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apôtre et missionnaire du christianisme De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Paul de Tarse, ou saint Paul pour les catholiques et les orthodoxes, portant aussi le nom juif de Saul, né au début du Ier siècle probablement à Tarse en Cilicie et mort entre 64 et 68 à Rome, est une personnalité du christianisme primitif. Juif et citoyen romain de naissance, il persécute les disciples de Jésus de Nazareth avant de revendiquer le titre d’apôtre de ce dernier, bien qu'il n'appartienne pas au cercle des Douze.
Paul de Tarse Saint chrétien | |
Saint Paul (vue d'artiste), par Antoine van Dyck (1618-1620), Niedersächsisches Landesmuseum, Hanovre. | |
Apôtre des nations, martyr | |
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Naissance | début du Ier siècle Tarse, Cilicie, Empire romain |
Décès | entre 64 et 68 à Rome, Italie, Empire romain |
Autres noms | L'Apôtre des gentils |
Vénéré à | Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs à Rome |
Fête | 25 janvier (Fête de la conversion de saint Paul) 10 février (Fête du naufrage de saint Paul à Malte) 29 juin solennité de saint Pierre et saint Paul 30 juin Commémoraison de saint Paul (calendrier traditionnel) |
Attributs | Épée (symbole de son martyre) et livre (symbole de ses écrits) |
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Paul de Tarse devient dès lors l'une des figures majeures de la diffusion du christianisme en dehors des cercles juifs et judéo-chrétiens ainsi que dans plusieurs communautés chrétiennes primitives en Asie mineure, en Grèce et à Rome. La tradition chrétienne le surnomme l'« Apôtre des Gentils » c'est-à-dire des non-juifs, ou encore l'« Apôtre des nations ».
Au cours de sa mission itinérante, qui s'étale des années 40 aux années 60, il adresse des lettres à ces premières communautés. Ces lettres, dites « épîtres pauliniennes », écrites avant les Évangiles, sont les documents les plus anciens du christianisme. Elles représentent l'un des fondements de la théologie chrétienne, en particulier dans le domaine de la christologie, mais aussi, d'un point de vue historique, une source majeure sur les origines du christianisme.
La biographie de Paul repose uniquement sur deux sources : ses treize lettres (dont sept sont jugées authentiques par la quasi-totalité des spécialistes), et les Actes des Apôtres, dont la deuxième partie est pour l'essentiel un récit de l'activité missionnaire de Paul jusqu'à son arrivée à Rome[1].
Cependant, il arrive que certaines données des Actes ne coïncident pas avec les informations puisées dans les lettres. Les historiens considèrent alors celles-ci comme la source la plus fiable, car Luc, auteur des Actes, « était d'abord un théologien du Fils de Dieu et de son Église, et [...] ses relations avec les "faits historiques" n'étaient pas aussi naïves qu'on le croyait[1] ».
La date de naissance de Paul est inconnue, mais il est probablement venu au monde juste avant ou juste après le début du Ier siècle[2].
Selon ses propres écrits, Paul est issu d'une famille juive et peut rattacher son ascendance généalogique à la tribu de Benjamin[3], comme on peut lire dans les passages suivants : « moi, circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu né d'Hébreux [...] »[p 1], « Je dis donc : Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Loin de là ! Car moi aussi je suis israélite, de la postérité d'Abraham, de la tribu de Benjamin »[p 2] et « Sont-ils Hébreux ? Moi aussi. Sont-ils Israélites ? Moi aussi. Sont-ils de la postérité d'Abraham ? Moi aussi »[p 3]. De plus, selon Luc, il provient de Tarse en Cilicie, une région située dans la partie méridionale de l'actuelle Turquie, comme on peut le lire dans les passages suivants[4] : « Je suis juif, reprit Paul, de Tarse en Cilicie, citoyen d'une ville qui n'est pas sans importance. [...] »[p 4] et « Je suis juif, né à Tarse en Cilicie [...] »[p 5]. Selon Jérôme de Stridon, il serait plutôt né à Giscala en Galilée et sa famille aurait été déportée à Tarse alors qu'il était encore un enfant[4],[5].
Il porte d'abord un nom hébraïque, Saül (en hébreu : שאול Šā’ûl prononcé : [ʃɑ.uːl]), lequel nom signifie « demandé [à Dieu], désiré »[6]. Plus tard, il adopte le cognomen romain Paulus, qui signifie littéralement « petit », « faible », « peu considérable »[7]. Aussi est-il connu, dans le christianisme, sous son nom latin Paul.
Dans sa jeunesse à Jérusalem, Paul aurait été instruit par Gamaliel pour y apprendre la Loi[5]. Selon Luc, il le mentionnerait lui-même en disant : « Je suis juif, né à Tarse en Cilicie ; mais j'ai été élevé dans cette ville-ci, et instruit aux pieds de Gamaliel dans la connaissance exacte de la loi de nos pères, étant plein de zèle pour Dieu, comme vous l'êtes tous aujourd'hui »[p 5].
Paul connaît l'araméen et l'hébreu. Sa langue maternelle est le grec de la koinè[8], et c'est dans la traduction des Septante qu'il lit la Bible. Les études récentes attestent une maîtrise de la diatribe grecque[9], ce qui suppose une éducation sérieuse à Tarse. Il est d'une famille apparemment aisée, puisque celle-ci possède le droit de cité romain, ce qui ne l'empêche pas — selon une pratique assez courante à l'époque dans les familles juives, et en particulier parmi les rabbins — d'apprendre un métier manuel : les Actes indiquent qu'il fabrique des tentes, c'est-à-dire qu'il est probablement tisserand ou sellier.
La « conversion » de Paul a lieu entre 31 et 36[10],[11],[12]. Selon les Actes des Apôtres, l'événement s'est produit au cours d'un voyage vers Damas. Le Nouveau Testament le présente comme un persécuteur des disciples de Jésus jusqu'à sa rencontre mystique avec le Christ, vers 32-36[13], mais l'historicité de ces persécutions fait débat dans la recherche moderne, tout comme l'emploi du mot « conversion » à son propos[14] : dans la mesure où Paul est un Juif qui, après l'événement du chemin de Damas, ne quitte pas le judaïsme mais reconnaît en Jésus de Nazareth le Messie qu'attend Israël, il ne se « convertit » pas[15]. Il n'utilise d'ailleurs pas ce terme et parle plutôt à ce propos d'« apocalypse » dans le sens de « révélation »[14].
Les Actes relatent (au début du chapitre 9) en ces termes la rencontre mystique de Paul avec Jésus-Christ ressuscité : « [Paul] tomba par terre, et il entendit une voix qui lui disait : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il répondit : Qui es-tu, Seigneur ? Et le Seigneur dit : Je suis Jésus que tu persécutes. Il te serait dur de regimber contre les aiguillons[p 6]. » Paul sortit de cette rencontre bouleversé [16] et persuadé que celui qu'il persécutait était le Seigneur donné par Dieu pour le salut de son peuple. Selon les Actes, à la suite de ce bouleversement, il perdit la vue pendant trois jours[p 7]. Ensuite, il fut baptisé au nom du Christ par Ananie de Damas lorsque ce dernier « imposa [ses] mains à Saul, en disant : Saul, mon frère, le Seigneur Jésus, qui t'est apparu sur le chemin par lequel tu venais, m'a envoyé pour que tu recouvres la vue et que tu sois rempli du Saint-Esprit[p 8]. » Immédiatement après cela, « il recouvra la vue. Il se leva, et fut baptisé[p 9]. »
Sa fonction d'apôtre est confirmée par les trois « colonnes » qui dirigent le mouvement : Jacques le Juste, Pierre et Jean (Galates 2, 7:9). Il se présente alors lui-même lors de ses voyages comme un apôtre désigné directement par le Christ, et comme le bénéficiaire de la dernière apparition de Jésus (1 Co 15,8).
Il fut l'apôtre qui favorisa activement, sans en être cependant l'initiateur, l'« ouverture vers les gentils » — c'est-à-dire les non-juifs[17] — de l'Église naissante. Pour les premiers chrétiens, juifs d'origine, la Loi de Moïse n'était pas remise en question et les « incirconcis » demeuraient des personnes peu fréquentables, auxquelles le message du Christ ne semblait pas destiné. Paul, à la suite de Barnabé, alla prêcher chez eux. Si Paul a tenté de donner une portée plus universaliste (moins contraignante) au judaïsme, il n'a en revanche jamais voulu rompre avec lui. Sa prédication garde toujours un caractère profondément synagogal. Paul, d'ailleurs, plus qu'aux « gentils » s'adresse aux craignants-Dieu, c'est-à-dire aux prosélytes « judaïsants » d'origine grecque et ayant adopté certaines croyances et pratiques juives.
Après sa conversion, Paul séjourne quelque temps à Damas, puis en Arabie, ensuite à Jérusalem, Tarse, avant d'être invité par Barnabé à Antioche. C'est de cette ville qu'il partira pour ses voyages missionnaires. On peut dater ses voyages dans un intervalle de quelques années de 45 à 58 environ[p 10].
Son premier voyage, estimé de 45 à 49, est un aller-retour qu'il effectue en compagnie de Barnabé et de Jean Marc (cousin de Barnabé). Il visite Chypre (Paphos), la Pamphylie (Pergé) et prêche autour d'Antioche de Pisidie. Paul et Barnabé cherchent à convertir des Juifs, prêchent dans les synagogues, sont souvent mal reçus et obligés de partir précipitamment – à cause de leur annonce du salut et de la résurrection en Jésus (Actes 13:15-41) sans que cela soit systématique (Actes 13:42-49). Sur le chemin du retour, ils ne repassent pas par Chypre et se rendent directement de Pergé à Antioche.
Le concile de Jérusalem et le conflit d'Antioche, que l'on date généralement autour de l’année 50[a] et dont l'ordre de déroulement lui-même fait l’objet de débats[20], sont les deux premiers épisodes attestés d'un profond différend qui s'est développé à l'intérieur même du mouvement des disciples de Jésus. Il va opposer, de manière parfois très vive et durant plus d'une décennie, Paul, représentant les chrétiens d'origine grecque, à Pierre et Jacques, représentant les chrétiens d'origine judéenne[18].
De manière plus générale, ces événements — avec d'autres péripéties conservées dans certaines lettres de Paul[p 11],[21] — ont eu une incidence considérable sur les rapports entre les deux tendances principales : les « pauliniens », d'une part, qui soulignent la valeur de la croyance dans le Messie et les « jacobiens » et « pétriniens », d'autre part, qui maximalisent la portée de l'observance de la Torah[22] : en d'autres termes, est-ce que le salut s'obtient par la croyance au Messie ou par l’observance de la Torah[23] ? Les premiers sont à l’origine du courant rétrospectivement appelé « pagano-christianisme » et les seconds à celui nommé « judéo-christianisme »[24].
Paul rapporte de façon assez détaillée ce conflit dans une lettre écrite aux communautés de Galatie, probablement la communauté d'Éphèse, dans les années 54-55[25], alors que le récit des Actes des Apôtres date d'une trentaine d'années après les faits.
Les débats que soulèvent ces événements ne sont pas doctrinaux ni liés à la théologie de Paul — qui semble se développer ultérieurement — mais d'ordre rituel[18] et consécutifs à un phénomène nouveau, l'apparition d'adeptes non juifs au sein du mouvement de Jésus, des Grecs issus du paganisme. L'observance des règles prescrites dans la Torah par ces chrétiens d'origine polythéiste est devenue une question épineuse : par exemple la question de la circoncision, déjà problématique médicalement pour un adulte à l'époque, mais en plus interdite pour un non-juif dans la société romaine[b].
Lors de la réunion de Jérusalem, l'observance de la Torah par les chrétiens d'origine polythéiste est examinée[25] et la question de la circoncision y est notamment soulevée par des pharisiens devenus chrétiens. Examinée par les apôtres et les presbytres (« anciens ») en présence de la communauté, elle est arbitrée par Pierre qui adopte le principe suivant, accepté par Jacques, l’autre dirigeant de la communauté hiérosolymitaine : Dieu ayant purifié le cœur des païens par la croyance en la messianité de Jésus, il n'y a plus de raison de leur imposer le « joug » de la Torah[26].
Toutefois, Jacques reste inquiet par des problèmes pratiques, qui naîtront dans les « communautés mixtes »[25] qui réunissent les chrétiens d'origine juive et ceux d'origine païenne[c] : les premiers ne doivent pas avoir à craindre de souillure à la fréquentation des seconds qui doivent observer un minimum de préceptes qui sont communiqués par une lettre à destination de ces derniers, connue sous le nom de « décret apostolique »[27]. Mais il n'y est plus question de la circoncision, pourtant à l’origine du débat[23].
La réunion de Jérusalem n'a pas réglé le problème de la coexistence de chrétiens de divers courants et origines culturels, notamment au moment des banquets cérémoniels, le partage eucharistique[28]. C'est à la même époque que prend place un épisode de tension entre Paul et Pierre, connu sous le nom de « conflit » ou « rupture » d'Antioche, au terme duquel Paul quitte Antioche, dans ce qui s'apparente à un exil d'une communauté qu'il a contribué à fonder[29].
Après la réunion de Jérusalem, les Actes des Apôtres[p 12] mentionnent la lettre écrite par les apôtres Jacques, Pierre et Jean avec les anciens de la communauté de Jérusalem, laquelle est envoyée aux communautés d'Antioche, de Syrie et de Cilicie — zone de mission confiée à Paul et Barnabé — et probablement portée par ceux qu'une épître de Paul appelle les « envoyés (apostoloi, apôtres) de Jacques »[30][source insuffisante]. Toutefois, on ne sait pas si ce document, qui soulève de nombreuses questions d'ordre littéraire et historique[27], est à l'origine du différend ou s'il a été rédigé pour apaiser les esprits après l’incident[28].
Il y est demandé aux destinataires d'observer un compromis défini par Jacques. Cette lettre contient probablement les quatre clauses que la tradition chrétienne appelle « décret apostolique »[27], et dont voici l'une des versions :
« L'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d'autres charges que celles-ci, qui sont indispensables : vous abstenir des viandes immolées aux idoles, du sang, des chairs étouffées et des unions illégitimes. Vous ferez bien de vous en garder. Adieu[p 13]. »
À la lumière d'une lettre de Paul[30], il est possible que l'observance de ces quatre clauses ait visé à résoudre l’épineux problème de la communauté de table entre les disciples d'origine juive et ceux d'origine païenne[27], même s'il n'en est fait aucune mention dans le décret tel qu'il a été conservé[d].
En tout état de cause, la venue des « envoyés de Jacques » à Antioche, avec probablement des directives orales, semble avoir provoqué un bouleversement dans les habitudes des communautés chrétiennes de la ville où les judéo-chrétiens et les « pagano-chrétiens » avaient pris l'habitude de prendre les repas symbolisant l'eucharistie en commun[31]. Ce à quoi la venue des émissaires de Jacques, munis de ses directives, semble avoir voulu mettre un terme. Cela ne se passe pas sans émoi et Paul prend vertement[32] à partie l'apôtre Pierre[33] qui, alors qu'il partageait jusque-là les repas en compagnie des « paganos-chrétiens », se tient à l'écart de ceux-ci consécutivement au passage des envoyés de Jérusalem[31], se voyant alors reprocher son hypocrisie[32].
C'est peut-être l'attitude tranchante de Paul dans certaines de ses lettres à la suite de ces événements — et d'autres dans ses missions ultérieures — qui a fourni au « parti des circoncis »[31], insatisfait de l’arbitrage de Jérusalem et n’ayant pas renoncé à imposer l’observance de la Torah pour le salut des fidèles[34], une raison de considérer ce dernier comme rompu par lui, initiant contre Paul, lors de sa visite à Jérusalem de 58, un cycle de procès et d'incarcérations qui le mèneront — si l'on suit les Actes[35] — de Jérusalem à Rome[36].
Paul effectue son deuxième voyage, vers 50-52, en compagnie de Silas. Son premier objectif est de rencontrer à nouveau les communautés qui se sont créées en Cilicie et Pisidie.
À Lystre, il rencontre Timothée qui continue le voyage avec eux. Ils parcourent la Phrygie, la Galatie, la Mysie. À Troie, ils s'embarquent pour la Macédoine où, en suivant la Via Egnatia, ils passent par les villes de Philippes, Amphipolis et Thessalonique.
Paul séjourne quelque temps à Athènes[37], où il est moqué par les philosophes épicuriens et stoïciens, mais convertit Denys l'Aréopagite et une femme nommée Damaris[38], puis à Corinthe où il est conduit au tribunal[39] et acquitté par le proconsul d'Achaïe Gallion, frère aîné de Sénèque[40]. Une tradition datant du IIIe siècle composera une correspondance apocryphe entre ce dernier et Paul[41].
Il retourne ensuite à Antioche en passant par Éphèse et Césarée.
Le troisième voyage, entre 53 et 58, est une entreprise de consolidation : Paul retourne voir les communautés qui se sont créées en Galatie, Phrygie, à Éphèse, en Macédoine jusqu'à Corinthe. Puis il retourne à Troie en passant par la Macédoine. De là, il embarque et finit son trajet par bateau jusqu'à Tyr, Césarée et Jérusalem où il est arrêté.
Dans les Actes des Apôtres[p 14], il est rapporté que lors de son dernier séjour à Jérusalem en 58, Paul a été accueilli très chaleureusement par Jacques le Juste, le « frère du Seigneur » et chef de la communauté des nazôréens, ainsi que par les anciens (Actes 21:17-26)[36]. Ceux-ci lui font savoir que, selon des rumeurs, il a enseigné aux juifs de la diaspora l'« apostasie » vis-à-vis de « Moïse », c'est-à-dire le refus de la circoncision de leurs enfants et l'abandon des règles alimentaires juives[36]. Jacques et les anciens suggèrent à Paul un expédient qui doit montrer aux fidèles son attachement à la Loi, il doit entamer son vœu de naziréat et payer les frais pour quatre autres hommes qui ont fait le même vœu[36]. Puis, ils lui citent les clauses du « décret apostolique » émis pour les chrétiens d'origine païenne, que Paul n'aurait pas remplies[36].
Un mouvement de contestation houleux, soulevé par des Juifs d'Asie, entraîne l'arrestation de Paul alors qu'il se trouve dans le Temple[p 15],[42]. Paul est accusé d'avoir fait pénétrer un « païen », Trophime d'Éphèse, dans la partie du Temple où ceux-ci sont interdits sous peine de mort[42]. « Apparemment, Jacques et les anciens ne font rien pour lui venir en aide, ni pour lui éviter son transfert à Césarée » puis plus tard à Rome[42]. Selon Simon Claude Mimouni, cet incident montre un certain durcissement du groupe de Jacques le Juste en matière d'observance, probablement lié à la crise provoquée par les Zélotes, qui aboutira en 66 à la révolte des Juifs contre les Romains[42].
Paul comparaît devant le procurateur Antonius Felix[43], alors que le grand-prêtre Ananie soutient l'accusation contre lui. L'orateur Tertullus l'accuse alors de « susciter des séditions chez tous les Juifs de la terre habitée »[p 16]. Toutefois, Felix ne statue pas sur son cas et le maintient en prison à Césarée. Pour décider du sort de Paul, Porcius Festus le successeur de Felix, organise en 60 une autre comparution devant lui, en y associant Agrippa II et sa sœur Bérénice[43], descendants du roi Hérode.[source insuffisante]
Selon le récit des Actes des Apôtres cité par Schwentzel, Bérénice « fait son entrée en grande pompe dans la salle d'audience où elle siège aux côtés d'Agrippa II, lors de la comparution de Paul à Césarée. Après le procès, elle participe à la délibération entre le roi et le gouverneur Porcius Festus[p 17],[44] (procurateur de Judée de 60 à 62[45]). »[source insuffisante]
Ayant fait « appel à César » en tant que citoyen romain, Paul est renvoyé à Rome pour y être jugé[p 18].
Pendant le trajet de Césarée à Rome, l'action d'évangélisation de Paul se poursuit (Actes 28, 30-31). C'est au cours de ce voyage qu'il fait naufrage à Malte « où les habitants lui témoignent une humanité peu ordinaire » (Actes 28:1-2). Après, il débarque à Pouzzoles où il est reçu par une petite communauté chrétienne (Actes 28:13-14). Il serait arrivé à Rome vers 60. On aurait permis à Paul de vivre dans une maison privée sous la garde d’un soldat, avec l'assistance de l'esclave Onésime (Phil 8-19).
Selon Eusèbe de Césarée, « après avoir plaidé sa cause, l'apôtre repartit de Rome, de nouveau, dit-on, pour le ministère de la prédication[p 19] » : Marie-Françoise Baslez estime « vraisemblable » la mission en Espagne, que Clément de Rome évoque dans son épître à la fin du Ier siècle[47]. « Les Actes de Pierre, biographie romancée composée vers 180, affirment la réalité du voyage espagnol et l’interprètent comme une nouvelle étape dans l'évangélisation du monde païen[47]. » Selon les Actes de Pierre, « pour accomplir cette tâche, ses fidèles de Rome lui donnent un an »[p 20],[49]. En Catalogne, à Tortose, la tradition veut que Paul ait consacré Rufus comme évêque de cette ville, et à Tarragone, l’église Saint-Paul a été construite, dit-on, sur le rocher sur lequel l’apôtre serait monté pour prêcher[50].
La lettre à Tite ainsi que les deux adressées à Timothée situent les dernières années de Paul dans la province romaine d'Asie[49]. Elles sont écrites par des contemporains de Paul et « les indications de personnes et de lieux, dépourvues de significations particulières, ont toutes chances d'avoir un caractère historique[49]. » Paul arrive à Éphèse vers 65, « alors que le groupe chrétien de la ville est en crise[51]. » Il oblige Timothée à lui céder sa place à la tête de la communauté des chrétiens, « mais face aux difficultés que lui font ses opposants, il se retire à Milet et demande à Tychique de lui succéder[51]. »
Durant deux années, Éphèse constitue la base de la mission de Paul en direction des « Juifs et des Grecs » de la province romaine d'Asie[51]. C'est à cette communauté que Paul adresse son épître aux Éphésiens, dont l'authenticité est discutée[51].
Paul est arrêté dans la province d'Asie[52]. Cette fois encore, l'accusation de subversion motive son arrestation[53].
Plusieurs passages des épîtres de Paul laissent entendre que l'apôtre souffrait d'une maladie chronique potentiellement mortelle. Lorsqu’il aborde cette question, Paul en parle comme d’une « écharde » enfoncée dans sa chair. Le mot grec qu'il utilise, skolops, désigne littéralement un « pieu » ou un « pal ». Plusieurs pathologies ont été suggérées : ophtalmie purulente, épilepsie, thalassémie, paludisme. Plusieurs chercheurs se sont prononcés en faveur de cette dernière hypothèse, dont l’archéologue William Mitchell Ramsay, le théologien Ernest-Bernard Allo et l'historien Thierry Murcia[54]. Le paludisme était la maladie la plus répandue dans l'Antiquité et les crises paludéennes, dont on ignorait l'origine, étaient alors fréquemment attribuées à l'action d'un démon[55].
La fin de sa vie reste obscure : les Actes des Apôtres se terminent brusquement sur l'indication qu'il est resté deux ans à Rome en liberté surveillée. Ainsi, ni le martyre de Jacques le Juste (62), ni celui des deux héros des Actes — Pierre et Paul — ne sont racontés. Par contre, plusieurs sources évoquent sa mission à Éphèse vers 65 et une deuxième arrestation le conduisant à nouveau à Rome[56],[51].
Traditionnellement, la mort de Paul est associée à la répression collective des chrétiens de Rome, accusés d'avoir incendié la ville en 64. Il n'existe cependant aucune source qui établisse un lien entre cette répression et la condamnation de Paul[57]. En outre, la Première épître de Clément (5,7 et 6,1) « distingue clairement le martyre de l'apôtre et la persécution de 64[58] ». Les plus anciennes indications chronologiques au sujet de sa mort datent du IVe siècle et font référence aux années 67-68[57] sous le règne de l'empereur Néron. Pour M.-F. Baslez « les Actes du martyre de Paul, tel que le souvenir s'en conserva dans la province romaine d'Asie jusqu'au IIe siècle, situent l'événement dans le même contexte que l'Épître aux Philippiens et que la Deuxième épître à Timothée[59]. » Paul aurait donc continué ses activités missionnaires après avoir été relâché, avant d’être de nouveau arrêté et ramené à Rome pour y être jugé.
Après sa condamnation, Paul est conduit à la sortie de Rome, sur la Via Ostiense, pour y être décapité[59]. Outre Luc et Tite, il aurait été entouré par des convertis issus de la maison impériale[59]. La tradition orale des chrétiens de Rome indique qu'il se tourna vers l'Orient pour prier longuement. « Il termina sa prière en hébreu pour être en communion avec les Patriarches. Puis il tendit son cou, sans plus prononcer un mot[p 21],[59]. »
Plusieurs aspects de la vie de Paul demeurent mal expliqués : sa double appartenance juive et romaine, sa conversion radicale, ses contacts avec les autorités romaines. Quant à sa citoyenneté romaine réelle ou supposée, elle embarrasse de nombreux historiens. Toutefois les recherches modernes montrent que bien des citoyens de son époque disposaient d'une tribu (inscription électorale), nécessairement romaine, et d'une origo, une cité d'origine (père, grand-père, etc.) pérégrine ou même étrangère de droit à l'empire.
Paul indique que la citoyenneté romaine lui vient de son père. Celui-ci ou un de ses ancêtres, aurait-il bénéficié de cette citoyenneté sur décision impériale ? C'est peu probable si l'on se fie à une inscription datant de l'époque d'Auguste trouvée à Pergame, en Asie mineure, où l'on ne compte aucun citoyen romain parmi les notables, tandis que des octrois de citoyenneté romaine à des magistrats de haut rang sont attestés aux époques plus tardives de Trajan et d'Hadrien[60]. La présence de Juifs citoyens romains à Éphèse en 48 av. J.-C. ainsi qu'à Sardes et Délos est cependant mentionnée par Flavius Josèphe[61].
L'information donnée par Jérôme de Stridon (qui la tiendrait d'Origène), selon laquelle la famille de Paul était originaire de Galilée, déplacée à Tarse à la suite d'exactions commises par les armées romaines dans la province de Judée (en 4 avant l'ère chrétienne, ou 6 après l'e.c.), « cette version des faits permet d'accorder une certaine confiance à quelques données jusque-là difficiles à expliquer », écrit Michel Trimaille. La revendication de Paul d'être « hébreu, fils d'Hébreux » (Philippiens, 3, 5 ; 2e lettre aux Corinthiens, 11, 22), suppose, avec la Judée, des relations plus étroites que celles d'un quelconque Juif de la Diaspora. « Si la famille de Paul a été déportée depuis une génération seulement, il n'est pas étonnant que dans sa famille, on n'ait pas oublié l'appartenance à la tribu de Benjamin (Philippiens 3, 5), alors que la plupart des Juifs des anciennes diasporas avaient perdu la mémoire de leurs racines tribales. Ses anciennes études à Jérusalem (Actes, 22, 3) deviennent plus vraisemblables[62] ».
Selon Michel Trimaille encore, la citoyenneté romaine de Paul peut être mise en doute : en effet, même si elle « n'imposait pas d'obligations inconciliables avec la foi juive », elle impliquait malgré tout « la reconnaissance d'institutions, y compris culturelles et religieuses, difficilement acceptable pour un pharisien strict. On peut considérer que Luc [qui présente Paul comme citoyen romain dans les Actes des Apôtres] a vu là une simple manière de situer son héros au sommet de la hiérarchie sociale ». Dans les Actes des Apôtres, Paul affirme qu'il est citoyen romain par naissance[63].
Doutant que le Sanhédrin de Jérusalem ait pu disposer du pouvoir d'extrader des Juifs de Damas, Alfred Loisy a jugé invraisemblable cet aspect de la mission répressive de Paul contre les chrétiens de Damas racontée en 9,2[64]. Flavius Josèphe affirme qu'un tel pouvoir d'extradition avait été accordé par les Romains à Hérode le Grand, mais c'est insuffisant pour conclure[64].
Paul dit avoir « reçu dans [sa] chair une écharde, un envoyé de Satan » que Dieu n'a pas débarrassé malgré ses prières (2 Co 12:7-9). En 1978, le prêtre épiscopalien Tom Horner interprète, entre autres hypothèses, qu'il s'agit peut-être une « homosexualité latente ». Il reprend la suggestion de Sidney Tarachow, qui avait noté le célibat de Paul, sa recherche d'affection et son besoin d'avoir des hommes comme compagnons de voyage[65].
L'évêque John Spong, dans son livre Rescueing the Bible from Fundamentalism, publié chez HarperCollins en 1991, suscite la controverse, même parmi les chrétiens libéraux, en affirmant que Paul était un « homme homosexuel refoulé et dégoûté de lui-même ». Spong se base pour cela sur les expressions d'horreur de l'apôtre vis-à-vis de lui-même, son hostilité envers les femmes et son éternel célibat[66]. Cette possible homosexualité, ou bisexualité, de Paul a été reprise par certains auteurs[67],[68], mais elle reste peu crédible pour d'autres[69].
Une possible asexualité de Paul a été proposée[70],[71], notamment sur la base de ce qu'il écrit dans la première épître aux Corinthiens :
« Je dis cela par condescendance, je n'en fais pas un ordre. Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi; mais chacun tient de Dieu un don particulier, l'un d'une manière, l'autre d'une autre. A ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, je dis qu'il leur est bon de rester comme moi. Mais s'ils manquent de continence, qu'ils se marient; car il vaut mieux se marier que de brûler. »
— 1 Co 7:6-9
Dans le Nouveau Testament, treize épîtres sont explicitement attribuées à Paul (l’épître aux Hébreux étant anonyme) :
L'attribution des lettres de Paul n'a pas été remise en question avant 1840, quand les travaux de l'Allemand Ferdinand Christian Baur l'amenèrent à n'accepter que quatre lettres comme authentiques (Romains, Corinthiens 1 & 2, et Galates). Si les courants exégétiques de la critique radicale estimèrent longtemps que rien des lettres de Paul n'était authentique, les théologiens Adolf Hilgenfeld (1875) et Heinrich Julius Holtzmann (1885) rajoutèrent à la liste de Baur les épîtres à Philémon, aux Thessaloniciens 1 et aux Philippiens, pour constituer ce qui est généralement considéré aujourd'hui comme les sept « lettres incontestées » de Paul ou épîtres « proto-pauliniennes ». De nos jours, l'authenticité ou l'attribution des autres est plus ou moins discutée. On distingue classiquement :
Elles sont considérées comme étant de Paul, avec des dates de rédaction allant de 51 (la première aux Thessaloniciens) à 61 (pour l'épître aux Philippiens), ce qui en fait les plus anciens écrits chrétiens qui nous soient parvenus[72].
Ce sont, avec les dates de rédaction estimées par les historiens :
Ces trois lettres seraient l'œuvre de disciples de Paul sans que l'on puisse identifier précisément ces auteurs.
En 2000, la question de l'authenticité des épîtres se présente comme suit :
Ces statistiques évoquées par l'historien Régis Burnet sont reconnues par la communauté scientifique dans son ensemble[73].
Les trois épîtres pastorales sont probablement dues à des disciples de Paul vers la fin du Ier siècle : il est très généralement admis par les exégètes (par exemple Raymond E. Brown) que ces épîtres sont des pseudépigraphes[74].
Ce sont :
Depuis 1976 et les travaux d'Albert Vanhoye, il est admis que l'épître aux Hébreux n'est pas une épître mais un traité, et que Paul de Tarse n'en est pas l'auteur. Le texte ne contient d'ailleurs aucune allusion à Paul en tant qu'auteur, et est l'œuvre d'un anonyme. Sa datation fait débat, et les historiens placent sa rédaction entre 60 et 90. Son admission dans le canon néotestamentaire a fait l'objet de divergences, et ce dès les premiers siècles du christianisme.
On peut également grouper ces treize lettres selon leurs thèmes :
D'après un passage de l'épître aux Romains, les épîtres authentiques auraient été dictées à un secrétaire[p 32]. On sait en effet que l'écriture n'était pas chose aisée et que les écrits étaient dictés à un ou plusieurs scribes.
Le discours paulinien a un aspect très répétitif. Cette parole insistante a souvent été comparée à celle d'un bègue. Bossuet par exemple écrivait que les beaux esprits ont appris « à bégayer humblement dans l'école de Jésus-Christ, sous la discipline de Paul » (cité par Chateaubriand, Le Génie du christianisme, livre V, chapitre 2, note 21). Ernest Renan quant à lui se demandait : « Le style de saint Paul […], qu'est-il, à sa manière, si ce n'est l'improvisation étouffée, haletante, informe, du "glossolale" ? […] On dirait un bègue dans la bouche duquel les sons s'étouffent, se heurtent et aboutissent à une pantomime confuse, mais souverainement expressive[75]. »
Les différences entre le Jésus de Paul et celui des Évangiles ont parfois été jugées considérables.
Inversement, il est aussi mis en évidence la continuité entre l’enseignement de Jésus de Nazareth et celui de Paul concernant l'interprétation de l'histoire, l'amour de Dieu pour tous les hommes, la justification par la foi, l'éthique[76].
Cet enseignement est centré sur le Christ, « mort pour nos péchés, selon les Écritures », « ressuscité le troisième jour, selon les Écritures » (1 Co 15, 3-4), désigné comme le « Seigneur » (1 Co 12, 3), le « Fils de Dieu » (Rm 1, 4, etc.) qui est l’« Esprit de vie » (Rm 8, 2), et en qui « habite corporellement toute la plénitude de la divinité » (Col 2, 9) :
La rédemption s’adresse à tous, indépendamment de la race, de la condition sociale, du sexe, etc.
Ainsi, l’Église ne représente plus seulement une communauté de croyants mais devient un corps mystique (Ep 1, 23 ; Col 1, 24).
Paul met l'accent sur la foi, l'espérance et donne une place fondamentale à l'amour, sans lequel toute recherche de vie intérieure, de spiritualité profonde ou de salut est vaine :
L'« Apôtre des gentils » a contribué à structurer la doctrine chrétienne du début du christianisme.
L'Épître aux Romains a servi de référence à Luther pour fonder sa doctrine de la justification par la foi. Elle sert aussi de référent au théologien Karl Barth et au juriste Carl Schmitt pour penser l'origine de l'État ou les impasses de la démocratie[75].
Alain Badiou déclare à son sujet : « Pour moi, Paul est un penseur-poète de l'événement, en même temps que celui qui pratique et énonce des traits invariants de ce qu'on peut appeler la figure militante. Il fait surgir la connexion, intégralement humaine, et dont le destin me fascine, entre l'idée générale d'une rupture […], et celle d'une pensée-pratique, qui est la matérialité subjective de cette rupture[75]. »
Jean-Michel Rey, dans son essai Paul ou les ambiguïtés[77], souligne l'étrange actualité de l'apôtre : « La pensée paulinienne imprègne toute notre conception de la politique ; elle en organise, le plus souvent à notre insu, les principales articulations[75] ». En effet, que l'on soit réformiste ou révolutionnaire, nous sommes incapables de dire la nouveauté autrement que sur un mode violent : une conversion absolue, où l'accueil de l'inédit appelle non seulement une émancipation à l'égard du passé, mais encore le désaveu de l'antérieur. Ce modèle propre aux philosophies de l'histoire, ce prototype des idéologies progressistes est propre à la structure de pensée de Paul. Son discours sépare en toute netteté le présent du passé. Le passé est désigné comme ne pouvant pas comprendre et reconnaître les formes de la nouvelle réalité[75].
Divers aspects de l’enseignement de Paul ont été très critiqués.
Nietzsche considère que Paul est le véritable fondateur, davantage que Jésus, du christianisme. Dans L'Antéchrist, pour dénoncer la valorisation de ce qu'il désigne comme une décadence à imputer au christianisme, il rappelle plusieurs paroles de Paul, dont celle-ci présente en 1 Co 1, 28 : « Dieu a choisi ce qui est faible devant le monde, ce qui est insensé devant le monde, ce qui est ignoble et méprisé » : c'est là ce qui fut la formule, in hoc signo, la décadence fut victorieuse[78]. » Voici les versets concernés :
Dans l’Antéchrist (fin de l'aphorisme 45), le philosophe (anti-nationaliste, anti-chrétien et « anti-antisémite », et même parfois philosémite, sous l'influence de Paul Rée[79]) écrit également :
« Qu’on lise la première partie de ma Généalogie de la morale : pour la première fois, j’y ai mis en lumière le contraste entre une morale noble et une morale de tchândâla [« mangeur de chien » en sanskrit, hors-caste dans l'hindouisme], née de ressentiment et de vengeance impuissante. Saint Paul fut le plus grand des apôtres de la vengeance[80]… »
Pour Nietzsche, le christianisme, inventé par Saint Paul (et non par Jésus, vu comme un « surhomme »), dévalorise le monde vivant et matériel au profit d'un « arrière-monde » idéal ; le philosophe allemand considère en effet que le christianisme de Saint Paul (qui est pour lui un platonisme vulgarisé) promeut l'idée que la Création, le monde sensible, est un monde mauvais et en le considérant ainsi le christianisme a rendu réellement mauvais le monde (contrairement aux Anciens grecs, par exemple, qui acceptaient le monde sensible ou la Nature pour l'embellir, pour y puiser leur mythologie, pour s'en inspirer et créer en son honneur des fêtes sacrées, source de puissance et de beauté, toujours selon Nietzsche).
Les propos de Paul concernant les femmes lui ont été vivement reprochés et ont été opposés à la sollicitude que Jésus a manifestée à leur égard. Il s'agit de rappels à l'ordre témoignant justement du fait que les femmes jouissaient d'une participation active au sein des premières communautés chrétiennes[81]. Pour Paul, comme dans la relation entre maîtres et esclaves (1 Co 7, 21-23), le statut compte moins que la fraternité dans les relations sociales ; de même l'autorité étatique doit être acceptée si elle s'exerce avec justice :
En raison du rôle qu’il a joué dans la propagation du message chrétien aux païens, un courant soutient que Paul est le fondateur véritable du christianisme. Reimarus, au XVIIIe siècle, en fait l’inventeur du christianisme. Pour Nietzsche, au siècle suivant, il en est le fondateur[82].
Cette idée est refusée par Étienne Trocmé, qui dit à ce sujet :
Néanmoins, pourquoi Paul cite-t-il si peu les paroles du Christ[84] ? Pour Christophe Senft, « la comparaison de la prédication de Jésus et l'évangile de Paul fait apparaître de surprenantes convergences entre la parole de Jésus et celle de son apôtre »[85]. Selon Charles L'Eplattenier : « [...] le caractère des lettres de Paul, écrits de circonstance, n'appelait pas la référence aux paroles et à la vie de Jésus, et que Paul pouvait davantage s'y référer dans son enseignement aux Églises (il faut ici distinguer le kérygme, proclamant la mort et la résurrection de Jésus comme événements de salut, de l'enseignement...). Or nous ne savons rien de la catéchèse de Paul lors de ses longs séjours à Antioche, Corinthe ou Éphèse[86]. »
Paul se veut relativement indépendant des autres apôtres. Étant directement inspiré du Ressuscité, il ne se sent pas lié à une tradition humaine concernant Jésus (Gal. 1:16-17, cf. II Cor, 5: 16). Son christianisme a des points communs avec le christianisme hellénistique d'Étienne mais est distinct de lui. Le christianisme « paulinien » s'est fédéré a posteriori avec les tendances dirigées par Pierre et Jacques (Gal. 2:9).
Une tradition chrétienne[87] rapporte qu'en 258, au cours des persécutions de Valérien, les reliques de Paul et de Pierre furent placées temporairement dans les catacombes de Saint-Sébastien appelées à cette époque « Memoria Apostolorum » en raison du culte de ces deux saints, des graffiti sur les murs attestant de ce culte.
Une autre tradition chrétienne attestée depuis le IVe siècle attribue à Paul de Tarse un tombeau situé au-dessous de l'autel majeur de l'actuelle basilique Saint-Paul-hors-les-Murs au sud de Rome[88]. Des fouilles y ont été effectuées , ce que relate un communiqué de l'Agence de presse internationale catholique (APIC) du 17 février 2005 :
« Un sarcophage pouvant contenir les reliques de l’apôtre Paul a été identifié dans la basilique romaine de Saint-Paul-hors-les-Murs [...] Sous le maître-autel actuel, une plaque de marbre du IVe siècle, visible depuis toujours, porte l’inscription Paulo apostolo mart (Paul apôtre martyr, ndlr). La plaque est munie de trois orifices probablement liés au culte funéraire de saint Paul. [...] Le long de la voie Ostiense, un édicule aurait été élevé sur la tombe de l’apôtre Paul, après sa mort dans le cours du Ier siècle. Comme pour saint Pierre, l’empereur Constantin entreprit ensuite au début du IVe siècle de faire construire une basilique pour abriter la tombe. Puis, en 386, un demi-siècle après la mort de Constantin, devant l’afflux des pèlerins, une basilique plus grande fut construite à la demande des empereurs Valentinien II, Théodose et Arcadius[89]. »
Un sondage a permis de relever des traces d'un tissu précieux en lin coloré de pourpre, laminé d'or fin, d'un tissu de couleur bleu avec des filaments de lin, ainsi que la présence de grains d'encens rouge, de substances protéiques et calcaires et de fragments d'os. L'examen au carbone 14 montre que ces ossements appartiennent à « une personne ayant vécu entre le Ier et le IIe siècle ». Pour Benoît XVI, cela semble confirmer la tradition qui y voit les restes de Paul[90] ».
Plusieurs reliques du saint ont été transférées ailleurs. En 665, le pape Vitalien envoie des reliques au roi Oswiu de Northumbrie et pour la reine fait un cadeau d'une croix avec une clé d'or fabriquée à partir des chaînes de Pierre et de Paul[91]. Le 2 mars 1370, le pape Urbain V fait porter les chefs de Pierre et Paul, placées dans des reliquaires, dans le ciborium de la basilique Saint-Jean-de-Latran[92].
Dans le calendrier liturgique romain, Paul est fêté :
L'année 2008-2009 allant du 29 juin 2008 au 29 juin 2009 est déclarée « année jubilaire œcuménique saint Paul » par le pape Benoît XVI[93].
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