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mot formé par la fusion d'au moins deux mots existant dans la langue de telle sorte qu'un de ces mots au moins y apparaisse tronqué De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Un mot-valise est un mot formé par la fusion d'au moins deux mots existant dans la langue, associant le plus souvent le début d'un mot et la fin d'un second, à condition qu'ils aient un son commun ou une syllabe commune (voire plusieurs). Cette caractéristique distingue le mot-valise du mot composé[1]. Contrairement à d'autres néologismes, le mot-valise se comprend facilement, puisque les mots dont il est issu restent identifiables[a],[b],[c],[2]. Son procédé permet de construire des noms communs, des noms propres, des verbes, des adjectifs ou des adverbes. Récemment, le mot iel a fait apparaître un mot-valise appartenant à la classe des pronoms personnels.
La séquence de lettres ou la syllabe commune aux mots qui s'interpénètrent est parfois nommée charnière. Si les sons communs sont situés en plusieurs endroits, il y a plusieurs charnières (comme dans franglais).
Le mot-valise se distingue de l'acronyme, mot formé des initiales abréviatives ou des syllabes initiales de plusieurs mots. Il se distingue aussi du mot composé et du mot dérivé par la troncation (abrègement de mots par la suppression d'au moins une de leurs syllabes). D'autre part, le mot-valise se fonde sur un procédé morphologique, qui peut produire des effets sémantiques, et ne doit pas être confondu avec le mot fourre-tout (ou la notion fourre-tout), nom ou locution dont on se sert pour désigner une catégorie, abusivement créée, de personnes ou de faits. Il ne faut donc pas parler de mot-valise lorsqu'on veut dénoncer un amalgame sémantique.
Le but du mot-valise est de faire un jeu de mots ou d'enrichir la langue. C'est un phénomène proche de l’orthographe fantaisiste.
Le terme « mot-valise » (traduction de l'anglais « portmanteau word ») semble résulter de la transposition en français du jeu inventé par l'écrivain anglais Lewis Carroll dans son célèbre roman De l'autre côté du miroir (1871). Il utilise l'image d'une valise qui s'ouvre par le milieu et révèle deux compartiments : un seul mot suffit pour dire deux choses à la fois. À l'époque de Lewis Caroll, ce type de valise particulier s'appelait en anglais « portmanteau »[d], ce qui explique l'expression anglaise « portmanteau word ».
Dans le roman De l'autre côté du miroir, au chapitre 6, le personnage Humpty Dumpty explique à Alice la signification du mot « slictueux » (« slithy » en anglais) qui apparaît au début du poème Jabberwocky :
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Le mot-valise, appelé techniquement amalgame lexical, est connu depuis le XVIe siècle (Rabelais a par exemple créé le mot « sorbonnagre » en amalgamant « sorbonne » et « onagre »). De nombreux mots-valises sont entrés dans le langage courant, mais il est courant d'en créer de nouveaux par jeu (amalgames fantaisistes)[4].
Plusieurs termes existent pour nommer un amalgame lexical : mot-portemanteau, mot-centaure, mot-tiroir, mot-gigogne, etc. La définition du mot-valise varie selon les linguistes ; dans son acception la plus large, c'est un assemblage d'au moins deux lexèmes, dont un au moins perd une partie de son signifiant[4].
Sur cette base, il est possible d'ajouter plusieurs contraintes. La plus courante, la contrainte morphologique, impose d'assembler deux mots sur une syllabe commune, appelée « charnière », avec apocope du premier et aphérèse du second : le mot-valise calligramme est un assemblage de calligraphie et d'idéogramme, les deux mots partageant la syllabe « gra ». La contrainte morphophonologique requiert un segment commun, qui peut être une seule lettre (comme Bollywood, croisement de Bombay et Hollywood par la lettre « o »)[4].
La contrainte sémantique, voulue par certains, impose que les mots assemblés appartiennent à un même champ lexical ou à des champs lexicaux interconnectés. Par exemple, un alicament est à la fois un aliment et un médicament. En revanche, un motel n’est pas à la fois un moteur et un hôtel[4].
La construction d'un mot-valise se fait par troncation d'un mot existant puis composition avec d'autres mots ou d'autres troncations. Les termes linguistiques qui se rapportent à la troncation sont : l'apocope (suppression de phonèmes à la fin du mot), l'aphérèse (suppression de phonèmes au début du mot) et la syncope (suppression de phonèmes au milieu du mot).
Type d'amalgame | Exemples |
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apocope et aphérèse | copillage (copie et pillage), franglais (français et anglais), infobésité (information et obésité) |
apocopes | Alnico (aluminium, nickel et cobalt), dircab (contraction de directeur de cabinet), manfra (manga et français), Oulipo (contraction de Ouvroir de littérature potentielle), Benelux (contraction de Belgique, Nederland, et Luxembourg)[5] |
aphérèses | énol (alcène et alcool) |
aphérèse simple | avionique (avion et électronique), bistronomie (bistro et gastronomie), pianocktail (piano et cocktail) |
apocope simple | docufiction (documentaire et fiction), infocentre (informatique et centre)[6] |
syncope | alphadécédet (alphabet et décédé), procaféination (procrastination et caféine) |
Le mot-valise est source de beaucoup de néologismes.
Comme tout néologisme, les mots-valises peuvent fournir une solution alternative aux emprunts lexicaux, notamment aux anglicismes :
Les mots-valises ne sont pas tous des créations récentes :
En linguistique, le terme peut être utilisé comme synonyme plaisant de forme contractée (forme unique issue de deux lexèmes qu'on ne peut plus reconnaître : à + le → au, de + les → des en français, in + dem → im en allemand, etc.). De la même manière, un morphème portemanteau est un morphème qui porte simultanément plusieurs significations : par exemple, le morphème anglais -s porte les significations : indicatif + présent + troisième personne + singulier.
Cette forme de néologisme créée par contraction de deux ou plusieurs termes n'est pas propre au français et existe dans de nombreuses langues.
La création de mots-valises permet un nombre illimité de combinaisons, ce qui ne peut manquer de séduire les écrivains et les passionnés de jeux de langage :
Lewis Carroll a ouvert la voie pour les poètes et la poésie, qu’emprunteront en France aussi bien Raymond Roussel et Antonin Artaud que Michel Leiris (avec son « a guest + a host = a ghost »), et les oulipiens dont, bien sûr, Marcel Duchamp et Raymond Queneau. Ce dernier, dans les Fleurs bleues fait ainsi dire à Lalix : « Vous êtes tournipilant à la fin ! » Boris Vian inventa de même le « pianocktail » de L'Écume des jours, objet onirique qui procure une sensation mêlant l'ivresse de l'alcool et celle du jazz.
Le jeu peut alors devenir définitionnel :
De nombreux écrivains ont créé des mots-valises :
Certains l'emploient de façon ludique :
Des auteurs élaborent des « noms-valise », fusion de plusieurs noms. Don Juan de la Manche, par exemple, le titre d'une œuvre de Robert Menasse, contient les deux noms Don Juan et Don Quichotte de la Manche[19].
Le mot composé est d'un usage très courant pour désigner les êtres hybrides.
Dans le monde anglo-saxon, politiquement bi ou tri-partisan, au moins depuis les élections de 1872, des mots-valises (dits « mots-portemanteaux ») ont été créés par soudure de noms de partis politiques existants, avec une intention péjorative ou humoristique. Dans les années 2000, ces mots sont souvent utilisés par des partis populistes et anti-élites et/ou anti-establishment. Ainsi par exemple :
En URSS, dans les années 1920 et 1930, ainsi que dans les pays satellites dans les années 1950, monde politiquement mono-partisan, un foisonnement de mots-valises est venu remplacer d'anciennes dénominations politiques, administratives ou géographiques jugées obsolètes et porteuses de sens hérités d'un passé d'« exploitation de l'Homme par l'Homme » dont il fallait, conformément aux paroles de L'Internationale, faire « table rase »[23]. Certes, la plupart ne sont pas de véritables mots-valises mais des composés obtenus par collage après troncation, dans lesquels on ne constate aucune fusion syllabique, voire de simples acronymes.
C'est ainsi qu'apparurent Donbass pour « bassin du Don » (auparavant appelé Méotide, du peuple antique des Méotes), Sokhoud pour « union des artistes soviétiques » (russe : союз советских художников translittéré Soyouz sovietsikh khoudojnikov)[24], Soreal pour « réalisme socialiste »[25], Politruk pour « commissaire politique » (russe : политический руководитель soit Polititcheskii roukovoditel)[26], Glavk pour « comité principal » ou « exécutif » (russe : главный комитет)[27], Sovnarkom pour « Conseil des commissaires du peuple » (le gouvernement)[28], Goulag pour le réseau des environ six cents camps de travail forcé[29] ou Roskomnadzor pour la censure (russe : Федеральная служба по надзору в сфере связи, информационных технологий и массовых коммуникаций soit « Service fédéral de surveillance des communications, technologies de l'information et des médias ») ; ces termes ne comportaient pas d'intention péjorative ou humoristique en eux-mêmes, bien au contraire, mais ont été intégrés par la population dans de nombreuses blagues politiques [30].
Ce procédé littéraire, comme de nombreux autres, est souvent utilisé pour nommer des produits ou des marques. En évoquant simultanément deux idées dans l'esprit du consommateur, il favorise l'assimilation de l'image du produit. Exemple : « Cracotte » (craquante + biscotte) ou « Pom'pote » (pomme + compote).
Dans les jeux vidéo, bandes dessinées, livres fantastiques et autres œuvres se passant dans un monde imaginaire fantastique, des mots-valises sont régulièrement utilisés dans la nomenclature du bestiaire et pour certains objets :
Le nom Pokémon n'est pas un mot-valise car aucun son n'y est commun aux deux mots tronqués dont il se compose (pocket et monster, ce qui donne le sens de « monstre de poche »). Toutefois, certaines des créatures du bestiaire fantastique qui apparaît dans la série sont désignées par des mots-valises, de manière plus ou moins reconnaissable, d'après le physique ou le caractère :
Les keypers sont des jouets renfermant une cachette fermée à clé : le terme est un composé des mots anglais key (clé) et keeper (gardien). C'est pour l'œil d'un lecteur, plus que pour l'oreille d'un auditeur, que ce mot s'avère être un mot-valise.
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