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femme de lettres et salonnière française De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Louise Marie Madeleine Guillaume de Fontaine, par son mariage Madame Dupin, est née à Paris le et morte au château de Chenonceau, le .
Madame Dupin Louise Guillaume de Fontaine | ||
Madame Dupin par Jean-Marc Nattier. Ce portrait se trouvait au boudoir de l'hôtel Lambert. | ||
Biographie | ||
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Nom de naissance | Louise, Marie Madeleine Guillaume de Fontaine | |
Naissance | Paris, Royaume de France |
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Décès | (à 93 ans) Château de Chenonceau, République française |
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Père | Jean-Louis-Guillaume de Fontaine | |
Mère | Marie-Anne-Armande Carton Dancourt | |
Conjoint | Claude Dupin | |
Enfants | Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux | |
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Célèbre pour sa beauté et son statut de femme d'esprit, Louise Dupin est une personnalité du siècle des Lumières et tient un brillant salon littéraire. Elle est l'arrière-grand-mère par alliance de George Sand.
Louise Dupin est l'une des pionnières du féminisme. Elle poursuit avec ténacité pendant dix ans une étude pour la défense des femmes avec pour secrétaire Jean-Jacques Rousseau. Elle revendique l'égalité, l'accès au savoir et à la liberté conjugale. Elle propose un contrat de mariage temporaire ou renouvelable. Elle s'en prend au mariage civil qu’elle juge injuste et elle est favorable à celui des prêtres.
Louise Guillaume de Fontaine est la première des trois filles naturelles du banquier Samuel Bernard et de Marie-Anne-Armande Carton Dancourt (1684-1740), dite Manon, fille des comédiens Florent Carton Dancourt et Marie-Thérèse Le Noir de La Thorillière.
Sa mère monte sur scène dès l'âge de onze ans et elle est reçue à la Comédie-Française à quinze ans. Armande Dancourt épouse le à Paris[1], paroisse de Saint-Sulpice, Jean-Louis-Guillaume de Fontaine (1666-1714), commissaire et contrôleur de la Marine et des Guerres au département des Flandres et de Picardie. Le couple est d'abord fixé à Dunkerque de par les fonctions de l'époux, mais la jeune mariée revient bientôt à Paris[2] puis elle crée un salon. Quant à sa liaison avec Samuel Bernard, leur rencontre a peut-être débuté avant le mariage d'Armande. Il n'existe aucune certitude sur le commencement de leur relation. Le mari d'Armande était plus souvent dans les ports à inspecter la marine, qu'à Paris. Samuel Bernard usa de son influence pour promouvoir Jean-Louis Guillaume de Fontaine dans les affaires de la marine et peut-être se le concilier ainsi[3].
Guillaume de Fontaine reconnaît avec complaisance Louise, ainsi que les deux cadettes : Marie-Louise le et Françoise-Thérèse le , toutes les trois de la paroisse Saint-Roch à Paris.
Les enfants de Samuel Bernard sont évoqués par Jean-Jacques Rousseau dans Les Confessions[4] :
« Elles étaient trois sœurs qu’on pourrait appeler les trois grâces : Madame de la Touche, qui fit une escapade en Angleterre avec le duc de Kingston ; Madame d'Arty, la maîtresse et bien plus, l’amie, l’unique et sincère amie de Monsieur le prince de Conty, femme adorable autant par la douceur, par la bonté de son charmant caractère que par l’agrément de son esprit et par l’inaltérable gaieté de son humeur ; enfin Madame Dupin, la plus belle des trois, et la seule à qui l'on n'ait point reproché d'écart dans sa conduite. »
De l'union entre Jean-Louis Guillaume de Fontaine et Armande Dancourt, sont nés deux enfants légitimes. L'aînée, Jeanne-Marie-Thérèse vient au monde en 1703[note 1]. Elle a épousé François II de Barbançois seigneur de Celon dans le Berry[note 2] le . Elle donne naissance à un fils, François-Armand de Barbançois le à Paris en la paroisse de Notre-Dame-de-Grâce-de-Passy[note 3], mais elle meurt à l'accouchement.
Le second, Jules-Armand, également de la paroisse Saint-Roch à Paris, est né le . Il devient le commissaire des guerres pour les villes, citadelles et forts de Metz, Toul, Verdun, Montmédy, Longwy le [5] puis fermier général. Il est l'époux de Louise Liégault de l'Isle de Châteauneuf, tous deux propriétaires du château du Coq à Auteuil[note 4], en copropriété avec l'une de ses sœurs, Marie Louise Guillaume de Fontaine, épouse alors séparée d'Antoine Alexis Panneau, écuyer et seigneur de d'Arty[6]. Ce château appartenait à leur mère[note 5]. Jules Armand Guillaume de Fontaine est mort à Paris le à l'âge de 49 ans et le couple est sans postérité[7].
Armande Dancourt devient Dame de la seigneurie de Passy le par l'acquisition du château de Passy auprès de Jacques-Daniel de Gueutteville, seigneur d'Orsigny[note 6] et grâce aux générosités de Samuel Bernard qui lui donne les fonds nécessaires[8]. Après le décès de ce dernier, elle vend le château le à Gabriel Bernard, comte de Rieux, le fils cadet de Samuel Bernard. L'acte de vente précise qu'elle demeurait rue du Luxembourg, paroisse Saint-Roch à Paris. L'année suivante, Armande Carton Dancourt meurt à Paris le d'un cancer au sein[9],[note 7].
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Louise de Fontaine voit le jour à Paris, paroisse Saint-Roch, le [note 8] :
« Louise-Marie-Madeleine, fille de Mre Jean-Louis-Guillaume escuyer Sr de Fontaine, Coner du Roy Comre de la marine et galères de France prt, et de dame Marie Anne Armande Dancourt son épouse née le vingt-huit octobre dernier rue de la Sourdière en cette par. a été batisée, le parein très haut et très puissant seigneur Monseigneur Louis d'Aumont de Roche baron duc d'Aumont, pair de France, premier gentilhomme de la chambre du Roy et gouverneur des ville et château de Boulogne et pays Boulonois, demt rue de Joüy, par. St Gervais ; la mareine Dame Magdeleine Clerjaut, épouse de messire Samuel Bernard cher de l'ordre du Roy demt place des Victoires, paroisse St Eustache.
Signatures : Louis d'Aumont duc d'Aumont - Madeleine Clergeau Bernard - Jean Louis Guillaume de Fontaine - Goy. »
Gaston de Villeneuve-Guibert décrit ainsi l'enfance de Louise Fontaine[10] :
« Ses parents, qui possédaient une fortune considérable, ne négligèrent rien pour développer les heureuses dispositions et les qualités naturelles dont elle était douée. Aux charmes les plus séduisants de la figure elle joignait un esprit vif, un caractère élevé, une intelligence précoce et une grande mémoire ; elle plaisait autant par sa douceur que par la grâce et la distinction de sa personne. Sa mère la mit au couvent; elle aussitôt devint l'idole de la communauté : élèves et maîtresses étaient ravies de sa gaieté, de ses talents, de ses saillies; la supérieure la citait comme une petite merveille que tout le monde gâtait et dont on était enchanté. »
L'insouciance propre à ces années dure peu et la jeune Louise sera confrontée à la réalité du monde adulte, sur la place de la femme dans la société du XVIIIe siècle et la toute-puissance de l'autorité paternelle. Les pères seuls décident du sort de leurs enfants. Le rôle de l'institution religieuse sur le statut des femmes est déterminante. L'éducation au couvent consiste à imposer l'obéissance, la soumission, accepter l'autorité des parents et de l'époux auquel elle est destinée.
Samuel Bernard décide d'offrir sa fille Louise à Claude Dupin, modeste receveur des tailles à Châteauroux. D'après le chroniqueur Barthélémy Mouffle d'Angerville, en 1722, Claude Dupin était venu en aide à l'aînée de la famille, Jeanne-Marie-Thérèse de Fontaine-Barbançois, de passage dans le Berry[note 9] (voir également le chapitre détaillé : documents). Madame de Barbançois revenait des thermes de Bourbon-l'Archambault, mais souffrante, elle reçoit l'hospitalité de Claude Dupin. Une fois son invitée rétablie, le bienfaiteur l'accompagnera jusqu'à Paris[11]. Calcul ambitieux ou réel désintéressement ? Toujours est-il que ce geste permet à Claude Dupin de rencontrer Samuel Bernard. Ce dernier, fortement impressionné, s'informe de sa situation et propose la main de Louise, âgée seulement de seize ans, à Claude Dupin. Pour ce quadragénaire, veuf et père d'un fils de six ans, Louis Dupin de Francueil, cette situation est inespérée puisqu'elle est assortie de la charge de receveur général des finances[12].
Le a lieu le mariage par contrat et la cérémonie religieuse est célébrée le 1er décembre[13] suivant, à Paris en l'église Saint-Roch. Grâce aux relations et l'appui de son beau-père, Claude Dupin devient fermier général le , après avoir vendu sa charge de Châteauroux. Samuel Bernard avance la caution de la Ferme à son protégé, pour un montant de 500 000 livres[14]. Le financier abandonne quelques années plus tard la créance, en dispensant le couple de toute reconnaissance de dettes[15]. Le , Claude Dupin achète une charge de « conseiller secrétaire du Roy, Maison, Couronne de France et des finances ». L'acquisition de cette charge lui permet d'obtenir la noblesse au premier degré, ainsi que sa descendance.
Louise donne naissance à un fils, Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux, le rue de Gaillon à Paris[16].
Grâce aux générosités de Samuel Bernard et aux revenus de la Ferme générale, Claude Dupin constitue une fortune considérable, principalement foncière. Monsieur et Madame Dupin occupent une situation éblouissante et mènent un train de vie fastueux. Le , Claude Dupin acquiert conjointement avec sa belle-mère, Madame de Fontaine, le prestigieux hôtel Lambert sur l'île Saint-Louis pour la somme de 140 000 livres[17]. Le , il achète le magnifique château de Chenonceau au duc de Bourbon pour 130 000 livres. Chaque année, le couple Dupin se rend en automne dans ce cadre illustre de la Touraine. Dès le mois d', ils demeurent avec leur enfant et beau-fils, Louis Claude Dupin, dans l'Hôtel de Vins, rue Plâtrière à Paris[18] et ils possèdent également une maison à Clichy-sur-Seine depuis 1752, où ils passent les mois d'été. Le , le marquisat du Blanc et la châtellenie de Cors, situés aux limites du Berry et du Poitou[19], viennent compléter le patrimoine. Le marquisat du Blanc comprend le château-Naillac et les châteaux de Roche, de Rochefort, de Cors, de Forges, des propriétés, fermes, étangs et terres[20], dont le montant total est de 555 000 livres, soit un coût équivalent à quatre fois l'achat de Chenonceau. Mais des difficultés, à la suite de la saisie des biens de la marquise de Parabère[21], l'ancienne propriétaire, ont conduit à une nouvelle mise sous séquestre des terres du Blanc et il a fallu un décret du Parlement de Paris en date du , confirmé par arrêt du suivant, pour que Claude Dupin soit maintenu dans ses acquisitions[22].
Samuel Bernard meurt le et le règlement de sa succession oblige Claude Dupin à se séparer de l'hôtel Lambert, le suivant.
Le , Monsieur et Madame Dupin prennent possession officiellement de la ville du Blanc, comme le veut la tradition[23] :
« Le cortège officiel se forma. Il y avait loin du rude seigneur féodal, armé et casqué, à l'homme de qualité qu'était Claude Dupin, portant perruque et vêtement de cour. Près de lui se tenait la jolie marquise, trente quatre ans, et ses enfants Monsieur et Madame Dupin de Francueil. Tous les nobles, les gentilshommes du Blanc, les officiers de justice et d'administration, suivaient. Les gens de la ville, placés sur le passage, regardaient. Le Révérend Père les accueillit pour la grand-messe. Après l'office, la visite du monastère suivit. Le Révérend Père s'avança alors vers la jolie marquise et la pria délicatement de ne point accompagner son époux dans la visite de leur maison, le règlement ne leur permettant point.
Madame Dupin répondit avec toute sa grâce : Le plus précieux usage que l'on puisse faire de ses droits est de les rendre agréables à ceux sur qui on a ces droits. Puisqu'il ne lui seyait pas qu'elle entrât dans sa maison, elle ne voulait pas y entrer. »
Après la visite officielle de la cité berrichonne, Claude Dupin promet aux villageois la construction d'un pont sur la Creuse afin de fêter l'événement. Le pont d'origine qui relie les deux villes Basse et Haute du Blanc s'est effondré deux siècles auparavant — en 1530 — à la suite d'une crue. Depuis sa disparition, un bac est établi pour permettre la traversée d'une rive à l'autre. Le droit de passage et « de tenir bateaux » sur la Creuse appartenaient au seigneur et lui rapportaient une rente. Mme de Parabère avait déjà fait une promesse analogue à celle du fermier général en 1722[22].
Mais l'ouvrage fluvial se fait toujours attendre. Plus de trente ans après la déclaration de Claude Dupin — mort en 1769 — les habitants du Blanc intentent un procès à sa veuve, Louise Dupin[22].
En 1774, elle doit tenir en partie la promesse qu'avait faite son mari et fait construire une passerelle en bois sur la rivière. Les citadins Blancois devront s'en contenter. Le pont est finalement édifié au début du XIXe siècle sous l'administration d'Auguste Vallet de Villeneuve, l'un des petits-neveux et héritier de Mme Dupin[22].
Monsieur et Madame Dupin occupent une place de premier rang dans le monde de la finance et sont en relation avec l'aristocratie. Si leur prospérité facilite cette ascension sociale, les qualités de Mme Dupin contribuent à cette intégration. Voltaire la surnomme : « la déesse de la beauté et de la musique »[24]. Louise Dupin est en effet célèbre par son charme et son esprit. Elle participe aux écrits de son mari, dont les volumes d'Observations sur l'Esprit des lois, et travaille à ses propres projets : sur les femmes ou l'amitié. Belle, intelligente, fort cultivée, son pouvoir de séduction attire toutes les sympathies. Le plus naturellement du monde, sont venus vers elle, des gens de lettres, des philosophes et des savants. Dans ce cercle et à ses dîners, Mme Dupin sait animer les conversations, mener les débats et élever les discussions. Elle tient à l'hôtel Lambert, comme à Chenonceau ou l'Hôtel de Vins, un salon littéraire et scientifique des plus brillants. Mme Dupin reçoit notamment Voltaire, l'abbé de Saint-Pierre, Fontenelle, Marivaux, Montesquieu, Buffon, Marmontel, Mably, Condillac, Grimm, Bernis, Rousseau, mais aussi les grands noms de la noblesse : la princesse de Rohan, la comtesse de Forcalquier, la maréchale de Mirepoix, la baronne d'Hervey et madame de Brignole. Madame du Deffand est aussi reçue, alors que c'est peut-être la seule à médire de Mme Dupin. Mais ce dénigrement est très certainement motivé par la jalousie : la maîtresse autoritaire du salon de la rue Saint-Dominique admettait difficilement que ses hôtes fréquentent d'autres cénacles que le sien. Au siècle des Lumières, les salons font partie intégrante de la vie sociale des élites et jouent un rôle essentiel dans la diffusion des idées, la contestation sociale et politique.
Louise Dupin est issue d'une famille d'artistes, tous entrés à la Comédie-Française. Le sens du théâtre est, en quelque sorte, inné chez Louise. Elle fait aménager une petite salle de théâtre, à l'extrémité méridionale de la galerie au premier étage du château de Chenonceau et se donne à sa passion. Elle pratique également le mécénat. Féministe, Louise de Fontaine revendique pour les femmes l'instruction, l'accès aux emplois publics et des carrières réservés jusque-là, exclusivement aux hommes.
Louise Dupin engage Jean-Jacques Rousseau de 1745 à 1751, comme secrétaire et précepteur de son fils. Mais leur première rencontre est loin d'être idyllique. Rousseau arrive dans la capitale, à l'automne 1741. Il est reçu chez Mme Dupin, rue Plâtrière, en par une lettre de recommandation, afin de présenter une comédie intitulée Narcisse et une notation musicale. Il éprouve d'emblée une vive passion envers la propriétaire des lieux[14] :
« Madame Dupin était encore, quand je la vis pour la première fois, une des plus belles femmes de Paris. Elle me reçut à sa toilette. Elle avait les bras nus, les cheveux épars, son peignoir mal arrangé. Cet abord m'était très nouveau. Ma pauvre tête n'y tint pas. Je me trouble. Je m'égare. Et bref, me voilà épris de Madame Dupin. Mon trouble ne parut pas me nuire auprès d'elle, elle ne s'en aperçut point. Elle accueillit le livre et l'auteur, me parla de mon projet en personne instruite, chanta, s'accompagna au clavecin, me retint à dîner, me fit mettre à table à côté d'elle. Il n'en fallait pas tant pour me rendre fou. Je le devins. »
Jean-Jacques Rousseau par la suite envoie une lettre enflammée à Mme Dupin, qui lui retourne son courrier en exprimant son mépris. Ce qui n'arrête pas pour autant l'écrivain et il faudra l'intervention de Dupin de Francueil pour mettre un terme à ses assiduités. Mais Mme Dupin n'est guère rancunière et quelques mois après ces incidents, elle prend Rousseau à son service et le charge de s'occuper de l'éducation de son fils Jacques-Armand pendant huit jours, dans l'attente d'un nouveau précepteur. Par la suite, les époux Dupin prennent Jean-Jacques Rousseau comme secrétaire à son retour de Venise en 1745, alors qu'il n'est pas encore écrivain et moyennant un modeste salaire.
Louise Dupin souhaite en effet rédiger un ouvrage sur la défense des femmes qui au XVIIIe siècle sont traitées en mineures jusqu'à leur mort[25]. Ce vaste projet remonte à 1740 environ, peu de temps après la vente de l'hôtel Lambert, à laquelle elle s'est vainement opposée[25]. L'impossibilité pour les femmes de pouvoir disposer des biens et de n'avoir pas le droit d'être consultées dans leur administration, serait une des motivations de Louise. La seconde considération et non des moindres, est l'influence de l'abbé de Saint-Pierre qui l'a encouragée dans ce considérable travail[25]. Louise Dupin travaille donc déjà sur son ambitieuse étude depuis cinq ans, quand elle décide d'employer Rousseau. Ses nouvelles missions entre 1745 et 1750, consistent à prendre des notes et faire des recherches pour l'ouvrage de Mme Dupin[25]. Jean-Jacques Rousseau n'a été qu'un exécutant : il écrit sous la dictée de Louise, recopie et met au propre les textes qu'elle relit et corrige[25]. La châtelaine de Chenonceau emprunte à la Bibliothèque du roi, les livres qui servent de références à son entreprise et charge Rousseau d'en rédiger des extraits. Néanmoins, Jean-Jacques Rousseau a permis de donner à l'œuvre de sa bienfaitrice, une ampleur digne d'une encyclopédie et de développer son projet. Pour autant, Rousseau a des conceptions sur les femmes aux antipodes des idées de Madame Dupin, comme le démontre son prochain traité, Émile ou De l'éducation : « L'un doit être actif et fort, l'autre passif et faible : il faut nécessairement que l'un veuille et puisse, il suffit que l'autre résiste peu »[26]. L'ouvrage sur La défense des femmes et l'égalité entre les sexes de Louise Dupin, s'étend sur près de 2 000 pages manuscrites inventoriées, réparties dans 47 chapitres, mais il est resté malheureusement inachevé[25].
Madame Dupin tenait Rousseau presque pour un subalterne et, au dire de Grimm et de Marmontel, elle lui donne congé le jour où elle reçoit des académiciens. Jean-Jacques Rousseau en éprouve de l'amertume mais après avoir quitté son travail de secrétaire en 1751, il gardera toujours de bonnes relations avec la famille Dupin. Madame Dupin apporte une aide financière à son épouse, Marie-Thérèse Le Vasseur (1721-1801) qui met au monde cinq enfants, abandonnés par Rousseau aux Enfants-Trouvés. Quant à Dupin de Francueil, il est lié à Rousseau pour leur passion commune de la musique. Le beau-fils de Madame Dupin s'intéresse à la physique, la chimie et l'histoire naturelle, dans l'espoir d'intégrer l'Académie des sciences et il fait rédiger au philosophe un livre resté inachevé, de vulgarisation scientifique aux institutions de chimie[27].
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Le à Paris en l'Église Saint-Sulpice, Jacques-Armand épouse Louise-Alexandrine-Julie de Rochechouart-Pontville[28]. Mais Jacques-Armand est la cause de bien des soucis à ses parents et Jean-Jacques Rousseau. Parmi ses défauts, celui d'être un joueur au point de perdre en une nuit, une très forte somme. Son père est obligé de vendre plusieurs de ses biens en 1750, pour honorer cette dette d'honneur[29]. Les écarts de leur fils unique qui se livre également à des spéculations risquées, se poursuivent. Claude Dupin est contraint de solliciter contre lui, une lettre de cachet et de le faire enfermer en 1762 dans la forteresse de Pierre Encise, sous prétexte de folie. Sa famille décide ensuite de faire expatrier Jacques-Armand le pour ses inconduites, à l'Île de France où il meurt de la fièvre jaune, le (voir également le chapitre détaillé : documents). Avant d'embarquer à bord du « Comte d'Artois », navire marchand de la Compagnie des Indes orientales, il aurait confié à sa mère une fille illégitime, Marie-Thérèse Adam [note 11]. Les origines de la naissance de Marie-Thérèse Adam (1755-1836) restent toutefois mystérieuses et Madame Dupin se serait chargée d'élever cette enfant qui deviendra plus tard sa lectrice[35] et son héritière. Elle considère Marie-Thérèse comme sa propre fille et l'a modelée selon sa propre image en lui transmettant sa haute culture ainsi que l'élégance de ses manières. Marie-Thérèse Adam est entièrement dévouée à la châtelaine de Chenonceau et sera à ses côtés jusqu'au dernier moment.
Le , Claude Dupin meurt à Paris. Il laisse une fortune évaluée à plus de deux millions de francs-or[14]. Louis-Claude Dupin de Francueil dénonce le testament de son père, daté du , et se porte héritier pour la moitié des biens. Ils seront partagés à la suite de la liquidation de la succession en 1772, entre Madame Dupin, Dupin de Francueil et Dupin de Rochefort. Ce dernier est le fils unique de Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux. Madame Dupin reçoit le domaine de Chenonceau avec son mobilier, le marquisat du Blanc et l'Hôtel de Vins, rue Plâtrière à Paris.
Le jeudi , Claude Sophie Dupin de Rochefort meurt au château de Chenonceau[36], dans sa trente-huitième année. Avec la disparition de son petit-fils, sans postérité, Madame Dupin n'a plus de descendance directe.
Une autre personnalité meurt à Chenonceau, quatre jours avant le petit-fils de Madame Dupin. Il s'agit du baron Frédéric-Auguste de Boden, chambellan du roi de Prusse et ministre plénipotentiaire du prince de Hesse-Cassel. Mais ce familier du salon littéraire de Louise Dupin, est en réalité un espion[37]. Surveillé étroitement par la police parisienne, il fait l'objet d'enquêtes et à des rapports spécifiques[37]. Mme Dupin est-elle au courant des activités réelles de son protégé ? Le baron de Boden s'éteint le au château de Chenonceau où il s'était réfugié[37] et sera inhumé le suivant dans un endroit dédié du cimetière, car ce grand personnage est de confession luthérienne. Même dans la mort et peu importe le rang, il est hors de question de confondre catholiques et protestants. Ces derniers sont encore exclus de la terre dite consacrée et en dépit de l'Édit royal dit « de Tolérance » du , inspiré à Louis XVI par certaines personnalités de confession protestante. Le nouveau curé de Chenonceaux, l'abbé François Lecomte, en poste depuis 1787[38], marqué par l'importance du nombre de décès dans sa paroisse[39] dont deux illustres personnages, inscrit dans l'en-tête du registre paroissial de 1788 : « À mourir Dieu nous aide »[40].
Le 10 août 1792, le peuple s'empare du palais des Tuileries. Voici trois ans que la Révolution française a commencé, mais cette journée historique marque la fin de la monarchie avec l'arrestation de Louis XVI et de Marie-Antoinette. La France est en guerre depuis le et Paris est menacé par les armées prussiennes qui, après la proclamation du manifeste de Brunswick le , livreraient la capitale à « une exécution militaire et une subversion totale ». Dans ce climat de tension et de violence, des massacres sont perpétrés dans les prisons parisiennes, au début du mois de septembre. C'est dans ce contexte, que Madame Dupin décide de quitter Paris pour Chenonceau. Elle pouvait émigrer comme tant d'autres, dès le lendemain de la prise de la Bastille en 1789, sur les conseils de ses amis. Mais elle choisit de rester en France et préfère se retirer en Touraine au moment où la première Terreur s'abat sur le pays. Le , Mme Dupin s'installe définitivement à Chenonceau[41],[42],[43], en compagnie de son amie, la comtesse de Forcalquier[44], sa nièce Madeleine-Suzanne Dupin de Francueil [note 12], ses petits-neveux René et Auguste Vallet de Villeneuve ainsi que sa gouvernante et lectrice, Marie-Thérèse Adam[43]. Au cours de ces années, Mme Dupin réussit à préserver son château.
Le 21 ventôse de l'an II (), son neveu Pierre Armand Vallet de Villeneuve[50], se suicide à la prison de la Conciergerie, à l'âge de 62 ans. Il était le secrétaire du roi, trésorier général de la Ville de Paris et receveur général des Finances à Metz. Condamné par le Tribunal révolutionnaire, sa fin brutale le soustrait à l'échafaud[51]. Louise Dupin recueille ses fils René et Louis, épargnés en raison de leur jeune âge. Dans son testament en date du , Pierre Armand Vallet de Villeneuve lègue 600 livres de rente viagère[52] à la fille illégitime et supposée de Claude Sophie Dupin de Rochefort, décédé en 1788, Marie Claude Sophie Saint-Aubin (voir également le chapitre détaillé : documents), née le en la paroisse de Saint-Eustache à Paris [note 13].
Le (5 frimaire An II) Marie-Aurore de Saxe, la seconde épouse de son beau-fils Louis Dupin de Francueil, est incarcérée à la prison de la Bourbe à Paris, puis au couvent des anglaises, rue des Fossés Saint-Victor. Elle est libérée quelques mois plus tard, le (4 fructidor An II). En 1796, le fermier de Madame Dupin, au château de Rochefort dans le département de l'Indre a eu les pieds brûlés par des criminels, surnommés les « Chauffeurs » qui sévissent dans la région[23].
Madame Dupin transmet le domaine à son petit-neveu, le comte René, François Vallet de Villeneuve (1777-1863) et son épouse Apolline de Guibert (1776-1852). Chenonceau restera dans la famille de Villeneuve jusqu'en 1864. Les terres du Blanc reviennent au cadet, Auguste Louis Claude Vallet de Villeneuve (1779-1837), époux de la fille du comte Louis-Philippe de Ségur, Louise Antoinette Pauline, Laure de Ségur (1778-1812), et qui sera le trésorier de la Ville de Paris.
Georges Touchard-Lafosse, âgé de dix-sept ans, vient lui rendre visite en 1797 et l'évoque ainsi[55] :
« Elle avait conservé la conversation la plus animée de souvenirs brillants, d'épisodes curieux; son esprit ne paraissait avoir rien perdu ni de sa vivacité ni de sa grâce : c'était un livre du plus séduisant intérêt que ses entretiens. »
L'année suivante, en 1798, Louise Dupin reçoit un jeune homme à l'avenir prometteur, Pierre Bretonneau, étudiant en médecine. Il est le fils de Pierre Bretonneau, maître en chirurgie, médecin de Mme Dupin, et Élisabeth Lecomte. Son oncle est l'abbé François Lecomte, curé de Chenonceaux puis régisseur du château.
Louise Dupin termine sa vie à Chenonceau dans une grande solitude. Lointains sont désormais les jours heureux. Le (30 brumaire An VIII) à cinq heures du matin[56], Mme Dupin s'éteint à l'âge de quatre-vingt-treize ans, dans sa chambre située au rez-de-chaussée sur la façade Ouest du château[57],[58], aujourd'hui appelée Chambre de François Ier. Ses dernières volontés seront respectées[59] :
« J'entends et je veux, après ce qu'on croit la mort et le terme ordinaire pour s'en assurer, être gardée au moins quarante-huit heures de plus ; rester au moment où mes yeux se fermeront placée dans mon lit, visage découvert comme si j'y étais vivante […] De quelque maladie ou accident que je meure, je ne veux point qu'on en cherche la cause […] Je ne veux être touchée et ensevelie que par les femmes seules de ma maison et je désigne Louise Morillon, Henriette Bossé femme Henry et Marie-Anne Chavigny pour me rendre ce dernier service […] Je ne veux absolument être enfermée que dans une boîte de sapin et je charge mes successeurs, quelque part où je meure, de me faire transporter à Chenonceau avec la plus grande simplicité et me placer dans le lieu que je ferai marquer. »
Ce lieu que Mme Dupin a choisi, se situe sur la rive gauche du Cher : « à l'ombre des grands arbres du parc de Francueil, elle dort de son dernier sommeil sous un lourd monument élevé par ses petits-neveux. Dans ce coin solitaire repose, presque oubliée, cette femme admirable qui unissait les qualités du cœur aux élégances de l'esprit »[60].
Louise Dupin rédige plusieurs écrits moraux, de très courts essais entre 1730 et 1740, dont[61] :
L'une de ses maximes résume sa conduite dans ses recherches, ses écrits et ses motivations :
« Ce que nous savons, souffre de ce que nous ne savons pas. »
— Louise Dupin, citation[62]
Elle réhabilite également le rôle politique de vingt-huit souveraines françaises dans un manuscrit écrit vers 1740 et intitulé sous un titre contemporain : Éloge des reines de France[63],[64].
Mais son travail majeur est son ouvrage sur les femmes, rédigé entre 1740 et 1751.
Madame Dupin contribue aux écrits de son époux Claude Dupin, auteur notamment en 1749 d'un ouvrage en deux volumes, Réflexions sur quelques parties d'un livre intitulé de L'esprit des lois [note 14], qui réfute les arguments développés par Montesquieu dans son étude De l'esprit des lois, publiée l'année précédente, en 1748. Les autres collaborateurs de Claude et Louise Dupin sont le jésuite Guillaume François Berthier, et peut-être son confrère le Père Plesse[65],[66]. Claude Dupin avait à cœur de défendre la Ferme générale et les financiers attaqués par Montesquieu ainsi que la monarchie, tout en prenant soin de ne pas nommer le philosophe et observant pour lui-même, l'anonymat, en homme prudent et avisé. Une partie de l'ouvrage souhaite aussi prendre la défense des femmes.
Mais Montesquieu bénéficie d'une haute protection, celle de Madame de Pompadour. La favorite du roi Louis XV, ne s'est-elle pas fait représenter dans le tableau de Maurice Quentin de La Tour avec, placé sur une table, l'ouvrage De l'esprit des lois ? La réaction de Montesquieu ne s'est pas fait attendre et il demande à Madame de Pompadour d'intervenir en sa faveur[67],[68],[69],[70].
Grâce à son aide, Montesquieu obtient la suppression de l'édition de Claude Dupin. Mais le livre de Montesquieu est mis à l'Index en 1751 et le pape en interdit la lecture. Le fermier général publie en 1752, une nouvelle version plus modérée en trois volumes : Observations sur un livre intitulé, de l’Esprit des loix et cette critique, bien argumentée, n'a pas connu le sort réservé à la première édition. Il va sans dire que cette confrontation provoque la rupture des relations entre Montesquieu et le couple Dupin.
Louise Dupin prend la défense des femmes et elle prône l'égalité entre les sexes avec un réel engagement féministe dans son œuvre inachevée, Des femmes. Observation du préjugé commun sur la différence des sexes [71],[72]. Elle poursuit avec ténacité pendant plus de dix ans — de 1740 à 1751 — ce projet à vocation encyclopédique. Jean-Jacques Rousseau lui vient en aide durant les six années de son secrétariat de 1745 jusqu'au début de 1751. Elle revendique l'égalité physique, intellectuelle et morale entre les deux sexes. Elle réclame pour les femmes l'accès à tous les savoirs et à toutes les professions. Elle veut réformer les mariages dans le sens de l’égalité et propose un contrat de mariage temporaire ou renouvelable. Elle est favorable au mariage des prêtres.
Malgré la présence auprès d'elle de Jean-Jacques Rousseau, Louise Dupin ne préconise pas l'égalité de tous les êtres humains, mais seulement celle des hommes et des femmes. Elle écrit dans son manuscrit du discours préliminaire de l'ouvrage « Des femmes »[73] :
« L'indépendance et la liberté sont un droit naturel qui appartient aux femmes comme aux hommes […] que la raison fait cependant céder et dans les hommes et dans les femmes envers ceux qui exercent sur eux une autorité selon la justice et pour l'avantage commun, mais l'autorité sans bornes et de fantaisie doit révolter tout esprit humain raisonnable ou tout au moins reconnue pour injuste. »
Louise Dupin approuve ainsi la société d'ordre et de la servitude :
« La simple servitude est nécessaire. Elle est utile. C'est un engagement volontaire et sous certaines conditions qu'on est obligé de leur tenir. Leur assujettissement n'a lieu que dans les cas du service mais hors de là, chacun dispose de soi à volonté. »
Son secrétaire, Jean-Jacques Rousseau, ne l'approuve sûrement pas. Le féminisme de Madame Dupin est par essence, aristocratique. Elle oublie ses ancêtres comédiens en même temps que la condition subalterne des femmes du peuple. Son sentiment d'appartenance profonde à la classe aristocratique allait jusqu'à souhaiter une limitation des possibilités d'anoblissement dans son chapitre, De la noblesse et des titres, du même ouvrage[74]. Pas plus que les autres féministes de son époque, Louise Dupin n'envisage une lutte pour changer la société et les mœurs. Son féminisme reste dans le cadre de la philosophie et de la théorie.
La défense de la cause des femmes, domaine qui lui tient particulièrement à cœur, amène Madame Dupin à contester les raisonnements de Montesquieu qui fait preuve en la matière, de misogynie. Rappelons que Montesquieu a fait la cour à Madame Dupin — comme Jean-Jacques Rousseau — et le conflit qui l'oppose à son époux sur la publication De l'esprit des lois, « ait pu inspirer le philosophe à quelque esprit de vengeance que ce soit »[75], ou est-ce à « la rancœur de l'amoureux déçu que l'on doit tant de déclarations hostiles aux femmes »[75] ?
Ce livre de 2 000 pages manuscrites n'a malheureusement jamais été publié de son vivant[76]. Comment expliquer un tel renoncement, alors que l'épouse du fermier général y avait de toute évidence consacré plusieurs années de travail ? Les grandes salonnières du XVIIIe siècle, celles qui se sont imposées dans la durée, étaient-elles trop avisées pour se risquer à l'écriture ?
Olivier Marchal, auteur de deux ouvrages sur Jean-Jacques Rousseau, conforte cette explication[77] :
« À l'instar de Madame Geoffrin voire de Louise d'Épinay, Louise Dupin renonce également à toute prétention au bel esprit ou à l'esprit savant. Elle renonce donc à publier, et aucun de ses ouvrages ne paraîtra de son vivant. À cette époque, que l'on qualifie souvent de féministe, la femme du monde s'expose inévitablement au ridicule lorsqu'elle s'avise de rivaliser avec les hommes dans les domaines les plus sérieux. Pour ne l'avoir pas compris — ou accepté ? —, Madame du Châtelet — qui traduisait alors Newton en français —, fut l'objet des pires moqueries. Moins émancipée, Louise Dupin accepta finalement de s'en tenir à son rôle : celui d'une des plus grandes salonnières du siècle. »
Néanmoins, dès les années 1720, Mme de Lambert s'était engagée à la publication, et son œuvre avait été saluée avec respect et considérée comme digne du plus grand intérêt par ses contemporains. Mais l'un de ses ouvrages, Réflexions nouvelles sur les femmes, par une Dame de la Cour, n'était pas destiné à l'impression. Des amis, auxquels la marquise de Lambert avait transmis ses manuscrits, les firent paraître sans son autorisation. L'écrivaine en fut vivement affligée et se crut déshonorée[78].
Le professeur Jean Buon, auteur d'une biographie sur Louise Dupin en 2013, nous donne son point de vue[79] sur la philosophe qui est restée dans l'ombre des Lumières[80] :
« S'il était permis de porter un jugement, le nôtre serait de partager l'admiration de George Sand pour Madame Dupin (voir le chapitre Littérature) et de regretter qu'elle n'ait pas achevé son travail. En dépit de son sentiment aristocratique, elle avait perçu l'injustice de la société. Elle n'avait pas reculé à braver Montesquieu et à perdre son amitié. Mais, elle avait conservé celle de Voltaire. Bien qu'elle n'ait pas pressenti le talent de Jean-Jacques Rousseau à ses débuts, celui-ci a toujours témoigné de la reconnaissance pour sa bienfaisance, lui qui fut si ingrat envers ses amis. »
Et George Sand nous livre avec vivacité un portrait de son arrière grand-mère par alliance[81] :
« Belle et charmante, simple, forte et calme, madame Dupin finit ses jours à Chenonceaux dans un âge très avancé. La forme de ses écrits est aussi limpide que son âme, aussi délicate, souriante et fraîche que les traits de son visage. Cette forme est sienne, et la correction élégante n'y nuit point à l'originalité. Elle écrit la langue de son temps, mais elle a le tour de Montaigne, le trait de Bayle, et l'on voit que cette belle dame n'a pas craint de secouer la poussière des vieux maîtres. »
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Madame Dupin réside dans les propriétés suivantes :
« Il [mon époux] me fit demander une somme de cinquante mille francs moyennant laquelle il me rendit la jouissance de l'hôtel de Narbonne, patrimoine de mon père, et celle beaucoup plus précieuse de garder et gouverner mes deux enfants comme je l'entendrais. Je vendis le coupon de rente qui avait constitué en partie la pension de ma mère; nous signâmes cet échange, enchantés l'un et l'autre de notre lot. Quant à l'argent, le mien ne valait pas grand'chose, eu égard au présent. Le collège de Narbonne, maison historique fort vieille, avait été si peu entretenu et réparé, qu'il me fallut y dépenser près de cent mille francs pour le remettre en bon rapport. Je travaillai dix ans pour payer cette somme et pour faire de cette maison la dot de ma fille. »
George Sand vouait une grande admiration à Madame Dupin, seconde épouse de son arrière-grand-père[88] :
« Malgré la réputation d'esprit et de charme dont elle a joui, et les éloges que lui ont accordés ses contemporains, cette femme remarquable n'a jamais voulu occuper dans la république des lettres sérieuses la place qu'elle méritait. Elle était mademoiselle de Fontaines, et passa pour être la fille de Samuel Bernard, du moins Jean-Jacques Rousseau le rapporte. Elle apporta une dot considérable à M. Dupin; je ne me souviens plus lequel des deux possédait en propre la terre de Chenonceaux, mais il est certain qu'à eux deux ils réalisèrent une immense fortune. Ils avaient pour pied à terre à Paris l'hôtel Lambert, et pouvaient se piquer d'occuper tour à tour deux des plus belles résidences du monde. On sait comment Jean-Jacques Rousseau devint secrétaire de M. Dupin, et habita Chenonceaux avec eux, comment il devint amoureux de madame Dupin, qui était belle comme un ange, et comment il risqua imprudemment une déclaration qui n'eut pas de succès. Il conserva néanmoins des relations d'amitié avec elle et avec son beau-fils Francueil. Madame Dupin cultivait les lettres et la philosophie sans ostentation et sans attacher son nom aux ouvrages de son mari, dont cependant elle aurait pu j'en suis certaine revendiquer la meilleure partie et les meilleures idées […] M. et madame Dupin travaillaient à un ouvrage sur le mérite des femmes, lorsque Jean-Jacques vécut auprès d'eux. Il les aidait à prendre des notes et à faire des recherches, et il entassa à ce sujet des matériaux considérables qui subsistent encore à l'état de manuscrits au château de Chenonceaux. L'ouvrage ne fut point exécuté, à cause de la mort de M. Dupin, et madame Dupin, par modestie, ne publia jamais ses travaux. Certains résumés de ses opinions, écrits de sa propre main, sous l'humble titre d'Essais, mériteraient pourtant de voir le jour, ne fût-ce que comme document historique à joindre à l'histoire philosophique du siècle dernier. Cette aimable femme est de la famille des beaux et bons esprits de son temps, et il est peut-être beaucoup à regretter qu'elle n'ait pas consacré sa vie à développer et à répandre la lumière qu'elle portait dans son cœur. »
L'écrivain Olivier Marchal dans son roman « Rousseau, la comédie des masques », évoque la personnalité de Madame Dupin[89] :
« L'hôtel particulier qu'occupait Madame Dupin se situait au bout de la rue Plâtrière […] Rousseau se dirigea vers le petit salon et entra dans l'antichambre après s'être annoncé auprès du valet de pied. Au moment de prendre place sur la banquette, il lissa sa veste de brocart et rajusta son épée. Bien qu'il fût à son service depuis près de quatre ans, Jean-Jacques ne s'était jamais senti à son aise en présence de Madame Dupin. À peine plus âgée que lui, elle avait pourtant su préserver sa beauté. La grâce et l'élégance de son maintien étaient encore rehaussées par la finesse de ses traits. On croisait dans son cercle les hôtes les plus prestigieux, de Voltaire à Buffon, mais également les membres les plus éminents de l'aristocratie parisienne. Vive et spirituelle, elle s'attirait des éloges jusque dans les maisons des autres salonnières. C'était pourtant dans l'intimité du tête-à-tête que la jeune femme troublait le plus Jean-Jacques. Son visage au teint très blanc, la blondeur de ses cheveux tirés en arrière et la douceur de sa voix, la rendaient presque irréelle. Dans ces instants-là, on se prenait d'envie de lui parler en chuchotant, de peur de rompre le charme. »
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Les portraits de Madame Dupin sont rares. Un tableau décorait à Chenonceau, la chambre de madame Dupin et il est aujourd'hui dans une collection privée. Il est exécuté par Jean-Marc Nattier avec la collaboration de sa fille, Catherine Pauline Nattier (1725-1775), la future madame Tocqué. Le visage, les chairs et les étoffes sont de Nattier, le reste est peint par sa fille. Une seconde version de ce tableau existe, mais non signée, avec une variante : Madame Dupin est représentée avec un Foulque d'Amérique. Deux autres portraits sont également de Nattier. L'un était destiné au boudoir de l'hôtel Lambert et se trouve à présent aux États-Unis, exposé à New York dans la collection privée de Lawrence Steigrad fine arts. L'autre, réplique du précédent, est peint pour le château du Blanc. Rappelons que Madame Dupin était marquise du Blanc.
Un autre tableau est supposé de Nattier et se trouvait dans l'antichambre du deuxième étage de l'hôtel Lambert[90]. Mais celui-ci est si peu ressemblant avec les précédents que son attribution est incertaine. Serait-il de Jean-Baptiste Greuze, auteur d'un portrait de Madame Dupin et qui figure dans le catalogue de ses œuvres ? La question demeure et nul ne sait ce qu'est devenu l'original[91]. Il s'agit en réalité d'un portrait de Mme Louise-Élisabeth dit Madame Infante ou Mme Henriette en Vestale[92]. Une copie de l'œuvre originale disparue est réalisée entre 1749 et 1751 par l'école de Jean-Marc Nattier et elle est exposée actuellement au musée des Beaux-Arts de Pau[93].
Enfin, le portrait de Madame Dupin exposé actuellement au château de Chenonceau est réalisé d'après l'œuvre de Jean-Marc Nattier.
Le , la députée du parti Renaissance Marie-Pierre Rixain annonce la création du Cercle Louise Dupin, du nom de la philosophe et châtelaine de Chenonceau. Son objectif est d'accroître la contribution des femmes à l'économie[94].
La ville de Châteauroux dans le département de l'Indre, attribue en 2021 le nom de Louise Dupin à une rue et son lotissement communal dépendant[101].
Notaire | Période d'exercice | Étude | Adresse | Paroisse | Quartier | Ville | Notes |
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Me Claude Aleaume | au | XCI | rue de Condé | Saint-Sulpice | Le Luxembourg | Paris | |
Me Joseph-Roch Andelle | au | LXXXVIII | rue des Quatre-Fils | Saint-Jean-en-Grève | Temple | Paris | Démissionnaire le 5 pluviôse an II (), faute d'avoir pu fournir un certificat de civisme. Réintégré par le décret du 19 vendémiaire an III (), il renonce finalement au notariat et laisse son étude à Me Faugé. |
Me Sylvain Ballot | au |
CXVI | rue Saint-Honoré, au-dessus des Quinze-Vingts | Saint-Roch | Palais-Royal | Paris | |
Me Louis Bronod | au |
LXXXVIII | rue Sainte-Avoye, près l'Échelle du Temple | Saint-Nicolas-des-Champs | Sainte-Avoye | Paris | Me Louis Bronod et son fils Me Edme-Louis Bronod, sont les notaires de Monsieur et Madame Dupin au XVIIIe siècle. |
Me Edme-Louis Bronod | au |
LXXXVIII LV |
rue de Braque | Saint-Nicolas-des-Champs | Sainte-Avoye | Paris | Il s'associe avec Me Bernard Maigret du au . Me Edme-Louis Bronod se suicide le à Paris (source : Archives de Paris - acte de décès V3E/D205). |
Me Charles Nicolas Denis de Villiers | au |
XXIX | rue des Boucheries au faubourg Saint-Germain 3 rue de Grenelle-Saint-Germain |
Saint-Sulpice | Saint-Germain-des-Prés | Paris | rue des Boucheries de 1780 à 1785 et 3 rue de Grenelle-Saint-Germain de 1786 à 1822. |
Me André Guillaume Deshayes | au |
XII | rue des Deux-Ponts, île Notre-Dame | Saint-Louis-en-l'Ile | La Cité | Paris | |
Me Hubert-Antoine Gibe | au |
LV | rue Sainte-Avoye | Saint-Nicolas-des-Champs | Sainte-Avoye | Paris | |
Me Bernard Maigret | au |
LV | rue de Braque | Saint-Nicolas-des-Champs | Sainte-Avoye | Paris | Me Bernard Maigret s'associe avec Me Edme-Louis Bronod du au . |
Me Guillaume Henri Picquais | au |
LVI | rue de la Monnaie, rue Boucher, rue Baillette |
Saint-Germain-L'auxerrois | Louvre | Paris | Me Guillaume Henri Picquais est chargé des actes notariés concernant Claude Sophie Dupin de Rochefort et Anne-Jeanne-Sophie de Serre de Saint-Roman. Voir également l'étude de Me Charles Nicolas Denis de Villiers pour la succession. |
Me Pierre-Christophe Tessier | au |
LXXXVII | rue Saint-Antoine | Saint-Paul saint-Gervais |
Saint-Antoine | Paris | |
AN | MC | RE | ET | Chiffres romains |
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Archives Nationales | Minutier Central | Cote du répertoire | Cote de la Minute | Étude notariale |
Date | Notaire | Acte notarié | Cote du document | Lien internet | Notes |
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Sylvain Ballot | Contrat de mariage entre Monsieur Dupin et Damoiselle Louise Marie Madeleine de Fontaine | AN - MC - CXVI - 236 | Le contrat de mariage de Claude Dupin et Louise Guillaume de Fontaine est passé devant Me Sylvain Ballot, notaire de Mme Marie-Anne-Armande de Fontaine, la mère de Louise. | ||
Pierre-Christophe Tessier | Acquisition de l'hôtel Lambert à Paris par Marie-Armande Carton, Claude Dupin et son épouse Louise Guillaume de Fontaine. | MC - RE - LXXXVII - 14 | Liste chronologique des actes pour la période du 2 janvier au 31 décembre 1732 | Acquisition de l'hôtel Lambert à Paris, par Marie-Armande Carton, veuve de Guillaume de Fontaine commissaire de marine, Claude Dupin secrétaire du Roi, et son épouse Louise Guillaume de Fontaine à Alexandre-Louis Lambert, seigneur de Thorigny, | |
André Guillaume Deshayes | Acceptation et décharge du contrat de vente de l'hôtel Lambert à Paris, fait par Alexandre-Louis Lambert, seigneur de Thorigny. | AN - MC - ET - XII - 419 | Acceptation et décharge données par Michel Paumier, maître maçon, du contrat de vente de l'hôtel Lambert | Acceptation et décharge données par Michel Paumier, maître maçon, du contrat de vente de l'hôtel Lambert, fait par Alexandre-Louis Lambert, seigneur de Thorigny, à Marie-Armande Carton, veuve de Guillaume de Fontaine, commissaire de marine et à Claude Dupin, secrétaire du Roi, et son épouse à condition d'exécuter par Fontaine et Dupin les devis et marché pour réparations de l'Hôtel, du . Le contrat de vente passé devant Me Tessier, notaire, le . | |
Louis Bronod | Acte de vente de l'hôtel Lambert | AN - MC - LXXXVIII - 856. | Acte de vente de l'hôtel Lambert par Madame de Fontaine et son gendre Claude Dupin à Florent Claude, marquis du Châtelet et à son épouse, Gabrielle Émilie de Breteuil, le . | ||
Claude Aleaume | Contrat de mariage entre Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux et Mademoiselle Louise-Alexandrine-Julie de Rochechouart | AN - MC - XCI - 858 | Maître Claude Aleaume est imposé par la famille de Rochechouart. Ce mariage est, tout au moins pour la mère de Louise-Alexandrine-Julie, indispensable pour sauver la continuité de cette branche, des Vicomtes de Rochechouart de la Maison de Pontville, qui est alors au bord de la faillite, criblée de dettes et menacée des saisies réelles, relatives notamment au château de Rochechouart et à l'hôtel de Pompadour à Paris, plus connu sous le nom de Chanac de Pompadour, aujourd'hui l'ambassade de Suisse. Claude et Louise Dupin donnent à leur fils, Jacques-Armand, une dot de 400 000 livres et une place de fermier général. Pour la famille de Rochechouart, la mésalliance de Julie de Rochechouart-Pontville et qui deviendra une amie de Jean-Jacques Rousseau, était une honte et fait scandale. | ||
Louis Bronod | Contrat de vente de l'Hôtel de Vins, rue Plâtrière à Paris | AN - MC - ET - LXXXVIII - 646 | Claude Dupin et son épouse Louise Guillaume de Fontaine, locataires de cet Hôtel particulier en 1741 après deux années de travaux, achètent à Marc Antoine Bouret, receveur général des finances, cet immeuble pour un montant de 190 000 livres. | ||
Edme-Louis Bronod | Inventaire après décès de Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux | AN - MC - ET - LXXXVIII - 712 | Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux meurt à l'Île de France de la fièvre jaune, le . | ||
Edme-Louis Bronod | Dépôt du testament de Claude Dupin | AN - MC - ET - LXXXVIII - 718 | Testament olographe de Claude Dupin | Testament olographe Dupin (Claude) conseiller du Roi, ancien fermier général. Dépôt Claude Dupin, le . Le testament de Claude Dupin en date du laisse comme légataire universel, son petit-fils Claude-Sophie Dupin de Rochefort. Ce testament est attaqué par Louis Claude Dupin de Francueil, son fils du premier lit, qui se porte héritier pour la moitié des biens. Cependant Mme Louise de Fontaine-Dupin, veuve du fermier général, va conserver ses propriétés. L'inventaire après décès de Claude Dupin, conseiller, secrétaire du roi, fermier général, dont la prisée de la bibliothèque a lieu le . | |
Guillaume Henri Picquais | Contrat de mariage entre Dupin de Rochefort et de Serre de Saint Roman | AN - MC - RE - LVI - 13 | Contrat de mariage entre Claude Sophie Dupin de Rochefort et la demoiselle de Serre de Saint Roman | Claude Sophie Dupin de Rochefort, chevalier, capitaine de dragons au régiment de Jarnac, seigneur de Chenonceau, petit-fils et unique héritier de Claude Dupin et Louise Guillaume de Fontaine, épouse Anne Jeanne Sophie de Serre de Saint Roman à Paris. | |
Joseph-Roch Andelle | Donation par Louise Marie Madeleine Guillaume de Fontaine | AN - MC - ET - LXXXVIII - 800 | Donation de madame Dupin à sa gouvernante et lectrice, Marie-Thérèse Adam | Saint-Antoine (faubourg) : maison sise au coin des rues de la Roquette et Popincourt § donation par Louise Marie Madeleine Guillaume de Fontaine, veuve de Claude Dupin, écuyer, conseiller, secrétaire du Roi, à Marie Thérèse Adam, du faubourg Saint-Antoine, et de meubles. Marie-Thérèse Adam est née à Paris, le et serait la fille illégitime de Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux d'après l'abbé et historien Casimir Chevalier.
Dans cet acte de donation, Louise Dupin déclare avoir pris soin de Marie-Thérèse Adam depuis son âge de quatre ans. Marie Boissière, archiviste paléographe, dans ses recherches universitaires mentionne : « cette adoption a été l'origine de bien des suppositions qui ont fait de Marie-Thérèse, une fille naturelle de Dupin de Chenonceaux »[102]. La transcription intégrale de l'acte de baptême de Marie-Thérèse Adam est annexée à un acte de notoriété concernant le citoyen Villeneuve (Vallet de Villeneuve) en date du 8 floréal an II (), étude de Maître Hubert-Antoine Gibé aux Archives nationales (Étude LV - Paris). Marie-Thérèse Adam est l'une des héritières de Mme Dupin et devient l'épouse du jeune médecin Pierre Bretonneau le à Paris. Elle meurt à Chenonceaux, le dans sa maison de La Renaudière, acquise au mois de par Madame Dupin. | |
Charles Nicolas Denis de Villiers | Testament de Claude-Sophie Dupin de Rochefort | AN - MC - XXIX - 592 MC - RE - XXIX - 4 |
Testament déposé de Dupin de Rochefort | Le testament est déposé à l'étude notariale le par Marie-Aurore née de Saxe veuve de Messire Louis Claude Dupin de Francueil. Dans ce testament, Claude-Sophie Dupin de Rochefort a nommé et institué son légataire universel, son cousin Maurice François Élisabeth Dupin de Francueil, fils de son oncle Louis Claude Dupin de Francueil. Ce n'est assurément pas le souhait de Mme Louise de Fontaine-Dupin, qui avait déjà choisi son neveu, Pierre-Armand Vallet de Villeneuve. | |
Guillaume Henri Picquais | Séparation entre Dupin de Rochefort et de Serre de Saint Roman | AN - MC - RE - LVI - 14 | Acte de notoriété après la séparation de corps des sieur et dame Dupin de Rochefort | Claude Sophie Dupin de Rochefort et Anne Jeanne Sophie de Serre de Saint Roman se séparent. Un acte de notoriété est donc établi par Me Guillaume Henri Picquais à Paris, le . Claude Sophie Dupin de Rochefort meurt au château de Chenonceau, le . Anne Jeanne Sophie de Serre de Saint Roman (1762-1844) épouse en secondes noces à Paris, Étienne Denis Pasquier, futur baron, pair de France et ministre d’État (1767-1862). | |
Charles Nicolas Denis de Villiers | Inventaire après décès de Claude-Sophie Dupin de Rochefort | AN - MC - ET - XXIX - 592 | Inventaire après décès de Claude-Sophie Dupin de Rochefort | Inventaire après décès de Claude Sophie Dupin de Rochefort, chevalier, capitaine de dragons au régiment de Jarnac, demeurant rue Plâtrière à Paris, quartier Saint-Eustache. L'inventaire est poursuivi dans une maison à Saint-Germain-en-Laye, à gauche de l'avenue. Sa mère, Julie de Rochechouart-Pontville veuve de Dupin de Chenonceaux, demeure à Saint-Germain-en-Laye. | |
Charles Nicolas Denis de Villiers | Inventaire dressé après l'interdiction de Louise Alexandrine Julie de Rochechouart | AN - MC - ET - XXIX - 592 | Inventaire dressé après l'interdiction de Louise Alexandrine Julie de Rochechouart | Inventaire dressé après l'interdiction de Louise Alexandrine Julie de Rochechouart, veuve d'Armand Dupin, écuyer, seigneur de Chenonceau, demeurant à Saint-Germain-en-Laye, à gauche de l'avenue, du côté de Paris, ladite interdiction prononcée par sentence du prévôt de Saint-Germain-en-Laye du . | |
21 ventôse An II[103] | Hubert-Antoine Gibe | Inventaire après décès du citoyen Vallet-Villeneuve | AN - MC - LV - 126 | Madeleine-Suzanne Dupin de Francueil, renonce à la succession de son père Louis-Claude Dupin de Francueil et devient la seule héritière de Claude-Sophie Dupin de Rochefort son cousin germain, au moyen de l'abstention faite par le mineur, Maurice-François-Élizabeth Dupin de Francueil, légataire universel en 1788. Cette décision met fin à la bataille de partage engagée depuis la disparition de Claude Dupin, en 1769. | |
Contrat de mariage (extraits) entre Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux (1727-1767) et Julie de Rochechouart-Pontville (1730-1797), le chez Me Claude Aleaume, notaire à Paris. La dernière page de cet acte notarié comporte notamment les signatures de : Louise-Anne de Bourbon, Fontenelle, Claude Dupin, Louise de Fontaine, Louis Dupin de Francueil ainsi que plusieurs membres de la famille de Rochechouart. Source : Minutier central des notaires de Paris, département des Archives nationales.
La rencontre entre la fille aînée de Manon Dancourt — Marie Thérèse de Fontaine de Barbançois — et Claude Dupin en 1722, est relatée par le chroniqueur Barthélémy Mouffle d'Angerville[11] :
« Ce mariage a été fait [avec Louise de Fontaine], comme l'on sait, de la façon la plus extraordinaire, et par un effet du hasard qui présidât au bonheur de sa destinée. Mlle de Barbançois, fille de la Dame Fontaine, après avoir pris les eaux de Bourbon-les-Bains, pour une maladie de langueur, passa en revenant à Paris, par la ville de Châteauroux, et se trouva fort incommodée à l'hôtel de Sainte-Catherine, où elle était descendue. Dupin, qui est naturellement fort poli, avant appris son accident, sans la connaitre et sans l'avoir jamais vue, sût lui offrir un appartement chez lui. Cette Dame fit beaucoup de difficulté d'accepter ses offres; mais il les réitéra de si bonne grâce et fit tant d'insistances qu'elle vint s'établir avec toute sa suite dans la maison qui était la plus commode de toute la ville. II poussa la galanterie encore plus loin. Cette Dame se trouvant rétablie par ses bons soins, et sans qu'il eût voulu consentir qu'elle déboursât un sols pour toute sa dépense, il se chargea de la reconduire à Paris, pour être à portée de lui donner du secours en cas qu'elle eût quelque rechute en chemin. Aussitôt qu'elle fût arrivée, elle engagea Dupin de venir voir sa mère pour recevoir ses remerciements. La Dame Fontaine trouva comme sa fille, le procédé si rare, que ne cessant de s'en louer, le fameux Samuel Bernard voulut absolument voir Dupin. »
Dans un acte paroissial de baptême de la seigneurie de Celon en date du , figure la signature de Madame de Barbançois, « haute et puissante Dame », preuve de sa présence cette année là dans la province du Berry, avec une information transcrite par l'abbé de l'église Saint-Germain : « la dite Dame de Celon ne pouvant assister au baptême à cause de sa maladie ». Source : Archives départementales de l'Indre.
Si l'aide de Claude Dupin à la sœur aînée de Louise, de passage à Châteauroux, sera déterminante pour sa carrière, l'écrivain Honoré Bonhomme (1811-1890) précise à juste titre : « Il paraît difficile d'admettre que M. Dupin ignorât absolument le nom et la qualité de la jeune personne à qui s'adressaient ses empressements et ses soins. Les financiers sont [des] gens clairvoyants et habiles et n'ont pas l'habitude de placer leurs capitaux à fonds perdu »[104].
L'ignorance de Claude Dupin vis à vis des Barbançois est d'autant plus improbable que cette famille est implantée dans le Berry depuis le XIVe siècle, propriétaire de la seigneurie de Sarzay, puis de Celon[105].
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Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux embarque à bord du navire le « Comte d'Artois » dans le port de Lorient, le . Ce vaisseau a une capacité de 1 200 tonneaux et il est percé pour 64 canons mais il possède en réalité entre 24 et 26 canons effectifs. Il est construit à Lorient pour la Compagnie des Indes orientales le . Il est armé pour la première fois et part le à destination des Indes puis il est rentré à son port d'attache le .
Dupin de Chenonceaux, inscrit sur la liste des passagers, est arrivé à Lorient le . Il n'a pas que des bons souvenirs dans cette ville maritime. En tant que fermier général adjoint de son père, il se révèle malavisé dans ses inspections, en particulier dans ce port breton. Le marquis d'Argenson rapporte : « À Lorient, il voulait faire payer les droits de la ferme aux pacotilles des matelots, et visiter des ballots qui étaient pour M. le duc d'Orléans. On a pensé le jeter dans la rivière. Il s'est enfui déguisé et a bien fait »[106] !
Le registre du rôle des équipages et des passagers précise par ailleurs en ce qui le concerne[107] : « à la table, à ses frais », ce qui sous-entend « à la table du capitaine et aux frais du voyageur » du fait de son rang social plus élevé. Il fallait d'autre part payer le prix forfaitaire de la traversée avant le départ.
Le « Comte d'Artois » est donc armé de nouveau et prend la mer une seconde fois le avec un équipage de 206 marins et un certain nombre de passagers clandestins[108],[107]. Après une traversée de cinq mois, Jacques-Armand Dupin débarque à l'Îsle-de-France à Port-Louis, le [107].
Mais le bateau est pris dans un orage frontal — l'île est soumise à des intenses tempêtes caractérisées par des vents violents et de fortes pluies — et il s'échoue à l'entrée de Port-Louis au lendemain de son arrivée, le . L'échouage a causé la mort par noyade du charpentier de marine en second, Jean Jacob. Les mauvais présages s’accumulent pour le « Comte d'Artois » : l'aumônier et officier du navire, Charles-Antoine Aquard (ou Alard suivant le registre des sépultures) meurt à l'hôpital de la ville, le [note 15]. Après le renflouement du vaisseau et les réparations nécessaires, il reprend son périple. Le bâtiment de la compagnie est rentré le à Lorient, désarmé et transformé comme ponton.
Dupin de Chenonceaux meurt de la fièvre jaune le à l'âge de 40 ans, dans cette lointaine colonie[109].
Dans l'acte paroissial de baptême, sous des noms empruntés pour les parents, Marie Claude Sophie Saint-Aubin est la fille de Claude Saint-Aubin (Claude Sophie Dupin de Rochefort) et de Madeleine Le Vasseur (Madeleine Moret), née le à Paris dans la paroisse de Saint-Eustache. Le père est déclaré absent, le parrain est un sculpteur, Jean Pierre Monpellier[110], et la marraine, Louise Gaumont épouse de Jean Thomas Monpellier[111], également sculpteur. À noter que la paroisse Saint-Eustache est celle de la famille Dupin qui demeure rue Plâtrière. Madeleine Moret entre au service de Julie de Rochechouart-Pontville, veuve de Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux, en 1786 à Saint-Germain-en-Laye[52].
Sous la Révolution française, Madeleine Moret demande la reconnaissance de sa fille à la suite de la promulgation de la loi du 12 brumaire de l'an II concernant la successibilité des enfants illégitimes[52]. Le défenseur de la famille Dupin est l'avocat, Nicolas François Bellart. Si la famille Dupin gagne le procès en l'an III, il n'en demeure pas moins certains faits troublants : le testament olographe de Pierre Armand Vallet de Villeneuve du qui alloue une rente viagère à Marie Claude Sophie Saint-Aubin dont la date de naissance figure dans ledit testament, un portrait de Claude Sophie Dupin de Rochefort remis à Madeleine Moret, des témoins corroborant les dires de cette dernière. Enfin la similitude des prénoms dans l'acte de baptême et un père absent à la signature de cet acte.
Marie Claude Sophie Saint-Aubin à son adolescence, demeure au n° 34 rue de Paris à Saint-Germain-en-Laye, chez Henry Jean Tortouin, chapelier[112]. Celui-ci est le tuteur ad hoc de Sophie, nommé par le conseil de famille et présidé par le juge de paix de Saint-Germain-en-Laye. Elle épouse Jean Baptiste Blard dans cette même ville, le [113]. Le notaire qui est chargé du contrat de mariage est Me Denis Odiot de Lardillière, également maire de la commune de 1809 à 1813, puis en 1815[114]. Il est précisé dans l'acte de mariage que Sophie Saint-Aubin est dite Moret, du nom de sa mère. Les parents déclarés de la mariée à l'état civil, ne sont pas présents au mariage et aucune mention sur leur domicile, ni de leur consentement. Marie Claude Sophie Saint-Aubin meurt à Saint-Germain-en-Laye le à l'âge de 56 ans[115].
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