Arrêts du Conseil des 22 juin 1700, 17 mai 1701 et 17 juillet 1703
Ancien nom
Chemin de la Longue-Raye Chemin des Treilles Chemin Herbu Chemin Herbu des Moulins à Vents Chemin du Moulin à Vent Chemin de l'Oseraie Chemin du Port Chemin des Vaches Chemin de la Justice Chemin des Charbonniers Rue Saint-Dominique-Saint-Germain Rue Saint-Dominique du Gros Caillou
Jusqu'au XVIesiècle, la rue n'est qu'un chemin appelé «chemin de la Longue Raye» (1355), «chemin des Treilles» (1433), «chemin Herbu» ou «chemin Herbu des Moulins à Vent» (1523), «chemin du Moulin à Vent», «chemin de l'Oseraie» (1527), «chemin du Port» (1530), «chemin des Vaches» (1542), «chemin de la Justice» (du fait que le siège de la juridiction de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés se trouvait à son extrémité) ou «chemin des Charbonniers».
En 1631, les dominicains s'établissent dans la rue (actuels noviciat des Dominicains et église Saint-Thomas-d'Aquin) et obtiennent des abbés de Saint-Germain-des-Près de fixer des tables de marbre à chaque extrémité de la rue sur lesquelles il est inscrit «rue Saint-Dominique jadis des vaches[1]».
Lors du prolongement du boulevard Saint-Germain, déclaré d'utilité publique en 1866[4], la partie orientale de la rue, sur une longueur de 625 mètres, est absorbée par le nouvel axe. On change en 1878 la numérotation des immeubles de la partie qui subsiste (c'est la numérotation actuelle).
No3: hôtel de Périgord: hôtel de 1688 ayant appartenu au couvent des Dames de Bellechasse, qui le louèrent en 1703 au duc de Ventadour, en 1705 au marquis de Surville, en 1717 au comte deTavannes, en 1731 à la marquise de La Rochefoucault, en 1756 au comte de Guerchy, en 1774 à Mme de Breteuil. Le chimiste Jean-Baptiste Dumas l'a habité (plaque).
No5: ancien hôtel de Tavannes (1728). Cet hôtel, propriété du couvent des Dames de Bellechasse, fut loué en 1696 au marquis de Hautefort, en 1722 à la comtesse de Tavannes, en 1732 au duc de Sully, en 1733 à la comtesse de Grancey, en 1759 à la comtesse de Poitiers, et en 1787 de Bénouville. Sophie Swetchine y tint son salon entre 1818 et 1857. Gustave Doré y mourut en 1883.
No10: en 2018, le ministère des Armées cède l'édifice, où il avait des bureaux, à la ville de Paris. D'ici 2023 doivent y être aménagés 254 logements sociaux, une salle de sport municipale et une crèche[5].
No25: hôtel de Fonscolombe-Pascal. Hôtel particulier construit au XIXesiècle, qui fut à partir de 1888 la résidence parisienne du baron Fernand de Fonscolombe et de son épouse née Marie-Émilie Pascal. Le baron était issu d'une famille ancienne de noblesse aixoise, et son épouse descendait d'une lignée de riches banquiers marseillais. La famille de Fonscolombe était très liée avec les princes d'Orléans: Fernand de Fonscolombe fut membre du service d’honneur du comte de Paris, puis doyen du service d’honneur du duc d’Orléans. Les étages supérieurs de la bâtisse furent ajoutés tardivement par la baronne pour abriter des appartements de rapport. Une partie de l'hôtel est encore occupée par ses descendants.
No28: hôtel de La Rochefoucauld d'Estissac. Hôtel construit en 1708 et habité successivement par Frédéric-Maurice de la Tour d'Auvergne puis par son fils, le cardinalHenri de la Tour d'Auvergne. Le , l'hôtel devient la propriété du comte de Caraman puis, en 1820, du comte de La Rochefoucauld, ambassadeur de France, qui le transmit ensuite à son fils, le duc d'Estissac, dont les descendants le conservèrent jusqu'en 1929. Il fut alors acheté par la Fondation de la maison de la Chimie, reconnue d'utilité publique par décret du et chargée de réaliser une institution vouée à encourager les échanges entre les sociétés savantes et l'industrie chimique. Cette fondation fit aménager dans le style Art déco les deux ailes en retour sur la cour et restaurer le corps central et ses décors intérieurs. La maison de la Chimie abrite aujourd'hui des colloques et des conférences.
No45: hôtel de Montmorency. Construit en 1829-1830 dans le style de Palladio pour le prince Édouard de Montmorency-Beaumont-Luxembourg par l'architecte Joseph-Antoine Froelicher. Il a été gravé par Normand[réf.nécessaire]. Acquis en 1919 par le Crédit national qui y installa ses bureaux au prix de profondes dénaturations.
Nos49-51: hôtel de Montmorency-Luxembourg, hôtel de Seignelay. Remanié en 1768 par Pierre Mouret.
No53: hôtel Kinsky. Il ne reste rien de l'hôtel construit en 1769 par Claude-Nicolas Ledoux pour la présidente de Gourgues. L'hôtel actuel, extrêmement remanié, comprend au rez-de-chaussée un grand salon qui a conservé un décor XVIIIesiècle exécuté pour la princesse Kinski, propriétaire en 1773, notamment un plafond peint en 1779 par Simon Julien. En 1801, l'hôtel est loué pendant trois ans à l'écrivain anglais William Beckford. Il appartient ensuite au maréchal Lannes. Au XIXesiècle, il est la résidence de l'écrivain Charles de Pomairols (1843-1916) qui y tient un salon littéraire. Il est acheté en 1919 par le banquier Louis Louis-Dreyfus, qui réalise des travaux dans le bâtiment sur rue. Réquisitionné sous l'Occupation, l'hôtel devient propriété de l'État en 1945. Après avoir abrité des services du ministère de la Culture (direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles), il est mis en vente par l'État en et acheté par le cheikh Hamad ben Jassem Al Thani, membre de la famille régnante du Qatar, pour la somme de 28 millions d'euros, soit la moitié de l'estimation[6]. Édifié sur une parcelle de 4 137 m2, l'hôtel d'une superficie de 3 509 m2 comprend un parc paysager de 2 400 m2 avec grotte artificielle et pièce d’eau.
No57: hôtel de Monaco. Il ne reste sans doute rien, et en tout cas rien de visible, de l'hôtel construit en 1772 par Alexandre-Théodore Brongniart pour Maria Caterina Brignole Sale, princesse de Monaco, et qui abrita sous l'Empire le maréchal Davout, prince d'Eckmühl. La construction actuelle, édifiée par Achille-Jacques Fédel, est une reconstruction, sans doute inspirée des dessins originaux de Brongniart, exécutée pour le banquier William Hope entre 1838 et 1841. En 1838, Hope acheta à la princesse d'Eckmühl, veuve du maréchal Davout, son grand hôtel du no121 (loué depuis 1826 à l'ambassadeur d'Autriche), ainsi que plusieurs maisons avoisinantes et une petite église dédiée à saint Valère. Il fit construire un ensemble de bâtiments numérotés 129-131-133. Le no131 fut loué à l'ambassade de Sardaigne et le reste forma sa résidence. Les travaux durèrent jusqu'en 1841 et coûtèrent 7 millions et demi de francs. La propriété s'étendait sur 12 000 m2 avec jardins, serres, bassins, pavillons, écuries pour 35 chevaux, manège. Pour l'hôtel principal, le plus grand luxe avait été déployé. Aux décors du XVIIIesiècle furent substitués des pastiches XIXesiècle d'une richesse écrasante. Le grand salon, entièrement tendu de damas de soie rouge, avait un mobilier d'ébène enrichi de bronzes dorés. Hope disposait de trois salles à manger: une pour 6 personnes, une pour 25 personnes, en acajou, et une pour 200 personnes. La salle de bal s'inspirait des modèles versaillais, avec colonnes et pilastres ioniques, plafonds ornés de peintures de Narcisse Díaz de la Peña. À la mort de Hope, ses biens passèrent par testament à un ami britannique qui mit aussitôt l'hôtel en vente; il fut adjugé au baron Achille Seillière, banquier, qui y vécut avec luxe et le légua à sa mort, en 1873, à sa fille Jeanne, princesse de Sagan par son mariage avec Boson de Talleyrand-Périgord. Ce dernier y donna des fêtes magnifiques. À la mort de la princesse de Sagan, l'hôtel fut acheté par un célèbre marchand d'art, Jacques Seligmann (1858-1923). En 1936, l'hôtel fut racheté par le commissariat de l'Exposition mondiale organisée alors à Paris pour y installer l'ambassade de Pologne, alors située quai de Tokyo, sur un terrain nécessaire à l'Exposition spécialisée de 1937, où fut édifié le palais de Tokyo. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'occupant allemand y installa son institut culturel, sans que le bâtiment subisse de dégâts importants.
No62: en 1896, le jeune écrivain Charles-Louis Philippe, qui mène une existence des plus modestes, emménage dans un sordide garni, l'hôtel du Dôme, situé à cette adresse. Il écrit à sa mère[10]:
«[...] La vie de l'hôtel est lamentable, on habite à côté de gens de mauvaise vie, qui se disputent à chaque moment du jour et de la nuit. Les chambres sont répugnantes de saleté, mal tenues. Pour vous donner une idée, voilà trois mois qu'on n'a pas changé les draps de mon lit. [...] Si l'on veut une chambre valable dans un hôtel valable, çà vous coute des prix fous, si bien que je serai toujours obligé de me loger dans un hôtel mal famé, avec des crapules pour voisins.»
No11: cette portion de la rue, jusqu'à la rue de Bellechasse, dépendait au XVIIIesiècle du couvent des dames chanoinesses du Saint-Sépulcre, fondé en 1635. Les religieuses y avaient fait édifier plusieurs hôtels de rapport, dont l'un fut loué, de 1777 à 1788, par Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (qu'on appelait alors l'abbé de Périgord), alors agent général du clergé.
No23: hôtel Trumet de Fontarce. En 1877, le percement du boulevard Saint-Germain entraîna la démolition de l'hôtel Trumet de Fontarce, datant de 1671. La famille qui le possédait fit alors construire par l'architecte Germain Salard un hôtel particulier situé au 56, avenue d'Iéna, sur la façade duquel a été remonté le corps central à fronton de l'hôtel de la rue Saint-Dominique[13].
Ancien no28: hôtel de La Tour d'Auvergne. Transformé par Pierre Mouret en 1739-1740.
Nos41-43: hôtel de Nointel. Construit dans les années 1720, il a été rasé en 1965, alors qu'il venait d'être protégé au titre des monuments historiques, par le Crédit national qui a construit à la place un immeuble de bureaux.
Catherine de Vertus, fille du comte de Vertus, demeurait à Saint-Germain-des-Prés lez Paris, rue Saint-Dominique, paroisse Saint-Sulpice en 1661[15].
Littérature
C'est dans cette rue qu'Honoré de Balzac situe les plus beaux hôtels particuliers de La Comédie humaine. Notamment dans Splendeurs et misères des courtisanes: «Il ne faut pas demander si l'hôtel du duc de Grandlieu, l'un des plus beaux de la rue Saint-Dominique, exerçait mille prestiges sur l'esprit de Lucien; toutes les fois que la porte immense tournait sur ses gonds pour laisser entrer son cabriolet, il éprouvait cette satisfaction de vanité dont a parlé Mirabeau[16].»
Adolphe Alphand (dir.), Adrien Deville et Émile Hochereau, Ville de Paris: recueil des lettres patentes, ordonnances royales, décrets et arrêtés préfectoraux concernant les voies publiques, Paris, Imprimerie nouvelle (association ouvrière), , «Décret du 28 juillet 1866», p.369.
Béatrice de Rochebouët, «La grande histoire de France en quelques petites médailles», Le Figaro, cahier «Le Figaro et vous», 5-6 juin 2021, p.34 (lire en ligne).
L'architecte Jean-Baptiste Courtonne a effectué un relevé de ces décors, conservé à la Bibliothèque d'art et d'archéologie de l'université de Paris. «Grâce à l'un [de ces dessins], au Muséum national d'histoire naturelle, nous avons pu rétablir dans sa disposition primitive, en 1985, un ensemble d'armoires que Buffon avait acquis au nom du roi après la mort de Bonnier de La Mosson.» (Michel Gallet, Les Architectes parisiens du XVIIIesiècle, p.161.) Voir F. Bourdier, «L'extravagant cabinet de Bonnier de La Mosson», Connaissance des Arts, (ISSN0010-5988). Marianne Roland-Michel (préf.Jacques Thuillier), Lajoüe et l'art rocaille, Neuilly-sur-Seine, Arthena, , 445p. (ISBN2-903239-03-7). La Rue Saint-Dominique: hôtels et amateurs, Paris, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris, , 223p. (ISBN2-905118-00-8).