ! C'est si vite dit. On ne lynche pas les gens ici ! »[56].
Dans L'enquête sur les étudiants noirs en France (Réalités africaines, 1962), Jean-Pierre Ndiaye demande l'avis des Africains sur différentes questions ; il en ressort que 34,4 % des enquêtes portent un jugement favorable sur les Français, parmi lesquels 14,6 % en comparaisons avec les Français d'Afrique[57].
Le Conseil représentatif des associations noires présente en février 2023 un rapport à l'Assemblée nationale sur le racisme, en France métropolitaine, contre la population noire ou « métisse d’ascendance noire ». Selon l'étude, 91 % des sondés soutiennent avoir été victime de discrimination raciale dont 85 % pour leur couleur de peau. Le rapport présente des chiffres plus spécifiques sur le racisme face à l'emploi, à la police, etc. L'étude présente également un sentiment d'amélioration dans la lutte contre les discriminations[58].
Bien que le recueil de données sur l'ethnicité soit interdit dans les recensements de population[59],[60],[61],[62], des estimations démographiques diverses existent.
Selon une étude de l'Insee publiée en 2012, les immigrés d'Afrique subsaharienne et leurs enfants (2e génération uniquement) sont 1 239 000 en 2008. Ce chiffre n'inclut pas la 3e génération. D'autre part, 364 800 personnes nées dans un département d’outre-mer vivent en France métropolitaine en 2008 (ce chiffre n'inclut pas leurs enfants nés en métropole et qui représentent environ le même nombre que celui de leurs parents)[63],[64],[65].
On ne sait pas dire précisément quelle proportion des Français d'outre-mer est ou se considère comme « noire », mais si on la fixe arbitrairement aux trois quarts, on obtient environ 1,3 million de personnes noires vivant dans les départements et territoires d'outre-mer[2],[66].
En 2005, selon un article du New York Times, il y aurait plus de 1,5 million de personnes noires françaises[67]. Une étude du CRAN évoquait en 2007 1,865 million (de plus de 18 ans), soit l'équivalent d'un peu moins de 4 % de la population des plus de 18 ans[68]. En 2008 un autre article du New York Times mentionne des estimations variant entre 3 et 5 millions[69].
Certaines organisations, telles que le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), ont plaidé en faveur de l'introduction de la collecte de données sur les groupes minoritaires, mais cela a été combattu par d'autres organisations et les hommes politiques au pouvoir, souvent sur les motifs que la collecte de ces statistiques va à l'encontre des principes de non-discrimination raciale de la France et renvoie à des documents d'identité de l'époque du régime de Vichy[3],[70],[71]. Lors de l'élection présidentielle de 2007, cependant, Nicolas Sarkozy a été interrogé sur la question et a déclaré qu'il était favorable à la collecte de données sur l'appartenance ethnique[72]. Une partie d'un projet de loi parlementaire qui aurait permis la collecte de données dans le but de mesurer la discrimination a été rejetée par le Conseil Constitutionnel en novembre 2007[62].
Les pays d'Afrique subsaharienne les plus représentés dans l'immigration en France sont, dans l’ordre décroissant, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Cameroun, le Mali, la république du Congo, la république démocratique du Congo, Madagascar, Maurice (minorité « créole » / noire), les Comores, la Guinée, l'Angola et la Mauritanie[73].
Il n'existe pas en France de définition formelle de ce type d'identité, notamment dans son rapport à l'identité française ou au métissage. Ce type d'identité peut toutefois transparaître au travers d'organisation comme le Conseil représentatif des associations noires ou sous d'autres aspects.
Une grande partie des travaux universitaires sur les « Noirs » provient (ou parle) des États-Unis, où l'« identité noire » est relativement homogène[74] : il s'agit essentiellement de descendants d'esclaves amenés au XVIIIe siècle pour travailler dans les plantations du sud-est américain. Toutefois, la définition de ce qu'est un « noir » aux États-Unis, fondée sur la « Règle de l'unique goutte de sang », est elle aussi très critiquable, et ne corrèle que très partiellement avec la couleur de peau et la trajectoire historique.
Si la condition des Noirs en Amérique peut être grossièrement comparée à la situation de certains départements d'outre-mer (notamment les Antilles, même si l'égalité des droits y est bien plus ancienne qu'en Amérique), l'essentiel des personnes à peau foncée vivant en France n'a rien à voir avec ce schéma : comme le souligne l'historien Pap Ndiaye, en France « le groupe des Noirs est infiniment divers socialement et culturellement, et mettre tous les Noirs dans le même sac catégoriel est une opération problématique[74]. »
Ainsi, les populations noires des départements d'outre-mer sont françaises depuis au moins le XVIIIe siècle (et jouissent pour la plupart de l'intégralité des droits civiques depuis au moins 1946), tandis qu'une bonne partie des noirs de Métropole sont issus de diverses vagues de migrations étendues sur plus de cent ans, en provenance d'une diversité de pays toujours croissante, et qui ne sont pas nécessairement liés à la colonisation française. De plus, il existe en France, et notamment dans les départements d'outre-mer, un métissage important depuis plusieurs siècles (illustré dès l'époque romantique par l'écrivain Alexandre Dumas), qui achève de complexifier la catégorie « Noir », qui n'est définie par aucun texte officiel, contrairement à ce qui se pratique dans d'autres pays, notamment aux États-Unis.
Cette grande complexité à parler des « Noirs » a notamment servi de base scénaristique au film Tout simplement noir (de Jean-Pascal Zadi et John Wax, 2020), qui illustre la distance qu'il y a entre des personnalités comme Claudia Tagbo (comédienne ivoirienne naturalisée française), Omar Sy (comédien français né à Trappes de parents sénégalais et maliens), Lucien Jean-Baptiste (comédien martiniquais), JoeyStarr (né à Paris de parents martiniquais issus d'un métissage afro-caribéen, breton et chinois), Éric Judor (né d'un père lui-même métis de Guadeloupe et d'une mère autrichienne) ou encore Vikash Dhorasoo (d'origine indienne)[75].
Parmi les autres groupes ethniques à peau noire sans rapport avec l'Afrique, on peut aussi compter une partie des populations dravidiennes du sud de l'Inde ainsi que les Mélanésiens, peuple du sud-ouest de l'océan Pacifique (comportant notamment le territoire français de Nouvelle-Calédonie), dont Christian Karembeu est un représentant célèbre.
Outre les hommes politiques noirs élus en métropole, il y a évidemment eu des dizaines de parlementaires noirs élus à la Chambre des députés devenue après 1945 Assemblée nationale ou au Sénat pour représenter des circonscriptions d'outremer, ainsi que des ministres, secrétaires d'État ou sous-secrétaires d'État, des gouverneurs, des préfets.
Dans l'entre-deux-guerres, sous la IIIe République, plusieurs personnalités noires ou métisses sont nommées à des postes gouvernementaux (à l'instar de Gratien Candace), mais souvent cantonnés au sous-secrétariat d'État aux Colonies. Ces nominations s'entendent à une époque où la France est davantage tournée qu'avant vers son Empire colonial et souhaite mettre en valeur son « œuvre coloniale », notamment en exposant la promotion d'autochtones qu'elle a formés. Cela suscite de violentes critiques à l'étranger et l'hostilité d'une partie de la droite. Pour l'historien Dominique Chathuant : « Partagée par la gauche et les modérés, l'idée de nommer des hommes noirs à des postes politiques ou administratifs importants est sans doute d’une grande audace ». Ces personnalités adhèrent au discours assimilationniste républicain, qui pour eux sous-tend leur antiracisme[76].
Sous la IVe République, entre 1946 et 1958, 52 députés d'Afrique noire siègent à l'Assemblée nationale ; ils appartiennent à des groupes apparentés à des partis politiques nationaux comme la SFIO, ou des groupes spécifiques, comme le Rassemblement démocratique africain et Indépendants d'outre-mer. Par ailleurs, chaque cabinet ministériel compte au moins un membre noir dans tous les gouvernements qui suivent celui de Pierre Mendès France. En 1957, le gouvernement Félix Gaillard en compte même quatre. Cela s'entend dans un contexte où l'Afrique noire prend une importance politique croissante (Union française), les autorités métropolitaines ne pouvant plus l'ignorer et donnant donc des gages de bonne volonté à ses représentants[77].
Après les décolonisations, certaines de ces personnalités jouent un rôle important dans les pays ayant accédé à l'indépendance (l'ancien député français Léopold Sédar Senghor devient ainsi président du Sénégal). On ne compte plus, pendant de nombreuses années, de personnalités noires dans les gouvernements français. C'est davantage au niveau local, notamment dans les anciennes colonies antillaises devenues des DROM-TOM, que s'affirment des personnalités politiques noires, puis en France métropolitaine, où le BUMIDOM a permis l'émigration de nombreux habitants des départements d'outre-mer. Au niveau national, il faut attendre les années 2000-2010 pour voir régulièrement des Noirs nommés au gouvernement (Rama Yade, George Pau-Langevin, Laura Flessel, etc.).
Lors de la nomination en 2008 de Pierre N'Gahane, « premier préfet noir » selon plusieurs médias, préfet des Alpes-de-Haute-Provence (2008-2011) et des Ardennes (2011-2013), puis secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (2013-2016), enfin préfet de Charente (2016-2018). Plusieurs observateurs ont noté qu'il y en avait déjà d'autres, nommés en métropole sous la Cinquième République[78],[79]. Ont notamment suivi :
L'équipe de France de football qui est devenue championne du monde en 2018 comptait, parmi les 23 joueurs sélectionnés, 14 ayant des origines subsahariennes ou afro-caribéennes.
L'influence des Noirs en France se vérifie dans la musique noire, ou faisant référence à ce sujet dans ses paroles et/ou dans son sujet a eu une certaine popularité en France, en renforçant et/ou en déjouant les stéréotypes[83].
En 1916, sort la chanson Les Mains noires et les mains blanches[84], à une époque où la guerre concerne tout le monde, y compris les tirailleurs sénégalais.
En 1964, Serge Gainsbourg sort Gainsbourg Percussions, album de jazz afro-cubain qui contient notamment Là-bas c'est naturel, Joanna[85] et Couleur café.
En 1966, Nino Ferrer chante Je veux être noir[85].
Dans les années 1960, Johnny Hallyday sort Noir c’est noir et chante « Il y a longtemps sur des guitares, les mains noires lui donnaient le jour, pour chanter les peines et les espoirs, pour chanter Dieu et puis l’amour »[85], qu'il chantera ensuite en 1981 en espagnol sous le titre Black es noir.
En 1967, (ou 1965[85]) Claude Nougaro sort la chanson intitulée Armstrong, en référence à Louis Armstrong, considérée comme de la « musique noire » par certains chercheurs[83] dont les paroles disent notamment :
« Armstrong, je ne suis pas noir
Je suis blanc de peau
Quand on veut chanter l'espoir
Quel manque de pot ».
« Au-delà de nos oripeaux
Noir et blanc sont ressemblants
Comme deux gouttes d'eau
Oh yeah ! »
En 1979, François Béranger sort Mamadou m'a dit.
En 1985 passe à la radio la chanson (sortie en 1984[86]), Mélissa, métisse d’Ibiza, vit souvent moitié nue, conduisant à ce que l'année suivante, huit mille petites filles s’appellent Mélissa[87], alors que le chanteur est lui-même le fils d'une femme métisse.
En 1987, Asimbonanga (« Nous ne l'avons pas vu »[88]), une chanson politiquement engagée — dans un contexte d'apartheid —, et dédiée à Nelson Mandela tout en citant Steve Biko, connaît un important succès en France, se classant 2e du Top 50 pendant sept semaines consécutives[89]. Elle entre également dans les charts en Suisse et au Royaume-Uni, se classant respectivement 45e et 94e[90],[91]. Cette chanson a été enregistrée en Afrique du Sud et a été chantée par Johnny Clegg au festival Musiques métisses d'Angoulême en 1986[92]. Le succès fut tel en France qu'au début des années 1990, un million d'exemplaires avait été vendu.
En 2019, l'exposition Le modèle noir de Géricault à Matisse au Musée d'Orsay[93] connait un grand succès avec 500 000 visiteurs en quatre mois et un retirage des documents associés[94]. Pour l’historien Pascal Blanchard, « l’argument dominant pendant longtemps était de dire que ces sujets n’intéressent pas le public. Maintenant, c’est fini[94] ! ». Dans leur ouvrage paru en 2018 Noir, entre peinture et histoire, Grégoire Fauconnier et Naïl Ver-Ndoye avaient montré l'ancienneté de la représentation picturale des Noirs en France[94].
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