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réalisateur, producteur, acteur, scénariste français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Claude Chabrol, né le à Paris où il est mort le , est un réalisateur français, également producteur, scénariste, dialoguiste et à l'occasion acteur.
Naissance | |
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Décès | |
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Nom de naissance |
Claude Henri Jean Chabrol |
Surnom |
Chacha |
Nationalité | |
Domicile | |
Formation | |
Activités |
Press agent (à partir de ), acteur, réalisateur, critique de cinéma, scénariste, producteur |
Période d'activité |
- |
Conjoints |
Stéphane Audran (de à ) Aurore Chabrol (de à ) |
Enfants |
A travaillé pour | |
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Mouvement | |
Taille |
1,75 m |
Distinctions | Liste détaillée Fumeur de pipe de l'année (d) () National Society of Film Critics Award du meilleur film en langue étrangère (en) () Prix Louis-Delluc () Lifetime Achievement Award des Prix du cinéma européen () Ours d'or |
Archives conservées par |
Membre de la génération de la Nouvelle Vague, il est d'abord critique de cinéma, puis producteur, avant de passer à la réalisation. Se signalant par son style volontiers sarcastique et son érudition cinéphile, il alterne, en plus de cinquante ans de carrière, comédie de mœurs, drames, films noirs, films de genre, documentaires et adaptations cinématographiques littéraires. Il a réalisé au total plus de 70 films pour le cinéma et la télévision.
Admirateur d'Alfred Hitchcock, Howard Hawks, F. W. Murnau, Jean Renoir, Ernst Lubitsch et Fritz Lang, amateur de romans policiers et d'humour grinçant, Claude Chabrol adore décrire l'hypocrisie et les turpitudes de la bourgeoisie, souvent provinciale, avec ses vices et ses scandales camouflés sous une façade respectable. Son œuvre est une condamnation d'une bourgeoisie avide d'argent et crispée sur les apparences. Avec notamment Hitchcock, il est l'un des rares metteurs en scène dont le style et l'esprit ont donné naissance à un adjectif fondé sur son patronyme (« chabrolien ») passé dans le langage courant et reconnu par certains dictionnaires et encyclopédies.
Ses films et ses interprètes ont obtenu de nombreux prix dans les festivals internationaux. Sa carrière est couronnée par le prix René-Clair de l'Académie française en 2005, la Caméra de la Berlinale en 2009 et le grand prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques en 2010.
Durant cinq décennies, il a fait tourner nombre d'acteurs français et étrangers : Jean-Paul Belmondo, Stéphane Audran, Isabelle Huppert, Anthony Perkins, Orson Welles, Jean Seberg, Jean-Claude Brialy, Jodie Foster, Bruce Dern, Sylvia Kristel, Jacqueline Bisset, Jean-Pierre Cassel, Jacques Gamblin, Gérard Depardieu, Patrick Bruel, Michèle Morgan, Danielle Darrieux, François Berléand, Maurice Ronet, Jean-Louis Trintignant, Roger Hanin, Alan Bates, Michel Piccoli, Jean Yanne, Charles Aznavour, Ann-Margret, Donald Sutherland, Charles Vanel, Jean Carmet, Michel Serrault, Jean Poiret, Jacques Dutronc, Sam Neill, Benoît Magimel, Ludivine Sagnier, Clovis Cornillac…
Sa devise, maintes fois proclamée, est : « Oncques ne m’emmerde »[2].
Fils unique[3],[4] de Madeleine Delarbre et d'Yves Chabrol[5], Claude Henri Jean Chabrol naît malgré les conseils de médecins qui recommandent à sa mère alors enceinte de trois mois d'avorter, les époux Chabrol ayant été trouvés inanimés à la suite d'une asphyxie due à un chauffe-eau défectueux[4],[a]. Il est élevé dans un milieu catholique « assez strict »[6]. Grandissant dans le petit appartement vétuste de l'avenue d’Orléans à Paris 14e arrondissement, situé au-dessus de la pharmacie paternelle, puis dans un appartement plus spacieux en duplex se trouvant en face de la pharmacie[7], il fréquente les salles de cinéma parisiennes à partir de l'âge de 4 ans[8] et est à l'école primaire avec Michel Rocard[9]. Son père, résistant de la première heure[b], envoie son fils, durant la Seconde Guerre mondiale, dans la maison de famille de sa grand-mère maternelle, à Sardent, dans la Creuse[11]. Il est passionné de lecture et lit tout ce qui lui tombe sous la main[12].
À l'âge de onze ans, il aide Georges Mercier, un passionné de cinéma originaire de la région, à la création et l'exploitation d'une salle de cinéma à Sardent. Il réceptionne les bobines, assiste le projectionniste, tient la caisse, participe au choix des films. C'est pour lui une aventure palpitante, qui prend fin à la Libération lorsque la fréquentation du cinéma baisse au profit des bals populaires de nouveau autorisés et qu'il doit retourner à Paris en septembre 1945.
De retour à Paris, il est inscrit au lycée Louis-le-Grand où il se lie notamment d'amitié avec Gilles Jacob et Jacques Friedman, futur journaliste sous le nom de Frémontier[13]. Il obtient son baccalauréat en juin 1947 avec « l'extrême indulgence du jury »[14]. Il fait ensuite des études de lettres et de droit (au cours desquelles il côtoie Jean-Marie Le Pen[15],[16]). Il fait également un bref passage de huit jours à Sciences Po, où il ne voit qu'un « ramassis de connards » et dont il retire une sorte de haine de la classe politique[17]. Il suit ensuite, sous l'influence parentale et sans conviction, des études de pharmacie, qu'il abandonne après avoir quadruplé sa première année[18].
Il fréquente la rédaction des Cahiers du cinéma à partir de 1952 et y publie son premier article Que ma joie demeure en novembre 1953. Il est aux côtés de Jean-Luc Godard, François Truffaut, Éric Rohmer et Jacques Rivette, ses collègues aux Cahiers du cinéma. De 1953 à 1957[5], dans la revue fondée par André Bazin et Jacques Doniol-Valcroze, il participe à la défense de la politique des auteurs. Ses maîtres sont alors Fritz Lang, Jean Renoir, Howard Hawks[19].
Il entre à l'automne 1955 à la Fox comme attaché de presse. Il publie en 1957, avec Éric Rohmer, un livre sur Hitchcock, le maître du suspense et celui qui a su imposer son style au système hollywoodien. Une autre rencontre est également déterminante : celle du romancier Paul Gégauff, son futur scénariste. Il aura une profonde influence sur Chabrol, lui permettant de s'éloigner de l'éducation bourgeoise qu'il a reçue bien que, de son propre aveu, il en ait gardé des traces profondes et indélébiles[20]. « Il a fait sauter tous les verrous de mon vieux fonds judéo-chrétien » résume le cinéaste[21]. Jusqu'en 1981, depuis Les Cousins jusqu'au Système du docteur Goudron et du professeur Plume, Gégauff sera le scénariste ou le dialoguiste de quinze films de Chabrol.
Il épouse à Marseille, le [22], Agnès Goute, fille d'un haut fonctionnaire et petite-fille du banquier et caricaturiste Paul Goute. Ils ont un premier enfant qui meurt dès sa naissance[23].
Sa femme reçoit en héritage de sa grand-mère 32 millions de francs, ce qui permet au couple de créer sa maison de production qu'il appelle AJYM (1956-1961). Le sigle est formé des initiales du prénom de l’épouse de Chabrol, Agnès et de celles de leurs deux fils, Jean-Yves (né en 1954 et futur architecte) et Matthieu (né en 1956 et futur compositeur).
Il divorce en 1964[5] et convole en secondes noces le [22] avec l'actrice Stéphane Audran (née Colette Dacheville), qu'il connaît depuis 1958[24] et avec qui il entretient une relation depuis septembre de l'année suivante. Elle est la mère de son troisième fils, Thomas (né en 1963, futur acteur). Avec elle, il poursuit une fructueuse coopération, jusque très au-delà de leur séparation définitive en 1976.
À partir de 1971, Chabrol entretient une relation avec sa scripte Aurore Pajot (aussi dite « Aurore Paquiss » ou « Maistre »[5]), qui est sa scripte sur presque tous ses films depuis Les Biches (1968). En 1983, il se marie, en troisièmes noces, avec elle. La fille de celle-ci et de l'acteur François Maistre, Cécile Maistre (née en 1967), sera son assistante sur de nombreux films.
Il donne régulièrement des rôles à son fils cadet Thomas, tandis que son fils Matthieu est compositeur de la musique de ses films à partir des Fantômes du chapelier (1982)[25]. Des quatre enfants de la famille recomposée, il n’y a donc que son fils aîné Jean-Yves, architecte, qui ne travaille pas à ses côtés[26].
Agnès et Claude Chabrol coproduisent un court métrage écrit par Chabrol et Jacques Rivette et réalisé par ce dernier, Le Coup du berger (1956), avec Jean-Claude Brialy. Et, dès la fin de 1957, Claude Chabrol tourne son premier film, Le Beau Serge à Sardent, puis Les Cousins, sur un scénario écrit avec Gégauff. Sortis en janvier et mars 1959, les deux films deviennent les premiers longs métrages — « le manifeste inaugural » — de la Nouvelle Vague. Ils se caractérisent par leur petit budget, de jeunes acteurs peu connus (Brialy, Gérard Blain, Bernadette Lafont puis Juliette Mayniel) et des décors naturels. Ils obtiennent un grand succès public. Le Beau Serge obtient le prix Jean-Vigo ainsi que la Voile d'argent au Festival de Locarno. Les Cousins est récompensé par l'Ours d'or au festival de Berlin.
Chabrol adapte ensuite un roman policier de Stanley Ellin, À double tour. Le film sort en décembre 1959 — un an avant À bout de souffle — et met pour la première fois en vedette Jean-Paul Belmondo. Il est présenté au Festival de Venise. L'accueil est mitigé[27], cependant Madeleine Robinson obtient la Coupe Volpi pour son interprétation d'épouse trompée, odieuse et pitoyable. Chabrol réalise ensuite Les Bonnes Femmes, sur un scénario de Gégauff, qui décrit le quotidien banal de quatre vendeuses. Le film n'obtient pas le succès escompté. Pour ses films suivants, Chabrol se voit contraint d'« accepter des concessions, forçant ici la note humoristique, adoucissant là le propos[28]. » Il réalise Les Godelureaux, d'après un roman d'Éric Ollivier, un film qui parle du « plaisir qu'éprouvent les gens à vivre leur inutilité et vivre d'inutilités ». Après l'échec commercial de L'Œil du malin, Françoise Sagan contacte le producteur Georges de Beauregard et lui fait part de son souhait de travailler avec Chabrol. Au départ, l'idée d'une biographie de George Sand est envisagée, puis Sagan et Chabrol choisissent le personnage de Landru, traité sur le ton de la satire[29]. Charles Denner incarne le personnage, entouré notamment de Michèle Morgan et Danielle Darrieux. Landru sort sur les écrans en janvier 1963 : c'est un succès, suivi le mois suivant par un échec notable, Ophélia, qui est un hommage à Hamlet.
Dans le creux de la vague, Chabrol fait la connaissance de la productrice Christine Gouze-Rénal et de son mari Roger Hanin, qui croient en lui. Il qualifie cette rencontre de « providence ». Le couple lui propose de monter Macbeth au théâtre de Versailles, avec Hanin et Stéphane Audran. Après quoi, il tourne deux films d'espionnage parodiques avec Roger Hanin (qui a écrit les scénarios), produits par Christine Gouze-Rénal : Le Tigre aime la chair fraîche et Le Tigre se parfume à la dynamite. Avec Georges de Beauregard, Chabrol réalise une autre variation dans le même genre : Marie-Chantal contre Dr Kha, avec Marie Laforêt. Ces trois films lui permettent de renouer avec le succès et sa carrière est relancée[30]. Chabrol tourne ensuite dans le Jura un film sur la résistance d'après le colonel Rémy (La Ligne de démarcation). C'est une commande des producteurs Raymond Eger et Georges de Beauregard. Chabrol considère que, parmi tous ses films issus d'une adaptation, c'est le seul qui ne représente pas son univers[31]. Ce sera cependant l'un de ses plus grands succès.
Sur un scénario de Paul Gégauff, il tourne Le Scandale, avec Anthony Perkins et Maurice Ronet, un film placé sous le signe de l'alcool et qui montre « la déliquescence des mœurs d'une époque, où les rapports sociaux tuaient les rapports humains »[32].
En 1967, Chabrol cherche un partenaire qui puisse le dégager des soucis administratifs et financiers qui se posent à tout réalisateur. Daniel Boulanger lui présente André Génovès, un jeune producteur. Leur coopération débute par La Route de Corinthe, d'après un roman d'espionnage de Claude Rank dont Boulanger détient les droits. C'est le début d'une « belle histoire » de treize films qui va durer jusqu'en 1975. Génovès « salarie » Chabrol douze mois sur douze, avec un salaire moyen englobant l'écriture, la préparation, le tournage et la postproduction. Le réalisateur adopte le rythme d'un film tous les neuf mois.
Selon Jean Tulard, cette époque est « la meilleure peut-être dans l'œuvre de Chabrol ». Certains critiques qualifient de « pompidoliens » les films Les Biches, La Femme infidèle, Que la bête meure, Le Boucher, La Rupture, Juste avant la nuit, Les Noces rouges, auxquels on attache parfois Le Scandale et Nada[33]. Les films sont marqués par l'observation de la bourgeoisie, souvent provinciale, sous la présidence de Georges Pompidou. Chabrol se fait spécialiste de l'analyse féroce de ce milieu social[20], dont l'apparent conformisme sert de couvercle à un bouillonnement de vices et de haines. Ses acteurs fétiches (Michel Bouquet, Jean Yanne, Michel Duchaussoy et Stéphane Audran, dont les personnages portent souvent les mêmes prénoms d'un film à l'autre) sont indissociables de ce cycle.
Sur la période, deux films échappent à cette classification, La Décade prodigieuse et Docteur Popaul, d'après des romans policiers d'Ellery Queen et Hubert Monteilhet. Chabrol reconnaît avoir raté La Décade prodigieuse, coûteuse production avec un quatuor de vedettes (Orson Welles, Marlène Jobert, Anthony Perkins et Michel Piccoli)[34]. C'est lors du tournage de ce film, en été 1971, qu'il engage une relation avec sa scripte Aurore Paquiss, qui deviendra sa femme quelques années plus tard[35]. Il définit Docteur Popaul — interprété par Jean-Paul Belmondo — comme vivant en 1972, « c'est-à-dire que le cynisme, la bêtise et la lâcheté font partie de sa vie. (…) Au début, c'est de la gaudriole ; après aussi, mais on ne le sait pas »[36]. Avec plus de deux millions de spectateurs en France, ce film est son plus grand succès.
Chabrol connaît en 1973 avec Les Noces rouges des difficultés avec la censure. La commission de contrôle cinématographique émet l'avis que la décision d'accorder le visa de censure au film de Claude Chabrol soit différée, en raison du fait que le procès des « diaboliques de Bourganeuf » ne s'est pas encore tenu. Le film s'inspire ouvertement de ce fait divers[37]. Incarnés à l'écran par Stéphane Audran et Michel Piccoli, ces deux amants adultérins seront reconnus coupables de l'assassinat de leurs conjoints respectifs[38]. Le cinéaste s'insurge contre cet avis, considérant « qu'une des raisons profondes de cette attitude est la présence dans le film d'un personnage de député, désigné comme faisant partie de la majorité. » Le film sort en avril 1973, après le procès et les élections législatives. Il obtient le prix FIPRESCI de la critique internationale au festival de Berlin.
La série des films pompidoliens prend fin avec Nada, un film violent d'après un roman de Jean-Patrick Manchette qui décrit un groupe terroriste réalisant l'enlèvement de l'ambassadeur des États-Unis. Ce n'est pas un film à thèse : les policiers sont « idiots » et les terroristes « lamentables ». L'un des membres du groupe écrit : « le terrorisme gauchiste et le terrorisme étatique sont les deux mâchoires d'un même piège à cons », phrase qui est réputée résumer la pensée chabrolienne[39].
Il tourne ensuite Une partie de plaisir, « auto-fiction conjugale »[40] de Paul Gégauff, interprété par Gégauff et sa femme Danièle. Jusqu'à la fin de la décennie, il choisit des sujets éclectiques dans lesquels son inspiration s'émousse parfois : films policiers (Les Innocents aux mains sales, Les Magiciens - dont Chabrol n'est pas fier - Les liens du sang), séries télévisées (Madame le juge, Histoires insolites, Fantômas) documentaires musicaux (Il était un musicien), fantastique (Alice ou la dernière fugue), film sur la Bretagne (Le Cheval d'orgueil, d'après les souvenirs d'enfance de Per-Jakez Hélias), drame (Folies bourgeoises d'après Lucie Faure, qu'il considère comme un mauvais film[41], tiré d'un roman « illisible » et d'une adaptation « quasi-nulle »[42]). Au cinéma, ce sont, pour l'essentiel, des échecs publics et critiques, à l'exception de Violette Nozière qui marque sa rencontre en 1978 avec Isabelle Huppert. Après Landru, Violette Nozière, l'empoisonneuse parricide qui fit scandale dans les années 1930, ajoute une dimension supplémentaire à la galerie de monstres jusqu'ici filmés par Chabrol. Il entame avec l'actrice un duo efficace, qui prend la relève de celui qu'il formait avec Stéphane Audran. Violette Nozière permet à Isabelle Huppert d'obtenir le prix d'interprétation féminine à Cannes et à Stéphane Audran de remporter le César de la meilleure actrice dans un second rôle.
Au début des années 1980, Chabrol travaille pour la télévision. Avec Paul Gégauff, il adapte notamment une nouvelle d'Edgar Poe : Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume. Ce sera sa dernière collaboration avec l'écrivain. En 1982, Chabrol met en scène le film Les Fantômes du chapelier d'après le roman éponyme de Georges Simenon. Le film est salué par une partie de la critique[43],[44] mais jugé indigne de figurer dans la sélection française du Festival de Cannes[45]. « C'était en 1982 : à gauche toute ! En cette période politique, mon film n'avait pas été jugé assez provocant… » explique Chabrol[46]. Il est primé au MystFest, festival italien de littérature et de cinéma en 1982. Deux ans plus tard, il adapte Simone de Beauvoir dans Le Sang des autres, une importante production internationale sur la Résistance, que Chabrol qualifie d'« euro-pudding » et de « vrai navet »[47] et qui sera un échec.
En 1985, Marin Karmitz accepte le scénario de Poulet au vinaigre, qui a été refusé par d'autres producteurs. Le film est présenté au festival de Cannes. C'est le début d'une « complicité » qui va s'étendre sur onze films supplémentaires jusqu'en 2003 (Inspecteur Lavardin, Masques, Une affaire de femmes, Madame Bovary, Betty, Rien ne va plus, La Cérémonie, L'Enfer, Merci pour le chocolat, Au cœur du mensonge, La Fleur du mal). Ce seront pour la plupart des réussites commerciales qui permettront à Karmitz de produire des films plus difficiles[48]. Il touche tant les rives du films policier (Masques, critique de l'univers de la télévision, Le Cri du hibou, adaptation de Patricia Highsmith), de la comédie policière (Poulet au vinaigre, Inspecteur Lavardin, Rien ne va plus) que celles de l'adaptation littéraire (Madame Bovary, Betty d'après Simenon), ou du fait divers sanglant (La Cérémonie), adaptée du roman L'Analphabète de Ruth Rendell. En 1988, Une affaire de femmes retrace la vie de Marie-Louise Giraud, qui effectua des avortements à Cherbourg sous l'occupation et qui fut condamnée à mort. Il revient sur cette période en 1993 dans un film documentaire composé des actualités cinématographiques officielles du régime du arméchal Pétain : L'Œil de Vichy.
Avec L'Enfer, il reprend un scénario d'Henri-Georges Clouzot, que celui-ci avait tenté de tourner lui-même en 1964, avec Romy Schneider et Serge Reggiani. En raison d'un budget trop limité et de problèmes de santé, Clouzot n'avait pu l'achever. Sa veuve confie le scénario, qui évoque une jalousie masculine morbide, à Karmitz et Chabrol le met en scène avec Emmanuelle Béart et François Cluzet. Il revient régulièrement au « polar provincial » par des films tels que Au cœur du mensonge, La Demoiselle d'honneur et La Fleur du mal. En 2000, Merci pour le chocolat, adaptation d'un roman policier de Charlotte Amstrong, lui vaut le prix Louis-Delluc et permet à Isabelle Huppert d'obtenir plusieurs prix d'interprétation dans des festivals internationaux.
Sur cette période, il connaît deux échecs notables en 1989 et 1990 sur des co-productions : Jours tranquilles à Clichy est une fresque érotique d'après l'œuvre éponyme d'Henry Miller. Docteur M se veut un hommage à Fritz Lang pour le centième anniversaire de sa naissance et met en scène un personnage démoniaque proche du Docteur Mabuse ; Chabrol reconnaît que c'est un film raté. Il qualifie ces deux films de « consciemment cons » et décide « de ne plus perdre [son] temps sur un truc dont [il sait] pertinemment que c'est une connerie »[6].
Le producteur Patrick Godeau (Alicéléo) prend la relève de Marin Karmitz à partir de La Demoiselle d'honneur en 2004. Il produit les quatre derniers films de Chabrol, dont L'Ivresse du pouvoir en 2006. Inspiré par l'affaire Elf et le personnage de la juge Eva Joly, ce film remporte un grand succès et obtient le prix spécial du jury au festival du film européen de Séville. L'année suivante, La Fille coupée en deux est primé au festival du film de Pula et obtient le prix Bastone Bianco de la critique à la Mostra de Venise.
Entre deux tournages, Chabrol vient se reposer au Croisic en Loire-Atlantique, ville qu'il avait découverte après la guerre et où il avait acheté en 2004 une maison dans le centre du bourg (auparavant, son lieu de repli se trouvait à Gennes en Maine-et-Loire). Il y recevait souvent ses amis acteurs et cinéastes[49]. Il a ralenti son rythme de travail en ne réalisant plus qu'un film tous les dix-huit mois, en intercalant un ou deux téléfilms « pour ne pas m'ennuyer »[50].
Claude Chabrol est, en 2006, le réalisateur d'honneur du festival Un réalisateur dans la ville, à Nîmes. Deux ans plus tard, il reviendra dans la cité romaine tourner son dernier film, Bellamy, avec Gérard Depardieu. Ce sera leur unique collaboration.
Chabrol reçoit, pour l'ensemble de son œuvre cinématographique, le Lifetime Achievement Award de l'Académie européenne du cinéma en 2003, le prix René-Clair de l'Académie française en 2005, la Licorne d’Or au Festival international du film d'Amiens en 2008, la Caméra d'or de la Berlinale 2009 et le grand prix 2010 de la SACD.
Puis arrive, à « l'hyperactif et plein d’allant, fourmillant de projets », le « clap de fin »[18] : Claude Chabrol meurt à son domicile le à l'âge de 80 ans[51],[52], notamment de problèmes respiratoires qui avaient justifié son hospitalisation les deux dernières semaines, hospitalisation qui révélera un lymphome non soigné[53],[54]. Il est inhumé le , dans l'intimité, au Père-Lachaise (10e division)[55], après un rassemblement des proches et des amis sur le parvis de la Cinémathèque française[56],[57].
Ses derniers projets étaient d'adapter Boule de Suif à la télévision avec Marilou Berry[50] et, pour le cinéma, de réaliser L'Escalier de fer avec Isabelle Huppert, d'après un roman de Georges Simenon publié en 1953[58]. Il avait également dans ses tiroirs un « projet impossible à réaliser » : l'adaptation de Wang-Loun d'Alfred Döblin, roman traitant des incarnations de l'esprit de révolte dans la Chine antique, pendant la construction de la Grande muraille. Il évoque également l'adaptation d'un roman de Kate Ross, La Disparition d'Orphée comme son dernier film.
« J'ai toujours tendance à travailler avec les mêmes personnes. Et je comprends mal comment on peut ne pas travailler avec les mêmes quand on s'entend bien avec eux et quand c'est possible (…) je préfère garder ma petite équipe parce que, à chaque fois, c'est un vrai bonheur de se retrouver. C'est valable pour les techniciens. C'est valable pour les acteurs. C'est valable pour tout le monde. »
— Entretien avec François Guérif
De fait, Chabrol travaille longtemps avec les mêmes équipes : son chef opérateur Jean Rabier coopère avec lui pendant trente ans; le musicien Pierre Jansen compose la musique de plus de la moitié de ses films, avant que Matthieu Chabrol ne prenne la relève. Jacques Gaillard, Monique Fardoulis son épouse et Olivier Rossignol leur fils assurent le montage de la quasi-totalité de ses films. Directeurs de production, cadreurs et assistants restent fidèles à Chabrol pendant de longues années. Aurore Paquiss, son épouse depuis 1982, est sa scripte depuis Les Biches en 1967 ; Cécile Maistre, la fille d'Aurore, est son assistante depuis 1993.
Stéphane Audran a tourné une vingtaine de films avec lui, Isabelle Huppert et Bernadette Lafont sept films, Michel Bouquet six films. François Cluzet, Jean-Pierre Cassel, Jean-Claude Brialy, André Jocelyn, Michel Duchaussoy, Maurice Ronet, Jean Yanne, Henri Attal, Dominique Zardi et Sandrine Bonnaire sont apparus régulièrement à ses génériques. Les producteurs André Génovès, Marin Karmitz et Patrick Godeau lui ont permis de tourner la plupart de ses meilleurs films. Paul Gégauff a co-écrit pendant plus de vingt ans une bonne partie de ses scénarios et de ses dialogues[59].
De 1958 à 2009, des Cousins à Bellamy, Claude Chabrol réalise 54 long-métrages pour le cinéma. Il tourne également des segments dans des films à sketches et de nombreux films de télévision et épisodes de séries. Il a conscience d'avoir réalisé des films inégaux. Il s'est parfois trouvé contraint, par besoin d'argent ou nécessité d'obtenir un succès commercial, d'accepter des films de commande « qu'il faisait semblant de réaliser consciencieusement, mais qu'il s'amusait à rater avec un joyeux je-m'en-foutisme »[60] ; ainsi Les Magiciens, Folies bourgeoises, Le Sang des autres ou Jours tranquilles à Clichy.
Cependant, comme le questionne son biographe Wilfrid Alexandre : « qui peut se flatter aujourd'hui d'avoir réalisé autant de films réussis et de chefs-d'œuvre ? »[61] Chabrol explique :
« Je voulais rester fidèle à mon crédo : tourner quoi qu'il arrive. Installer le système Chabrol. Comme Truffaut, je voulais fonctionner film par film, mais à l'intérieur d'un ensemble plus large, avec des mises en perspective que je m'efforçais de créer. Je me salissais un peu les mains avec des projets plus douteux, mais au moins je faisais du cinéma. »
Dans un article publié en octobre 1959 dans les Cahiers du cinéma, il a théorisé son intérêt pour « les petits sujets », concluant : « à mon avis, il n'y a pas de grands ou de petits sujets , parce que plus le sujet est petit, plus on peut le traiter avec grandeur ».
« Chabrol a fait une carrière à l’américaine », explique François Guérif. « Walsh, Ford ou Hawks n’ont pas fait que des chefs-d’œuvre. Mais comme eux, Chabrol considère qu’un réalisateur, tel un artisan, ne doit pas se tourner les pouces mais tourner des films[62]. »
Après sa « belle histoire » de treize films avec le producteur André Génovès, Chabrol se félicite de sa collaboration avec Marin Karmitz - qui se poursuit avec Patrick Godeau. Ces partenariats garantissent la réunion des conditions idéales de création pour un metteur en scène. Ils assurent la cohérence d'une œuvre, marquée par l'observation féroce des turpitudes de la bourgeoisie - souvent provinciale. Que ce soit sur le registre de la comédie grinçante ou du polar, souvent de concert avec Paul Gégauff, il ne cesse d'en traquer l'hypocrisie, les coups bas et la bêtise, avec une délectation jubilatoire.
Claude Chabrol n'hésite pas à forcer le trait jusqu'à la noirceur. Il est l'un des rares cinéastes français à avoir exploré une partie de l'histoire de notre pays, des mentalités et des mœurs, tout en restant, au fil des ans, un cinéaste populaire. Ses films sont connus pour intégrer des scènes où les repas sont l'exutoire des fantaisies ou des sentiments de ses personnages. Selon Wilfrid Alexandre, les scènes de table semblent avoir un rôle majeur dans la dramaturgie de l'œuvre chabrolienne. « C'est à table que les gens mangent. Ils sont dans un état de primitivité absolue, car ils se nourrissent pour vivre, sinon ils meurent. C'est le moment où l'on est dans un état élémentaire et si l'on porte des masques, ils ont tendance à tomber. On peut ainsi pénétrer dans la psychologie de chacun. Ce que j'aime quand mes personnages sont à table, c'est ce petit moment de vérité ou de grand mensonge. Tout est possible à table, mais a priori il s'agit d'un petit moment de vérité » explique Chabrol[63].
Selon l'analyse de Catherine Khoze-Dousteyssier, la filmographie de Chabrol est influencée par la Comédie humaine, à travers les références à des romans de Balzac dans certains films et « au niveau de sa conception de l'œuvre cinématographique comme mosaïque (…) La clé balzacienne permet d'apporter cohérence et complexité à une esthétique chabrolienne parfois jugée hétéroclite »[64]. Cette parenté est fréquemment notée par la critique : ainsi Chantal Didier dans L'Est républicain :
« Avec l'auteur de la Comédie humaine, le cinéaste partageait la gourmandise, la vraie et celle de mettre en scène les passions et petitesses que cachent souvent les conventions. (…) Comme lui, il laisse une œuvre puissante, où son œil acéré témoigne de son siècle[65]. »
Dans Claude Chabrol par lui même et par les siens, le cinéaste cite avec satisfaction le Guide chiffré du cinéma de Simon Simsi qui, dans son édition 2000, le référence « comme le réalisateur français des records d'entrées avec vingt-huit films dépassant les cinq cent mille entrées sur quarante-sept sortis »[66]. Comme le souligne Eric Libiot : « Il est rare qu'un cinéaste devienne populaire. […] un cinéaste, ça reste dans l'ombre, ça cogite, ça fulmine, ça impressionne, ça garde ses distances. C'est mystérieux un cinéaste, parfois timide et peu enclin à jouer sous les lumières. Claude Chabrol n'était ni mystérieux, ni timide et s'amusait des projecteurs braqués sur lui. Il aimait la vie, il aimait son boulot, il aimait les gens. Et puis s'amuser. Il avait un avis sur tout. […] Alors oui, Claude Chabrol était un cinéaste populaire parce qu'il était un homme généreux adepte du poil à gratter[67]. » Xavier Panon, dans La Montagne, renchérit : « Son humanité sincère, son individualisme assumé dans un grand éclat de rires, touchent juste. Ils expliquent sa réelle popularité »[65]. Nathalie Simon et Étienne Sorin, dans Le Figaro, rappellent dix ans après sa mort que « Chabrol reste un cinéaste populaire. Dans l’imaginaire français, il demeure le bon vivant de la bande des Cahiers du cinéma, le rigolard de la Nouvelle Vague, le pourfendeur de la France bourgeoise des années 1970, l’amateur de bonne chère, truculent et libre-penseur »[62].
Comme l'écrit Bruno Dive dans Sud-Ouest, « Il est rare que le grand public se précipite pour voir un film en fonction de son auteur. L'acteur vedette ou le thème jouent généralement un rôle primordial. Ce n'était pas le cas avec Claude Chabrol, même si celui-ci faisait toujours tourner des acteurs célèbres qu'il avait parfois contribué à lancer. On allait voir “un Chabrol” comme on déguste “un bordeaux” ou comme on lit un “Le Clézio” ». Illustration de cette popularité, le patronyme du cinéaste est passé dans le langage courant, ainsi que le définit Xavier Panon : « Chabrolien ! Que son nom soit devenu un adjectif pour désigner une lourde ambiance provinciale, c'est le plus bel hommage du vice à la vertu du cinéaste, maître des trucages pour débusquer, comme son inspecteur Lavardin, la coupable vérité en jouant des faux-semblants »[65].
Selon François Guérif :
« Comme tout vrai créateur, (Chabrol) a un univers qui n’appartient qu’à lui. Ce qui ne l’empêche pas d’être une source d’inspiration pour d’autres cinéastes, tout comme Hitchcock l’a été pour lui. »
Selon certains critiques, on retrouve sa conception du métier chez Anne Fontaine ou François Ozon, « deux cinéastes qui tournent beaucoup et flirtent avec des thèmes chers à Chabrol (l’hypocrisie bourgeoise, le mensonge) ». En 2020, Marc Fitoussi assume l'héritage chabrolien pour son film Les Apparences[62].
Pour autant selon Didier Péron dans Libération, la postérité de Chabrol peut sembler problématique :
« Dans une cinéphilie mondialisée, la place de cette œuvre si ancrée dans le territoire national peut-elle susciter l’intérêt ? On se souvient de Bong Joon-ho (…) citant Chabrol seventies parmi ses influences, et surtout de cette interview croisée avec l’immense James Gray (…), dans Première en juin (2010) : "Comprenez-moi bien, ses films sont fondateurs pour moi. Il y a trois ou quatre ans, sa fille m’a offert une immense affiche des Bonnes Femmes, l’un de mes films préférés au monde, avec un autographe. Voilà, pour moi, il y a Chabrol, Fellini, Kurosawa, Visconti, John Ford[68]". »
Claude Chabrol a côtoyé Jean-Marie Le Pen à la faculté de droit. Comme il l'explique dans l'émission Bouillon de culture, il a été « copain comme cochon » avec lui entre 1949 et 1952 et a admiré son côté « fout-la-merde magnifique »[69]. Cependant, il est connu pour avoir des opinions politiques « irréductiblement socialistes » et se vante, dans les années 1960, de voter régulièrement communiste avec Stéphane Audran[70]. Son passage à Sciences Po lui insuffle une détestation des hommes politiques. Le début de sa carrière lui vaut quelques malentendus, en particulier sur Les Cousins, accusé d'être un film fasciste parce que Jean-Claude Brialy s'y déguise en nazi. En 1973, il introduit dans Les Noces rouges un personnage particulièrement déplaisant de député de la majorité (UDR). Il estime que la présence de ce personnage, incarné par Claude Piéplu, constitue la vraie raison pour laquelle la commission de contrôle cinématographique a retardé la sortie du film.
En 1981, il soutient François Mitterrand lors de l'élection présidentielle[71].
En 1995, avec La Cérémonie, il déclare avoir signé un film marxiste, afin de rappeler aux intellectuels de gauche qui pensent que la chute du mur de Berlin a marqué la fin de la lutte des classes, qu'ils ont tort et qu'il existe encore un sous-prolétariat[72].
Il a réalisé 26 fictions pour la télévision[73].
Chabrol avait, au début de sa carrière, produit des films avec sa société Ajym Films[74].
Le box-office de Claude Chabrol est remarquable par sa régularité. Ses plus grands succès se répartissent en effet sur cinq décennies différentes. En revanche, on note aussi l'absence de très gros succès de plus de 5 millions de spectateurs.
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