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problèmes de santé dû à une forte exposition aux radiations De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le syndrome d'irradiation aiguë ou syndrome aigu d'irradiation (SAI)[1], également appelé fièvre des radiations ou encore, anciennement, maladie des rayons, est un ensemble de symptômes potentiellement mortels qui résultent d'une exposition ponctuelle des tissus biologiques d'une partie importante du corps à une forte dose de rayonnements ionisants (rayons X, rayonnements alpha, beta ou gamma, ou encore flux de neutrons).
Les sources naturelles de rayonnement ne sont pas assez puissantes pour provoquer le syndrome, de sorte qu'il résulte nécessairement d'activités humaines : accident nucléaire grave dans un laboratoire ou une centrale nucléaire (accident de criticité par exemple), exposition à une source radioactive puissante (source médicale ou d'instrumentation), explosion atomique (bombardement, essais nucléaires), ou autre pollution nucléaire.
Il se manifeste généralement par une phase prodromique non létale dans les minutes ou heures qui suivent l'irradiation. Elle dure quelques heures à quelques jours et se manifeste le plus souvent par les symptômes suivants : diarrhée, nausée, vomissements, anorexie (manque d'appétit), érythème (rougeurs de peau). S'ensuit une période de latence, dite Walking Ghost Phase, d'apparente guérison, d'autant plus courte que l'irradiation a été sévère ; elle dure quelques heures à quelques semaines. Enfin survient la phase aiguë, potentiellement mortelle, qui se manifeste par un vaste spectre de symptômes possibles, dont les plus fréquents sont liés à des troubles hématopoïétiques (production des cellules sanguines), gastro-intestinaux, cutanés, respiratoires ou cérébro-vasculaires.
Si les effets de l'irradiation chronique commençaient à être connus chez les pionniers de la radioactivité (ex. : Marie Curie) et certains travailleurs du nucléaire (programme nucléaire soviétique), ce n'est que lors des bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki que les effets d'une irradiation aiguë ont été découverts : le syndrome d'irradiation aiguë a été directement à l'origine de 5 à 15 % des décès[2], soit de l'ordre de 7 000 morts sur un total de l'ordre de 70 000 (essentiellement dus aux brûlures et aux chocs consécutifs à l'explosion). Le drame des hibakusha (« victimes des bombardements ») a vite été connu du grand public[3] et a fait l'objet d'études médicales[4].
Par la suite, quelques accidents nucléaires et radiologiques provoquèrent des victimes : accident de criticité lors d'expériences (le cas de Louis Slotin et celui de la centrale nucléaire de Tokai, au Japon, sont les plus connus) ou dans des réacteurs nucléaires (catastrophe de Tchernobyl) ; retombées de l'essai nucléaire Castle Bravo du programme américain ; exposition accidentelle à des sources radioactives de stérilisation, radiothérapie ou génération de chaleur.
Dans le cas de Tchernobyl, d'après les documents de l'Agence internationale de l'énergie atomique le nombre de morts consécutifs à un syndrome d'irradiation aiguë serait environ 28[5].
La défense face à une menace nucléaire majeure a motivé des études sur la prévention et le traitement des maladies[6].
Plus tard ont été développées la bombe à neutrons, destinée à rendre le personnel immédiatement inapte au combat par irradiation aiguë, et les bombes salées (à fortes retombées) à contaminer des terrains comme technique d’area denial (interdiction de zone).
La mesure de l'impact d'une exposition aux radiations prend en compte trois facteurs principaux : l'énergie déposée dans un tissu par le rayonnement, l'impact relatif du type de rayonnement, la sensibilité relative du tissu aux rayonnements ionisants.
Les trois grandeurs principales sont utilisées[7],[8] :
Les grandeurs physiques mesurant l'impact de l'exposition (équivalent de dose et équivalent de dose efficace) sont traditionnellement définies pour décrire les effets stochastiques de l'irradiation chronique, c'est-à-dire prédire la probabilité de survenue de maladies induites comme les leucémies, cancers ou les complications cardio-vasculaires.
Les facteurs correctifs w, tels que définis par la Commission internationale de protection radiologique ne sont cependant pas affinés pour décrire les effets de l'irradiation aiguë qui est l'objet de cet article. Plus particulièrement, les efficacités biologiques relatives des différents rayonnements tendent à se rapprocher à haute dose : si les risques stochastiques d'une faible irradiation (< 0,1 Gy) par des neutrons nécessite un facteur de correction wR = 5–20[8], le facteur devient 1,5 pour une dose unique supérieure à 5 Gy[9] — davantage toutefois pour des doses fractionnées. La figure ci-contre montre l'étendue de la destruction cellulaire, la principale cause du syndrome (voir section ci-dessous), en fonction de la dose radiative pour des neutrons et des rayons X. À haute dose l'écart n'est que de 1,5 à 2,6 entre les deux types de rayonnement contre plus de 5 pour les faibles doses ; sur la figure ci-contre, il correspond à l'écart entre les courbes pour les X et les neutrons. Dans la pratique, il existe de grandes incertitudes sur les efficacités biologiques relatives de sorte que les différentes études sur le syndrome de radio-exposition aiguë utilisent la dose radiative[10],[6] en précisant, le cas échéant, la nature des radiations.
Lorsqu'une dose est délivrée lentement ou de manière fractionnée, son effet est moindre : les mécanismes cellulaires d'autoréparation ont le temps d'agir[9]. Par exemple, lors de l'accident nucléaire de Goiânia au Brésil (1987) une personne ayant rapporté une source de césium chez lui survécut à une dose de 7 Gy tandis que sa femme mourut des suites d'une exposition à 5,7 Gy : l'un des facteurs est que la femme, restée chez elle, a été irradiée continûment, tandis que l'homme a reçu une dose fractionnée[11].
L'ADN est une des molécules les plus sensibles de la cellule aux rayonnements ionisants. Les mécanismes de réparation permettent de réparer la plupart des lésions (cassures chromosomiques) quand la dose est administrée de manière suffisamment lente ou de manière fractionnée, mais une dose de 2 Gy ou plus reçue rapidement suffit à tuer une cellule en voie de division ; les cellules matures en revanche sont moins sensibles. Le second effet notable est une inhibition de la mitose (cf. figure ci-contre) dont la durée dépend de l'intensité de l'irradiation[9].
Les effets sur les tissus se manifestent dans les jours aux semaines qui suivent : dépeuplement cellulaire, atrophie et dégradation des fonctions tissulaires. Par l'interférence avec la mitose, ce sont les tissus qui se régénèrent le plus rapidement qui sont principalement touchés : peau (couche basale de l'épiderme, seuil : ~ 6 Gy), moelle osseuse et organes lymphoïdes (seuil : ~ 2 Gy), intestin (revêtement épithélial, seuil : 10 Gy), gonades (spermatogonies, seuil : ~ 0,15 Gy, ovocytes, seuil : ~ 1,5–2 Gy), cristallin (épithélium antérieur, seuil : ~ 1–3 Sv), voies respiratoires (seuil : ~ 6–10 Gy). Les embryons sont particulièrement radiosensibles.
Note : D'autres effets des rayonnements ionisants — mutation génétique et altération chromosomique — sont des effets stochastiques à long terme qui peuvent aussi se produire à faible dose lors d'une irradiation chronique (en particulier à la suite de l'ingestion de radionucléides qui se seraient fixés dans l'organisme) ; ils ne sont pas l'objet de cet article.
Le syndrome est déterministe et à effet de seuil : il est systématiquement observé au-delà d'une certaine dose (plus de 2 Gy sur l'ensemble du corps) et ne se manifeste pas en dessous d'un certain seuil (moins de 0,5 Gy). L'irradiation est d'autant plus grave qu'une dose donnée est administrée rapidement, car les tissus n'ont pas le temps de faire intervenir les mécanismes de réparation cellulaire[9].
Pour que le syndrome se déclare, il faut ou bien qu'une grande partie du corps soit affectée, ou bien que l'un des organes suivants soit touché : intestin, moelle osseuse, poumons, cerveau ou peau. À l'exception des affections cutanées et respiratoires, l'irradiation doit être interne, c'est-à-dire délivrée par des rayonnements pénétrants tels que les rayons X ou les neutrons[12].
Note : l'exposition chronique à une radioactivité faible ou modérée ne provoque pas de symptômes à court ou moyen terme mais un risque accru de complications à long terme telles que leucémie et cancers ; ces effets stochastiques (probabilistes) sont à distinguer du syndrome d'irradiation aiguë qui apparaît de manière rapide et certaine au-delà d'une certaine dose de rayonnement (effet déterministe). L'exposition aiguë d'une petite partie du corps (à l'exception du cerveau, des poumons et de la moelle épinière) n'entraîne pas non plus de syndrome d'irradiation aiguë mais un dysfonctionnement potentiellement mortel des organes touchés dans les semaines ou les mois suivant l'incident. Ces deux effets ne sont pas l'objet du présent article.
Aux très fortes doses (> 20–50 Gy) le système nerveux est touché ; désorientation, ataxie (incoordination des mouvements volontaires), délire, coma, convulsions, puis mort surviennent quelques minutes à quelques heures après l'exposition. Une période de récupération partielle des capacités de quelques heures peut être observée.
Pour des doses moindres (1–20 Gy), le syndrome se déroule en trois phases[10],[9] :
La survenue de la phase prodromale est d'autant plus rapide que l'irradiation est sévère ; la durée de la période de latence diminue avec l'importance de la radio-exposition.
débit de dose | 0,2 Gy/h | 1 Gy/h | 10 Gy/h | 100 Gy/h |
---|---|---|---|---|
soins minimaux | 4,5 | 3,7 | 3,3 | 3,3 |
soins intensifs | 6,4 | 5,8 | 5,3 | 5,2 |
+ facteurs de croissance | 7,8 | 7,3 | 6,5 | 6,1 |
Pour une irradiation interne, le décès a généralement lieu dans les deux mois suivant l'irradiation, par infection ou hémorragie interne (1,5–10 Gy) ou par diarrhée de type dysentérique. Il est attesté à partir de 1,5 Gy (exposition rapide, sans soins) et est quasi-certain au-delà de 10 Gy. Pour des doses intermédiaires, la survie dépend de soins intensifs. Dans le cas d'une irradiation externe, par des rayonnements peu pénétrants, la peau et les voies respiratoires peuvent être spécifiquement touchées ; la mort peut alors survenir pour des doses élevées (> 8–10 Gy) dans les semaines ou mois suivant l'exposition.
En cas de survie, la survenue de maladies cardio-vasculaires, digestives et respiratoires dans les années suivantes est fréquente. La stérilité féminine définitive est possible à partir de 2 Gy. La stérilité masculine temporaire est fréquente, y compris à des doses ne provoquant pas de symptômes (à partir de 0,15 Gy).
Les personnes âgées et les enfants sont particulièrement sensibles à une radio-exposition aiguë.
Il existe cinq principales formes du syndrome[10],[9] :
Ces différentes formes peuvent se produire simultanément. Lors de l'exposition à une explosion atomique ou en cas d'accident dans une centrale nucléaire, le corps est généralement irradié de manière uniforme, de sorte que la forme pulmonaire n'est que rarement observée : aux doses évoquées, les formes hématopoïétique et gastro-intestinale provoquent la mort avant que ne se déclarent les troubles pulmonaires. Lors d'incidents en laboratoire (travail sur des sources proches) ou lors d'une irradiation par des rayonnements peu pénétrants (alpha ou bêta, agissant sur la peau, et les poumons en cas d'inhalation), le corps peut être irradié de façon non uniforme, privilégiant l'une ou l'autre forme de la maladie des rayons[9].
Le syndrome hématopoïétique est lié à la destruction partielle ou totale des cellules hématopoïétiques de la moelle osseuse et à celle des lymphocytes périphériques.
Dans les heures suivant l'exposition, la chute de la numération lymphocytaire augmente le risque d'infection. La vitesse et l'ampleur de la chute de la numération sont une indication de la dose reçue et permettent un diagnostic de la gravité de l'irradiation en l'absence de mesure dosimétrique, comme pour la population civile.
La déficience hématopoïétique se traduit en quelques semaines par une chute du taux de granulocytes (immunodépression) et de plaquettes (défaut de coagulation). Cela peut conduire à une infection mortelle ou à des hémorragies internes.
La forme hématopoïétique du syndrome d'irradiation aiguë est celle qui provoque la mort aux plus faibles doses, typiquement entre 1,5 et 10 Gy (irradiation rapide). Le décès intervient généralement, s'il a lieu, dans les deux mois suivant l'irradiation. Dans les cas d'irradiation sévère (aux environs de 5 Gy sur l'ensemble du corps), la moelle est totalement détruite ; la survie n'est alors possible qu'avec une greffe. En cas d'irradiation non uniforme, les cellules hématopoïétiques survivantes permettent de repeupler la moelle ; la survie est alors possible sans greffe.
Selon la rapidité de l'exposition et le type de soins, une mortalité de 50 % est atteinte pour une dose de 3 à 6 Gy (voir figures ci-dessus).
La forme cérébro-vasculaire se manifeste généralement pour des doses supérieures à 50 Gy mais les symptômes peuvent apparaître dès 20 Gy[12]. Elle se caractérise par les symptômes suivants lors de la phase prodromale (quelques minutes au plus après l'irradiation) : agitation extrême, apathie, ataxie, désorientation, troubles de l'équilibre, vomissement, diarrhée, perte de connaissance. Durant la période de latence de quelques heures au plus, voire absente, le patient récupère partiellement ses capacités. La phase symptomatique se manifeste par des convulsions, suivis du coma. Un tableau d'atteinte digestive sévère diarrhée est souvent associé.
Le décès, généralement sous trois jours, est le plus souvent provoqué par un effondrement du flux sanguin cérébral lié à l'augmentation de la pression dans la boîte crânienne (tableau d'hypertension intracrânienne aiguë) (œdème cérébral, méningite, encéphalite).
débit de dose | 0,2 Gy/h | 1 Gy/h | 10 Gy/h | 100 Gy/h |
---|---|---|---|---|
soins minimaux | 18,7 | 15,4 | 11,2 | 9,7 |
soins intensifs | 17,5 | 15,0 | 12,1 | 11,3 |
+ facteur de croissance | 25,3 | 22,2 | 15,1 | 12,0 |
Le syndrome gastro-intestinal a lieu pour une dose élevée, typiquement plus de 8 Gy, et entraîne généralement la mort dans les quinze jours. Il se manifeste en une à deux semaines après l'exposition par des symptômes semblables à ceux d'une dysenterie fulminante : diarrhée sévère et déshydratation.
Il est causé par une dégénérescence de l'épithélium de l'intestin grêle liée à la destruction des cellules souches de sa surface. La mortalité à 50 % a lieu pour des doses de 9 à 12 Gy (irradiation rapide en l'espace de minutes) selon la qualité des soins médicaux.
débit (Gy/h) | dose (Gy) |
---|---|
100,0 | 9,6 |
10,0 | 12,2 |
1,0 | 23,4 |
0,2 | 38,1 |
La forme pulmonaire se déclare pour des doses importantes, de l'ordre de 6–10 Gy (irradiation rapide) ou plus (irradiation lente ou fractionnée), pour laquelle une irradiation uniforme du corps par rayonnements pénétrants provoque généralement la mort (déficience hématopoïétique et gastro-intestinale) avant que les symptômes pulmonaires ne se manifestent. Elle peut toutefois se produire en l'absence des syndromes hématopoïétique et gastro-intestinal en cas d'irradiation par des rayonnements peu pénétrants (alpha ou bêta).
La dose de 9,6 Gy délivrée en quelques minutes est mortelle dans 50 % des cas ; pour une irradiation lente, sur une journée, la dose létale passe à 23 Gy.
La phase aiguë survient dans les quelques mois suivant l'exposition, voire dans les jours suivants en cas d'irradiation massive. On observe dans les années suivantes une morbidité importante chez les survivants.
occurrence | 10 % | 50 % | 90 % |
---|---|---|---|
érythème | 4,0 | 14,0 | 20,0 |
desquamation | 14,0 | 20,0 | 26,0 |
nécrose | 20,0 | 25,0 | 35,0 |
Le forme cutanée a lieu en présence de fortes doses, typiquement > 4 Gy en moins de 24h. Elle se manifeste principalement dans la phase prodromale, quelques heures après l'exposition, par un érythème (rougeur) passager et des démangeaisons et, lors d'une irradiation intense, la desquamation. C'est la couche basale de l'épiderme qui est touchée. Après une période de latence, ces symptômes réapparaissent deux à quatre semaines plus tard avec en plus alopécie et desquamation, et dans le cas d'une forte dose (10–20 Sv) ulcération et nécrose suivies d'une fibrose du derme et du système vasculaire sous-jacent.
Le syndrome cutané peut se produire en l'absence des autres formes d'irradiation aiguë en cas d'exposition à des rayonnements peu pénétrants comme les rayons bêta. Ainsi, le classement de la forme cutanée dans le syndrome de radio-exposition aiguë est controversé ; certains y voient une affection distincte. Toutefois, l'expérience indique que les lésions cutanées compliquent le traitement du syndrome d'irradiation aiguë, notamment, il est probable que les pertes humaines chez les « liquidateurs » de Tchernobyl auraient été moindres en l'absence de symptômes cutanés.
Les autres complications consécutives à une irradiation aiguë ne font pas formellement partie du syndrome d'irradiation aiguë mais sont une conséquence directe de la radio-exposition. Ces effets sont déterministes ou apparaissent avec des probabilités élevées.
La stérilité féminine permanente touche 60 % des patientes exposées à 2,5–5 Gy (dont 100 % des plus de 40 ans) et 100 % à partir de 8 Gy. Des effets chez certaines femmes de plus de 40 ans s'observent dès 1,5 Gy.
L'azoospermie (donc stérilité) masculine temporaire est observée chez 100 % des hommes exposés à 0,3–0,5 Gy entre 4 et 12 mois après l'irradiation avec une récupération totale dans les deux ans ; l'oligozoospermie peut s'observer dès 0,1 Gy. Au-delà de 2–3 Gy, l'azoospermie s'observe dès les deux premiers mois suivant l'exposition et dure au moins 3 ans. La stérilité permanente est attestée pour des doses de 5 à 15 Gy sur les gonades[9].
La cataracte touche 10 % des patients exposés à 2 Gy, 50 % à 5 Gy et 90 % à 10 Gy.
Les fœtus sont particulièrement radiosensibles ; les risques liés sont la fausse couche ainsi que la tératogenèse : microcéphalie, retard mental, malformation, retard de croissance. Ces effets ont été étudiés chez les hibakusha. Une exposition à 1,4 Gy — dose provoquant un syndrome léger chez l'adulte — d'un embryon de 8 à 15 semaines provoque 75 ± 20 % (intervalle de confiance : 90 %) de déficience mentale grave par la suite ; cette proportion tombe à 37 ± 15 % pour un fœtus âgé de 16 à 25 semaines[15]. Aucun effet notable n'est observé sur le quotient intellectuel pour un âge gestationnel de plus de 26 semaines ou de moins de 8, ainsi que pour des doses inférieures à 0,1 Gy ; pour une dose de 0,1 à 0,5 Gy, la déficience moyenne, tous âges confondus, est de 8 ± 6 (intervalle de confiance : 95 %) points de QI[16]. Le retard de croissance est observé chez les sujets exposés à plus de 1 Gy, il est de l'ordre de 10 cm[16].
Des effets stochastiques à long terme sont aussi observables : maladies cardiaques, respiratoires et digestives. Le risque de mortalité s'élève de 14 % par sievert dans les 30 années suivant la radio-exposition avec un seuil de 0,5 Sv[10].
La prévention du symptôme passe par des mesures de radioprotection.
Dans les expériences et manipulations de matière fissile, le strict respect du protocole permet d'éviter l'assemblage involontaire d'une masse critique conduisant à un accident de criticité, comme ce fut le cas par négligence à Tokaimura au Japon (1999).
En cas d'incident, il convient d'éviter l'irradiation ou de minimiser le temps d'exposition, donc la dose reçue ; la surveillance du débit de dose radioactive sur les installations sensibles est essentielle afin que le personnel évite de se rendre sur le lieu de l'incident et/ou se mette à l'abri le plus rapidement possible. Le non-respect d'une telle mesure de sécurité a provoqué la mort d'un opérateur à Soreq en Israël (1986) qui a voulu vérifier de visu le signal contradictoire d'une alarme déclenchée et d'un système de sécurité indiquant une source radioactive correctement confinée.
Enfin, les sources radioactives doivent être strictement surveillées et confinées en dehors des périodes d'utilisation. Plusieurs cas mortels d'irradiation ont eu lieu à cause d'une déficience du système de confinement des sources dans des usines de stérilisation, parmi les plus récents à Soreq en Israël (1986) et à Niasvij en Biélorussie (1991). Il faut également veiller à ce qu'elles n'aboutissent pas entre les mains d'un public non averti, comme ce fut le cas à de nombreuses reprises lors de vols ou de pertes d'isotopes radioactifs sur des installations civiles ou militaires. Le dernier cas en date, en Géorgie (2001–2002), est le vol de sources de générateur thermoélectrique à radioisotope par un employé : sept personnes furent irradiées.
La Commission internationale de protection radiologique émet des recommandations concernant la radioprotection. Elles sont généralement reprises par les législations nationales.
L'Agence internationale de l'énergie atomique est une association affiliée à l'Organisation des Nations unies qui cherche à promouvoir les usages pacifiques de l'énergie nucléaire et à limiter le développement de ses applications militaires. Elle émet des rapports sur chaque accident nucléaire ou radiologique pour en tirer les conséquences en matière de sécurité et de protection civile.
fréquence | durée avant vomissement | |
---|---|---|
< 4 h | > 4 h | |
25 % | 2,5 | 0,5 |
50 % | 3,6 | 0,9 |
75 % | 6,0 | 1,7 |
Une estimation de la dose reçue est nécessaire pour connaître la prise en charge nécessaire ; le personnel sur des installations sensibles doit porter à cette fin un dosimètre. En l'absence de mesure, la présence, la rapidité d'apparition et l'intensité des symptômes prodromaux, ainsi que la numération des lymphocytes dans les deux jours suivant l'irradiation permettent de quantifier la gravité de l'exposition.
Des outils de diagnostic rapide ont été développés à des fins de sécurité civile afin de pouvoir effectuer un tri rapide des personnes. Ils sont destinés aux accidents à grande échelle, dans le cas où il s'avère impossible de faire rapidement un examen approfondi de l'ensemble des individus touchés. La durée moyenne t (en heures) écoulée entre une exposition ponctuelle à des rayonnements gamma et le premier vomissement est relié à la dose reçue D (en grays) par une loi de puissance[17] :
Un critère simplifié est la présence de vomissements dans les quatre heures suivant l'exposition : trois quarts des personnes « positives » ont reçu plus de 2,5 Gy, impliquant un risque vital modéré à élevé ; elles doivent être suivies et examinées rapidement. Les patients « négatifs » ont reçu une dose inférieure à 1,7 Gy (impliquant un risque vital faible) dans 75 % des cas et peuvent attendre quelques jours pour réexamen[6] (voir tableau ci-contre).
concentration en lymphocytes (mm−3) | dose (Gy) |
---|---|
2500 | < 1 |
1700–2500 | 1–5 |
1200–1700 | 5–9 |
< 1000 | > 10 |
Un bilan sanguin établi dans les 8 à 48 heures après l'exposition permet d'établir un intervalle de dose reçue : la numération de lymphocytes diminue selon une loi exponentielle dont le temps de demi-atténuation est corrélé à la gravité de l'irradiation. Une lymphocytopénie de 1 500 mm−3 ou moins dans les 48 heures suivant l'exposition indique une exposition à une dose moyenne de 3,1 Gy. Ces patients nécessiteront des soins médicaux[18]. Une numération lymphocytaire dans les 8 à 12 heures permet d'obtenir un diagnostic plus précis (voir table ci-contre).
Il existe différents moyens de déterminer la dose par des examens biologiques, toutefois, ces méthodes sont ou bien onéreuses et coûteuses en main d'œuvre, ou bien en cours d'investigation. La mesure des anomalies au niveau chromosomique est coûteuse en argent et en main-d'œuvre[6]; la dosimétrie par mesure de l'apoptose des lymphocytes[19] est encore expérimentale. La mesure du taux de radicaux libres ou de marqueurs biochimiques spécifiques est envisagée[6].
La mesure de la radioactivité induite chez les victimes d'une irradiation permet d'estimer la dose reçue. Si M est la masse de l'individu en kilogrammes, K le nombre de coups par minute d'un compteur Geiger posé contre le ventre du sujet, la dose radiative D en gray est donnée par[6] :
La relation est calibrée pour un rayonnement de neutrons et/ou de photons gamma.
La mesure du taux de phosphore 32 dans les cheveux ou de sodium 24 dans le sang permet d'estimer la dose de neutrons reçue[20].
Il n'existe pas de traitement éprouvé des conséquences d'une irradiation (des causes des symptômes), mais un traitement symptomatique permet de diminuer la mortalité le temps que les tissus se régénèrent ou qu'une greffe soit effectuée.
Les connaissances sur la physiopathologie des irradiations accidentelles ont beaucoup progressé au cours de ces dernières années. On est ainsi passé du paradigme classique de défaillance radio-induite d’un organe cible unique (moelle osseuse ou système gastro-intestinal ou système nerveux central) au concept de défaillance multi-organes impliquant les 3 systèmes précédents ainsi que la peau, le poumon, le foie et le rein. Ce changement de paradigme a de très grandes conséquences. La gestion médicale devient plus complexe, le patient irradié ne devant plus être pris en charge uniquement par des spécialistes d’hématologie mais par une équipe pluridisciplinaire rassemblant les grandes spécialités de la médecine, et ce dès l’évènement initial. Toute la stratégie thérapeutique à mettre en œuvre s’en trouve modifiée.
Un consensus international sur le traitement de l’irradiation accidentelle se dégage au début du XXIe siècle, au moins sur le plan européen. Le nouveau concept physiopathologique de la défaillance multi-organes propose que la greffe de moelle ne soit pas pratiquée en urgence comme cela a souvent été le cas dans le passé, mais soit systématiquement différée de 2 à 3 semaines après l’accident, dans l’attente de la vérification du caractère définitif et irréversible des dommages radio-induits à la moelle osseuse et en l’absence de signes cliniques d’apparition d’une défaillance multiple des organes[21]. Si l’exposition est hétérogène, la greffe de moelle est par nature contre-indiquée et il faut recourir à une stimulation par des facteurs de croissance de la moelle osseuse présente dans les territoires les moins irradiés.
Le traitement des blessures (brûlures, traumatismes) est prioritaire sur celui de l'irradiation. Il convient de décontaminer en cas de contact, d'ingestion de radioéléments.
En cas d'accident impliquant la population civile, un suivi psychologique est nécessaire et certaines personnes développent des symptômes caractéristiques du syndrome d'irradiation aiguë sans avoir été exposées, un effet nocebo ayant été observé chez près de 5 000 personnes lors de l'accident radiologique de Goiânia au Brésil, en 1987[6].
Les vomissements peuvent être traités avec des anti-vomitifs comme les inhibiteurs des récepteurs de la sérotonine[22].
L'hospitalisation n'est généralement nécessaire que pour une dose supérieure à 2 Gy, le risque d'infections nécessite un placement en milieu stérile. Dans les autres cas les soins peuvent être prodigués à domicile[22]. Le traitement du syndrome hématopoïétique fait intervenir la prophylaxie et le soin des infections à l'aide d'antibiotiques, d'antiviraux et d'antimycosiques. La transfusion sanguine et celle de plaquettes permet de réduire les risques hémorragiques et de lutter contre la lymphocytopénie.
La stimulation de l'hématopoïèse à l'aide de facteurs de croissance permet d'augmenter les chances de survie[13], les cytokines n'ont pas reçu l'aval de la Food and Drug Administration pour les cas d'irradiation[6]. La greffe de moelle osseuse, de son côté, est d'efficacité et d'emploi limités : pour des doses modérées les cellules hématopoïétiques ne sont pas totalement détruites et repeuplent spontanément la moelle en cas de survie, et l'impact positif de la transplantation n'est clairement établi que de la part d'un jumeau monozygote[6].
Un médicament expérimental destiné à traiter spécifiquement les effets d'une irradiation aiguë, le Neumune[23], est développé conjointement par l'industrie pharmaceutique et l'armée américaine. Testé chez le singe, il diminuerait la thrombocytopénie et l'anémie résultant d'une exposition à des doses modérées et augmenterait les chances de survie à une forte irradiation.
Ces formes du syndrome d'irradiation aiguë conduisent à une mort certaine. Les patients nécessitent un traitement palliatif. Des soins symptomatiques peuvent prolonger la durée de vie. Les forces armées se sont intéressées à des traitements symptomatiques dans les premières heures d'une irradiation élevée (20-50 Gy) afin de permettre aux troupes touchées d'être aptes au combat pendant une période limitée[réf. nécessaire].
Le nombre de décès attestés par syndrome d'irradiation aiguë est de 180 dans la période de 1945 à 2004 sur 600 accidents radiologiques recensés[24], hibakusha d'Hiroshima et Nagasaki exclus.
Les quatre principales causes attestées du syndrome sont l'exposition à une explosion nucléaire ou à ses retombées, l'accident sur un réacteur nucléaire, l'accident de criticité lors de la manipulation de matière fissile et l'exposition à une radiosource puissante.
L'explosion nucléaire est sans conteste la cause la plus connue et la plus vulgarisée du syndrome d'irradiation aiguë, notamment via le film Pluie noire qui relate les malheurs des hibakusha à la suite des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki ; un essai nucléaire atmosphérique américain a aussi causé le syndrome par accident :
La catastrophe de Tchernobyl en 1986 a vulgarisé le risque représenté par les accidents sur des réacteurs nucléaires. Un accident au bord d'un sous-marin soviétique a aussi connu la célébrité avec le film K-19 : Le Piège des profondeurs.
Les neuf accidents attestés ayant entraîné au moins un syndrome d'irradiation aiguë sont :
Le cas du physicien Louis Slotin, mortellement irradié en 1946 lors d'une démonstration scientifique au Laboratoire national de Los Alamos a attiré l'attention sur les risques de manipulation de matières fissiles ; son histoire est romancée dans Les Maîtres de l'ombre. C'est aussi le cas de l'accident de Tokaimura (Japon) en 1999 dans une installation nucléaire civile.
Aucun des accidents de criticité lors de la manipulation de produits fissiles n'a provoqué de syndrome d'irradiation aiguë auprès du public ; dans un seul cas — Tokaimura en 1999 — la population civile a été soumise à une exposition supérieure aux normes.
Liste d'accidents de criticité lors d'une manipulation de matière qui ont provoqué une irradiation aiguë :
Moins connue en est la possibilité de développer le syndrome après l'exposition à une source radioactive puissante, dont les emplois militaires mais aussi civils sont nombreux : production stable, pérenne et transportable d'énergie (générateur thermoélectrique à radioisotope), stérilisation, soin du cancer (radiothérapie). Sur les vingt dernières années, avec l'augmentation des mesures de sécurité civile au niveau des installations nucléaires, c'est la principale cause du syndrome de radio-exposition aiguë.
L'exposition accidentelle peut résulter d'une erreur humaine ou d'un dysfonctionnement sur un site utilisant une radiosource. Il peut aussi s'agir d'une exposition accidentelle de civils lors de la perte ou du vol d'une telle source : dix de ces « pertes » de sources ont conduit à un syndrome d'irradiation aiguë parmi la population, avec un total de 23 décès dans la période 1945–2000[30].
Voici une liste chronologique des cas d'irradiation aiguë liés à des radio-sources :
Le drame des hibakusha après les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki et la menace d'apocalypse qui planait lors de la guerre froide furent une source d'inspiration pour les romanciers et cinéastes. Aussi de nombreuses œuvres de fiction traitent-elles de l'irradiation aiguë, que ce soit sous un jour réaliste ou fortement romancé.
Les œuvres les plus marquantes sont :
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