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L'Ancien Régime arlésien commence peu après le rattachement de la Provence à la France. Déchue de tout rôle politique au profit d'Aix, la cité subit de nombreuses épreuves telles que les épidémies de pestes et les Guerres de religion, mais se transforme finalement peu pendant ces trois siècles. Si on note une floraison du bâti de prestige tant religieux que privé, socialement la communauté arlésienne reste une société agricole, dominée par une noblesse nombreuse et riche jusqu'à la Révolution.
L'annexion d'Arles au royaume de France se fait sans grande difficulté politique. Toutefois ce rattachement qui se déroule dans un contexte particulier lié aux éléments naturels (débordements du Rhône et épidémies) et à la politique (guerres d'Italie) entraîne de grandes difficultés financières pour la cité.
Dès 1503, des délibérations du conseil sont écrites en français et non plus en provençal comme auparavant[1]. Puis en 1515, les Arlésiens envoient une ambassade au roi François Ier sacré le , pour renouveler leur serment de fidélité. François Ier passe lui-même à Arles au début de 1516[2] lors de son retour d'Italie : il est accueilli magnifiquement et visite les monuments romains. Il reviendra plusieurs fois dans la cité, en 1533 et 1537. En septembre 1535, l'Édit de Joinville[3] divise la Provence en cinq sénéchaussées, dont celle d'Arles[N 1], pour rapprocher des sujets des représentants du pouvoir. L'année suivante le , les Arlésiens qui s'étaient déjà préparés en 1524[4] à un siège face aux troupes de l'Empire, témoignent de leur attachement à leur récente patrie en arrêtant la seconde invasion de la Provence conduite par Charles Quint.
En ce début de siècle, le Rhône est un voisin dangereux. Le , la Camargue est submergée[5], puis en novembre 1511, la chaussée de la Corrège se rompt, comme celle de la digue Baussenque en 1522[6]. Et le , le territoire arlésien est à nouveau totalement dévasté[7]. La peste apparaît en juin 1523 et fait des ravages dans Arles[8]. En 1524[8], puis en 1526, l’épidémie toujours latente, oblige le conseil de la communauté à prendre de nouvelles mesures de précaution[9].
Mais à cette époque, les difficultés proviennent essentiellement de l’insécurité liée aux guerres d’Italie. Dès le , la ville fait le dénombrement des hommes en état de porter les armes pour la défense de la ville, et en trouve 2200[8]. Pour se prémunir contre tout enrôlement abusif, les gardiens de taureaux de Camargue fondent la Confrérie de Saint-Georges, dans l'église de ce nom le de cette même année[10]. En 1521, la ville des Saintes-Maries-de-la-Mer demande de l’aide pour se prémunir de pirates Turcs[11], puis vers 1526, la cité craint l'arrivée de Sinan le Juif un des lieutenant du corsaire Barberousse[12]. L'année suivante, le , sur l'avis que des voiles barbaresques se sont montrées dans les parages, le conseil décide de renforcer de « huit bons hommes » et d'une pièce de canon la garnison de la tour du Balouard, aux embouchures du Rhône[8]. Dans ces conditions dès 1524, les murailles de la ville sont renforcées. Le , dans l'appréhension d'une attaque par l'armée impériale, le conseil nomme une commission pour inspecter les remparts[13] et en 1537, la réfection de la tour des Mourges est entreprise[14]. Ces travaux militaires accentuent la détresse financière de la ville[14]
Ces difficultés financières transparaissent dès 1524 lorsque le , le Conseil, vu les grands besoins de la ville, pour l'entretien de la garnison, la réparation des remparts et les mesures à prendre contre la peste, délibère que chaque conseiller fera, selon ses facultés, quelques avances de fonds à la caisse communale[8]. Ce contexte militaire entraîne en effet des frais et accroît les troubles. Le , la Communauté doit lever 200 hommes de milice, sous la conduite de MM. de Saint Andiol et Jean Féraud, pour prêter main-forte aux procureurs du pays et chasser une multitude de bandouliers italiens ou corses, soldats réformés, qui infestent la contrée[15]. Les difficultés financières perdurent ; le , « Echéant de créer un trésorier noble et les consuls n'en trouvant aucun qui voulût faire les avances des deniers nécessaires, fut délibéré que pour cette année sans conséquence les sieurs consuls éliroient le trésorier bourgeois qu'ils trouveront vouloir faire lesdiles avances... et élurent Gauthier Mathieu. » (Annales d'Arles)[16], et en 1537, la ville doit fournir 2 000 charges de blé froment et 1 000 d'avoine au camp du roi[17]. En 1536, d'après Guillaume du Bellay, des troubles éclatent dans la cité lorsque des soldats gascons en garnison, mécontents de l'emprisonnement de certains des leurs, mettent le feu à la maison communale sauvée in extremis de l'incendie[18]. Pourtant le Conseil essaye de renflouer les finances de la cité par diverses mesures : adjudications de biens communaux -pâtis et pêcheries- comme en 1525, ce qui déclenche des émeutes[19], ou ventes d'armes – 350 piques- de l’arsenal comme en 1533[15].
La paix revenue, Arles s'efface politiquement devant Aix[N 2] mais s'enrichit grâce à son vaste terroir progressivement mis en culture. C'est de cette époque que datent les premières tentatives modernes de dessèchement des marais qui entourent la ville. En 1540, la ville d'Arles aurait ainsi négocié à ce sujet avec le comte de Paucallier et près d'un demi-siècle plus tard, Jacques Audier et Philippe Larcher font de nouvelles propositions concernant les marais du Trébon, du Plan du Bourg et Coustières de Crau. Ces propositions restent sans suite sans doute à cause des sommes énormes nécessaires. À la suite des inondations de 1529, 1530 et 1542, les transactions de décembre 1542 et janvier 1543 organisent les grandes associations territoriales arlésiennes. Plus tard, en 1599, le roi Henri IV fera publier un édit accordant au Hollandais Berg-op-Zoom, le privilège exclusif de faire le dessèchement de tous les marais de France. Des travaux d'irrigation sont également entrepris, dont le plus significatif, le canal de Craponne (du nom de son constructeur Adam de Craponne) creusé dans les années 1550, relie la Durance au Rhône en aval d'Arles. Le vaste terroir arlésien, rendu ainsi fertile, produit des grains de manière excédentaire.
Le blé est alors le moteur principal du commerce portuaire. Dès le début du siècle, la ville, grenier à blé de la Provence, approvisionne de nombreuses villes en blé : Gênes en 1502, Marseille, La Ciotat, Toulon, Saint-Tropez en 1522, San Remo, Nice, La Napoule et à nouveau Saint-Tropez et Marseille en 1526…. Des travaux d’amélioration et d’agrandissement des structures portuaires sont d’ailleurs entrepris cette même année. Cette prospérité, liée à la fois à la production agricole et au trafic maritime, perdure en dépit des troubles et des aléas climatiques, jusqu’à la fin du siècle quand Thomas Platter, de passage à Arles en 1597, note dans son journal :
Cette période de prospérité où n'est pas exempte la rudesse des mœurs[N 3] se traduit par le développement et l'embellissement de la cité. En 1542, tous les hospices et hôpitaux arlésiens sont regroupés en un seul Hôtel-Dieu, l'hôpital dit de la Trinité[N 4]. De même, de nombreux monuments publics (la Tour de l'Horloge terminée en 1553 et couronnée de la fameuse statue de l'Homme de Bronze coulée en 1555, la porte de la Cavalerie en 1558…) et des hôtels particuliers de style Renaissance (place du Sauvage, rue Jouvène…) sont alors édifiés. Un écrivain arlésien Quiqueran de Beaujeu (1522-1550), évêque de Senez nous a laissé un témoignage de cette époque dans un ouvrage curieux "De laudibus Provinciae" (Éloge de la Provence) dans lequel il décrit la chasse, la pêche et les cultures d'alors. Le voyageur et médecin Félix Platter nous livre également un témoignage sur la Camargue :
À la veille de la crise de la fin du XVIe siècle, l'enrichissement de la ville notée par Thomas Platter et la vocation de céréalière d'Arles sont de plus en plus affirmés. Les mas devenus de grandes exploitations aux mains d'une minorité, nobles ou bourgeois, emploient massivement une main d'œuvre au statut plus que précaire. Cette prospérité mal partagée accompagnée d'une place accrue des flux financiers et de la montée des prix agricoles annonce des changements de mentalités[21].
Ces heures très prospères pour la cité s'achèvent au début des années 1560. En effet, la fin du siècle est marquée par des épidémies de peste dont celle de 1579-1581, des inondations notamment en 1570, 1576, 1580 et 1583 et des hivers rigoureux qui dès 1564-1565 signalent le début du petit âge glaciaire.
Signe de ces bouleversements, en 1587 après une année très pluvieuse, le Rhône abandonne son lit principal dit l'Escale de Labech pour le bras dit de Passon. En dépit des efforts entrepris par les Arlésiens pour le rétablir dans son lit antérieur, le fleuve se trace un nouveau débouché vers la mer, affectant ainsi les activités portuaires et commerciales de la ville[22].
Les récoltes subissent le contrecoup direct de ces aléas climatiques, principalement à partir des années 1580-1583 où se produit la chute des productions agricoles[23]. Mais cette baisse des récoltes doit aussi beaucoup aux évènements politiques et militaires qui affectent dès 1562, mais surtout à compter de 1576, le territoire arlésien.
À ces calamités naturelles se rajoutent en effet les guerres de Religion, qui débutent dès 1561-1562 quand Arles est menacée à ses portes (Saint-Gilles, Beaucaire, Les Baux).
Mais les tensions entre Religionnaires (Réformés) et Papistes (Catholiques), dans la ville d'Arles sont apparues bien plus tôt. Déjà, au deuxième quart du XVIe siècle, l’archevêque Jean Ferrier II s'étant voulu le défenseur du catholicisme orthodoxe face à la Réforme, avait été le principal promoteur des compagnies de pénitents, en particulier des blancs (1532) véritable milice religieuse face au protestantisme envahissant, et avait publié la même année un monitoire contre les Luthériens avant de faire saisir l’année suivante des livres hérétiques. Sa mort en 1550 avait toutefois empêché la tenue d’un concile provincial sur ce sujet. Ensuite, le quasi-abandon du siège archiépiscopal d'Arles par le prélat Jacques du Broullat, venu seulement quelques jours dans son diocèse puis révoqué pour apostasie, avait favorisé la pénétration de la Réforme depuis le Languedoc, notamment dans le territoire arlésien. Et dans la cité, bien que minoritaires (environ 40 familles)[24] et non reconnus en dépit de leur effort de loyalisme vis-à-vis des autorités, les Religionnaires représentent aux yeux de la cité épiscopale un danger intérieur pour la paix communale et une menace extérieure compte tenu de leur puissance dans le Languedoc voisin.
La ville se mobilise dès 1562 et participe aux premières escarmouches contre les réformés. Quatre cents hommes sont enrôlés pour parer aux religionnaires et 1600 écus payés par la ville pour leur solde mensuelle[18]. La ville doit également contribuer financièrement et envoyer cinquante cavaliers pour le siège de Sisteron occupé par les réformés[18]. Et le de cette même année, l'armée catholique sous la conduite du comte de Sommerive est défaite par les huguenots à Saint-Gilles[18] Le 27, la ville de Saint-Gilles est pillée[25]. Ainsi, à la veille des guerres de Religion, la ville elle-même, protégée par la vigilance de ses consuls et de son clergé, demeure relativement épargnée et sert même de refuge pour les clarisses chassées de Nîmes.
Cependant dès le début des troubles, les violences catholiques, notamment les massacres de 1562[26], entraînent de vives tensions, comme le quand des altercations entre nobles catholiques et protestants se terminent par des meurtres dans Saint-Trophime[27], puis l'expulsion des protestants de la cité sous l'archiépiscopat de Prosper de Sainte-Croix (1566-1574) qui, peu présent, confie le vicariat de son diocèse aux évêques nîmois réfugiés à Arles[28],[29], Bernard Del Bene[30] puis Raymond Cavalesi[31].
Entre 1588 -1595[N 5], les tensions reprennent. La ville, après une prudence initiale, bascule vers le parti de la Ligue et la société arlésienne s'entre-déchire dans une véritable guerre civile entre catholiques. On trouve d'un côté
et de l'autre la Ligue, avec
Dès 1589, les incidents se multiplient : assassinat le du juge Varadier[33], chasse à l'homme en pleine ville d'une personne reconnue favorable à La Valette et pose de placards contre le roi sur les portes de Saint-Trophime. En février 1590, la ville d'Arles essaye de se mettre sous la protection de pape en attendant que le trône de France soit occupé par un roi catholique[34]. Mais à la suite de l’incident du [35], cet équilibre précaire se rompt et les partisans du roi laissent la place aux Ligueurs du duc de Guise représentés dans la ville par la faction de Pierre de Biord. Ce dernier établit son pouvoir en deux temps, initialement en mars 1591 quand il réussit à faire nommer Nicolas La Rivière, conseiller bourgeois, comme premier consul noble, et en septembre de la même année lorsqu'il désigne des nouveaux conseillers tout à fait acquis à sa cause[36].
1591-1593 : les débuts de la Ligue
Arles suit alors les destinées de la Ligue, pourchassant les réformés, surveillant les modérés et n'hésitant pas à contracter des alliances avec les ennemis de la France. Aux exils de 1590 succèdent désormais de nombreuses arrestations et tortures[36]. Les tentatives de conciliation sont sévèrement châtiées et le jeune d'Eyguières est décapité sous l'inculpation d'avoir voulu livrer la ville au duc de Montmorency alors gouverneur du Languedoc au nom d'Henry de Navarre. En effet, entre le et le 11 du même mois Arles est assiégée en vain du côté du Trébon et de Trinquetaille par les troupes du maréchal de Montmorency et du gouverneur de Provence, de La Valette. En se retirant cette armée de 2000 cavaliers et 8000 fantassins emmène tout le bétail et les blés des mas de Camargue[37].
Le (septembre ?)[38] ou le 19 septembre[39] 1591, appelé par Nicolas de Rivière[N 8] chef du parti de la Ligue catholique de la ville, le duc de Savoie Charles-Emmanuel arrive à Arles à la tête de 2 000 cavaliers[40] ; un notaire, Pierre Manferel des Baux, témoin de cet évènement, donne quelques détails complémentaires[41] Toutefois le duc retourne à Aix quelques jours plus tard. Mais cette arrivée a créé des tensions dans le rang des Ligueurs et va entraîner la « chute de Pierre de Biord en octobre 1591 et la dissociation du parti ligueur début 1592 »[42].
Le , les Arlésiens, redoutant une trahison de Nicolas de Rivière au profit du duc de Savoie pour en faire une place forte de la Ligue, se soulèvent et tuent le premier consul arlésien d'un coup de mousquet à la porte de la Cavalerie[43]. Il est remplacé à la tête de la Ligue par Nicolas La Touche. Le , nouvelle tentative conduite par Pierre Biord et le procureur d'Aix, monsieur de Lamanon. Poursuivi par des cavaliers arlésiens, Pierre Biord est rattrapé en Crau et tué. Après ces échecs, le duc de Savoie quitte la Provence[44].
Sous la direction de la Touche, nouveau chef de la Ligue de la ville, Arles s'oppose à Trinquetaille passée dans le camp d'Henri IV et les tensions s'exacerbent. Ainsi en 1593, si après la prise de Trinquetaille[N 10] par les troupes de d'Epernon, les gens du faubourg essayent d'affamer les Arlésiens en contrôlant le trafic sur le Rhône, à l'inverse la Ligue après avoir capturé le capitaine Antoine Icard, banni en 1576 pour soupçon de trahison, expose sa tête au palais de la ville. La Ligue arlésienne met la main à la construction du fort de Pâques, construit en 40 jours au moment de Pâques, pour tenir en respect les "religionnaires" qui occupent depuis le le château de Trinquetaille et assurer ses communications avec la Camargue[15].
1593-1594 : la guerre civile entre Ligueurs
Les tensions se manifestent également entre Ligueurs, extrémistes et plus modérés, comme le souligne la tentative d'assassinat des consuls nobles par le consul bourgeois ligueur Aubert, le . En février 1594, la position des Ligueurs devient plus problématique. Arles reste avec Marseille la dernière grande ville provençale aux mains des catholiques zélés. Les consuls ligueurs arlésiens sont partagés et les finances de la ville exsangues. Profitant du problème de la solde des soldats, les ligueurs les plus extrémistes recrutés pour la plupart dans la nouvelle noblesse, en particulier La Touche et Couque, tentent en vain un coup de force pour renverser les consuls[45]. Après cette journée appelée journée de Saint-Mathias[46], les ligueurs modérés issus majoritairement de la noblesse ancienne et convaincus du caractère inéluctable de la reconnaissance du roi, restent seuls à la tête de la ville. Les ligueurs factieux sont mis au pas et la plupart de leurs chefs, dont La Touche, exécutés le suivant[47].
1594-1595 : la fin de la Ligue arlésienne
Entre le mois de mai 1594 et le début de l'automne 1595, le calme revient peu à peu dans la ville, dont les capacités financières de plus en plus précaires obèrent, il est vrai, ses moyens militaires[45]. Déjà l'abjuration et surtout le couronnement d'Henri IV, le [N 11] avaient montré le sens de l'histoire aux édiles modérés de la ville. Toutefois, ce n'est que le , que les consuls d'Arles reconnaissent officiellement Henri IV comme roi, mettant ainsi fin aux troubles dans la cité.
Ces troubles religieux et politiques, ponctués par la visite royale de Charles IX et de sa mère Catherine de Médicis en automne 1564[N 12] qui cautionnent de véritables actes de vandalisme sur le patrimoine arlésien[48], se terminent ainsi le . En reconnaissance de cette soumission, le roi Henri concède en 1596 à la ville d'Arles quatre marais salants en Camargue[N 13]. Et le , en exécution du vœu solennel fait en 1593 par les principaux habitants de la ville d'Arles pour obtenir des saintes Maries la paix religieuse et la cessation de la guerre civile, une délégation municipale, à laquelle s'adjoignent le Chapitre métropolitain et la confrérie des Pénitents bleus, se rend en procession avec plusieurs milliers d'Arlésiens aux Saintes-Maries-de-la-Mer[49]. Mais après toutes ces épreuves la situation financière d'Arles est catastrophique : fortement endettée la cité doit dès lors se résoudre à vendre une partie des biens communaux.
Au début du XVIIe siècle, la ville est toujours dans son enceinte qui est restaurée en raison des conflits de religion latents en Provence et Languedoc. Une extension importante des remparts est même envisagée, mais le projet est stoppé en 1608 par Henri IV qui visite la ville en 1609[50].
À la suite des dettes contractées et accumulées pendant les Guerres de Religion qui obligent la ville à vendre une partie de son immense territoire, on voit apparaître en Camargue de vastes domaines fonciers qui participent à la reconquête agricole de ce terroir déserté depuis des décennies. Certains se dotent de luxueuses demeures tel, à quelques kilomètres au sud d'Arles, le Château de L'Armellière[51] bâti dès 1606 pour le gentilhomme arlésien Pierre de Sabatier qui avait servi sous Henri IV. Le XVIIe siècle est l'âge d'or de l'anoblissement des familles arlésiennes. Certaines, comme les Mandon ou les Icard sont récompensées de leur soutien à la royauté pendant les guerres de religion ; d'autres, par exemple les Perrin d'origine suisse, accèdent au deuxième ordre à la suite de leur ascension sociale municipale (charge de consul bourgeois) ou grâce à l'achat de charges juridiques[52]. Le début du siècle est pour la noblesse arlésienne et pour les hommes nouveaux apparus à la fin de la Ligue et désormais ralliés au roi Henri IV[53], avec la vente des biens communaux, une opportunité de s'enrichir[54].
Après 1625, des conditions climatiques favorables et un Rhône clément permettent en effet un accroissement de la production et une rentabilité exceptionnelle des terres cultivées ; ces conditions relancent l'idée de l'assèchement des marais, jugés terres improductives et pathogènes. Une convention est ainsi passée le , entre les consuls, une association et Jean Van Ens, ingénieur hollandais, pour le dessèchement des terres marécageuses. Malheureusement, une conception insuffisante, des conflits locaux et une recrudescence des crues entraînant des coûts d'entretien trop importants vont ruiner le succès initial de l'entreprise. En dépit de cet échec, les années 1640 et 1650 enregistrent des records de production agricole. Cette croissance remarquable avec parfois un doublement des récoltes, entraîne logiquement une forte augmentation du prix des terres et des arrentements, le maximum se produisant d'après Trophime de Mandon, un grand propriétaire arlésien, vers l'année 1654[55]. Cette prospérité se retrouve également dans le secteur de l'élevage si on en croit les revenus des herbages qui croissent régulièrement entre 1610 et 1658[56].
Toutefois dès la fin des années 1650, cette prospérité agricole s'érode, affectée par diverses calamités : inondations du Rhône et de la mer, froids intenses et pertes de troupeaux, sécheresses et invasions de sauterelles[57].
Autre pilier de l'économie arlésienne, l'activité portuaire évolue entre la fin du XVIe siècle et le milieu du suivant; la marine arlésienne adapte sa flotte fluviale dont le navire caractéristique devient l’allège; ce bâtiment prévu, comme son nom l’indique, pour alléger les navires plus lourds qui ne peuvent pénétrer dans le Rhône, permet de traiter les ruptures de charge entre le port de Marseille et le sillon rhodanien. Si les activités maritimes prospèrent encore au début du siècle[58], le port d'Arles et son rôle économique souffrent en effet de plus en plus du problème des embouchures dont la migration entre la fin du XVIe siècle et celle du XVIIe complique l'accès à la mer[59]. Le rôle du port d'Arles est d'autant plus affecté que la fin du XVIIe siècle est caractérisée par une reprise de l'hydrologie fluviale[59], et par des hivers rigoureux marqués par les glaces[60].
Sur le plan politique, déchue de toute ambition au profit d'Aix depuis son rattachement au royaume de France, Arles ne brille plus que par l'éclat de son archevêché. L'élan pastoral impulsé par le concile de Trente est relayé dans la cité par des archevêques actifs. Il en résulte une multiplication de congrégations religieuses, avec notamment l'installation en 1626 des Jésuites dans le quartier de l'Hauture, et la poussée démographique incite à une rénovation des paroisses. Au niveau du tissu urbain, de nouvelles églises sont bâties telle l'église Sainte-Anne en 1621 ou reconstruites comme l'église Saint-Julien en 1648 dont la première pierre est posée par l'archevêque d'Arles, François Adhémar de Monteil de Grignan. Des modifications notables sont apportées aux établissements religieux édifiés récemment dans le cadre de la Contre-Réforme tout autour de la ville (Capucins, Carmes) et en Camargue, une reconquête évangélique des masses paysannes est entreprise accompagnée par la création de nouvelles paroisses en liaison avec cet essor agricole; ainsi en 1637, l'archevêque d'Arles Jean Jaubert de Barrault passe une commande pour la construction de six églises dans le delta[61].
Toutefois pendant la minorité du roi Louis XIV, la ville est secouée par de brefs évènements politiques à la suite de la création en 1647[N 14] par Mazarin d'un nouveau corps de magistrats appelés les Semestres. Le Parlement d'Aix ainsi dédoublé, va entraîner des troubles, appelés Fronde provençale dans toute la province. Arles s'oppose alors à Tarascon et chaque parti essaye de s'imposer[62]. L'archevêque d'Arles, Mgr de Grignan intervient pour ramener le calme dans la cité en 1652. À côté des troubles liés à la Fronde, apparait à partir de 1640, au sein même du groupe nobiliaire, un vieux conflit remontant aux guerres de religion entre une noblesse ancienne et une noblesse plus récente et nombreuse dont les membres souhaitent accéder au consulat. Le conflit est tranché par le conseil du roi en 1656[63] puis par le roi Louis XIV en 1660[64] et cette décision se traduit par le déclin des pouvoirs municipaux. Le livre de raison d’Honoré de Quiqueran de Beaujeu, ouvrage d'un personnage appartenant à l'ancienne noblesse[65], décrit cette période de troubles de la noblesse arlésienne[66].
En dépit des aléas climatiques et politiques, le XVIIe siècle arlésien est lié à la prospérité agricole. En retour à cet enrichissement des classes nobles et bourgeoises, les arts se développent et la ville se pare d’un grand nombre d’hôtels particuliers.
La vie artistique et intellectuelle s'inspire de la Cour à la suite du passage du roi Louis XIII en octobre 1622, puis plus tard en janvier 1660[67] de celui du roi Soleil. Ce renouveau s'inscrivant dans une tradition artistique qui dès le début du XVIIe siècle attirait des peintres étrangers tels que le Louis Finson dit Ludovicus Finsonius, un des premiers propagateurs du caravagisme, favorise alors des artistes locaux comme le peintre baroque Trophime Bigot. Le est inaugurée, en présence des consuls, la première imprimerie arlésienne ; elle appartient à François Mesnier qui vient de s'établir dans la cité[68]. L'intérêt des belles-lettres françaises auprès de la noblesse arlésienne suscite un peu plus tard, en 1666, la création de la première académie royale de province à l’imitation de l'Académie française[N 15]. En vain, les consuls essayent d'attirer sur la ville l'attention du roi, d'abord en érigeant sur la place royale un obélisque qui ornait autrefois le cirque romain (1676), puis en lui "offrant" la statue dite Vénus d'Arles (1683), découverte au théâtre antique en 1651.
L’architecture communale s’ouvre aux idées nouvelles d’Italie mais la cité reste la même : les riches propriétaires s’agrandissent et construisent de somptueuses demeures héritées de l’art de la Renaissance. Dans ce renouveau architectural émerge le nouvel hôtel de ville conçu par l’architecte arlésien Jacques Peytret aidé de Jules Hardouin-Mansart en hommage au Roi Soleil, en l’honneur duquel on érige face au nouveau monument l’obélisque. L'édifice est achevé en 1675. À compter de 1679, une politique d’alignement est entreprise par les consuls. Ceux-ci « délibèrent un alignement général des rues pour les rendre plus agréables et plus commode ». Cette politique d’alignement qui se poursuit jusqu’à la Révolution, modifie considérablement l’aspect du centre-ville.
Au tournant du siècle, Arles va renouer avec un épisode de tensions et de catastrophes. En 1706, puis en 1707 la ville entreprend la réfection des remparts (Porte du Marché-neuf et façade du Rhône) sous la direction de M. de Saxy gouverneur du Mont-Royal, contre une invasion possible des troupes du duc de Savoie. Dans la foulée l‘hiver 1709, avec de grands froids entre le et le [69], ruine les récoltes et gèle les oliviers. Avec la décennie suivante apparaissent des inondations fréquentes, les sauterelles qui mangent les blés et des disettes, puis en décembre 1720, c'est la grande peste venue de Marseille qui provoque un désastre démographique. La peste à Arles emporte environ 10 000 habitants sur 23 000, soit plus de 40 % des arlésiens[70].
Au début du siècle, éclate également une autre crise dans la cité : celle du jansénisme. Jacques II de Forbin-Janson, l’archevêque d’Arles depuis 1711, est un représentant de l’orthodoxie ultramontaine et combat vigoureusement le jansénisme. Dans le diocèse, son intransigeance et sa véhémence l'opposent à certaines congrégations religieuses comme les Oratoriens ou les Mauristes de Montmajour. Dès la publication de la bulle Unigenitus, publiée ubi et orbi le , le prélat arlésien demande à son clergé une soumission totale à cette bulle et profite même de la peste pour appeler la vengeance du tout puissant sur tous ceux, clercs ou laïcs, qui ont le tort de ne pas s'y conformer. Or, le gouvernement, alors en délicatesse avec le Souverain Pontife, goûte peu ces sentiments ultramontains. Le mandement archiépiscopal est dénoncé et un arrêt du Conseil d’État, en date du , prononce sa suppression. L’archevêque n’insiste pas davantage et a le bon sens de comprendre que le moment est mal choisi pour entamer une polémique.
Après les ravages de la peste, Arles connait un regain extraordinaire de ferveur religieuse, caractérisé par la multiplication des processions. La Vierge et les nombreux saint honorés de la cité continuent à être l'objet d'une dévotion traditionnelle, tandis que se développe le culte du Sacré-Cœur, considéré par l'Église comme antidote au rationalisme des Lumières[71].
Au milieu des années 1720, l'agriculture bénéficie de conditions plus clémentes et la ville continue son embellissement architectural commencé au siècle précédent. La noblesse fait un accueil favorable aux modèles parisiens. Les hôtels de grandes familles arlésiennes sont alors construits : hôtel Quiqueran de Beaujeu, hôtel du Roure puis celui, vaste et austère, de la famille de Lagoy, des Antonelle dans le quartier de la Roquette, ou encore celui de Barrème de Manville. De son côté, la construction publique produit des bâtiments tels que la Grande Boucherie (1724), la Grande Poissonnerie (1728) ou la maison consulaire (1731) sur la place du Forum.
Cette richesse, s'accompagne de quelques crises de subsistance comme celle de 1752. L’archevêque de Jumillac intervient pour apaiser l'émeute qui éclate le à la suite d'une pénurie de blé générée par la spéculation. Il ordonne de faire des distributions de pain au peuple. Toutefois, les meneurs sont sévèrement châtiés ; l’un est pendu, huit condamnés aux galères à vie et d’autres à dix et cinq ans[72]
À partir des années 1730, s'affirme une montée de scepticisme et d'irreligion dans la société arlésienne. Le détachement à l'égard des pratiques religieuses se précise : manque d'assiduité des fidèles, retards des déclarations de baptême ou absentéisme aux processions. Le relâchement de la morale n'épargne pas non plus les pénitents qui connaissent une crise de recrutement, à l'instar de celle du clergé régulier. Parallèlement se développe une rivalité entre le clergé paroissial et les réguliers, notamment au sujet des obsèques. Le départ des Jésuites en 1764, entraîne de graves conséquences pour l'Église d'Arles sur le plan de la formation des clercs et de l'instruction des fidèles. Ce départ prive également les paroisses de Camargue de leurs missions[73].
Dans les dernières années de l'Ancien Régime, la ville se tourne timidement vers l'industrie. Vers 1750, les fermiers généraux des tabacs créent une de leurs manufactures dans le quartier de la Roquette qui prospère jusqu'à la Révolution. De même des établissements apparaissent autour des murailles et à Trinquetaille où une verrerie est créée[N 16]. Le port d'Arles assure également la richesse de la ville avec un trafic important : en 1788, le bois, les pierres, le charbon et les fourrages forment, avec le blé, les principales marchandises figurant dans les chargements des bateaux arlésiens. La ville s'étend et des travaux communaux significatifs, pour la première fois depuis le début du XIVe siècle, sont réalisés à l'extérieur de l'enceinte médiévale. En 1775, la ville entreprend le comblement des fossés de la Lice, devant les murailles sud, puis en 1777, démolit au nord le corps de garde de la porte de la Cavalerie[74] et en 1781, à la suite d'un arrêté royal, les cimetières urbains sont transférés à l'extérieur de la cité[N 17].
Des esprits curieux s'intéressent également aux nouvelles techniques, comme M. de Laincel fils qui le voulant gratifier la population d'un nouveau spectacle, lance la première montgolfière dans le ciel arlésien. Elle tombe à trois ou quatre lieues de la ville[75]. Enfin les autorités civiles, et religieuses sous l’impulsion de l’archevêque Jean Marie du Lau, s’impliquent dans des actions sociales notamment dans la formation des sages-femmes. Le , la communauté ouvre ainsi un cours public d'obstétrique sous la direction du docteur H.G. Paris dans la grande salle de l'hôtel de ville[76].
Toutefois, la société arlésienne est soumise dans les années 1770 - 1780 à des tensions croissantes. En 1776, le , un édit royal bannit les juifs de la Provence et fait défense aux habitants de leur louer des logements, sous peine d'amende[77]. La population rurale se radicalise également comme le montrent différentes émeutes dont celle des moissonneurs sur la place des Hommes (place du Forum actuelle) qui se produit le pour gages insuffisants[78].
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