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peintre français (1780–1867) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Jean-Auguste-Dominique Ingres /ʒɑ̃ ogyst dɔminik ɛ̃gʁ/, né le à Montauban et mort le à Paris, est un peintre français également excellent musicien — il fut second violon auprès de l'Orchestre de Toulouse — ce qui l'amena à se lier d'amitié avec les plus grands violonistes de son temps, Niccolo Paganini et Pierre Baillot[2].
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Après un premier apprentissage à Montauban, sa ville natale, il devient à Paris élève de Jacques-Louis David. Lauréat en 1801 du Grand prix de Rome en peinture, il se rend en Italie en 1806 et y reste jusqu'en 1824. À son retour à Paris, il connaît une reconnaissance officielle, apparaissant comme le champion de la doctrine du beau et de la primauté du dessin sur la couleur, en opposition successive aux courants romantiques et réalistes. Nommé directeur de l'Académie de France à Rome, il y retourne de 1835 à 1842.
Ingres a d'abord et à plusieurs étapes de sa carrière vécu de ses portraits, peints ou dessinés. Réputé peu sociable, il fut souvent mal traité par la critique. Les tenants d'un style plus libre et d'une exécution plus rapide condamnaient sa manière tout comme les académiques, qui lui reprochaient notamment les déformations expressives qu'il faisait subir aux corps dans ses nus.
Jean-Auguste-Dominique Ingres est né à Montauban, Tarn-et-Garonne, le [3]. Il est l'ainé des cinq enfants d'Anne Moulet et du peintre et sculpteur Jean-Marie-Joseph Ingres (1755-1814), qui favorise ses penchants artistiques, lui inculque les rudiments de son art et lui fait apprendre le violon[4].
Il entre en 1791 à l’Académie royale de Toulouse où il est formé par le peintre historique Jean Suau (1755-1841) et suit les cours du peintre Joseph Roques (1757-1847) et du sculpteur Jean-Pierre Vigan (1754-1829)[5]. Durant cette période, qu'il consacre au dessin, son excellente maitrise du violon lui permet de financer son existence en qualité de second violon de l’Orchestre du Capitole.
C'est en compagnie de Guillaume Roques (1778-1848), fils de son maître Roques[6], qu'il se rend à Paris, en 1796, pour étudier sous la direction de Jacques-Louis David, qui lui permettra de s’éloigner de son néo-classicisme en recherchant un idéal de beauté fondé sur de difficiles harmonies de lignes et de couleurs. Il peint le portrait d'amis ainsi que de l'astronome et explorateur Pierre-François Bernier, dont il a fait la connaissance à Montauban. Il fréquente le peintre Anne-Louis Girodet (1767-1824) dans l'ancien couvent des Capucines où il a son atelier, et se lie d'amitié avec le sculpteur florentin Lorenzo Bartolini (1777-1850)[7].
Deuxième finaliste du prix de Rome en 1800 grâce à Scipion et le fils d'Antiochus, Ingres remporte le prix de Rome en peinture d'histoire à sa seconde tentative en 1801 avec Les ambassadeurs d'Agamemnon (Beaux-Arts de Paris), mais il ne peut s'y rendre immédiatement, en raison des évènements politiques sous le consulat[6] et du manque de financement. Il s'installe avec d'autres élèves de David à l'ancien couvent des Capucines où il peint principalement des portraits, entre autres celui de son père, aujourd'hui au musée Ingres-Bourdelle[8], et son Autoportrait à vingt-quatre ans (1804, Chantilly, musée Condé)[6], caractérisés par des fonds bruns très davidiens, des poses des trois quarts et des regards perçants tournés vers le spectateur. Il dessine d'après des œuvres du Louvre, principalement des statues antiques[7].
Ingres n'expose que des portraits au Salon de 1806 (Autoportrait à l'âge de vingt-quatre ans, portraits de Mme Rivière et de sa fille Caroline, Napoléon Ier sur le trône impérial), que la critique juge « secs » et « gothiques »[6].
En , il se fiance avec l'artiste peintre française Marie-Anne-Julie Forestier, mais sa relation ne résiste pas à son absence après son départ pour l'Académie de France à Rome en septembre.
En 1806, Ingres découvre à Rome, Raphaël, son « Dieu » qu'il ne connaissait que par de médiocres gravures et qui l'inspirera sa vie durant, et le Quattrocento, qui marquent définitivement son style. Il visite fébrilement musées, palais et églises[9].
Avec une certaine lenteur qui lui est reprochée, il envoie les productions exigées de tout pensionnaire, dont La Baigneuse Valpinçon et un autre nu alangui très érotique, disparu, surnommé La Dormeuse de Naples à la suite de son achat rapide par Joachim Murat. Seul son Œdipe explique l'énigme du sphinx parait respecter les canon esthétiques de l'époque[9].
Ces années de travail sont les plus fécondes avec les nus, les paysages, les dessins, les portraits, agrémentés en arrière-plan de paysages romains, et les compositions historiques de format plus modeste retraçant des épisodes de la vie de personnages célèbres du Moyen Âge et de la Renaissance. Les portraits dessinés constituent l'essentiel de ses revenus. Ses modèles sont principalement de riches voyageurs effectuant le Grand Tour de l'Europe[9].
Il est en pleine possession de son art et son séjour à Rome est aussi l'occasion de tisser des liens amicaux avec les grands commis de l'administration impériale : le comte de Tournon et sa mère, Edme Bochet et sa sœur, Cécile Bochet, épouse Henry Panckoucke, Hippolyte-François Devillers, le baron de Montbreton de Norvins. En France, cependant, ses toiles peintes en Italie ne plaisent pas. En 1810, à la fin de son séjour à la Villa Médicis, il décide donc de rester à Rome et de travailler pour l'administration impériale et la colonie française de Rome[6]. Il s'installe près de l'église de la Trinité-des-Monts, où il peint Romulus, vainqueur d'Acron (1812) et Le Songe d'Ossian destinés au palais du Quirinal. Il peint encore Virgile lisant l'Énéide pour la Villa Aldobrandini du général Miollis[9].
Il se marie en 1813 avec Madeleine Chapelle (1782-1849), une jeune modiste venant de Guéret[10]. En 1814, Madeleine tombe enceinte mais l'enfant, un garçon, meurt à la naissance. Au total, Ingres réalisa dix portraits de sa femme. Mais le plus célèbre tableau sur lequel elle apparait est Le Bain turc. Madeleine pose pour l'odalisque aux bras levés qui s'étire au premier plan. Le tableau a été réalisé en 1862, après la mort de Madeleine. Elle fut peinte d'après un croquis qu'Ingres avait réalisé en 1818. En 1850, il va à Châlons chez sa belle-mère pour connaître les lieux où sa femme a vécu, et y rencontre le notaire Louis Changy. Il semble y être retourné l'année suivante[11].
Il séjourne à Naples en 1814[6] afin d'effectuer un portrait de Caroline Murat[9].
À la chute de Napoléon Ier en 1815, il perd sa clientèle[6] ; des difficultés économiques et familiales l’entraînent dans une période financièrement difficile pendant laquelle il peint, avec acharnement, tout ce qu’on lui commande, notamment des portraits, ce qu'il déteste mais réussit à merveille, ainsi que de petits tableaux historiques[6].
Il sollicite ses amitiés romaines et ses bonnes relations avec les Panckoucke et les Bochet lui présentent Charles Marcotte d'Argenteuil, ami de Jacques-Édouard Gatteaux, ami proche d'Ingres. Très vite, Charles Marcotte d'Argenteuil devient un proche du peintre, jusqu'à devenir un de ses principaux mécènes jusqu'à son décès en 1864. Après la mort de Madeleine, ce dernier ira même jusqu'à lui présenter sa nièce, Delphine Ramel, qu'Ingres épousera le . De ce mariage, viendra la décision d'acheter la maison de Meung-sur-Loire avec son nouveau beau-frère, Jean-François Guille, notaire et conseiller général du Loiret, où il se retirera tous les étés pour bénéficier de la douceur et de la lumière de la Loire.
Nombre de membres de la famille Marcotte seront de fidèles acheteurs, comme Philippe Marcotte de Quivières et ses frères Marcotte de Sainte-Marie et Marcotte de Genlis, le baron Charles Athanase Walckenaer, Alexandre Legentil et le baron Hubert Rohault de Fleury (tous deux initiateurs du projet de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre), Cécile Bochet, devenue madame Henry Panckoucke et baronne Morande-Forgeot, et le clan Ramel.
Présentés au Salon de 1819, sa Grande Odalisque et Roger et Angélique y sont mal reçus[9].
Ses revenus diminuent encore du fait de la concurrence de Xavier Fabre dans le domaine du portrait dessiné[9]. En 1820, il quitte Rome pour Florence où il réside jusqu'en 1824[12], appelé par son ami Lorenzo Bartolini, qu'il a connu dans l'atelier de David et dont il partage l'atelier malgré une tension permanente entre les deux hommes. Il y étudie Raphaël, les Anciens et les Grecs. Il obtient alors la commande du Vœu de Louis XIII pour la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption de Montauban, grâce à son ami avocat à Montauban, Jean-françois Gilibert, revenu au pays[6].
Il trouve finalement le succès en France avec son Vœu de Louis XIII exposé au Salon de 1824, où l'influence de Raphaël semble évidente. Il apparait alors comme le tenant du classicisme face aux Massacres de Scio de Delacroix, exposés au même salon. Il reçoit à partir de 1824, honneurs et commandes officielles : il reçoit la Légion d'honneur, est reçu à l'Institut de France et accueille de nombreux élèves dans son atelier[6]. Il accepte en 1829 de devenir professeur à l'École des Beaux-Arts, mais entend désormais se consacrer principalement à de grandes commandes[13].
Homère déifié est l'une de ses premières commandes d'État, destinée au plafond d'une des nouvelles salles ouverte au Louvre et présenté au Salon de 1827[13].
Il peint de moins en moins de portraits dont il a horreur, mais en 1833, il expose le Portrait de Mme Ducaucey (1807) et le Portrait de Monsieur Bertin (1832) au Salon, qui surprend tout le monde[13]. L'année suivante, le duc d'Orléans lui commande Stratonice[14].
L'accueil mitigé de la critique et du public, de sa dernière peinture d'histoire Le Martyre de saint Symphorien exposée au Salon de 1834, l'affecte particulièrement. Il décide de ne plus exposer au Salon et repart à Rome fin novembre[15]. Il accepte la direction de l'Académie de France à Rome, où il reste jusqu'en 1841, et où il est considéré comme ayant été un bon directeur[13].
En 1839, le prince royal acquiert Œdipe explique l'énigme du sphinx[15]. La réception enthousiaste de Stratonice par le prince royal le conduit à commander son portrait avant même le retour d'Ingres en France[13].
De retour à Paris, il peint à nouveau des portraits et reçoit à nouveau des commandes de grandes œuvres décoratives (DP).
Après la mort du prince royal le , Louis-Philippe lui commande les cartons des vitraux de l'Église Notre-Dame-de-Compassion de Paris et Jésus parmi les docteurs pour la chapelle privée du château de Bizy (Montauban, musée Ingres Bourdelle). Deux ans plus tard, il réalise les cartons des vitraux du transept de la chapelle royale de Dreux[15].
En 1843, il accepte l'invitation du duc Honoré Théodoric d'Albert de Luynes de venir s'installer pendant plusieurs mois par an pour peindre, en vis à vis, deux immenses compositions – L'Âge d'Or et L'Âge de Fer – sur les murs de la salle de bal de son château de Dampierre. Au bout de cinq ans, découragé à la suite de la mort de son épouse en 1849, il y renonce, laissant L'Âge d'Or inachevé, et sans avoir commencé L'Âge de Fer. Quand il est à Paris, il se consacre principalement au portrait, souvent avec l'aide de collaborateurs[16].
En 1846, il expose onze œuvres à l'exposition des Artistes au Bazar Bonne-Nouvelle, dont Stratonice, Œdipe explique l'énigme du sphinx qui appartient à la duchesse d'Orléans, le Portrait de la vicomtesse d'Haussonville et Paolo et Francesca, propriété de Lancelot-Théodore Turpin de Crissé[15].
En 1848, la révolution de février chasse Louis-Philippe du trône. Son épouse meurt en 1849 ; il se remarie en 1852 avec la prude Delphine Romet[15].
En 1853, il fait l'acquisition d'une résidence dans la commune de Meung-sur-Loire (département du Loiret), où il fait des séjours réguliers jusqu'en 1866[17].
Il décore le salon de la Paix de l'Hôtel de ville de Paris, avec une Apothéose de Napoléon Ier de cinq mètres de diamètre (disparue pendant l'incendie de l'édifice lors de la Commune de Paris), présentée dans la salle entière qui lui est consacrée lors de l'exposition universelle de 1855[16].
Appelé, le , à faire partie du Sénat impérial, il y vote jusqu'à sa mort conformément aux vœux du pouvoir[18]. Il est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur le [19]. Il est également élevé au rang de commandeur de l'ordre de Léopold en Belgique le [20]
Il réalise dès lors une importante série de toiles religieuses et achève Jésus parmi les docteurs, restée inachevée à la chute de la monarchie de Juillet. Mais, dans cette période tardive, il se révèle surtout dans le genre du nu[16]. Il achève la Vénus Anadyomène commencée à Rome en 1807-1808, qui est refusée par Benjamin Delessert et entre dans la collection Frédéric Reiset. L'année suivante, il achève avec ses élèves Paul Balze et Alexandre Desgoffe, La Source (musée d'Orsay), commencée à Florence en 1820[15]. Il réalise enfin Le Bain turc, qu'il vend quelques semaines avant sa mort à Khalil Chérif Pacha, le sulfureux propriétaire, entre autres, de L'Origine du monde de Gustave Courbet[16].
Ingres épouse à Rome le 4 décembre 1813, Madeleine Chapelle (28 octobre 1782 - 27 juillet 1849), dont il peint le portrait en 1815.
Veuf, il se remarie le 15 avril 1852 avec Delphine Ramel (Paris, 26 décembre 1808 - Paris, 11 mai 1887), dont il peint le portrait en 1859.
Il meurt le au 11, quai Voltaire dans le 7e arrondissement de Paris[21], où une plaque lui rend hommage. Il est enterré à Paris au cimetière du Père-Lachaise (23e division)[22].
Conformément à la volonté de l'artiste de léguer à sa ville natale une grande partie de ses dessins (4 500) ainsi que certains objets personnels, le musée Ingres ouvre ses portes au milieu du XIXe siècle dans l'enceinte de l'ancien palais épiscopal de Montauban ; Armand Cambon, Montalbanais élève d'Ingres, fut son exécuteur testamentaire et le premier conservateur du musée.
Henry Lapauze (1867-1925), historien d'art spécialiste d'Ingres, conservateur du Petit Palais à Paris, mais surtout président du comité Ingres, organise en [23] avec la municipalité de Montauban les festivités en hommage à Ingres et de l'inauguration du musée Ingres : de nombreuses célébrités littéraires et artistiques entouraient Alfred Roll, président de la Société nationale des beaux-arts, et Léon Bérard, sous-secrétaire d'État aux beaux-arts. Un poème de Daniel Lesueur intitulé Ingres de Montauban sera dit par Louis Brémont.
Dominique Ingres fut aussi excellent violoniste ce qui lui permit de financer ses etudes de dessin : il fut deuxième violon de l’Orchestre du Capitole de Toulouse. De ce loisir est née l’expression « violon d’Ingres » dès la fin du XIXe siècle dans l’entourage de Théophile Gauthier.
Une avenue du 16e arrondissement de Paris porte son nom.
Il semble qu'Ingres se réjouit de la révolution de 1830, mais il refuse les commandes au début du règne de Louis-Philippe, s'estimant mal traité. Le , Adolphe Thiers lui propose les six tableaux pour l'église de la Madeleine, qu'il refuse. Seul Ferdinand-Philippe d'Orléans, le prince royal, le soutient. Grand mécène, il achète Œdipe explique l'énigme du sphinx, ce qui flatte le peintre, et lui commande la Stratonice et son portrait, alors que la famille royale pose devant Franz Xaver Winterhalter[25].
À la mort accidentelle du prince, le roi et la reine lui commandent les vitraux de la chapelle Notre-Dame de-la-Compassion, dont quatorze grandes figures en pied à grandeur d'exécution pour la manufacture de Sèvres. En 1842, Louis-Philippe lui commande un tableau pour la chapelle du château de Bizy, Jésus parmi les docteurs (musée Ingres Bourdelle, Montauban). L'aquarelle préparatoire est offerte à Louise-Fernande de Bourbon, duchesse de Montpensier, au moment de son mariage en 1846. L'année suivante, le prince Antoine d'Orléans (1824-1890), duc de Montpensier, lui commande une copie de Virgile lisant l'Énéide[25].
Henri d'Orléans (1822-1897), couramment désigné sous son titre de duc d'Aumale, fils du roi Louis-Philippe, également l'un des premiers bibliophiles et collectionneurs d'art de son époque, acquiert plusieurs œuvres du peintre.
Il achète Stratonice 92 000 francs à la vente du prince Demidoff en 1863, par l'intermédiaire d'Édouard Bocher. En 1867-1870, il tente d'acquérir le grand dessin Homère déifié (Musée du Louvre). En 1879, il acquiert en bloc la collection des quarante tableaux de Frédéric Reiset, dont trois chefs-d'oeuvre de l'artiste : Autoportrait à l'âge de vingt-quatre ans, Portrait de Mme Duvaucey et Vénus anadyomène[15].
Les princes de la maison d'Orléans lui restent attachés en raison principalement de ses liens avec le défunt prince royal[26].
Ingres se détache du néo-classicisme par la subordination de la forme à l'expression, simplifiant ou déformant l'anatomie pour se rapprocher de l'expression du caractère individuel (DP). Il s'oppose aussi à l'enseignement officiel sur la nature du beau idéal. Pour l'Académie, celui-ci se traduit par un jeu de proportions canoniques, et la profondeur du savoir du peintre s'obtient par la connaissance de l'anatomie artistique, tandis qu'Ingres réprouve l'étude de l'intérieur du corps humain au profit de l'observation fine de la morphologie[27], qui aboutit à représenter non pas un idéal générique, mais celui correspondant à l'individualité du modèle, et pratique la simplification des formes, condamnant la représentation du détail à l'intérieur du modelé (DP).
« M. Ingres soulève contre lui les intelligences médiocres ; il en est de sa nature comme du caractère des hommes supérieurs qu'un défaut de concession aux usages de la société travestit en orgueilleux ou en sauvage », écrit Charles Lenormant[28].
Eugène Delacroix a d'abord applaudi Ingres ; il s'est montré, dans ses écrits, respectueux, voire admirateur de son ainé. Son Journal, publié après sa mort, le montre parfois satisfait de lui[29], mais après quarante ans de concurrence dans les Salons et les commandes publiques[30], plus polémique, lui reprochant son « goût mêlé d’antique et de raphaëlisme bâtard », auquel il dit préférer encore celui de l'École de David entendant sans doute par là que Ingres commet l’erreur de « se [croire] semblable à Raphaël en singeant certains gestes, certaines tournures qui lui sont habituelles[31] ».
Charles Baudelaire , grand admirateur de Delacroix, a plusieurs fois formulé le reproche que : « Le grand défaut de M. Ingres […] est de vouloir imposer à chaque type qui pose sous son œil un perfectionnement plus ou moins complet […] emprunté au répertoire des idées classiques. » Lorsque Ingres entreprend de peindre « un modèle grand, pittoresque, séduisant », il tombe « victime d’une obsession qui le contraint sans cesse à […] altérer le beau », à « [ajouter] quelque chose à son modèle […] par impuissance de le faire à la fois grand et vrai [32]. » Il reconnait aussi ses réussites : le primat du dessin et l'art du portrait, "un genre dans lequel il a trouvé ses plus grands et légitimes succès[33].
Vincent van Gogh écrivait à son frère Théo : « Un Ingres, un David, des peintres dont vraiment la peinture n’est pas toujours belle, combien ils deviennent intéressants, quand mettant de côté leur pédantisme, ils s’oublient à être vrais, à rendre un caractère[34]. »
Edmond de Goncourt, volontiers cinglant, dénigrera le tableau Bain antique vu à l’exposition Khalil-Bey de 1867 en évoquant : « une mêlée de corps mannequinés, avec des disproportions presque caricaturales, une assemblée de sauvagesses de la Terre de Feu, découpées dans du pain d’épice, des corps qui retournent à la primitivité embryonnaire des premières académies de l’art. » Quelque vingt ans plus tard, son avis n’a pas changé : « Et les pauvres petites misérables mines de plomb de M. Ingres, est-ce de l’art assez gringalet à côté des préparations de La Tour, de la préparation de Chardin […][35]! »
En revanche, Édouard Manet affirmait que « dans notre siècle, M. Ingres avait été le maître des Maîtres » et vouait une grande admiration à La Source, tableau de 1856[36].
Paul Gauguin écrit à propos de Ingres que « cette froideur apparente qu’on lui reproche cache une chaleur intense, une passion violente. » Il admire chez le maître « un amour des lignes […] grandiose, et une recherche de la beauté dans sa véritable essence, la forme[37]. »
Des courants hostiles aux principes qu'Ingres défendait marquent la génération qui le suit. Peu de ses peintures sont exposées. Celles qui sont au musée du Louvre y sont entrées après sa mort. Son influence croît à la fin du XIXe siècle alors que les jeunes peintres tentent de se dégager de l'influence de leurs prédécesseurs impressionnistes[38].
Son influence se ressent cependant dans la peinture académique[réf. souhaitée] et jusque chez les impressionnistes comme Auguste Renoir, lequel qualifie de « période ingresque » la manière de ses œuvres de 1881 à 1889[39].
Edgar Degas, élève de Louis Lamothe[40], élève d'Hippolyte Flandrin, disciple d'Ingres, ne cache pas son admiration pour le maître[41]. Il a possédé près de vingt tableaux du peintre.
Au XXe siècle, Pablo Picasso fait plusieurs fois référence à son œuvre avec, en particulier, une Grande odalisque d’après Ingres peinte en 1907 et déclare : « Il est notre maître à tous »[réf. nécessaire]. Il trouve dans Ingres « la simplification des formes et la pureté du trait[40] ».
Henri Matisse se réfère à sa « couleur presque compartimentée et entière », notant qu'il fut le premier à « utiliser des couleurs franches, sans les dénaturer[42] ».
Dans un autre genre, Man Ray lui rend hommage sur le thème des nus féminins de dos dans son célèbre Violon d’Ingres (vers 1920), photographie d’une modèle dénudée sur laquelle il a dessiné les ouïes de l’instrument de musique.
D’autres artistes contemporains, dont Martial Raysse, font référence à ses peintures les plus célèbres. On peut aussi citer Gérard Collin-Thiébaut et son œuvre Ingres, La Grande Odalisque, Transcription, un puzzle en carton de 69 × 84 cm, de 1 500 pièces, réalisé en 2008.
Ingres est l'un des artistes les plus cités dans les compositions interpicturales du peintre péruvien Herman Braun-Vega[43],[44]. Ce dernier lui consacre d'ailleurs une exposition tout entière en 2006 à l'occasion de l'année Ingres[45].
Ingres a formé plus de trois cents élèves[13], parmi lesquels :
Son œuvre recouvre essentiellement trois genres, la peinture d’histoire, principalement exécutées lors de son séjour italien, les portraits et les nus féminins.
Ingres attache au dessin une grande importance et déclarait à ce sujet : « Une chose bien dessinée est toujours assez bien peinte[76]. » La galerie de portraits réalistes qu’il laisse, constitue un miroir de la société bourgeoise de son temps, de l’esprit et des mœurs d’une classe à laquelle il appartient et dont il trace les vertus et les limites. Ingres s’intéresse beaucoup à la texture des vêtements et des étoffes (velours, soie, satin, cachemire…) qu’il intègre dans ses œuvres afin de noter la classe sociale du personnage. Il s’inspire, à ses débuts, de l'esthétique de l’art grec, avant de se tourner vers une approche plus souple des courbes et des drapés. Ingres n'hésitait pas à accentuer l'anatomie de ses modèles pour atteindre son idéal de beauté ; ainsi, il rajouta trois vertèbres à sa Grande Odalisque (DP).
Après la mort accidentelle du prince d’Orléans le 13 juillet 1842, le roi et la reine décident d'élever une chapelle sur les lieux de l'accident, la chapelle Saint-Ferdinand, aujourd'hui église Notre-Dame-de-Compassion de Paris. Ils chargent Ingres de la réalisation de l'ensemble des vitraux. Ce dernier réalise dix-sept cartons en moins de deux mois, dont quatorze grandes figures en pied à grandeur d'exécution pour la manufacture de Sèvres[25].
Très satisfait, Louis-Philippe lui commande dès juillet 1843, neufs cartons pour la chapelle royale de Dreux. Il en réalise sept pour 7 000 francs[96].
Le duc d'Aumale lui commande une suite de vitraux pour la chapelle du château de Chantilly en octobre 1847 qui ne sera jamais réalisée[25].
Lorsqu'en septembre 1847, les cartons de ses différents vitraux sont exposés au musée du Luxembourg, les critiques condamnent la ressemblance des visages des saints avec ceux de la famille royale, le journal légitimiste L'Ami de la religion évoquant« une espèce de canonisation usurpée ». Les médiévistes lui reprochent le fait que les études soient grises, un vitrail devant être coloré, en verre épais. Ils ne comprennent pas ce nouvel art du vitrail, loant tout au mieux le dessin du maître. Ingres réalise un tour de force en réalisant ces vitraux avec une rapidité d'exécution inhabituelle et une variété stupéfiante dans les compositions[96].
Les figures ont très variées dans leurs attitudes et compositions. Elles présentent toutes un même fond bleu, sont dignes et hiératiques, à l'exception de l'archange Raphaël, à la silhouette dansante, représenté dans un geste d'orant, les mains au-dessus de la tête[97].
Ces commandes conduisent Ingres à s'intéresser à l'art du vitrail, travaillant avec les maîtres verriers de la manufacture de Sèvres, collaborant avec Louis Robert, directeur de l'atelier de peinture, l'amenant à apporter une contribution majeure au renouveau de l'art du vitrail au XIXe siècle et à l'élaboration d'une nouvelle école du vitrail[98].
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