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pétition appelant à la légalisation de l'avortement en France De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le manifeste des 343 est une pétition parue le dans Le Nouvel Observateur, appelant à la légalisation de l'avortement en France, en raison notamment des risques médicaux provoqués par la clandestinité dans laquelle il est pratiqué. Selon le titre paru à la une du magazine, il s'agit de « la liste des 343 Françaises qui ont le courage de signer le manifeste Je me suis fait avorter »[1], s'exposant ainsi à des poursuites pénales pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement[2].
Le manifeste ouvre la voie à l'adoption, quatre ans après, de la loi Veil, qui dépénalise l'avortement.
Il est parfois surnommé « manifeste des 343 salopes », en raison d'une caricature parue dans Charlie Hebdo sous le titre « Qui a engrossé les 343 salopes du manifeste pour l'avortement ? »[3], alors que ce n'était pas le titre de ce manifeste.
Le manifeste, rédigé par Simone de Beauvoir, commence par ces phrases[4] :
« Un million de femmes se font avorter chaque année en France.
Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples.
On fait le silence sur ces millions de femmes.
Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare avoir avorté.
De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l'avortement libre. »
Suivent les 343 signatures, notamment celles de personnalités. Le total des signataires est supérieur, seuls 343 noms ont été retenus par Le Nouvel Observateur[5].
Une note en bas de page indique que « parmi les signataires, des militantes du “Mouvement de Libération des Femmes” réclament l'avortement libre et gratuit ».
Le texte se positionne contre la proposition de loi déposée en par le médecin et député gaulliste Claude Peyret, qui prévoyait d'élargir l'avortement thérapeutique, déjà toléré depuis 1955, aux cas de viol[6]. Il y a une forte opposition des femmes au projet Peyret[7] et à l'ANEA (Association nationale pour l'étude de l'avortement) qui aurait régulé le corps des femmes avec un avortement partiel.
L'idée du manifeste a été lancée par Jean Moreau, chef du service documentation du Nouvel Observateur lors d'une discussion animée avec la journaliste Nicole Muchnik un soir de dans la salle de rédaction du quotidien[8]. L'idée provient du manifeste des 121 publié en 1960 pendant la guerre d'Algérie[9].
Simone Iff, alors vice-présidente du planning familial, se mobilise fortement à titre personnel pour obtenir un maximum de signatures de célébrités[5].
La semaine suivant la parution du manifeste, l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo a fait sa une du avec la question « Qui a engrossé les 343 salopes du manifeste sur l'avortement ? », et une caricature[10],[11] de Michel Debré qui répond : « C'était pour la France ! »[12], valant à cette pétition d'être appelée familièrement le « manifeste des 343 salopes », un titre qui n'est pas celui des signataires[13]. Pour Maud Gelly, médecin hospitalier[12] :
« Que cette caricature, visant à ridiculiser un homme politique, ait au contraire laissé à la postérité une insulte machiste pour qualifier ces femmes, est assez significatif de l'antiféminisme qui préside parfois à la réécriture de l'histoire de la lutte des femmes. »
Le manifeste des 343 est un exemple notable de désobéissance civile en France. Aucune des signataires n'est poursuivie[14]. Il inspire en 1973 un manifeste de 331 médecins se déclarant pour la liberté de l'avortement.
L'année suivante, la première démonstration de l'avortement par la « méthode de Karman » en France avait eu lieu dans l'appartement de Delphine Seyrig en en présence de militantes du MLF, de Pierre Jouannet[15],[16], et de Harvey Karman[15], psychologue et militant pour la liberté de l'avortement en Californie depuis les années 1950[15]. Les médecins du Groupe information santé vont ensuite permettre à d'autres femmes de l'utiliser illégalement.
Le manifeste contribue, avec le procès de Bobigny, et la création et la mobilisation du Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception en 1973, à l'adoption, en -, de la loi Veil qui dépénalisait l'interruption volontaire de grossesse (IVG) lors des dix premières semaines de grossesse[17], ce qui correspond à douze semaines d'aménorrhée, un délai porté depuis à quatorze semaines d'aménorrhée, via la réforme de la loi de 1975 par Martine Aubry en 2001.
Le principe de la lettre trouve un écho en Allemagne. L'hebdomadaire Stern intitule son édition du de la même année Wir haben abgetrieben!, « nous avons avorté ! », signé par 374 femmes, certaines célèbres, comme les actrices Romy Schneider[18] et Senta Berger, d'autres inconnues. Encore de nos jours, ce numéro fait office de profession de foi libertaire au magazine Stern.
Le manifeste des 343 sert ensuite de modèle, en , au manifeste des 331, signé par des médecins favorables à l'avortement et affirmant l'avoir pratiqué pour des raisons humanitaires[19].
Par la suite, plusieurs autres manifestes, pour des causes différentes, font référence au manifeste des 343 :
De nombreuses femmes témoignent anonymement. Il y a des figures de l’époque qui elles s’engagent aussi à prendre le risque de perdre leur carrière et leur statut (Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Catherine Deneuve, Catherine Bernheim, Catherine Deudon, Annie Zelensky, etc.). Concernant les femmes qui n'ont pas participé au manifeste des 343, en signant de leur nom, certaines d'entre elles témoigneront plus tard les raisons pour lesquelles elle ne pouvaient pas. Annie Ernaux est l'une d'entre elles. Elle explique avoir eu recours à l'avortement en 1964, dans un article de L'Humanité, elle écrit qu'« elle n'était rien », qu'elle était « totalement dans l'illégalité »[26] et il aurait été honteux de signer ce manifeste.
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