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romancier, homme politique, et intellectuel franco-suisse De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Benjamin Constant de Rebecque, né le à Lausanne et mort le à Paris, est un romancier, homme politique, et intellectuel (philosophe) français d'origine suisse vaudoise.
Membre de la Chambre des députés Première législature de la monarchie de Juillet (d) Bas-Rhin | |
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Membre de la Chambre des députés des départements Quatrième législature de la Seconde Restauration (d) Bas-Rhin | |
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Membre de la Chambre des députés des départements Troisième législature de la Seconde Restauration (d) Seine | |
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Membre de la Chambre des députés des départements Deuxième législature de la Seconde Restauration Sarthe | |
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Naissance | |
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Décès |
(à 63 ans) Ancien 1er arrondissement de Paris |
Sépulture |
Cimetière du Père-Lachaise, Grave of Constant (d) |
Nom de naissance |
Henri-Benjamin Constant de Rebecque |
Nationalités | |
Formation | |
Activité | |
Période d'activité |
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Fratrie |
Louise Marie Anne d'Estournelles Constant de Rebecque (d) |
Conjoint |
Charlotte Constant de Rebecque (d) |
Mouvement | |
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Genre artistique | |
Distinction |
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Républicain et engagé en politique depuis 1795, il soutient le coup d'État du 18 fructidor an V (), puis celui du 18 Brumaire (an VIII : ). Il devient, sous le Consulat, le chef de l'opposition libérale dès 1800. Après avoir quitté la France pour la Suisse puis l'Allemagne, il se rallie à Napoléon pendant les Cent-Jours, et revient en politique sous la Restauration. Élu député en 1819, il le sera encore à sa mort en 1830. Chef de file de l'opposition libérale, connue sous le nom des célèbres « Indépendants », il est l'un des orateurs les plus en vue de la Chambre des députés et défend le régime parlementaire. Lors de la révolution de Juillet, il soutient l'installation de Louis-Philippe sur le trône.
Auteur de nombreux essais sur des questions politiques ou religieuses, Benjamin Constant a également écrit des romans psychologiques sur le sentiment amoureux comme Le Cahier rouge (1807) et Adolphe (1816), où se retrouvent des éléments autobiographiques de son amour pour les nombreuses femmes de sa vie.
Benjamin Constant naît le à Lausanne en Suisse, fils unique de Louis-Arnold-Juste Constant de Rebecque (1726-1812), colonel dans un régiment suisse au service de la Hollande (stationné à Huningue en
Suivant son père constamment en voyage, il passe sa jeunesse entre Lausanne, Bruxelles (1779), les Provinces-Unies (1780) et l'Angleterre (1780). Il fait ensuite ses études à l'université d'Erlangen en Bavière (1782), d'où à la suite d'un duel, son père l'expédie en Écosse à l'université d'Édimbourg (1783-85)[3]. Il passe la plus grande partie de sa vie en France, en Suisse et au Royaume-Uni. En 1787, il rencontre à Paris Mme de Charrière, avec laquelle il entame une liaison et une longue correspondance. Son père l'attache en
Or, le
Quittant la Suisse, Benjamin Constant arrive à Paris avec Mme de Staël le
Il commence par publier un violent réquisitoire contre le projet de décret des deux-tiers, avant de faire volte-face, un mois plus tard, et d'appeler, sous l'influence de Jean-Baptiste Louvet de Couvray, avec lequel il s'est lié d'amitié, au soutien de la constitution de l'an III et des conventionnels qui l'ont enfantée[9]. Il publie les « Lettres à un député de la Convention » dans les Nouvelles politiques, nationales et étrangères de Suard (
Il se fait naturaliser français grâce à une loi du
Le 20 thermidor an III (
Entre l'insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV (
Après le coup d'État du 18 fructidor an V, il sollicite auprès de Barras, dans une lettre datée du
Absent de Paris du
Avec d'autres libéraux, il s'oppose bientôt à la monarchisation du nouveau régime, notamment à l'établissement des tribunaux spéciaux, et participe à la rédaction définitive du Code civil. Le
Éloigné de Paris avec Mme de Staël sur l'ordre de Bonaparte en
En
En 1814, il fait paraître De l'esprit de conquête et d'usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne, hostile à Napoléon. Par l'entremise de Mme Récamier, il est chargé par Caroline Bonaparte, reine consort de Naples de défendre ses intérêts au Congrès de Vienne. Sous la Première Restauration, il défend l'alliance des Bourbons avec l'héritage issu de la Révolution dans Le Journal des Débats. Aussi, quand lui parvient la nouvelle du retour de l'île d'Elbe de Napoléon, il publie le
Rallié à l'Empire, il est nommé au Conseil d'État (
Après la seconde abdication de Napoléon, il se réfugie à Bruxelles (
Benjamin Constant reprend la route de Paris le
Dès 1817, Constant aspire à compléter son activité journalistique par un mandat électif ; mais sa personnalité, son passé ainsi que ses livres et ses articles lui suscitent de tenaces inimitiés auprès du gouvernement et des royalistes. Conscient que l’épisode des Cent-Jours lui a valu autant d’incompréhensions que d’ennemis, Constant ressent le besoin de se justifier, et il fait alors paraître les Mémoires sur les Cent-Jours ; de même cherche-t-il à faire valoir l’immutabilité de ses opinions libérales en publiant un recueil de ses textes, le Cours de politique constitutionnelle. Cela ne suffit pas immédiatement à lui valoir une élection : battu une première fois à Paris en 1817, Constant est encore vaincu de quelques voix l’année suivante lorsque le ministère lui fait obstacle en lui opposant le grand industriel Ternaux, pourtant lui-même plus proche des libéraux que de la majorité ministérielle.
Lors d’une élection complémentaire au printemps 1819, Constant est finalement élu le
En
Chef de file de l'opposition libérale de gauche (connue sous le nom des « Indépendants »), il est l'un des orateurs les plus éloquents de la Chambre des députés. Passé sans enthousiasme dans l'opposition dynastique après les ordonnances de juillet, il contribue à l'avènement de Louis-Philippe, qui le soulage de ses soucis financiers en lui faisant un don de 300 000 francs, tout en protestant que « la liberté passe avant la reconnaissance ». Le
Malade, il meurt le
En 1817, il prend fait et cause pour Wilfrid Regnault. Celui-ci, accusé d'avoir assassiné une veuve à Amfreville, un village de Normandie, est condamné à mort le
Benjamin Constant, à la suite du jeune Odilon Barrot, avocat de Regnault, estime que la réputation de Regnault a contribué grandement à sa condamnation. Le maire d'Amfreville-la-Campagne est en effet un noble, ancien député ultra de la Chambre introuvable de 1815. Il a participé à l'enquête, et s'est par la suite avéré l'auteur d'une note, parue dans la presse, calomnieuse à l'égard de Regnault. Constant reprend tous les éléments de l'enquête et poursuit via ses écrits la démarche que les avocats de Regnault avaient commencée : il confronte les témoignages, fait dresser un plan du village d'Amfreville, répertorie les incohérences et les contradictions des témoignages et lance une campagne de presse en faveur de Regnault, analysant toutes les incohérences de l'accusation une à une, avec autant de précision, de verve et de rigueur que Voltaire dans l'affaire Calas.
Les différentes voies judiciaires n'ayant pas abouti à sauver la tête de Regnault, le dernier recours est en effet l'instance royale, au moyen de l'opinion publique. Constant obtient, à la suite de la publication de deux brochures intitulées Lettres à Odilon Barrot, et de la campagne de presse qui suit, la commutation de la peine en vingt ans d'emprisonnement (au grand dam des ultras) à défaut de la reconnaissance de son innocence et de la grâce. Regnault sortira de prison en
À travers cette affaire particulière, c'est le droit, pour chaque personne, de combattre une décision judiciaire inique que défendait Constant. Dans un article paru dans La Minerve en mars 1818, il explique : « Encore un mot sur le procès de Wilfrid-Regnault », il écrit : « C'est aujourd'hui plus que jamais que les formes doivent être respectées […], que tout Français a le droit de s'enquérir si on les observe, si toutes les vraisemblances ont été pesées, tous les moyens de défense appréciés à leur juste valeur. » Il ajoutait que « mille motifs se réunissent pour entraîner les hommes, sans qu'ils s'en doutent, hors de la ligne, devenue étroite et glissante, de la scrupuleuse équité[20]. »
Les commentateurs ont longtemps tenu le libéralisme de Constant pour une simple rationalisation de l'égoïsme et de l'intérêt matériel ou comme un écran idéologique au triomphe d'un gouvernement élitiste. Ces reproches, comme ceux qui associent Constant à une girouette, datent de l'époque même de Constant, et l'historien polémiste Henri Guillemin s'en est fait l'un des plus bruyants porte-parole.
Depuis une trentaine d'années cependant, les travaux sur les écrits, les manuscrits et la pensée de Constant ont complètement invalidé cette vision. L'édition des Principes de politique (1806-1810), édité en 1815 (Paris, Eymery) et réédité en 1957 pour la première fois depuis l'édition originale de 1815, dans les Œuvres de Benjamin Constant (édition Pléiade, p. 1065-1215), a constitué un moment important à cet égard. On s'est de même rendu compte de l'unité de l'œuvre de Constant, loin des images de girouette : tant que les principes qu'il promeut peuvent être appliqués, peu lui importe en somme le mode de gouvernement (république, Empire ou monarchie constitutionnelle), d'où cette image qui lui a longtemps collé à la peau de serviteur déloyal aux régimes qui l'emploient.
Avant d'être un philosophe, Constant fut un lecteur passionné et un écrivain. Il avait une excellente connaissance de la philosophie et du romantisme allemand (Kant, Schelling, Schlegel). Il entra en 1796, dans une vive polémique avec le philosophe de Koenigsberg qui soutenait que dire la vérité était un devoir moral indépendant du contexte. Il fut également volontiers lecteur des nombreux libéraux français dont Voltaire et des écrits de Condillac (il a fréquenté le milieu de Fauvel et de Cabanis).[réf. nécessaire] En revanche il était, à en croire Émile Bréhier, un ennemi de la pensée du xviiie siècle[21].
Constant est connu pour son abondante correspondance, son journal intime (1804-1816), ses récits plus ou moins autobiographiques dont Adolphe publié en 1816 à Paris. Selon le critique Charles Du Bos (1882-1939) : « l'égal de quiconque [...] mais, pas plus que son esprit, sa langue ne témoigne d'aucun indice national. Elle est classique mais sans le tour classique. »[22]
Benjamin Constant note dans son journal à la date du 11 février 1804 : « L’art pour l’art, et sans but ; tout but dénature l’art. Mais l’art atteint au but qu’il n’a pas. » La formule annonce ce que professera la génération suivante – les pré-parnassiens Théophile Gautier et Théodore de Banville, ainsi que les poètes du Parnasse tels que Leconte de Lisle. Cette doctrine de l’amour de la forme, du rejet de l’utile attirera aussi un moment Baudelaire, sans toutefois le retenir [23].
Constant se distingue de ses aînés Rousseau et Montesquieu quant à sa vision du pouvoir de l'État[24]. Pour lui, en schématisant, peu importe l'origine ou la nature du pouvoir (monarchie, république…) du moment qu'il est déployé de façon acceptable : le peuple reste souverain, sans quoi ce serait le règne de la force, mais son pouvoir doit s'arrêter au seuil de l'individu. Le bonheur et les besoins de la société ne recouvrent pas nécessairement ceux des individus : il faut donc conjuguer le pouvoir du peuple avec la protection de ceux-là. La société ne saurait avoir tous les droits sur l'individu ; il est des choses sur lesquelles la collectivité et les lois n'ont pas à s'exprimer, qu'elles n'ont pas le droit d'interdire, et que les individus ont le droit de faire : c'est ainsi que Constant donne une définition de la liberté. Il ajoute que l'homme souffrant naturellement du besoin d'agir et du plaisir à se croire nécessaire, le pouvoir occupé par un homme tend en général à s'accroître : il faut ainsi prendre des précautions contre le pouvoir lui-même (plutôt que contre l'homme qui le possède), comme d'une arme qui pourrait tomber en des mains incertaines : « c'est contre l'arme et non contre le bras qu'il faut sévir »[25].
« Toute autorité qui n'émane pas de la volonté générale est incontestablement illégitime. […] L'autorité qui émane de la volonté générale n'est pas légitime par cela seul […]. La souveraineté n'existe que d'une manière limitée et relative. Au point où commence l'indépendance de l'existence individuelle, s'arrête la juridiction de cette souveraineté. Si la société franchit cette ligne, elle se rend aussi coupable de tyrannie que le despote qui n'a pour titre que le glaive exterminateur. La légitimité de l'autorité dépend de son objet aussi bien que de sa source »[26]. Constant théorise ainsi l'expérience vécue sous la Terreur : le peuple souverain sans limite conduit à des formes aussi abominables que la plus brutale monarchie de droit divin.
La multiplication des pouvoirs pour limiter les pouvoirs entre eux peut mener, selon Constant, à une escalade indésirable et à une forme de tyrannie du nombre : plus les bénéficiaires et les lieux du pouvoir sont nombreux, plus violente risque d'être leur tyrannie ainsi démultipliée. Pour Constant, les garanties constitutionnelles et l'opinion publique constituent les plus sûrs garde-fous à un emballement du pouvoir étatique, d'où l'importance qu'il accorde dans ses écrits, particulièrement pendant la Restauration, à la liberté de la presse : « Toutes les barrières civiles, politiques, judiciaires deviennent illusoires sans liberté de la presse »[27]. Sans elle, le peuple se détacherait entre autres des affaires publiques ; l'activité et l'émulation des écrits permettent aux esprits d'être stimulés, de parvenir à plus de pénétration et de justesse. Constant a une vision perfectibiliste de l'histoire.
Il insiste également sur la garanties des formes, en particulier judiciaires, en tant que rempart contre l'arbitraire et les abus, arguant que la seule utilité n'est pas un principe satisfaisant ni suffisant : « L'on peut trouver des motifs d'utilité pour tous les commandements et pour toutes les prohibitions. […] C'est avec cette logique que de nos jours on a fait de la France un vaste cachot »[28]. À la Chambre, le
Auteur libéral, c'est de l'Angleterre plus que de la Rome antique qu'il tire son modèle pratique de la liberté dans de vastes sociétés commerçantes. Il établit en effet une distinction entre la « liberté des Anciens » et celle des « Modernes ». Il définit la première comme une liberté républicaine participative conférant à chaque citoyen le pouvoir d'influer directement sur la politique à travers des débats et des votes à l'assemblée publique. Le pendant de ce pouvoir politique est « l'asservissement de l'existence individuelle au corps collectif », la liberté individuelle étant totalement soumise aux décisions du corps politique. Pour assurer la participation à la vie politique, la citoyenneté est un lourd fardeau et une obligation morale nécessitant un investissement considérable en temps et en énergie. En général ceci ne peut se faire sans une sous-société d'esclaves chargée de l'essentiel du travail productif, permettant ainsi aux citoyens de se consacrer aux affaires publiques. En outre, la « liberté des Anciens » concerne des sociétés homogènes et de petite taille, dans lesquelles la totalité des citoyens peut sans difficulté se rassembler en un même lieu pour débattre.
La « liberté des Modernes », par opposition, est selon Benjamin Constant fondée sur les libertés civiles, l'exercice de la loi, et l'absence d'intervention excessive de l'État. La participation directe des citoyens y est limitée : c'est la conséquence nécessaire de la taille des États modernes. C'est aussi le résultat inévitable du fait d'avoir créé une société commerçante dépourvue d'esclaves dont tous les membres ou presque sont dans l'obligation de gagner leur vie par leur travail. Dans ces sociétés, les citoyens élisent des représentants, qui délibèrent en leur nom au parlement et leur épargnent ainsi la nécessité d'un engagement politique quotidien.
De plus, Constant pense que le commerce, qui vaut mieux que la guerre, est naturel aux sociétés modernes. En conséquence, il critique les appétits de conquête de Napoléon comme non libéraux et non adaptés à l'organisation des sociétés modernes, fondées sur le commerce. La liberté ancienne tendrait naturellement vers la guerre, tandis qu'un État organisé selon les principes de la liberté moderne serait en paix avec toutes les nations pacifiques.
Constant rejette la thèse de Rousseau sur la souveraineté populaire, selon laquelle, fondée sur la volonté générale, elle est absolue et ne peut être ni déléguée ni divisée. Pour Constant la souveraineté populaire est dangereuse pour la liberté, car il est dangereux de faire croire à quelqu’un qu’il est souverain ; il aura alors tendance à tout régenter. Constant convient que la souveraineté est et doit être celle du peuple, mais elle doit être limitée sous peine de verser dans l’arbitraire. En effet, Constant reproche à Rousseau d’avoir confondu, dans son appréhension de la souveraineté populaire, liberté et garantie. Contrairement à ce que suppose Rousseau, la souveraineté populaire n’est pas en tant que telle réalisation de la liberté de chacun, elle est, et doit rester, un « principe de garantie », qui vise à empêcher un individu de s’emparer de l’autorité qui appartient à l’association entière. Mais ce principe ne dit rien sur la nature de cette autorité. L’autorité de la volonté générale n’est donc pas toujours légitime, notamment parce que l’intérêt général dont elle est la voix nuit fréquemment à l’individu. Aussi réplique-t-il à Rousseau que « la souveraineté du peuple n’est pas illimitée, elle est circonscrite dans les bornes que lui tracent la justice et les droits des individus. La volonté de tout un peuple ne peut rendre juste ce qui est injuste. »[29] Ni une majorité, ni même une unanimité ne peut défaire un principe qui relève du droit naturel.
La souveraineté populaire doit donc être limitée, ce qui signifie qu'elle doit être déléguée, c'est-à-dire que seul un gouvernement représentatif est souhaitable.
En plus de ses travaux littéraires et politiques, Constant a travaillé durant une quarantaine d'années sur la religion et le sentiment religieux. Ses ouvrages témoignent d'une ambition de saisir un phénomène social inhérent à la nature humaine qui, dans les formes qu'il prend, est soumis au concept de perfectibilité. Si les formes se figent, la rupture est inévitable : les formes que prend le sentiment religieux doivent donc s'adapter et évoluer.
Constant refuse à l'autorité politique le droit de se mêler de la religion de ses sujets, même pour la défendre. Il estime que chaque individu doit pouvoir conserver le droit de trouver où il le souhaite consolation, morale et foi : « L'autorité ne peut agir sur la conviction. Elle n'agit que sur l'intérêt »[30]. Il condamne de même la vision d'une religion vulgairement utile, au nom de la dégradation du sentiment.
Il considère le déclin du polythéisme comme un fait nécessaire depuis le progrès de l'humanité. « Plus l'esprit humain se perfectionne, plus les résultats du théisme doivent être heureux »[31]. Le théisme connaît lui aussi une évolution. Le christianisme, en particulier sous sa forme protestante, est, à ses yeux, la forme la plus tolérante et le degré supérieur de l'évolution intellectuelle, morale et spirituelle.
L'édition de référence de l'œuvre complète de Constant, riche en introductions, notes et variantes, est celle des Œuvres Complètes, éditée de 1993 à 2019 chez Max Niemeyer à Tübingen, puis chez De Gruyter à la suite du rachat de la première maison d'édition par la seconde. Cette édition comporte trente-trois tomes regroupant les œuvres littéraires de Constant, quatorze tomes regroupant sa correspondance et un catalogue de sa bibliothèque[32],[33].
Un volume de ses œuvres regroupées sous le titre Écrits autobiographiques – Littérature et politique – Religion est paru dans la Bibliothèque de la Pléiade (édition et préface d'Alfred Roulin, 1957).
Selon Alexandre Dumas, Benjamin Constant n’avait « rien fait que sous l’inspiration des femmes ; en littérature, elles furent ses maîtres ; en politique, elles furent ses guides. » Son regard devient plus incisif encore lorsqu’il ajoute voir en lui un « composé de contradictions et de faiblesses », « une courtisane » qui se donnait à tout ce qui « en politique, en littérature, en moralité » détenait le pouvoir [35].
Victor Hugo, quant à lui, se rappelle « un de ces hommes rares qui fourbissent, polissent et aiguisent les idées générales de leur temps[36] ». Lors de son discours à l'entrée l'Académie française, il cite Constant parmi les rares qui ne se sont pas agenouillés devant Napoléon[37].
Charles Nodier confiera au même Hugo, alors qu’on venait d’annoncer en même temps que la mort de Constant celle de Goethe et de Pie VIII : « Trois papes de morts[38]. »
Il existe une Association Benjamin Constant, basée à Lausanne, qui vise à promouvoir la pensée et l'œuvre de l'écrivain[39].
Ses essais sur l'évolution des religions et le sentiment religieux soumis au concept de perfectibilité sont parfois rapprochés avec Auguste Comte et Ernest Renan.
Benjamin Constant est indirectement le héros de du roman L'Imitation (1998) de Jacques Chessex, dont le personnage principal, Jacques-Adolphe (Jacques comme le prénom de l'auteur, Adolphe qui renvoie à l'œuvre la plus connue de Constant), agit et vit dans l'imitation de son modèle, Benjamin Constant[40].
Il apparaît dans le roman d'Anne Villemin Sicherman 1803, la nuit de la sage-femme (2023) en compagnie de Madame de Staël et Charles de Villers.
Dans l'ouvrage collectif interdisciplinaire Adolphe de Benjamin Constant. Postériorité d'un roman (1816-2016), une vingtaine de spécialistes, issus d'une dizaine pays, ont composé des articles critiques consacrés à l'héritage de ce roman[41].
Depuis 1909, l'écrivain est honoré à Lausanne d'une rue, l'avenue Benjamin-Constant, et d'une place à son nom[42]. En France plusieurs voies sont nommées en l'honneur de l'écrivain, dont la rue Benjamin-Constant à Paris 19e.
Benjamin Constant Botelho de Magalhães (1836-1891), militaire, enseignant et homme politique brésilien, a été prénommé en son honneur. Il a lui-même donné son nom à la municipalité de Benjamin Constant, en Amazonie.
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