genre littéraire De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le roman policier (familièrement appelé «polar» en France) est un roman relevant du genre policier. Le drame y est fondé sur l'attention d'un fait ou, plus précisément, d'une intrigue, et sur une recherche méthodique faite de preuves, le plus souvent par une enquête policière ou encore une enquête de détective privé. L'abréviation «policier[1]» (pour «roman policier») est également utilisée. Le genre policier comporte six invariants: le crime ou délit, le mobile, le coupable, la victime, le mode opératoire et l'enquête. Le roman policier recouvre beaucoup de types de romans, notamment le roman noir et le roman à suspense ou thriller. Si l'action est transposée au minimum d'un siècle en arrière, on pourra le qualifier raisonnablement de roman policier historique. Il existe également des romans policiers de science-fiction.
À partir d’un cours élaboré en 1985[1], Anne Pambrun a synthétisé[2][sourceinsuffisante] des articles définissant le roman policier. Partant de la définition que donne en 1929 Régis Messac dans Le «Detective Novel» et l'influence de la pensée scientifique: «Un récit consacré avant tout à la découverte méthodique et graduelle, par des moyens rationnels, des circonstances exactes d’un événement mystérieux». Passant par celles de François Fosca (1937), de Boileau-Narcejac (1965), et de Jacques Sadoul, Anne Pambrun propose: «Un récit rationnel dont le ressort dramatique est un crime, vrai ou supposé». Il convient cependant de tenir compte de la définition affinée et méconnue que Messac livrait en [3]: «Un crime mystérieux, graduellement éclairci par les raisonnements et les recherches d’un policier.»
Il constitue l'essentiel de ce que l'on appelle aujourd'hui la «littérature noire»[4] (à ne pas confondre avec la littérature noire-américaine).
Le terme français de roman policier est un terme générique qui, par extension, recouvre beaucoup de catégories de romans. Il est réducteur de la diversité du genre, et sur ce point, la langue anglaise est beaucoup plus expressive.
le roman d'enquête (enquête pouvant être menée par un policier, un détective privé ou autre) qui relève souvent du roman de détection, du roman noir ou du roman à suspense;
le roman policier «ethnique», qui se déroule dans un contexte socio-culturel inhabituel et où la trame du récit et/ou la méthodologie de l'enquêteur prennent en compte des références différentes: police Navajo aux États-Unis, enquêteur chinois au Tibet, policier aborigène en Australie.
Ces diverses catégories ne sont pas exclusives.
L’élément thématique prédominant du roman policier est l’élucidation d’un crime au travers d'une enquête policière.
Chine ancienne
Le roman policier occidental a eu un précurseur dans la Chine impériale: le juge Ti, qui exista réellement au VIIesiècle et est utilisé au XVIIIesiècle comme héros d'un roman policier chinois, Dee Goong An («Trois affaires criminelles résolues par le juge Ti»). Ce texte, redécouvert et traduit en anglais par le diplomate hollandais Robert van Gulik dans les années 1940, est publié en 1949.
Il n'y a pas eu d'influence de la littérature chinoise sur celle qui se développa en Europe[réf.souhaitée].
Occident
Lié d’une part à l’apparition d’une civilisation industrielle et d’autre part à l’émergence de la science positive, le récit policier change le mystère en problème. En effet, selon le sociologue Luc Boltanski, le roman policier se distingue du genre fantastique, qui met lui aussi en scène des énigmes, en s’appuyant sur l’existence d’une réalité naturelle régie par le «type d’enchaînements causaux» établi par les sciences naturelles[5]. De ce fait, il se présente rapidement comme un genre strictement codifié, orienté vers la résolution d’une énigme.
En décembre 1815, Jane Austen publie Emma. Le roman a souvent été défini, à la suite de R. W. Chapman, de Robert Liddell[6], et surtout, de P. D. James[7], comme «un roman policier sans policier», ou «un roman policier sans meurtre» («a detective novel without a detective»[8], ou «a detective novel without a murder»[9]). Certains[réf.souhaitée] ont même vu en Emma le tout premier roman policier en Occident, car il est en effet antérieur à d'autres «ancêtres du roman policier» tels que The Murders in the Rue Morgue d'Edgar Poe (1841), Le Meurtre du constructeur de machines Roolfsen de Maurits Hansen (1839) ou même Das Fräulein von Scuderi, de Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (1819). Quoi qu'il en soit, l'énigme que contient le roman est remarquable par le fait que la plupart de ceux qui lisent Emma pour la première fois ne se rendent compte du mystère qu'il contient que tout à la fin[7], malgré les indices extrêmement nombreux et précis dont Jane Austen l'a parsemé.
En 1841, Edgar Allan Poe écrit les premières nouvelles policières directement inspirées de faits divers. Émile Gaboriau a ensuite publié, en 1863, le premier roman policier dont le récit est encore largement imprégné du fond mélodramatique accumulé dans les feuilletons du XIXesiècle.
C’est seulement avec Conan Doyle qu’émerge la première figure de détective vraiment scientifique avec son personnage de Sherlock Holmes. À l’inverse du choix de Conan Doyle dont le personnage de pur enquêteur est sans émotion et sans vie de famille, ses contemporains français sont engagés dans le jeu des passions, des idéologies et des morales de leur époque. Ainsi, Gaston Leroux doit sa célébrité à un récit de chambre close où le détective Rouletabille conduit ses investigations jusqu’à la résolution de son destin œdipien. Quant à Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur héros de Maurice Leblanc, il vole au secours des démunis au point de leur abandonner une partie de son butin.
Autrefois associé à la culture populaire, le roman policier a acquis ses lettres de noblesse et a élargi son lectorat en mordant notamment sur le public féminin et sur tout type de catégories sociales. C'est ainsi que Georges Simenon a reçu la consécration d'être édité par la bibliothèque de la Pléiade, à l'aube du XXIesiècle[10].
En 2018, en France, 17,2% des oeuvres de fiction vendues en librairie étaient du polar . Selon les statistiques du Syndicat national de l’édition pour l’année 2020, l’espionnage, le policier, le roman noir et le thriller représentent 5,3% du chiffre d’affaires de l’édition avec près de 137 millions d’euros et 5,6% des exemplaires vendus (23 406 millions) [11]. En 2010, selon une enquête du Ministère de la Culture, en nombre de livres lus, les romans policiers dépassent les romans des autres genres[12].
Glossaire: «Les genres littéraires»: «Littérature blanche», dans Damien Porte-Plume, Guide des éditeurs de fiction, Le cercle des écritures, 2015 (disponible en partie sur Google Books); Christine Ferniot, «Le polar n'a plus mauvais genre», article du site L'Express.fr du 8 juin 2010; Marc Lits, «De la «Noire» à la «Blanche»: la position mouvante du roman policier au sein de l’institution littéraire», Revue Itinéraires, 2014-3 | 2015, lire en ligne.
Lire le roman policier, par Francis Evrard, Dunod, 1996.
La Belle époque du roman policier français, par Jean-Paul Colin, Delachaux et Niestle, 1999.
Marc Lits, Le roman policier: introduction à la théorie et à l'histoire d'un genre littéraire, Liège, Éditions du Céfal, coll.«Bibliothèque des Paralittératures» (no4), , 2eéd., 208p. (ISBN2-87130-065-8, lire en ligne).
Le Roman policier, par Daniel Fondanèche, Paris, Ellipses, 2000.
Le Roman policier en Amérique française, par Norbert Spehner, Québec, Éditions Alire, 2000.
Le Polar américain, la modernité et le mal, par Benoît Tadié, PUF, 2006.
Dictionnaire des littératures policières, sous la direction de Claude Mesplède, nouvelle édition, Nantes, Joseph K, 2007.
Histoire du polar jeunesse, romans et bandes dessinées par Raymond Perrin, L'Harmattan, 2011.
Le Roman policier en Amérique française - 2 (2000-2010), par Norbert Spehner, Québec, Éditions Alire, 2011.
Le roman policier pour la jeunesse, bonne ou mauvais lecture?, par Béatrice Nicodème, 2012.
Roman policier, fragment d'histoire, par Régis Messac, Paris, 2009, Éditions ex nihilo.
Elsa de Lavergne, La Naissance du roman policier français. Du Second Empire à la Première Guerre mondiale, Paris, Garnier, coll.«Classiques», , 413p. (ISBN978-2-8124-0028-5)
Quand le délit est dans le texte. Le roman policier, une littérature de l'excès?, Cathy Fourez, Victor Martinez, Raphaël Villatte (dir.), Amsterdam, Peter Lang, 2011.
Dicopolar, par Béatrice Nicodème, 2012.
Pleins feux sur le polar, Isabelle-Rachel Casta, Klincksieck, 2012.
Énigmes et Complots. Une enquête à propos d'enquêtes, par Luc Boltanski, Gallimard, 2012.
Des femmes dans le noir, par Elizabeth Legros Chapuis, The Book Edition, 2012.
Archéologie de la littérature policière, par André-Marc Aymé, Collection Sang Maudit, L'Harmattan, 2013.
Polars, philosophie et critique sociale, par Philippe Corcuff, Textuel, 2013.
Régis Messac, Le Roman policier, le Journal de Quinzinzinzili, no3, été 2008.
André Vanoncini, «Du roman policier au roman de l'homme: La Nuit du carrefour de Georges Simenon», Colloque de l'Association internationale des études françaises, , Cahiers de l'A.I.E.F., , no40; «Narratologie et herméneutique: le roman policier de Simenon au carrefour de la critique», Romanistische Zeitschrift für Literaturgeschichte / Cahiers d'histoire des littératures romanes, 1988, 1/2; «Léo Malet et Charles Baudelaire: de l'enquête policière à la quête poétique», Poétique, 110, ; «Roman policier», «Léo Malet», Dictionnaire des lettres françaises, XXesiècle, Le livre de poche, 1998; «Le roman policier comme enjeu littéraire», ARBA 10, Acta romanica basiliensa, ; «De Zadig à Maître Cornélius: le roman policier en gestation», Colloque «Lire Balzac en l’an 2000», Paris / Saché 18-, L’Année balzacienne, 1999, I.
Isabelle-Rachel Casta, Gaston Leroux et Léo Malet, articles in Revue Les Trésors de la culture n° 18, "Polar le frisson des enquêtes" , B. Auduy dir., décembre 2020-janvier-février 2021, p.62-65 et 72-75