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genre de littérature De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La littérature érotique est un genre littéraire qui explore la sexualité humaine, de manière plus ou moins explicite, tout en intégrant des motifs évoquant l'amour, le désir, la sensualité, la passion, le plaisir et l'intimité.
La sexualité et l'amour sont pris ici comme sujet central, et comptent parmi les thèmes les plus intemporels de l'expression humaine, manifestes bien avant l'apparition des systèmes d'écriture, comme le montre l'art rupestre[1], tissant un fil à travers les siècles et toutes les civilisations, dans les plus anciens textes littéraires préservés, comme par exemple : le Cantique des Cantiques, le Kamasutra, le Banquet de Platon, les chants de Sappho, L'Art d'aimer d'Ovide, le Satyricon de Pétrone...
Évoluant à travers les époques et les cultures, la littérature érotique a toujours oscillé entre la tolérance et la censure, entre liberté et répression, reflétant les normes sociales et les tabous d'une époque, un genre qui, avec l'invention de l'imprimerie, a été, d'abord en Occident, à la fois célébré, et aussi souvent condamné, marginalisé et même interdit, au point qu'elle fut longtemps clandestine.
Cependant, les manifestations de la sexualité, ici transcrites avant tout avec des mots et quand ces textes ne sont pas illustrés — enluminure, gravure, photographie —, convoquent des métaphores, des euphémismes, des allusions, une stylistique et une symbolique propre à l'érotisme, à l'amour, aux rapports de nature sexuelle. C'est dire que la sexualité s’immisce entre les pages des œuvres littéraires sans distinction de genre : essai, théâtre, roman, poésie, etc. Elle fait donc partie intégrante de la littérature.
Les frontières entre érotisme et pornographie, entre implicite et explicite, soulevant les questions de l'obscène, des mœurs, de la morale, sont mouvantes, floues, et sujettes à de nombreuses polémiques de nature politique et sociale, mettant en jeu la liberté d'expression, quant au rapport au livre, à l'écriture, et aux publics.
Historiquement, les formes littéraires ici concernées sont d'abord le poème, récité oralement, sans doute chanté, puis transcrit ; cette forme va perdurer bien entendu jusqu'à nos jours, mais les lointains poèmes babyloniens, égyptiens ou indiens possèdent, force est de le constater, une signification pleine et entière qui nous échappe[2]. Viennent ensuite des textes didactiques, des essais, des traités, qui regardent l'« art d'aimer », ou, dit de façon plus prosaïque, de manuels érotologiques pour apprendre à faire l'amour, qu'il faut voir comme des guides destinés aux amants ; les premiers nous viennent d'abord des Shastra indiens et de la Chine des Hans. Et que ce soit d'Orient ou d'Occident, de tels écrits sont arrivés jusqu'à nous, après plusieurs centaines de siècles[2].
Plus accessibles, les textes occidentaux gréco-latins d'intention érotique connaissent une période d'intense diffusion parce qu'il existe à cette époque un commerce du manuscrit, d'importantes librairies, de vastes bibliothèques comme celle d'Alexandrie, ou privées. Une période très libérale prend place un siècle avant l'arrivée d'Auguste au pouvoir ; celui-ci organise les premières lois de censure. De nombreux textes furent ainsi mutilés, voire perdus[2].
L'Empire romain se christianisant au début du IVe siècle, la nouvelle religion monothéiste a progressivement imposé des interdits. Mais aux marches de l'Empire, à l'Occident comme à l'Orient, des textes érotiques surgissent avec une ambition politique, celle de décrier, par la satire, le pouvoir en place[2].
C'est en Iran, à partir du VIIIe siècle, qu'apparait une forme de poésie à la fois licencieuse et contestataire. Par la suite, Bagdad et Le Caire deviennent pour les poètes et les conteurs des centres dlibéraux d'une production qui s'achève au milieu du XIIIe siècle[2].
Le Moyen Âge européen, inventant l'amour courtois, voit le conte devenir le support principal de récits érotiques, que ce soit en Angleterre, en Aquitaine ou en Italie, des textes véhiculées par les troubadours[3]. On sait par ailleurs peu de chose sur les goliards, sorte de moines itinérants et très grivois, qui harcelaient l'Église à l'aube du premier millénaire.
L'invention de l'imprimerie va entraîner en Occident la publication de l'« Index » (1545), listes de livres prohibés, les genres ici incriminés sont divers. Un autre fait important est que ces textes, non seulement peuvent se multiplier à grande vitesse, mais être accompagnés d'images, de gravures — l'exemple le plus célèbre est l'affaire I Modi. Ces ouvrages sont alors interdits, et on entre dans une période de révoltes, de résistance, de clandestinité et l'apparition de romans, plus ou moins bien écrits, et placés sous le couvert de la morale (« Voyez ce qu'il ne faut pas faire »), et de la description des mœurs déréglées (« Voyez comme ces gens sont pervertis »), avec la syphilis comme trame de fond. Surnagent des farces, d'une portée universelle, et c'est l'œuvre de Rabelais. Dès le XVIIe, au cours d'un épisode libertin, apparaissent des ouvrages « que l'on ne lit que d'une main »[4], se diffusant grâce à un trafic, un réseau souterrain de libraires, d'imprimeurs et d'acheteurs, qui disparaît à la fin du XXe siècle, dessinant une véritable subculture, mais qui n'exclue pas encore de nos jours des formes de censure. Le XVIIIe siècle français se caractérise, dès ses débuts, par une profusion d'ouvrages érotiques illustrés, avec une très brève période libérale au début de la Révolution. C'est précisément à cette époque qu'en français, les mots « érotisme » et « pornographe » apparaissent, le premier sous la plume de Chamfort, le second sous celle de Restif de La Bretonne[2].
Édicté sous un régime qui rétablit la censure, le Code Napoléon (1804) introduit, par une loi spécifique (renforcée en 1819), la notion d'outrage aux bonnes mœurs, subtilement floue et permettant de condamner à de lourdes peines de prison les acteurs du livre. En 1833, l'Allemand Carolus Rambach publie le Thesaurus eroticus linguae latinaæ, une tentative consistant à répertorier les ouvrages érotiques publiés sous l'Empire romain, démarche louable mais qui ne fera qu'exciter le lecteur curieux — le mot curiosa fait ainsi son apparition pour qualifier par euphémisme ce genre de production[5]. Le Royaume-Uni développe un arsenal répressif consistant à d'une part lister et confiner ces ouvrages dans un département spécial appelé Private Case, situé dans la British Library ; et d'autre part de placer sous surveillance tous les envois postaux, de façon à freiner la circulation clandestine de tels ouvrages. La France dispose d'un tel département appelé l'« Enfer » — en réalité une série de cotes réservés à des ouvrages « à ne pas mettre entre toutes les mains »[6]. Le trafic de tels ouvrages devient intense entre 1880 et 1914, au point que des congrès internationaux s'organisent pour en limiter la production, non sans puritanisme, au nom de la morale, production qui inclut des formes nouvelles comme les périodiques illustrés en couleurs, l'image lithographiée, la photographie, la carte postale... qui sont qualifiées de « pornographiques »[7]. C'est dire ici que le réalisme des représentations, tant sous la forme écrite, que graphique, perturbent et les juges et les critiques. Des procès retentissant frappent certains ouvrages contenant des passages considérés comme lestes et outrageants : Flaubert, Baudelaire, Oscar Wilde, D. H. Lawrence, Colette, James Joyce, Boris Vian, Henry Miller, Nabokov, par exemple, en sont les victimes directes ou indirectes, et c'est sans compter des milliers de « petits pornos », romans explicites mettant en scène de nombreuses paraphilies, publiés par des éditeurs « sous le manteau » qui sont eux aussi régulièrement condamnés[5].
Les années 1960 voit l'émergence de la révolution sexuelle. Elle touche surtout les pays industrialisés — l'URSS mise à part. Les écrits du Marquis de Sade entre en collection de poche (1969)[8]. Enfin, un phénomène littéraire advient à la fin du XXe siècle : l'autofiction, et la liberté de dire et de vivre au grand jour son érotisme particulier. Victoire ? Pas si sûr : en termes de protection des mineurs, des États de droit s'autorisent à limiter la diffusion et la publicité sur ces ouvrages quand ils sont interpelés par des associations qui s'estiment outragées, et quand d'autres pays, eux, au nom d'une religion, d'un régime politique, les interdisent purement et simplement[2].
La distinction en littérature entre érotisme ou pornographie n'est pas toujours nette car, elle fait souvent entrer en jeu le contexte culturel et social et géographique de l'écriture ainsi que celui de la réception.
Le Dictionnaire du littéraire (2014) définit l'érotisme comme « la part de la littérature amoureuse qui insiste sur les plaisirs de la chair », tout en soulignant que la limite entre érotisme et pornographie est encore source de débat. La plupart des notices de dictionnaire mentionne aussi que le concept d'obscénité joue un rôle important dans la définition des termes, bien que son attachement à la moralité rende aussi la définition plutôt subjective. Il y est dit par ailleurs que l'érotisme et la pornographie partageraient un même objectif : représenter la jouissance personnelle. Toutefois, l'érotisme en littérature se serait distingué de la pornographie par une esthétisation de la représentation de la sexualité[9].
Les plus anciens textes remontent aux temps de la Mésopotamie. On trouve un poème d'amour, qualifié de chant, inscrit sur une tablette d'argile, rédigé sans doute par une femme et dédié à son souverain, le roi Shu-Sîn (troisième dynastie d'Ur, entre 2037 et )[10].
La littérature de l'Égypte antique contient un certain nombre de chants d'amours, à partir du Nouvel Empire ( à ).
La théogonie grecque antique convoque les dieux Éros, Aphrodite et Apollon : cette trinité guide et conditionne le quotidien de cette civilisation quant à son rapport à l'amour. La langue grecque ancienne nous donne d'ailleurs trois mots bien distincts : éros (amour charnel), agapé (amour absolu) et philia (camaraderie).
Les textes sont empreint d'idéalisme et de passion, et inclut l'homosexualité (féminine et masculine), celle-ci ne devant pas être surinterprétée : le corpus est largement dominé par des récits de nature hétérosexuelle. Les figures héroïques comme Héraclès et Ulysse (Odyssée) nous disent en une forme épique leur profond amour pour la femme.
Les plus anciens poèmes d'amour remontent au VIIe siècle, à l'époque archaïque : Alcée, Archiloque et Sappho composent des chants qui procèdent vraisemblablement d'une intention érotique. Au siècle suivant, Anacréon et Pindare célèbrent tour à tour l'amour des filles et des garçons. Plus tard encore, le théâtre d' Aristophane, dont la pièce Lysistrata, constitue un exemple de mélange des genres.
Rapporteur des dialogues de Socrate, le philosophe Platon invente dans Le Banquet le « mythe des sphères », un récit ramenant à l'androgynie originelle de l'humanité : au début des temps, les êtres humains étaient doubles, homme-homme, femme-femme ou homme-femme[11], et l'intervention d'un dieu (Zeus) les a coupés en deux, pour en faire des hommes et des femmes séparées. Depuis, chaque être humain cherche sa moitié perdue. Le Phèdre de Platon préfigure lui le langage et les images qui seront utilisés dans la mystique amoureuse chrétienne.
Les philosophies ascétiques gréco-romaines (stoïcisme, épicurisme, scepticisme, cynisme[12]) cherchent à régler et à esthétiser la sexualité pour rendre compatible la tempérance et le plaisir, comme l'explique Michel Foucault dans Histoire de la sexualité, II et III.
Aristote, quant à lui, ne théorise presque pas l'amour, mais il met l'accent sur l'amitié[13] (valeur également partagée par les écoles de sagesse ascétique[14]).
Conquise par Rome, les derniers feux érotiques grecs s'incarnent en Méléagre et Philodème, dont nous sont parvenus des épigrammes.
L'érotisme latin est empreint de plaisir épicurien et de mesure. Ainsi, à l'exception de Laevius, longtemps oublié[15], les poètes élégiaques (Catulle, Properce, Ovide, Tibulle) chantent l'amour entre personnes libres et consentantes, en dehors du cercle jaloux du mariage et de la sexualité facile représentée par la prostitution. Lucrèce condamne les excès de la passion amoureuse dévorante, et les illusions de l'amour idéal, pour ne retenir que le plaisir purement corporel et mesuré (considéré comme un besoin naturel), quand Horace, par la satire, n'hésite pas à fustiger ses ennemis en les décrivant inféodés à leurs désirs lubriques. Dans l'élégie romaine, la sexualité est à nouveau célébrée dans la littérature, mais cette fois, sans la passion céleste et l'idéalisation du sentiment amoureux de Platon.
La variante médio-platonicienne de l'érotisme latin se laisse aller à la passion, voire au mysticisme initiatique (Apulée et les Mystères isiaques).
Du Ier et du IIe siècle, nous sont parvenues des œuvres comme le Satyricon de Pétrone, miraculeusement épargnée par la censure (mais en partie seulement) et sans doute l'un des premiers romans de l'histoire littéraire, ainsi que des Priapeia (en), collection de poèmes anonymes très explicites, tandis que la Vie des douze Césars de Suétone met en scène les excès de certains empereurs, avec force détails.
Enfin, il convient de citer : Leucippé et Clitophon d'Achille Tatius, rédigé au IIIe siècle en grec ancien, un roman, célèbre en son temps à Byzance, qui abonde en scènes relatives à la sexualité, traitées non sans humour ; et le Canto nuptialis d'Ausone (IVe siècle), long poème épigrammique mettant en scène les ébats matrimoniaux[2].
À partir du VIIIe siècle av. J.-C., l'Inde produit en sanskrit toute une série de traités relatifs au kama, c'est-à-dire au désir et aux « arts de l'amour », l'un des piliers de l'hindouisme. Le plus célèbre des Kâmashâstras, le Kamasutra (Ve – VIe siècle), attribué à Vâtsyâyana, contient des aphorismes, et l'on peut le voir comme un manuel de sexualité, destiné à enseigner, principalement aux femmes (lesquelles jouissaient alors d'une grande liberté), les pratiques sexuelles, sans aucune forme de jugement moral[19].
Un phénomène similaire apparaît en Chine, durant la période Han (403 à 230 av. J.-C.) : des manuels, très tôt illustrés, se répandent, destinés à l'éducation sexuelle des jeunes couples. Les plus célèbres sont le Tong hsuan-tze, attribué au médecin Li Tong-hsuan (VIIe siècle) et le Yufang mi-jue (玉房秘訣, « Les secrets de la porte de jade »)[20]. De tels ouvrages se perpétuent jusque sous le régime Tang (VIIe – IXe siècle)[21]. Ces textes nous sont parvenus grâce aux travaux de Robert van Gulik (1910-1967)[22].
L'un des premiers et des plus grands chefs-d'œuvre de la littérature japonaise est Le Dit du Genji, long roman composé au IXe siècle et attribué à une femme, Murasaki Shikibu, récit dont le fil conducteur est la vie amoureuse et sexuelle du fils d'un empereur.
Au Moyen-Orient, le poète yéménite Waddâh al-Yaman (mort en 708) compose des dialogues érotiques entre amants ; le poète Al-Farazdaq (v. 640-728), vivant à Damas, introduit ses poèmes par le nasīb, évoquant sans fard des pratiques sexuelles et orgiastiques. Du côté de Bagdad, le poète Aboû Nouwâs (mort en 815), met en scène une poésie d'amour, bachique et érotique, inspirée de la vie citadine, célébrant le vin et le sexe, excès qu'il paya par des séjours en prison.
Au XIIe – XIIIe siècle, la civilisation musulmane produit de nombreux textes érotiques : Ahmad al-Tifachi et ses Délices des cœurs par les perceptions des cinq sens (avant 1253) fait état à la fois de relations hétérosexuelles et homosexuelles, avec toutefois une prédilection pour ces dernières, principalement pédérastiques. Djalâl ad-Dîn Rûmî avec le Masnavi (avant 1273) et Saadi avec le Jardin des Fruits (avant 1291) offrent des recueils de contes assez lestes, qui s'inscrivent dans la tradition soufis. Les sommets de la sensualité sont sans doute atteint avec les contes anonymes des Mille et une nuit que la tradition épigraphique situe dans leur composition aux alentours du XIIIe – XVe siècle, et La Prairie parfumée de Cheikh Nefzaoui.
Au XVIIe siècle, la Chine des Ming nous a laissé Fleur en fiole d’or (金瓶梅, « Jin Ping Mei »), attribué au « Lettré railleur de Lanling » (1610).
Le langage érotique des grand(e)s mystiques est frappant, à la fois par sa chaste pureté et par sa violence amoureuse. Il s'inspire autant de la dialectique amoureuse de Platon, laquelle passait d'un érotisme corporel (Le Banquet) à un érotisme plus mystérieux, plus chaste, plus religieux (Phèdre), que de la Bible (notamment le Cantique des Cantiques dans l'Ancien Testament, qui décrit le périple de deux amoureux de manière imagée, et le Nouveau Testament).
Les mystiques se décrivent comme les « époux(ses) » de Dieu, et parlent fréquemment d'union intime avec leur Dieu (voir Transverbération de sainte Thérèse[23]). Luther, quant à lui, parle de l'âme comme de l'« épouse du Christ »[24]. Jakob Böhme (1575-1624) parlera d'« Androgynie céleste ».
Ceci est une liste non exhaustive des livres en français, par ordre de siècle, puis alphabétique d’auteur.
Le Moyen Âge invente le roman courtois, illustré par Chrétien de Troyes. Ce genre littéraire décrit les aventures initiatiques de grands chevaliers héroïques qui doivent gagner le cœur de leur aimée. La correspondance entre Héloïse et Abélard offre le cas exceptionnel d'une correspondance licencieuse au Moyen Âge, à la fin tragique[26].
L'historienne Annie Stora-Lamarre a étudié l'univers de la littérature clandestine durant la période de la Troisième République. Face à l'alphabétisation croissante de la population, les autorités et les ligues morales sont particulièrement sensibles à la moralisation de la société : on assiste à une forme de combat commun entre les défenseurs de la République et les ligueurs cléricaux[37]. Ayant analysé les livres de l'enfer de la Bibliothèque nationale, l'historienne propose une analyse globale de la production éditoriale au tournant du siècle : les ouvrages sont majoritairement imprimés à l'étranger, dans les villes d'Amsterdam, de Londres, de Genève ou de Bruxelles[38]. Les auteurs écrivent sous pseudonymes pour éviter les poursuites judiciaires, et sont pour la plupart, de sexe masculin[39]. On retrouve quelques exceptions, comme le livre Amélie de Saint-Far ou la fatale erreur, écrit par une certaine Madame C..., texte attribué à Félicité de Choiseul-Meuse[38], ou le Roman de Violette, écrit par la marquise Henriette de Mannoury d'Ectot sous le pseudonyme Vicomtesse de Cœur Brûlant[40].
Le récit de la littérature érotique du XIXe siècle se déroule dans un lieu clos : le pensionnat, le couvent ou la maison de plaisir sont les endroits les plus usés[41]. Le contexte anticlérical de la fin du XIXe se révèle dans les catalogues clandestins des éditeurs, qui mettent « l'accent sur les couvents et les gens d’Église »[42]. L'auteur Alphonse Monas, par exemple, publie une série en trois tomes intitulée Le couvent des Bleuets à partir de 1900. L'exotisme est également recherché par les auteurs, avec des récits se basant en Russie, qui est un des pays étrangers favoris, à l'image des Souvenirs d'une princesse russe d'après son journal particulier et secret, où une princesse pratique sa sexualité avec ses moujiks.
À la fin du XXe siècle, les éditeurs ne sont plus inquiétés par les autorités et la censure pour publier leurs ouvrages : la littérature érotique « commence à encombrer les programmes éditoriaux »[47] dans les années 1990. Les éditions Robert Laffont font paraître en 1993, dans la collection « Bouquins », les Romans libertins du XVIIIe siècle[48], Gallimard publie en « Folio » les livres de Georges Bataille et les éditions Zulma et Arléa lancent leurs collections dédiées au genre[47]. En 1998, Claude Bard fonde les éditions La Musardine à Paris et s'associe à Sophie Rongiéras, qui se spécialise dans la publication de textes érotiques.
Le lectorat est au rendez-vous, puisque certains ouvrages rencontrent un réel succès éditorial, comme Ma vie secrète, roman érotique anglais du XIXe siècle publié pour la première fois dans son intégralité par les éditions Stock et vendu à 25 000 exemplaires[49],[50]. Les maisons d'éditions traditionnelles accueillent donc, en leur sein, « les titres les plus osés »[49], à l'image de Grasset qui publie Baise-moi de Virginie Despentes en 1999[51].
En miroir de cette publication se faisant sans scandales et une sexualité devenant omniprésente en cette fin de siècle, certains éditeurs et auteurs n'hésitent pas à déclarer « l'érotisme en voie d'extinction »[52]. Le philosophe américain Allan Bloom écrit en 1996 que ses contemporains vivent « la désérotisation du monde, qui accompagne son désenchantement [...] L'isolement, le sentiment de ne pouvoir établir un contact en profondeur avec d'autres êtres humains, telle est, semble-t-il, la maladie de notre temps »[53]. Philippe Murray déclare pour sa part en 2000 qu' « il en va aujourd’hui de l’existence sexuelle [...] comme de ces lieux de mémoire qui ne sont plus que des motifs d’attraction et d’animation... », alors que Jean-Jacques Pauvert estime que l'érotisme sous sa forme littéraire n'existe plus[54].
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