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organisation féministe ukrainienne De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Femen (aussi écrit FEMEN[n 1] ; translittération du nom ukrainien : Фемен) est un groupe féministe d'origine ukrainienne, fondé à Kiev en 2008 par Anna Hutsol, Oksana Chatchko et Oleksandra Chevtchenko. Le mouvement est actuellement[Quand ?]représenté dans huit pays. Sa présidente à l'international est Inna Chevtchenko.
FEMEN | |
Sacha Chevtchenko coiffée d'une couronne florale ukrainienne, seins nus avec le logo FEMEN peint sur la poitrine. | |
Le logo représente la lettre ф (initiale de Фемен, nom du groupe en ukrainien) avec les couleurs du drapeau ukrainien, et symbolisant des seins nus. | |
Création | [1] |
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Fondateurs | Anna Hutsol, Oksana Chatchko, Oleksandra Chevtchenko et Victor Svyatski (d)[2],[3],[4] |
Slogan | « Sors, déshabille-toi, gagne » (« Прийшла, роздяглася, перемогла ») En France : « Nudité, Lutte, Liberté[5] |
Siège social | Paris France |
Président | Anna Hutsol |
Site web | femen.org |
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Le groupe devient internationalement connu en organisant des actions, essentiellement seins nus avec des slogans écrits sur le corps, dans le but de défendre les droits des femmes, ce qui le conduit aussi à s'impliquer sur plusieurs autres sujets, notamment pour la démocratie et contre la corruption, la prostitution ou encore l'influence des religions dans la société, au départ uniquement dans l'Ukraine post-soviétique.
Les militantes de Femen sont adeptes d'un féminisme radical qu'elles appellent « sextrémisme ». Le mouvement Femen s'affirme athée, antireligieux[6], et reproche à la laïcité d'être « une façon d'accepter l'inacceptable »[7],[8].
Le mouvement Femen est tantôt associé à la troisième vague féministe[9], tantôt considéré comme un élément de ce qui pourrait être une « quatrième vague féministe »[10], ou encore inscrit dans une lignée post-féministe représentative de l'asservissement et de la propriété publique du corps des femmes, et ce, jusque dans leurs luttes.
Les Femen sont également l'objet de nombreuses critiques, tant pour leurs méthodes que pour leurs messages et leurs sources de financement, émises par des personnes ou groupes aux prises de position socio-politiques très diverses.
Le mouvement des Femen est créé à Kiev en 2008 par trois jeunes Ukrainiennes originaires de Khmelnytskyï[11] : Anna Hutsol (25 ans), Oksana Chatchko (21 ans) et Oleksandra Chevtchenko, dite Sacha, (20 ans) qui s'indignent de la place réservée aux femmes dans la société ukrainienne. Anna Hutsol explique avoir lancé Femen pour défendre la démocratie quatre années après la Révolution orange, car elle pensait que l’Ukraine manquait de militantes pour défendre les droits des femmes : « L'Ukraine est un pays dominé par des hommes, où les femmes sont passives »[12]. Elle dit avoir été influencée par La Femme et le Socialisme (1883), de l'« agitateur » socialiste révolutionnaire allemand August Bebel[13]. À l'été 2008, les fondatrices de Femen manifestent pour la première fois, déguisées en prostituées, pour dénoncer l'importance de la prostitution en Ukraine[11]. Pour le nom de leur mouvement, elles choisissent le mot ukrainien : Фемен car « cela sonnait bien »[14]. Le nom est ensuite latinisé en « Femen », qui ne signifie pas « femme » comme on pourrait le croire, mais seulement « cuisse »[15]. Le terme Femen est d’ailleurs conservé en Français pour désigner en anatomie la zone allant de la hanche au genou. Par métonymie, il peut évoquer les organes génitaux[16]. Symboliquement, le nom met sur un pied d'égalité men, « les hommes », et FEM en français[17]. En 2009, elles innovent en manifestant seins nus contre la pornographie en ligne[11]. Selon Anna Hutsol, elles étaient plutôt « mal à l'aise » lors de leurs débuts mais face à l'écho médiatique de leur action, elles se sont habituées à cette forme de protestation[11].
Elles choisissent ainsi de dénuder leur poitrine, les seins nus symbolisant la condition des femmes ukrainiennes : pauvres, vulnérables et seulement propriétaires de leurs corps. Anna Hutsol déclare qu'avec Femen, a été « inventée une façon unique de nous exprimer, basée sur la créativité, le courage, l'humour, l’efficacité, sans hésiter à choquer ». Anna Hutsol ajoute que « les gens ne s’intéresseraient pas à notre message si nous n’étions pas habillées de cette façon »… « Pour la cause, nous n’avons pas peur de nous mettre seins nus ou de porter des bikinis »[12]. Femen est né dans une société non démocratique, l'Ukraine encore imparfaitement affranchie du communisme soviétique. Ses militantes ignorent totalement l'idée occidentale de nudité partagée, consentie et non exhibitionniste, telle qu'elle est défendue par le mouvement naturiste. Elles expriment l'idée, très restrictive, que se montrer nue est un moyen de donner une signification à la nudité, qui ne soit plus synonyme de prostitution ou d'exploitation sexuelle[18].
En avril 2010, Femen envisageait de devenir un parti politique afin de présenter des candidats lors des élections parlementaires de 2012[19].
« FEMEN FRANCE » crée fin 2012[20] devient « FEMEN INTERNATIONAL » en 2014[21].
Fin 2010, Femen compte environ 300 membres[22].
Le financement de Femen est, selon elles, assuré par les militantes, via la vente de produits à l'effigie de Femen[23], ou par dons privés[24]. Femen bénéficie aussi de donations de personnes privées comme l'Allemand Helmut Geier (également connu comme DJ sous le pseudonyme DJ Hell)[25],[26], la femme d'affaires allemande Beate Schober[26],[27] (résidant en Ukraine[28] et possédant une entreprise de relocalisation professionnelle[29]), et l'homme d'affaires américain Jed Sunden (fondateur du groupe de presse ukrainien KP Media comprenant le journal Kyiv Post[26]).
En septembre 2012, une journaliste d'une télévision ukrainienne, qui a infiltré le mouvement pendant plusieurs semaines, sous-entend que le groupe serait financé par des représentants des milieux d'affaires européens et américains[30], tout en reconnaissant n'avoir pas trouvé de preuve suffisante permettant d'étayer ses suppositions[30]. La journaliste dit avoir découvert que les militantes ukrainiennes seraient payées 1 000 dollars (environ 765 euros) par mois (soit trois fois le salaire moyen ukrainien)[30] et qu'un voyage et les frais d'une opération menée à Paris en 2012 ont été entièrement payés par l'organisation et se chiffreraient à 1 300 dollars (de l'ordre de 1 000 euros de l'époque) par jour et par personne[30]. En 2013, une jeune femme anonyme, Iseul Turan, déclare avoir infiltré le mouvement pendant trois mois[31]. Son témoignage correspond à ces affirmations, mais prennent une dimension différente dans le contexte français : avec cette somme, elle constate que les Femen ukrainiennes installées en France dans le local appelé le Lavoir Moderne vivent en réalité dans un grand dénuement. Ce sont les actions médiatiques qui sont directement financées, tandis que les militantes n'ont que de maigres revenus pour subvenir à leurs besoins[32].
En décembre 2013, la députée UMP Valérie Boyer pose une question au gouvernement sur le financement des Femen, en s'interrogeant également sur leurs « motivations profondes » ; elle mentionne en particulier des possibles « subventions et aides en nature, comme le prêt de locaux, accordées par des collectivités locales telles que la Mairie de Paris »[33],[34].
Les militantes les plus médiatiques sont :
Ami d'enfance de Hutsol[39], Viktor Sviatski a été présenté par le passé tour à tour comme un « consultant politique »[40] ou un « idéologue » du groupe, responsable de beaucoup de leurs actions[40]. Mais en 2013, dans le documentaire L'Ukraine n’est pas un bordel de la réalisatrice australienne Katy Green, celle-ci révèle que Sviatski, loin d'être un simple idéologue, serait même le fondateur du groupe[41] et aurait eu un rôle proche de celui de gourou d'une secte dans l'organisation féministe[42],[43].
Sviatski a déclaré dans le documentaire avoir créé les Femen pour « avoir des filles »[42] et affirme qu'elles lui « plaisaient sexuellement »[42]. Il a ensuite ajouté que « ces filles sont faibles. Elles n'ont aucune force de caractère. Elles n'ont même pas le désir d'être fortes. Elles sont soumises (…) ».
Son comportement au sein des Femen a été comparé par la presse à celui d'un pervers narcissique[42]. Il aurait notamment exercé des pressions psychologiques sur les membres du groupe et les aurait traitées de « salopes »[42] et de « putes »[44]. Il aurait de plus forcé les jeunes femmes à se lancer dans une opération risquée en Biélorussie, en janvier 2012, où elles furent rasées et matraquées par la police politique[43].
Les militantes, venues à l'avant-première du film à Venise, n'ont pas nié le rôle tenu par Viktor Sviatski au sein de l'organisation, dont il n'est plus membre depuis[42].
En février 2014, une ex-membre de Femen, qui a milité dans le groupe pendant plus d'un an, annonce qu'elle compte publier un livre dans lequel elle dénonce l'« organisation dictatoriale » de Femen[45]. Elle y révèle avoir été traitée comme un objet par le mouvement, qui exige en interne une « soumission » et une « disponibilité totale »[46], accompagnés d'une inexistence de la liberté d'expression[45]. Les militantes qui ne sont pas d'accord seraient systématiquement mises à l'écart, tout comme celles qui ne correspondraient pas aux critères physiques recherchés[45]. Le groupe utiliserait également contre ses membres des méthodes de reconfiguration mentale pour anéantir progressivement toute forme d'esprit critique[47]. De son côté, le député Georges Fenech a estimé que la MIVILUDES devait demander la dissolution du mouvement Femen pour leurs « pratiques à caractère sectaire »[45].
Inna Chevtchenko a répondu dans une tribune qu'elle « ne démentirai[t] pas ces informations », affirmant que Femen « n'est pas une bande de potes, mais un groupe militant », que « l'atmosphère est martiale » et la « hiérarchie affirmée » car c'est nécessaire pour « mener à bien des opérations complexes »[45],[48].
En janvier 2015, Éloïse Bouton, qui fut l'une des premières militantes du groupe Femen en France[49] dont elle est restée membre jusqu'en 2014, publie un livre dans lequel elle dénonce le fonctionnement « désastreux, défaillant et nocif » des Femen[50]. Elle y révèle l'existence de castings psychologiques au sein du groupe[50]. Elle dit en outre avoir été déçue par la mauvaise ambiance qui règne à l'intérieur du mouvement[49], par le manque de bon sens des militantes « prêtes à tout et n'importe quoi sans savoir vraiment pourquoi »[49] et par la terminologie agressive d'Inna Chevtchenko qui ambitionne de lever une « armée de soldates »[50].
En octobre 2015, la brésilienne Sara Winter accuse le mouvement d'être « une secte qui promeut la destruction de la famille traditionnelle et de toutes les valeurs morales de la société ». Dans son ouvrage Vadia não ! Sete vezes que fui traída pelo feminismo (Pas salope ! Sept fois trahie par le féminisme), elle les accuse également de l'avoir poussée « à consommer des drogues, avoir des relations non consenties avec des inconnu(e)s, alors même que le mouvement prétend combattre pour le droit des femmes »[51].
Le combat central de Femen est la promotion des droits des femmes, mais le groupe lutte aussi pour d'autres causes, plus ou moins liées au féminisme : en faveur de la démocratie et des droits humains (notamment, pour la liberté de la presse et contre la corruption, la pauvreté, la violence conjugale ou encore des formes de discriminations telles que le sexisme, le racisme ou l'homophobie) et contre l'industrie du sexe (prostitution, tourisme sexuel, agences matrimoniales internationales, pornographie) et l'influence des religions dans la société.
Ses militantes attaquent ce qu'elles considèrent comme « les valeurs patriarcales qui imprègnent la plupart des sociétés industrialisées ». Ce combat passe notamment par une lutte contre l'influence des religions[52].
Les Femen remettent en cause la place des religions dans la société et principalement du christianisme, catholique et orthodoxe, considérant que les églises répandent des valeurs misogynes[53]. Selon elles, « le féminisme et la religion ne sont pas deux choses qui peuvent coexister »[54].
Elles combattent des symboles, des personnalités ou organisations chrétiennes, par exemple, après l'annonce du verdict dans le procès des Pussy Riot[53], en sciant à la tronçonneuse une croix à Kiev qui avait été érigée en mémoire des victimes de la répression stalinienne[55], par d'autres sciages de croix aux Pays-Bas[56], une altercation à l'aéroport de Kiev avec le patriarche Cyrille de Moscou[57], la prise d'assaut du clocher de la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev[58], l'organisation d'une contre-manifestation non autorisée[59] en réponse à la manifestation contre le mariage homosexuel organisée à Paris par le « lobby catholique traditionaliste » Civitas[59],[60], ou encore une irruption seins nus dans la cathédrale Notre-Dame de Paris[61].
Le groupe a également manifesté, en Suède, contre l’intégration de la religion dans le projet de Constitution du gouvernement de Mohamed Morsi, en Égypte[62].
Afin de leur assurer une certaine médiatisation[63],[64], les actions de Femen se veulent provocatrices[65], spectaculaires[66] et empreintes d'auto-dérision[67] ou de moquerie[68]. Les militantes sont notamment connues pour manifester seins nus, ce qu'elles font couramment mais pas systématiquement. Femen revendique une forme de féminisme radical qu'elles nomment « sextrémisme »[n 6],[69],[70] (en anglais « sextremism », néologisme fabriqué sous forme de mot-valise). Selon Inna Chevtchenko, il s'agit d'« un nouveau type d'activisme féminin qui est, certes agressif, mais encore non-violent, provocateur mais délivrant un message clair »[69]. Les Femen parlent aussi de « pop féminisme » pour définir leur style[71].
Selon les pays, leurs actions, par certaines caractéristiques, peuvent être légalement contestées, notamment celles relatives à la nudité partielle. En France, par exemple, selon l'article 222-32 du Code pénal, « l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public » peut être punie par la loi d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende[72]. À Paris plus spécifiquement, la Préfecture de police considère que « toute tenue qui laisserait entrevoir les parties génitales ou la poitrine constitue une exhibition sexuelle, punissable d'un an d'emprisonnement »[73],[74],[75]. La Cour de cassation réaffirme cette jurisprudence en février 2020, mais relaxe cependant la militante, en reconnaissant que son action est une « démarche de protestation politique », et en s'appuyant sur le principe du contrôle de proportionnalité prôné par la Cour européenne des droits de l’Homme[76].
Le mouvement défend l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne[77].
En mars 2010, des militantes de Femen, habillées de costumes masculins, manifestent contre l'absence totale de femmes dans le nouveau gouvernement et contre les propos sexistes du Premier ministre ukrainien Mykola Azarov : « La situation dans le pays est difficile, et on a pris dans le gouvernement des gens capables de travailler 16-18 heures par jour et de mener à bien les réformes. Ce n'est pas une affaire de femmes de réaliser des réformes »[78].
Femen dénonce régulièrement « l'ingérence des dirigeants russes dans les affaires intérieures » de l'Ukraine[79]. En octobre 2010, le mouvement organise ainsi une manifestation contre la visite du président russe Vladimir Poutine[79]. Six Femen l'accueillent aux cris de « Ukraïna ne Alina ! » (en français : L'Ukraine n'est pas Alina), en allusion à la gymnaste Alina Kabaeva que la rumeur publique (ultérieurement démentie) présente comme étant sa maîtresse, afin de lui rappeler que Moscou n'est plus souverain en Ukraine[13]. Lors d'une visite du patriarche Cyrille de Moscou dans le pays, la militante de Femen Iana Jdanova, seins nus, s'est jetée sur lui avec l'inscription « Kill Kirill » (« Tuez Cyrille ») écrite dans son dos, l'accusant de « vouloir accroître l'influence de la Russie »[80].
Outre la place des femmes en politique, Femen dénonce de façon générale le sexisme, le harcèlement sexuel, la prostitution et le tourisme sexuel qui s'est fortement développé en Ukraine au cours des dernières années[11].
En 2011 et 2012, Femen manifestent plusieurs fois à propos de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, y compris près du site de la catastrophe, pour alerter sur le manque de sécurité et la mauvaise prise en charge des victimes[84],[13]. La même année, Femen dénonce la situation sanitaire du zoo de Kiev ainsi que la corruption de l'administration de l'établissement[85].
À la demande des autorités ukrainiennes, les administrateurs de Facebook suppriment en mai 2011 la page des Femen, invoquant la mauvaise image qui serait donnée au pays sur internet par les militantes[86]. En réaction, des partisans du mouvement Femen en Belgique créent le FIST (Femen International Support Team)[87],[n 7] (en anglais, fist signifie poing).
Durant l'année 2011, les descentes de police se multiplient au café-restaurant Cupidon de Kiev où se réunissent les Femen. Des agents en civil visitent les domiciles des militantes les plus actives qui sont parfois forcées de déménager[13].
Les membres de Femen ont souvent effectué de brefs séjours en prison à la suite de leurs actions[13], mais le député indépendant Taras Chornovil (en) estime en 2011 que « le pouvoir est désemparé, car chaque arrestation accroît la popularité de Femen »[88].
En mars 2013, à la suite du projet des Femen d'ouvrir une nouvelle branche en Tunisie, la ministre des Affaires de la femme, Sihem Badi, juge que cette organisation féministe porte des valeurs en contradiction avec l’islam et les traditions tunisiennes[164]. Une jeune Tunisienne qui se fait appeler Amina Tyler (de son vrai nom Amina Sboui), crée une page Facebook pour cette branche tunisienne de Femen et y diffuse des photos où elle montre sa poitrine dénudée, sur laquelle a été écrit en arabe : « Mon corps m'appartient et n'est source d'honneur pour personne »[165]. Le 21 mars, cette page Facebook est piratée, les photos étant remplacées par des vidéos de sourates du Coran et des illustrations de la chahada[166]. Adel Almi, président de l’Association islamiste centriste de sensibilisation et de réforme (Al-Jamia al-Wassatia Li-Tawia Wal-Islah) appelle à la flagellation d'Amina Tyler[167],[168]. Imitée par deux autres Tunisiennes[169],[170], Amina suscite beaucoup d'indignation et est la cible de très nombreux messages d'insultes et de menaces sur les réseaux sociaux[171],[172].
À la suite des différentes réactions contre Amina Tyler, les Femen ont affirmé qu'elle avait été enlevée par sa famille et qu'un témoin avait filmé la scène. Le 21 mars, sans nouvelles d'Amina, les Femen ont signalé qu'elles craignaient pour sa vie. Différents médias ont relayé cette disparition et l'appel des Femen[173]. Devant ces vives réactions internationales, l'avocate Bochra Belhaj Hmida indique qu'elle a été en contact avec Amina et qu'elle lui aurait déclaré qu'elle allait bien, qu'elle se trouvait avec sa famille et qu'elle allait reprendre les cours bientôt. Cette annonce n'en a pas pour autant rassuré Femen, étant donné que ses membres n'arrivaient pas à entrer en contact avec Amina[174]. Le 27 mars, Martine Gozlan, journaliste du magazine Marianne, déclare avoir rencontré Amina en présence de sa famille, affirmant que « la jeune fille n’est pas libre de ses mouvements et de ses contacts, bien que majeure. La famille plaide sa « fragilité psychologique » pour la couper du monde. On lui donne beaucoup de médicaments. Des antidépresseurs à haute dose. C’est aussi, curieusement, la thèse de certaines féministes tunisiennes »[175].
Les 28 et 29 mars, le site de Femen est piraté pour la seconde fois de la semaine[176], « par des islamistes » de Tunisie selon les féministes du mouvement, leur page d'accueil affichant provisoirement un message en anglais : « Sales truies ! Personne ne vous baise même pas vos hommes ! Venez en Tunisie ! Nous couperons vos seins et nous les donnerons à manger à nos chiens ! Mourez bande de salopes prostituées venant d’Israël ! »[177],[178]. Amina Tyler est arrêtée le 19 mai 2013 à Kairouan, après avoir tagué le mot "Femen" sur le mur du cimetière avoisinant la mosquée Oqba-Ibn-Nafaâ[179]. Elle est inculpée pour le port illégal d’un spray lacrymogène[180], et risque deux ans de prison pour profanation de sépulture, six mois pour atteinte aux bonnes mœurs, voire plus s'il est retenu qu'elle a agi en bande organisée.
Les trois Femen européennes venues en Tunisie pour manifester en sa faveur sont arrêtées le 29 mai et condamnées, le , à « quatre mois et un jour de prison ferme pour atteinte aux bonnes mœurs et à la pudeur »[181]. Ayant, lors du procès en appel le 26 juin, présenté des excuses et promis de ne pas recommencer[182], les trois jeunes femmes ont leur peine réduite à du sursis et sont libérées[183].
Le 20 août, Amina quitte les Femen, les accusant d’être une organisation « islamophobe » et s'interroge sur les sources de financement du mouvement. En réaction, Inna Chevtchenko la condamne sans appel : « Amina n'a pas trahi les Femen, elle a trahi les milliers de femmes qui se sont mobilisées pour elle durant sa campagne de soutien et grâce à qui elle est libre aujourd'hui »[38].
En octobre 2011, les Femen entament en Suisse une série de protestations contre la prostitution dans plusieurs pays européens, dont la France et l'Italie[184].
Le en Suisse, des militantes du mouvement féministe ukrainien Femen manifestent seins nus dans la propriété de la fédération à Zurich pour protester contre l'organisation du championnat du monde de hockey sur glace 2014 en Biélorussie[185].
Le , des membres de Femen manifestent à Moscou dans le bureau de vote où Vladimir Poutine vient de voter[186].
Le , Femen mène une action seins nus à Varsovie pour dénoncer la prostitution à l'occasion de l'Euro 2012 de football[187].
Le , deux membres du mouvement Femen France se rendent à Stockholm, où est réfugiée Aliaa Magda Elmahdy, afin de protester ensemble contre l'adoption de la nouvelle constitution égyptienne[62] proposée par Mohamed Morsi prévoyant l'application de la charia[188]. Quelques jours auparavant, Aliaa Magda Elmahdy a été empêchée de se rendre en France[189] alors qu'une action était prévue devant l'ambassade d'Égypte à Paris le jour du début du vote.
Le , au cours du scrutin parlementaire italien, trois membres de Femen seins nus tentent de se lancer, sans l'atteindre, sur l'ex-Premier ministre Silvio Berlusconi, alors qu'il devait entrer dans l'isoloir pour voter. Les militantes portent inscrit sur leur dos et leur poitrine le slogan « Basta Berlusconi » (« Berlusconi, ça suffit »). Selon les militantes, « l'Italie ne doit pas voter pour quelqu'un qui devrait être en prison »[190].
Le , une page « Femen Maroc » est créée sur Facebook puis le 28 mars, une Marocaine anonyme y publie un selfie sur lequel elle apparaît voilée mais seins nus avec l'inscription « la liberté est mon choix »[191].
En août 2013, à la suite d'un message anonyme informant de la présence éventuelle d'un engin explosif dans le bureau de Femen à Kiev, la police ukrainienne a procédé à une intervention et a « découvert » « des objets ressemblant à un pistolet et à une grenade qui vont être soumis à expertise »[192]. Une enquête a été ouverte par la justice pour « possession illégale d'armes et de munitions »[193] et leur bureau a été fermé[101]. Anna Hutsol affirme quant à elle que son mouvement n'a « jamais eu d'armes » et estime que ces armes ont été introduites dans leurs locaux à leur insu[192].
Le , en Allemagne, des Femen manifestent pour le droit de conduire des Saoudiennes[194].
Le en Espagne, cinq militantes Femen perturbent une manifestation anti-avortement ; et scandent des slogans comme « aborto es sagrado » (« l'avortement est sacré ») ou « mi cuerpo, mis normas » (« mon corps, mes règles »)[195].
Le , deux militantes du mouvement Femen manifestent lors de la soirée de couronnement du Carnaval de Québec pour dénoncer le retour des duchesses ; avec les mots « esclavage stylisé » écrit sur leurs seins nus, elles ont hurlé « Carnaval patriarcal »» devant une foule d'environ 4 000 personnes[196],[197].
Le , deux militantes Femen, seins nus, et plaidant pour la cause homosexuelle en arborant le slogan « In gay we trust », se sont embrassées sur l'esplanade de la tour Hassan II à Rabat. Elles ont été arrêtées à l'aéroport et expulsées vers la France. Elles font aujourd'hui l'objet d'une interdiction de territoire[198].
Le , au cours du scrutin parlementaire italien, une militante Femen apparaît devant Silvio Berlusconi, des journalistes et des photographes, avant que l'ancien premier ministre italien ne vote, et montre sur sa poitrine le slogan « Berlusconi sei scaduto » (littéralement : « Berlusconi tu es expiré »)[199].
L'utilisation de la nudité comme moyen d'action fait débat[200]. Selon certains détracteurs, comme l'ONG internationale La Strada (en), spécialisée dans la lutte contre la prostitution, les Femen nuiraient à l'image des femmes et conforteraient les clichés sexistes[13]. De même, d'autres affirment qu'elles deviennent elles-mêmes « pornographiques » en manifestant nues[11]. D'autres critiques mettent en avant le fait que cette réappropriation se manifeste dans la presse par l'exhibition de femmes dénudées, ce qui rappelle des clichés patriarcaux que Femen dit pourtant vouloir combattre[201]. Alice Schwarzer, militante antipornographie, soutient globalement les combats de Femen mais elle met en garde ses membres contre le risque de « devenir des objets »[11]. Fin 2012, la chroniqueuse Gaëlle-Marie Zimmerman fait remarquer que la plastique des militantes aux seins nus est conforme aux standards de la mode, ce qu'une militante de Femen réfute en montrant la photo d'une militante ne correspondant pas à ces normes[202]. Face à toutes ces critiques concernant la nudité, les Femen répondent que les féministes traditionnelles ne sont plus entendues et que le féminisme du XXIe siècle passe par la réappropriation du corps des femmes par elles-mêmes[13].
Les féministes restent également divisés sur la question de l'utilisation de la nudité lors de leurs manifestations[203]. La nudité choque, ébranle les opinions et permet d'assurer une couverture médiatique, mais elle peut provoquer des réactions très violentes[125]. Certains pays sont plus accoutumés que d'autres à la nudité ou semi-nudité dans les médias et dans la rue, et l'impact des manifestations serait plus important dans les pays où la nudité est tabou[204]. Anna Hutsol considère que « la réaction à une manifestation déshabillée illustre le niveau de liberté d’un pays », et elle ajoute : « nous n’avons pas été arrêtées en Suisse, mais nous avons failli être tuées en Biélorussie »[203].
Femen ne fait pas l'unanimité chez les féministes. Le collectif Les TumulTueuses, qui a aussi réalisé des actions seins nus, ne remet pas en cause cette tactique mais critique le fait que « les Femen ne s’adressent pas aux femmes et utilisent des discours virilistes » et que certaines de leurs opinions sont proches des féministes « institutionnelles », notamment au sujet de la prostitution et du port du voile, pour lesquels Femen a tendance à « culpabiliser » et « infantiliser » les personnes concernées[202],[205]. Asma Guenifi, présidente de Ni putes ni soumises, « salue le courage des Femen et leur combat en Ukraine » mais « doute qu’il s’agisse d’une cause transposable à la France », soulignant que « la mixité est absente du discours des Femen, qui repose sur la misandrie (rejet des hommes), ce qui est en contradiction avec nos valeurs »[206]. L'essayiste suisse Mona Chollet note pour sa part que les actions de Femen tendent à fragiliser les combats d'autres organisations féministes et qualifie le mouvement de « pseudo-féminisme qui suscite un engouement général des plus suspects ». Elle regrette que le mode d'action des Femen conforte certains préjugés du système patriarcal, tels « la réduction permanente des femmes à leur corps et à leur sexualité, la négation de leurs compétences intellectuelles »[37].
Le manque de lisibilité de leurs messages est couramment mis en avant par les critiques. Rue89 souligne que la multiplication et la diversité des combats de Femen rend leurs messages confus[202]. De même, Le Figaro constate que les messages de Femen manquent de clarté[207]. Par ailleurs, sur le site de Marianne, une blogueuse associée à l'hebdomadaire fait remarquer que l’idée d’une « internationale féministe » est difficile à concevoir, la situation des femmes n’étant pas la même suivant les pays[208].
En France notamment, des groupes anti-Femen d'hommes masqués (les Hommen[209]) et de femmes (les Antigones[210],[211]) se constituent.
Certaines critiques mettent en avant le fait que leurs actions peuvent être discriminatoires. Pour Lydia Guirous, membre de l'Union des démocrates et indépendants et présidente de l’association « Future, au Féminin », les messages de Femen ne sont ni féministes ni laïcs, mais au contraire, incitent à l’intolérance et à la haine[212]. Les Femen ont été accusées de tenir des propos néocolonialistes voire racistes, comme lorsque sa présidente Anna Hutsol a déclaré que la société ukrainienne avait été incapable « d’éradiquer la mentalité arabe envers les femmes »[213],[214]. L'anticléricalisme radical des Femen leur vaut d'être accusées de christianophobie par certaines personnalités (comme le député Jacques Bompard[215]) ou groupuscules d'extrême droite, et également d'islamophobie[35],[214],[216]. En effet, Inna Chevtchenko, figure de proue du mouvement Femen est accusée d'islamophobie après un tweet diffusé le : « Qu'est ce qui peut être plus stupide que le Ramadan ? Qu'est ce qui peut être plus laid que cette religion ? »[217]. Elle supprime par la suite le tweet mais assure « l'assumer entièrement »[217].
Après l'action de février 2013 dans la nef de Notre-Dame de Paris, Patrick Jacquin, recteur de la cathédrale, estime cependant qu'elles n'oseraient pas s'attaquer à une mosquée car, selon lui, la réaction des autorités serait plus sévère[72]. En avril 2013, le mouvement Muslim Women Against Femen (« Femmes musulmanes contre les Femen ») est créé par des étudiantes de Birmingham, qui considèrent que les Femen sont islamophobes et impérialistes[218] ; ce groupe lance une campagne sur Internet, avec comme slogan « Muslimah Pride » (« Fière d’être musulmane »), contre les féministes qui manifestent seins nus[219],[220].
En Ukraine, où leur réputation s'est peu à peu détériorée, il est reproché aux militantes de chercher à se faire remarquer coûte que coûte et à protester contre tout[9]. Selon Serhiy Haïdaï, un conseiller en communication politique[n 9], « ce n'est qu'une simulation de féminisme [qui] n'a aucun sens politique ou social sérieux ». Pour une responsable ukrainienne de La Strada, Femen « nuit à l'image de l'Ukraine autant qu'au vrai mouvement féministe ». L'action en soutien aux Pussy Riot, consistant à scier une croix à Kiev, a suscité un fort rejet populaire[221] et Anna Hutsol reconnaît qu'il est désormais fréquent que les Femen se fassent traiter de « putes » dans son pays d'origine[9].
En 2014, la journaliste Caroline Fourest, ordinairement proche de Femen, précise que la leader de Femen, Inna Chevtchenko, « marxiste » et « membre des Jeunesses communistes ukrainiennes », « n'est pas une grande démocrate »[222]. Elle exprime également son désaccord sur l'opportunité de l'action spectaculaire menée à Notre-Dame de Paris, en février 2013, alors que le pape Benoît XVI venait justement, selon elle, de poser son premier acte s'inscrivant dans la modernité[222]. Dans son livre Inna (2014), elle reproduit une lettre qu'elle avait adressée à Inna Chevtchenko, sans jamais l'envoyer : « Combien de jeunes fanatiques, avant toi, prétendaient se sacrifier pour les autres et ont fini par tuer l'humanité ? […] Ta révolution sans amour ne me fait pas envie, Inna »[223]. Elle questionne aussi la remise en cause de la laïcité par le mouvement Femen : « Nous nous sommes aussi affrontées lorsque sa fureur marxiste et révolutionnaire heurtait mon aspiration aux lumières tamisées de la laïcité, et peut-être plus encore, à l'art de vivre »[224].
En 2012, sur le site de La Voix de la Russie, radio d'État du pays, le journaliste Alexandre Latsa critique ce qu'il estime être une certaine dérive politique des Femen : d'après lui, le mouvement est « financé et soutenu par l’Occident », largement encouragé par le « mainstream médiatique », et éloigné « des préoccupations populaires et nationales » à la suite de sa politisation progressive visible dans la multiplication des attaques lancées contre les leaders d’Europe orientale : Vladimir Poutine, Alexandre Loukachenko, Viktor Ianoukovytch ou leurs alliés européens, Silvio Berlusconi en tête[77].
Femen reçoit aussi de nombreux soutiens. Sur Facebook, la page de Femen recueille près de 90 000 fans en mars 2013[9]. En 2012 pour Géraldine Sarratia, journaliste aux Inrockuptibles, il y a « beaucoup de sincérité dans leur discours, elles ont un vrai engagement, elles consacrent leur vie à leur combat et puis ce sont des guerrières »[202].
En novembre 2019, après avoir perturbé une conférence de Tariq Ramadan, accusé de viol et harcèlement sexuel par plusieurs femmes, l’ancienne ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol indique : « Les Femen, c’est le courage politique et le courage physique ! Respect ! »[225].
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