Attentat de Lockerbie
attaque terroriste sur un Boeing 747 de Pan Am en 1988 De Wikipédia, l'encyclopédie libre
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Vol Pan Am 103
Vol Pan Am 103 | ||
Débris de la section avant du Boeing 747 de Pan Am, baptisé Clipper Maid of the Seas, près du village de Lockerbie en Écosse. | ||
Localisation | Au-dessus de Lockerbie, Dumfriesshire, Écosse | |
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Cible | Boeing 747-121 N739PA Clipper Maid of the Seas de la Pan American World Airways | |
Coordonnées | 55° 07′ 16″ nord, 3° 21′ 19″ ouest | |
Date | 19 h 2 min 50 s (UTC) |
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Type | Explosion et désintégration en vol | |
Armes | Bombe (attentat) | |
Morts | 270 victimes :
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Auteurs présumés | Abdelbaset Ali Mohmed Al Megrahi (Procès de l'attentat de Lockerbie) | |
Organisations | Jamahiriya arabe libyenne | |
Géolocalisation sur la carte : Écosse
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Le , un Boeing 747 effectuant le vol Pan Am 103, entre Londres et New York, explose au-dessus du village de Lockerbie en Écosse, après la détonation d'une bombe, tuant les 243 passagers et seize membres d'équipage. De grandes sections de l'avion s'écrasent sur plusieurs rues résidentielles de Lockerbie, y tuant onze personnes. Connue sous le nom d'attentat de Lockerbie, il s'agit de l'attaque terroriste la plus meurtrière de l'histoire du Royaume-Uni.
À la suite d'une enquête conjointe de trois ans menée par la police locale et le Federal Bureau of Investigation (FBI) des États-Unis, des mandats d'arrêt sont émis contre deux ressortissants libyens en . En 1999, le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi remet les deux hommes à la justice après de longues négociations et des sanctions de l'Organisation des Nations unies (ONU). En 2001, Abdelbaset al-Megrahi, officier du renseignement libyen, est emprisonné à perpétuité après avoir été reconnu coupable de 270 chefs d'accusation de meurtre en relation avec l'attentat à la bombe. En , il est libéré par le gouvernement écossais en raison de son cancer de la prostate. Il décède en , seule personne à avoir été condamnée pour l'attaque.
En 2003, Kadhafi accepte la responsabilité de l'attentat et verse des indemnités aux familles des victimes, tout en affirmant ne pas être à l'origine de l'attaque. L'acceptation de la responsabilité fait partie d'une série d'exigences énoncées par une résolution de l'ONU afin que les sanctions contre la Libye soient levées.
Pendant la première guerre civile libyenne en 2011, l'ancien ministre de la Justice Mustafa Abdul Jalil affirme que le dirigeant libyen a personnellement ordonné l'attentat. Bien qu'aucune preuve ne soit présentée publiquement en ce sens, les enquêteurs pensent toujours que l'attaque ne résulte pas du seul Megrahi et de nombreuses zones d'ombre entourent toujours l'affaire.
À la suite de l'identification de nouveaux suspects en 2015, à l'occasion du 32e anniversaire de l'attentat le , les États-Unis annoncent la mise en accusation d'un autre ancien officier du renseignement libyen, Abu Agila Mohammad Masud, détenu en Libye, qu'ils soupçonnent d'avoir construit la bombe à l'origine de l'attentat. Ce dernier est extradé et placé en détention aux États-Unis en .
L'avion impliqué est un Boeing 747-121, immatriculé N739PA et baptisé Clipper Maid of the Seas après 1979[1],[AAIB 1]. Initialement connu sous le nom Clipper Morning Light[2], il s'agit du 15e Boeing 747 construit et livré en [1], moins d'un mois après l'entrée en service du premier 747 avec Pan Am[3],[4],[AAIB 2]. En 1978, sous le nom de Clipper Morning Light, il apparaît dans « Conquering the Atlantic », le quatrième épisode de la série documentaire de la BBC Television Diamonds in the Sky, présentée par Julian Pettifer, un journaliste anglais[5]. Il est propulsé par quatre turboréacteurs Pratt & Whitney JT9D-7A et compte 72 464 heures de vol au moment de l'attentat[AAIB 3]. Sa dernière visite de maintenance date du , trois semaines avant l'attentat, et il a effectué sa « visite de type C » (inspection annuelle complète) deux mois plus tôt, le [AAIB 2]. Ainsi, selon le rapport de l'Air Accidents Investigation Branch (AAIB), l'avion est « en conformité avec les exigences » au moment de l'attentat[AAIB 4].
Le commandant de bord, James B. MacQuarrie, âgé de 55 ans, est un pilote expérimenté comptant plus de 10 900 heures de vol, dont plus de 4 100 sur Boeing 747[AAIB 5]. L'officier pilote de ligne, Raymond R. Wagner, âgé de 52 ans, cumule un total de 11 855 heures de vol dont 5 517 heures sur 747[AAIB 5]. Enfin, le mécanicien navigant, Jerry D. Avritt, âgé de 46 ans, a rejoint Pan Am en 1980 lors de la fusion avec National Airlines et totalise plus de 8 060 heures de vol, dont près de 490 sur 747[AAIB 6]. L'AAIB résume que « l'équipage était dûment autorisé et médicalement apte à effectuer le vol[C 1] »[AAIB 7].
En plus des trois pilotes, treize membres de l'équipage de cabine, dont deux Françaises, sont présents à bord et « répondaient tous aux compétences de l'entreprise et aux exigences médicales[C 2] »[AAIB 1],[6],[7].
Le vol Pan Am 103 est à l'origine une ligne à l'aéroport de Francfort, en Allemagne de l'Ouest, exploitée par un Boeing 727[AAIB 8]. La compagnie aérienne, comme d'autres à son époque, avait pour habitude de changer fréquemment le type d'aéronef effectuant différentes étapes d'un vol, mais toujours sous le même numéro. Ainsi, le vol 103 pouvait être réservé en tant qu'itinéraire simple Francfort-New York ou Francfort-Détroit, bien qu'un changement d'avion prévu ait eu lieu à l'aéroport Heathrow de Londres. À l'arrivée au terminal 3 d'Heathrow le , les passagers et leurs bagages provenant de Francfort ainsi que d'autres passagers sont transférés directement sur le Boeing 747 Clipper Maid of the Seas, dont le vol précédent était en provenance de Los Angeles et est arrivé via San Francisco[AAIB 8].
L'avion, qui effectue l'étape transatlantique du vol, quitte le terminal à 18 h 4 UTC, quatre minutes après son horaire prévu, et décolle de la piste 27 droite (27R) à 18 h 25, en route pour l'aéroport international de New York - John-F.-Kennedy puis l'aéroport métropolitain de Détroit aux États-Unis[AAIB 8]. L'avion prend une direction nord, cap 350°, et atteint 6 000 pieds d'altitude (1 830 mètres) au-dessus du village de Bovingdon, près de Hemel Hempstead, à environ quarante kilomètres au nord-ouest de Londres[AAIB 8]. À ce moment-là, les pilotes sont autorisés à monter initialement à 12 000 pieds (3 660 mètres) puis à 31 000 pieds (9 450 mètres), altitude atteinte par l'avion à 18 h 56, trente-et-une minutes après son décollage[AAIB 8].
À 19 h 1, le Clipper Maid of the Seas approche du golfe de Solway et le traverse à 19 h 2[8]. L'avion vole à 31 000 pieds sur un cap à 316°, à une vitesse calibrée de 313 nœuds (580 km/h) et une vitesse sol de 434 nœuds (804 km/h)[N 1],[AAIB 10]. À 19 h 2 min 44 s, le centre de contrôle océanique de Shanwick, situé à Prestwick en Écosse, adresse une clairance à l'avion pour sa traversée de l'Atlantique, mais aucune réponse ne lui parvient[AAIB 11],[9]. Au même moment, le symbole de l'avion disparaît sur le radar secondaire du contrôleur aérien et plusieurs échos correspondant à de larges sections de débris apparaissent sur le radar primaire[AAIB 12]. Le contrôleur tente à plusieurs reprises d'entrer en contact avec les pilotes, sans réponse[AAIB 8]. Dans le même temps, un son fort est enregistré sur l'enregistreur phonique du poste de pilotage (CVR), juste avant son interruption à 19 h 2 min 50 s[AAIB 13]. Quelques instants plus tard, un pilote de British Airways, aux commandes d'un vol Londres-Glasgow, se trouvant près de Carlisle, appelle les autorités écossaises pour signaler qu'il peut voir un énorme incendie au sol[10].
L'explosion perce un trou de cinquante centimètres (vingt pouces) de diamètre sur le côté gauche du fuselage[AAIB 14]. Les enquêteurs ont conclu qu'aucune procédure d'urgence n'a été lancée dans le poste de pilotage[AAIB 15]. L'effet de l'explosion a été amplifié par la grande différence de pression entre l'intérieur et l'extérieur de l'avion, provoquant une décompression incontrôlée du fuselage[AAIB 16]. Les câbles de commande de la gouverne de profondeur et de direction de l'avion ont été brisés et le fuselage s'est incliné vers le bas et vers la gauche[AAIB 17].
Les enquêteurs de l'Air Accidents Investigation Branch (AAIB) du ministère britannique des Transports ont conclu que le nez de l'avion a été arraché et séparé de la section principale dans les trois secondes ayant suivi l'explosion[AAIB 17]. Il a arraché le moteur no 3 et atterrit sur une colline à environ quatre kilomètres à l'est du centre-ville de Lockerbie en Écosse[AAIB 17].
Le fuselage a continué à avancer et à descendre jusqu'à ce qu'il atteigne 19 000 pieds (5 790 mètres), moment auquel son piqué devient presque vertical et où les ailes et les trois moteurs restants se détachent de la structure principale[AAIB 18],[11]. Les habitants de Lockerbie rapportent que, peu après 19 heures, « un grondement comme le tonnerre a rapidement augmenté jusqu'à des proportions assourdissantes comme le rugissement d'un moteur à réaction à pleine puissance. Le bruit semblait provenir d'un objet semblable à un météore qui traînait une flamme et est descendu dans la partie nord-est de la ville[C 3] »[AAIB 8],[12]. Le fuselage arrière, des parties de la soute à bagages et trois trains d'atterrissage atterrissent dans le quartier de Rosebank, dans le centre de Lockerbie[AAIB 19],[13],[14]. Le fuselage constitué de la structure principale de l'aile atterrit dans le quartier de Sherwood, créant un grand cratère d'impact où se trouvaient plusieurs maisons[AAIB 20]. Les 91 000 kilogrammes de carburéacteur enflammé par l'impact déclenchent des incendies qui détruisent plusieurs maisons supplémentaires[AAIB 21],[15],[16]. Les enquêteurs ont pu déterminer que les deux ailes ont atterri dans le cratère à Sherwood, affirmant que « l'absence totale de débris de la structure principale de l'aile retrouvée éloignée du cratère a confirmé l'impression initiale que la structure complète de l'aile était présente lors de l'impact principal[C 4] »[AAIB 22]. Le British Geological Survey situé à vingt-trois kilomètres enregistre un événement sismique à 19 h 3 min 36 s mesurant 1,6 sur l'échelle de magnitude de moment, qui est attribué à l'impact[AAIB 23].
Le reste de l'épave composé du « fuselage complet [de l']avant [de l'appareil] […], comprenant le poste de pilotage et le train d'atterrissage avant, a été retrouvé en une seule pièce dans un champ à environ quatre kilomètres à l'est de Lockerbie[C 5] »[AAIB 22]. Ce champ, situé en face de l'église de Tundergarth, est l'endroit où les débris les plus facilement identifiables sont tombés et il « ressortait clairement de la nature des dommages causés par l'impact et des marques au sol que [cette partie] était tombée presque à plat sur son côté gauche mais avec une légère assiette en piqué[C 6] »[AAIB 22]. Des débris plus légers sont éparpillés jusqu'à la côte est de l'Angleterre sur une distance de 130 kilomètres, aussi loin que jusqu'à la mer du Nord[AAIB 24].
Les 243 passagers et seize membres d'équipage sont tués, ainsi que onze résidents de Lockerbie au sol[AAIB 25],[4]. Au total, sur les 270 décès, 189 étaient des citoyens américains et quarante-trois des citoyens britanniques[7]. Dix-neuf autres nationalités étaient représentées, avec quatre passagers ou moins par pays[7],[17].
Un 244e passager, Jaswant Basuta, aurait dû se trouver à bord du vol, mais étant resté dans un bar de l'aéroport avec des membres de sa famille, il a raté l'embarquement de quelques minutes seulement[18]. Lorsqu'il s'est présenté au comptoir, il pouvait apercevoir l'avion derrière les vitres du terminal, en plein repoussage sur le tarmac[18]. Après l'explosion de l'avion, il est rapidement mis hors de cause par la police[18],[HCJ 1].
Trente-cinq des passagers étaient des étudiants de l'université de Syracuse, dans l'État de New York, aux États-Unis, qui participaient à la « division des programmes internationaux » de l'université (« Syracuse Abroad » ou « Study Abroad Program ») et rentraient chez eux pour Noël après un semestre à Londres[19],[20]. Quelques-uns de ces étudiants venaient d'autres universités qui s'étaient inscrites au programme[19].
Parmi les passagers figure notamment le commissaire de l'ONU pour la Namibie (alors Sud-Ouest africain), âgé de 50 ans, Bernt Carlsson, qui devait assister à la cérémonie de signature des accords de New York pour l'indépendance de la Namibie au siège des Nations unies le lendemain[21]. James Fuller, un dirigeant automobile américain à la tête de l'entreprise Volkswagen aux États-Unis était également sur ce vol et rentrait chez lui après une réunion en Allemagne[22],[23]. Le navigateur olympique irlandais Peter Dix[24] ainsi que le musicien de rock Paul Jeffreys (en) étaient également à bord[25].
Matthew K. Gannon, chef adjoint du poste de la Central Intelligence Agency (CIA) à Beyrouth, au Liban, était assis dans la classe Clipper, l'équivalent de la classe affaires chez Pan Am[26],[27]. À bord de l'avion, il y avait également un groupe de spécialistes américains du renseignement[28]. Leur présence a donné lieu à des spéculations et des théories du complot, dans lesquelles un ou plusieurs d'entre eux auraient été visés[28].
Image externe | |
Photographie du cratère d'impact dans le quartier de Sherwood, sur The Sun. | |
Onze résidents de Lockerbie dans le quartier de Sherwood sont tués lorsqu'une section de l'aile frappe une maison au 13 Sherwood Crescent à plus de 800 km/h et explose, créant un cratère de quarante-sept mètres de long et d'un volume de 560 m3[AAIB 26]. La propriété est complètement détruite et ses deux occupants sont tués[11]. Leurs corps n'ont jamais été retrouvés[29],[30]. Plusieurs autres maisons et leurs fondations sont détruites et vingt-et-une autres sont si gravement endommagées qu'elles ont dû être démolies[AAIB 25],[31].
Une famille de quatre personnes, dont deux enfants de treize et dix ans, est tuée lorsque leur maison du 15 Sherwood Crescent explose[32],[29]. Un couple et leur fille de dix ans sont tués par l'explosion de leur maison au 16 Sherwood Crescent[32],[29]. Leur fils a été témoin d'une boule de feu envahissant sa maison depuis le garage d'un voisin[29],[30]. Les autres résidents de Lockerbie décédés comprennent deux personnes âgées de 81 et 82 ans, qui vivaient également dans le quartier de Sherwood, respectivement aux numéros 11 et 14[32]. Les corps des deux enfants au 15 Sherwood Crescent et des deux parents au 16 Sherwood Crescent n'ont jamais été retrouvés[29],[30],[32].
Patrick Keegans, le prêtre catholique de Lockerbie, s'apprêtait à rendre visite à des amis vers 19 heures ce soir-là avec sa mère, ayant récemment été nommé curé dans la ville[33]. La maison de Keegans au 1 Sherwood Crescent est la seule de la rue qui n'a été ni détruite par l'impact ni par le feu[34]. Selon un article de la BBC publié en 2018, Keegans est monté à l'étage pour s'assurer qu'il avait caché le cadeau de Noël de sa mère, et se rappelle que « immédiatement après, il y a eu une énorme explosion »[33]. À la suite de cela, il affirme que « les tremblements ont cessé et à sa grande surprise, il n'était pas blessé »[33].
Image externe | |
Photos « avant/après » des lieux d'impacts à Lockerbie, sur Daily Mail. | |
Bien que leurs gouvernements leur aient conseillé de ne pas se rendre sur place, de nombreux proches des victimes, dont la plupart venaient des États-Unis, sont arrivés en quelques jours à Lockerbie pour identifier les corps[35]. Des volontaires dans la ville ont mis en place et pourvu du personnel dans des cantines, qui restaient ouvertes 24 heures sur 24 et offraient aux parents, soldats, policiers et travailleurs sociaux des sandwichs gratuits, des repas chauds, du café et quelqu'un à qui parler[36],[AAIB 27]. Les habitants de la ville ont lavé, séché et repassé tous les vêtements trouvés une fois que la police avait déterminé qu'ils n'avaient aucune valeur médico-légale, de sorte que le plus grand nombre d'articles possible puisse être retourné aux proches[36]. Le correspondant de la BBC en Écosse, Andrew Cassell, rapporte à l'occasion du 10e anniversaire de l'attentat que les habitants de la ville avaient « ouvert leur maison et leur cœur » aux proches, supportant leurs propres pertes « stoïquement et avec une immense dignité », et que les liens forgés se poursuivent à ce jour[35].
Parmi les 243 passagers, les seize membres d'équipage et les onze personnes tuées au sol, la nationalité des victimes s'établit comme suit (certaines personnes sont porteuses d'une double nationalité, qui n'est pas indiquée ici)[7] :
Nationalité | Passagers | Équipage | Au sol | Total |
États-Unis | 178 | 11 | 0 | 189 |
Royaume-Uni | 31 | 1 | 11 | 43 |
Allemagne | 3 | 1 | 0 | 4 |
Hongrie | 4 | 0 | 0 | 4 |
Canada | 3 | 0 | 0 | 3 |
France | 2 | 1 | 0 | 3 |
Inde | 3 | 0 | 0 | 3 |
Irlande | 3 | 0 | 0 | 3 |
Suède | 2 | 1 | 0 | 3 |
Argentine | 2 | 0 | 0 | 2 |
Italie | 2 | 0 | 0 | 2 |
Afrique du Sud | 1 | 0 | 0 | 1 |
Belgique | 1 | 0 | 0 | 1 |
Bolivie | 1 | 0 | 0 | 1 |
Écosse | 1 | 0 | 0 | 1 |
Espagne | 0 | 1 | 0 | 1 |
Israël | 1 | 0 | 0 | 1 |
Jamaïque | 1 | 0 | 0 | 1 |
Japon | 1 | 0 | 0 | 1 |
Philippines | 1 | 0 | 0 | 1 |
Suisse | 1 | 0 | 0 | 1 |
Trinité-et-Tobago | 1 | 0 | 0 | 1 |
Total | 243 | 16 | 11 | 270 |
L'accident est notifié à l'Air Accidents Investigation Branch (AAIB), l'organisme chargé des enquêtes sur les accidents aériens au Royaume-Uni, à 19 h 40 le , environ quarante minutes après l'explosion, et l'enquête technique débute le jour même[AAIB 29]. Vingt enquêteurs de l'AAIB, ainsi que du personnel provenant du Royaume-Uni, des États-Unis, de France et du Canada participent à l'enquête[AAIB 30].
L'enquête initiale sur le site de l'écrasement menée par la Dumfries and Galloway Constabulary, la police locale — alors la plus petite force de police continentale du Royaume-Uni, avec moins de deux douzaines d'agents servant Lockerbie —[37], comprend de nombreux vols en hélicoptère, des images satellite et une fouille de la zone par la police et des soldats[38],[39],[AAIB 27]. L'épave est dispersée sur près de 2 200 km2 et les enquêteurs de l'AAIB sont confrontés à un énorme puzzle en essayant de reconstituer l'avion[39],[40]. Au total, environ quatre millions de morceaux d'épave sont collectés[41],[42],[43]. Plus de 10 000 morceaux de débris sont récupérés, étiquetés et introduits dans un système de suivi informatique[44],[AAIB 28].
L'enregistreur phonique (CVR) et l'enregistreur de données de vol (FDR), situés dans la partie arrière de l'avion, sont retrouvés dans un champ par des chercheurs de la police dans les quinze heures suivant l'accident[AAIB 31]. Le rapport de l'AAIB indique que « le décodage […] des données du vol ont montré qu'aucun comportement anormal […] n'a été enregistré et que l'enregistreur s'est simplement arrêté à 19 h 2 min 50 s[C 8] »[AAIB 31]. D'un autre côté, l'examen de l'enregistreur phonique, d'une capacité d'enregistrement de trente minutes, montre qu'un bruit sourd ainsi qu'un sifflement de quelques millisecondes ont pu être entendu lorsque les câbles de communication de l'avion ont été détruits[45].
Après la récupération des premiers débris, les enquêteurs commencent un travail d'analyse pour expliquer la désintégration en vol, notamment sur la plus grande partie récupérée, constituée de la section avant avec le poste de pilotage[AAIB 15],[46]. L'AAIB précise que « l'examen des bords déchirés […] du revêtement du fuselage n'a pas indiqué la présence de défauts préexistants de structure ou de matériaux qui auraient pu expliquer la séparation de cette section. […] L'état des commandes et des interrupteurs dans le poste de pilotage correspondait à un fonctionnement normal en vol de croisière. Rien n'indiquait que l'équipage avait tenté de réagir à une décompression rapide ou à une perte de contrôle ou que des préparatifs d'urgence avaient été mis en œuvre avant la désintégration[C 9] »[AAIB 15]. Ainsi, l'AAIB conclut qu'« il n'y a aucune preuve de défaut ou de dysfonctionnement de l'aéronef qui aurait pu causer ou contribuer à l'accident[C 10] »[AAIB 7].
Environ 90 % des débris de l'avion sont retrouvés, identifiés puis assemblés dans une reconstruction à plat, avec la soute à bagages avant incorporée dans une reconstruction en volume[AAIB 28]. Toutes les parties de l'avion récupérées sont d'abord transportées dans un hangar à Longtown, dans le comté de Cumbria, à environ trente kilomètres de Lockerbie, où elles sont examinées par les enquêteurs[AAIB 28]. Certaines pièces sont ensuite déplacées au siège de l'AAIB à l'aéroport de Farnborough dans le Hampshire pour que le fuselage du Boeing 747 soit partiellement reconstruit[AAIB 32].
Le , une semaine après la catastrophe, de nouvelles preuves et analyses permettent d'écarter toutes causes accidentelles et montrent des traces d'une explosion au sein de la section avant de l'appareil[47],[48],[49]. La reconstruction et l'analyse de l'épave révèlent « la présence de dommages correspondant à une explosion sur le côté inférieur gauche du fuselage dans la soute avant. Une petite zone de la structure […] a clairement été brisée et détruite par des matériaux s'échappant directement d'une explosion centrée immédiatement à l'intérieur de cet emplacement. Le matériel de cette zone […] a été pour la plupart réduit à de très petits fragments, dont seuls quelques-uns ont été récupérés[C 11] »[AAIB 28]. De plus, « autour de la zone d'éclatement se trouvaient une série de panneaux beaucoup plus grands de morceaux du revêtement du fuselage déchiré qui formaient un motif de fracture « en étoile ». Là où ces panneaux formaient la limite de la zone d'éclatement, le métal à proximité immédiate était déchiqueté, fortement déformé, et les surfaces intérieures étaient criblées et couvertes de suie[C 12] »[AAIB 28]. Par ailleurs, l'analyse médico-légale des dépôts de suie sur les matériaux de cette zone confirme la présence de résidus explosifs[AAIB 33],[48].
L'explosion initiale déclenche une séquence d'événements qui détruit l'intégrité structurelle du fuselage avant[AAIB 34]. Quelques instants après la détonation, seule la rangée de hublots (ligne bleue sur la livrée de Pan Am) et la structure de la paroi de la cabine située immédiatement au-dessus et en dessous des hublots retient la section avant du reste de l'avion, « bien qu'une grande partie de la structure du plancher de la soute semble être restée brièvement attachée à l'avion[C 13] »[AAIB 35]. Ensuite, la partie principale du fuselage (à l'arrière de la section avant) entre dans une manœuvre impliquant un changement marqué d'assiette en piqué et de roulis à gauche[AAIB 17]. En conséquence, la rangée de hublots sur le côté gauche se rompt à la suite des charges de torsion et de flexion[AAIB 17]. La section avant dévie alors vers la droite, puis se détache de la structure au niveau de la deuxième porte passagers[AAIB 36]. Au cours de ce processus, la partie inférieure du nez heurte le moteur no 3, ce qui entraîne son détachement de sa nacelle[AAIB 17]. Ainsi, « la séparation du fuselage était apparemment complète dans les trois secondes suivant l'explosion[C 14] »[AAIB 17]. Des parties de la section avant heurtent des surfaces de l'empennage, le détruisant partiellement, et « la structure du fuselage continue de se détacher de l'avion et de la section avant pendant la descente[C 15] »[AAIB 17]. Par la suite, l'avion maintient une trajectoire de descente en pente raide jusqu'à ce qu'il atteigne la verticale à environ 19 000 pieds (5 790 mètres) au-dessus du point d'impact final, moment où le reste de l'empennage commence à se désintégrer[AAIB 17]. La rupture du fuselage arrière se produit pendant la descente verticale, laissant une partie du plancher de la cabine et de la soute à bagages, avec trois trains d'atterrissage, s'écraser dans le quartier de Rosebank[AAIB 17]. Enfin, la structure principale de l'aile heurte le sol dans le quartier de Sherwood alors que la section avant, composée notamment du poste de pilotage et du train d'atterrissage avant, s'écrase à environ quatre kilomètres à l'est de Lockerbie[AAIB 20].
Au cours de l'opération de récupération de l'épave, il apparaît que certains débris, identifiés comme des parties de la soute à bagages avant, présentent des dommages compatibles avec la proximité d'un engin explosif à haute énergie[AAIB 37]. La section avant reconstruite révèle un trou de cinquante centimètres (vingt pouces) de diamètre, directement sous les systèmes de navigation et de communication, montrant les signes d'une explosion dans la soute avant[AAIB 14]. Cette dernière avait été chargée de deux palettes de fret ainsi que de douze conteneurs à bagages de type LD3, dont neuf en aluminium (code AVE) et trois en fibre de verre renforcée (code AVA ou AVN), d'une capacité de 4 m3 et qui étaient remplis de valises[AAIB 38]. Chaque conteneur était identifié à l'aide d'un numéro de série à quatre chiffres[AAIB 39].
Après l'explosion, la plupart de ces conteneurs présentent des dommages correspondant à une chute à très haute altitude, mais deux d'entre eux — le conteneur en métal AVE 4041 et le conteneur en fibre AVN 7511, situé immédiatement derrière — présentent des dommages inhabituels[AAIB 32]. D'après le plan de chargement, les enquêteurs découvrent que l'AVE 4041, reconstitué à 85 %, était situé à l'intérieur et légèrement au-dessus de la zone d'explosion dans le fuselage, avec l'AVN 7511 juste à ses côtés[AAIB 32]. La reconstruction du conteneur AVE 4041 révèle une « zone de grave distorsion, déchirure et noircissement localisée dans son quartier arrière allant vers l'extérieur qui, avec les résultats de l'examen médico-légal des objets de cette partie du conteneur, ne laissait aucun doute sur le fait que l'engin explosif improvisé a explosé à l'intérieur[C 16] »[AAIB 40]. Bien que le plancher du conteneur ait été endommagé, il n'y a pas eu de noircissement ni de déchirure[AAIB 40]. À partir de cela, les enquêteurs supposent que la valise contenant la bombe n'était probablement pas posée sur le sol, mais au-dessus d'une autre valise et que « les dommages causés par l'explosion sur la partie avant du conteneur 7511 étaient le résultat direct de gaz chauds et de fragments s'échappant de la partie arrière du conteneur 4041[C 17] »[AAIB 40]. En utilisant les dommages causés aux conteneurs et sur le fuselage, les enquêteurs concluent que l'explosion s'est produite à environ dix pouces (25,4 centimètres) du plancher du conteneur AVE 4041, à environ vingt-cinq pouces (63,5 centimètres) du revêtement du fuselage et qu'« il n'y a aucune preuve indiquant qu'il y avait plus d'une charge explosive[C 18] »[AAIB 42].
En conclusion de son rapport final publié en , un an et huit mois après l'attentat, l'Air Accidents Investigation Branch (AAIB) résume son enquête :
« Il a été établi que la détonation d'un engin explosif improvisé (EEI ou IED), chargé dans un conteneur à bagages positionné sur le côté gauche de la soute avant, a directement causé la perte de l'avion. Les forces explosives directes ont produit un grand trou dans la structure du fuselage et ont endommagé le plancher principal de la cabine. Des fissures majeures ont continué à se propager à partir du trou sous l'influence du différentiel de pression. Les effets explosifs indirects ont causé des dommages structurels importants dans des zones éloignées de la zone de l'explosion. L'effet combiné des forces explosives directes et indirectes a été de détruire l'intégrité structurelle du fuselage avant, de permettre au nez et au poste de pilotage de se détacher dans un délai de deux à trois secondes, puis de permettre à la plupart de la structure restante de se désintégrer pendant la descente presque verticale de 19 000 à 9 000 pieds (5 790 à 2 740 mètres)[C 19]. »[AAIB 43].
— Air Accidents Investigation Branch, Report no 2/90.
Cinq recommandations de sécurité sont émises par l'AAIB au cours de son enquête, dont quatre concernent les enregistreurs de vol, notamment le financement d'une étude visant à concevoir des méthodes d'enregistrement des impulsions de pression violentes associées aux explosions[AAIB 44],[9]. La recommandation finale porte sur le fait que les autorités de navigabilité et les avionneurs entreprennent une étude systématique en vue d'identifier les mesures susceptibles d'atténuer les effets des engins explosifs et d'améliorer la tolérance de la structure et des systèmes de l'avion aux dommages explosifs[AAIB 44],[9].
Effectuée par des équipes médico-légales de la DERA (Defence Evaluation and Research Agency), une ancienne agence du ministère de la Défense du Royaume-Uni, l'analyse des dépôts de carbone sur les conteneurs AVE 4041 et AVN 7511 indique qu'une explosion chimique s'est bien produite et qu'une charge d'explosif plastique de 450 grammes a été utilisée[HCJ 2].
Des membres de la DERA ont examiné deux bandes de métal du conteneur AVE 4041 et ont trouvé des traces de nitrotoluène, un intermédiaire dans la fabrication du TNT ; de nitroglycérine, un composé chimique explosif et hautement toxique ; ainsi que des traces de tétranitrate de pentaérythritol (PETN), l'un des plus puissants explosifs connus ; et de RDX, également un composé explosif[HCJ 3]. Ce dernier, mélangé avec le PETN, entre dans la composition du Semtex, un puissant explosif de type plastic, fabriqué en Tchécoslovaquie depuis la fin des années 1960[HCJ 3]. En , le président tchécoslovaque Václav Havel révèle que l'ancien régime communiste avait fourni au gouvernement libyen un gros lot de Semtex par l'intermédiaire d'une société appelée Omnipol, qui était spécialisée dans le commerce d'équipements de défense et d'aérospatial[50],[51],[52]. Selon ses déclarations, « le régime précédent a exporté 1 000 tonnes [de Semtex] vers la Libye »[50].
Au cours des fouilles autour de Lockerbie, cinquante-six fragments d'une valise sont retrouvés et montrent des dommages causés par une explosion à très courte distance, « qui avaient été infligés de l'intérieur »[HCJ 4]. Avec l'aide de fabricants de bagages, il est déterminé que les fragments faisaient partie d'une valise Samsonite brune et rigide de la gamme Silhouette 4000 de soixante-six centimètres (vingt-six pouces) de diamètre[HCJ 4],[53]. La DERA détermine que vingt-quatre autres bagages, y compris des vêtements, se trouvaient à courte distance de la valise lorsqu'elle a explosé[HCJ 4].
Parmi les fragments récupérés se trouvent des pièces d'un lecteur de cassette radio (radio-cassette) et un petit morceau de circuit imprimé[HCJ 4]. Cette découverte sonne l'alarme au sein des communautés de renseignement au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Allemagne de l'Ouest, alors que la police ouest-allemande avait récupéré une bombe Semtex cachée à l'intérieur d'une radio-cassette Toshiba à Neuss, en Allemagne de l'Ouest, en , deux mois avant l'explosion du vol Pan Am 103[HCJ 4],[54],[55]. La bombe, l'une des cinq récupérées, était en la possession de membres du Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général basé en Syrie et dirigé par Ahmed Jibril, un ancien capitaine de l'armée syrienne[56],[57],[58]. Des membres de la DERA se rendent en Allemagne pour examiner cette bombe et, bien qu'ils constatent que les fragments de Lockerbie ne correspondent pas exactement au même modèle de Toshiba, ceux-ci étaient suffisamment similaires pour que la DERA puisse contacter l'entreprise[HCJ 4]. Avec l'aide de cette dernière, elle découvre qu'il y a sept modèles dans lesquels le circuit imprimé porte exactement les mêmes détails que sur les fragments retrouvés à Lockerbie[HCJ 5].
Le manuel d'instructions du radio-cassette Toshiba est retrouvé dans un champ à plus de 110 kilomètres de Lockerbie par Gwendoline Horton le lendemain de l'accident[59]. Plus tard, Mme Horton n'a pas pu identifier formellement la pièce officielle comme étant le même morceau de papier qu'elle avait trouvé, affirmant que celui-ci était plus ou moins intact et non en plusieurs morceaux comme la pièce à conviction présentée[59],[60]. En réaction, la police déclare que le papier a été endommagé à la suite d'une série de tests médico-légaux[60]. Dans le même temps, Robert Ingram, un agent civil de recherche et de sauvetage, déclare au tribunal que la police lui a rendu visite des mois après l'attentat pour l'encourager à signer un formulaire attestant qu'il avait trouvé des objets qu'il ne se souvenait pas avoir récupérés[59],[61].
Un examen plus approfondi des vêtements, qui auraient été dans la valise où se trouvait la bombe, montre la présence de fragments de papier — dont un livret sur la radio-cassette Toshiba RT-SF 16 Bombeat —, qui était coincé dans deux chemises pour hommes de la marque Slalom[HCJ 6], ainsi que la présence d'une combinaison bleue pour bébé de type Babygro et d'une paire de pantalons tartan[HCJ 7]. Des fragments de plastique compatibles avec des matériaux utilisés sur une radio-cassette Toshiba Bombeat sont également trouvés incrustés dans d'autres vêtements, notamment un pyjama de couleur crème de marque Panwear ou encore une veste et un pantalon marron à chevrons, dont certains fragments portaient une étiquette indiquant qu'ils provenaient d'une paire de pantalons pour hommes de marque Yorkie[HCJ 8]. Ainsi, la conclusion à laquelle sont parvenus les scientifiques légistes « était que la nature des fragments et leur répartition ne laissaient aucun doute sur le fait que la charge explosive était contenue dans la radio Toshiba[C 20]. »[HCJ 7].
Les matériaux à chevrons contenaient cinq touffes de fibres bleues et blanches compatibles avec le matériau bleu des combinaisons pour bébé Babygro[HCJ 9]. Ainsi, pris au piège entre deux morceaux de fibres se trouvaient les restes d'une étiquette avec l'inscription « Made in Malta » (« Fabriqué à Malte »)[HCJ 10]. Les analystes ont également trouvé les fragments d'un parapluie en nylon noir qui présentaient des signes de dommages causés par l'explosion[HCJ 11]. Des fibres bleues et blanches étaient collées au matériau de la canopée du parapluie, du même type que les fragments du Babygro[HCJ 11]. Les enquêteurs n'avaient aucun doute sur le fait que ces objets avaient été enroulés autour de la bombe à l'intérieur de la valise Samsonite[HCJ 11].
En plus du Babygro portant l'étiquette Made in Malta, des détectives découvrent que les pantalons de marque Yorkie sont fabriqués en Irlande et à Malte[HCJ 12]. En , des détectives écossais s'envolent pour Malte pour tenter de retrouver la source de ces éléments[HCJ 13]. L'enquête les mène vers le principal magasin de la marque Yorkie sur l'île, Mary's House à Sliema, dirigé par Tony Gauci, qui est devenu le témoin le plus important de l'accusation[HCJ 13]. Ce dernier s'est rappelé qu'environ deux semaines avant l'explosion du vol Pan Am 103, il a vendu un pantalon Yorkie à un homme d'apparence libyenne, qui parlait un mélange d'arabe, d'anglais et de maltais avec un accent libyen[HCJ 13]. Ce dernier raconte que « de nombreux Libyens visitent sa boutique, et quand il les entend parler, il peut faire la différence entre un Libyen, un Tunisien ou un Égyptien »[HCJ 13]. Le propriétaire se souvenait bien de la vente, selon ses déclarations à la police, car le client ne semblait pas se soucier de ce qu'il achetait : « C'était comme si tout ce que je lui suggérais d'acheter, il le prendrait[63] »[HCJ 13],[64],[62],[65]. Parmi les articles que Tony Gauci se souvient avoir vendus à cet homme, il y avait deux paires de pantalons Yorkie, deux paires de pyjamas rayés de la même marque Panwear que les fragments retrouvés, une veste en tweed, une combinaison Babygro bleu, deux chemises Slalom, deux cardigans, un marron et un bleu, et un parapluie[HCJ 13]. Le rapport du procès à Camp Zeist aux Pays-Bas en 2001 commente à propos de cette description :
« Il peut sembler étonnant qu'il ait pu se souvenir de cette vente particulière avec autant de détails quelque neuf mois plus tard, mais il a expliqué que l'acheteur semblait s'intéresser peu aux articles qu'il achetait. Nous sommes toutefois convaincus que son souvenir de ces éléments est exact. […] Alors qu'il ne fait aucun doute que des articles individuels auraient pu être achetés dans de nombreux autres magasins à Malte, ou même dans d'autres parties du monde, car beaucoup d'entre eux ont été exportés, la correspondance exacte entre tant d'articles et les fragments trouvés à Lockerbie est à notre avis bien plus qu'une simple coïncidence. Nous sommes donc tout à fait convaincus que les vêtements dans la valise [contenant la bombe] étaient ceux décrits par M. Gauci comme ayant été achetés à Mary’s House[C 21]. »[HCJ 14].
— High Court of Justiciary, In The High Court of Justiciary at Camp Zeist
Tony Gauci a décrit l'homme comme portant « un costume bleu », étant de « stature normale », — plus de 6 pieds, soit 1,83 mètre —, avait « entre cinquante et soixante ans » et « la peau de couleur foncée »[HCJ 15],[62]. Tony Gauci est interrogé par la police pour la première fois le , où il donne des informations sur les vêtements, sur les circonstances de la vente et une description de l'acheteur, affirmant par la même occasion « qu'il travaillait seul dans le magasin entre 18 h 30 et 19 h 0 lorsque l'acheteur est entré »[HCJ 15],[62].
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Photographie du procureur général des États-Unis, William Barr, montrant le fragment du circuit imprimé lors d'une conférence de presse à Washington, le , sur Spectrum News. | |
Un fragment de circuit imprimé, « pas plus gros qu'un ongle »[66], plus tard étiqueté comme le fragment « PT/35(b) »[HCJ 16] et qui aurait été retrouvé incrusté dans un morceau de matériau carbonisé, est identifié comme faisant partie d'un minuteur (ou « retardateur ») électronique[HCJ 17]. Parmi les mystères entourant le fragment du minuteur, des questions se posent concernant sa récupération, qui diffère selon les sources[66]. Selon une version, un homme a trouvé le fragment en promenant son chien, alors que selon une autre, la police l'a trouvé en examinant le sol[66],[67]. Cette dernière est devenue la version retenue lorsque la preuve a été présentée au procès[67]. Des témoignages ont indiqué que le , trois semaines après l'attentat, deux détectives écossais engagés dans une recherche dans les bois près de Lockerbie sont tombés sur un morceau de matériau carbonisé[HCJ 14]. Le , quatre mois plus tard, le Dr Thomas Hayes, de l'Établissement Royal de recherche et de développement sur l'armement britannique (Royal Armaments Research and Development Establishment ou « RARDE ») examine le matériau carbonisé et l'identifie comme étant le tour de cou d'une chemise grise de marque Slalom[HCJ 17]. À l'intérieur du tissu, il trouve neuf fragments de plastique noir, un fragment de métal, un petit fragment de fil de fer et un fragment multicouche de papier blanc, qui se sont ensuite avérés être des fragments d'une radio-cassette Toshiba RT-SF 16 et de son manuel d'instructions[HCJ 17]. De plus, le Dr Hayes trouve un fragment d'un demi-pouce (1,27 centimètre) de circuit imprimé de couleur verte[HCJ 17].
La référence suivante à ce fragment de circuit imprimé date du 15 septembre 1989, plus de quatre mois plus tard, lorsque Alan Feraday de la DERA du ministère de la Défense du Royaume-Uni, envoie une photo du fragment au policier menant l'enquête, l'inspecteur en chef William Williamson, demandant de l'aide pour l'identification[HCJ 17]. En , Alan Feraday et l'inspecteur Williamson se rendent au siège du FBI à Washington et, avec Thomas Thurman, un expert en explosifs du FBI, identifient le fragment comme provenant d'un type de circuit imprimé de minuterie — appelé MST-13 — similaire à celui d'un minuteur qui avait été saisi à trois agents des renseignements libyens, arrêtés à l'aéroport de Dakar, au Sénégal, dix mois avant l'explosion du vol 103, ainsi que deux minuteurs saisis au Togo à la fin de l'année 1986[HCJ 18].
L'implication de l'agent du FBI Thomas Thurman dans l'identification du fragment s'est par la suite révélée controversée en raison d'un rapport de 1997, sans lien avec l'enquête sur le vol 103, concernant le FBI Laboratory, une division qui fournit des services de soutien à l'analyse médico-légale[68]. Rédigé par l'inspecteur général du département de la Justice des États-Unis, Michael Bromwich, le rapport conclut que Thurman a modifié des dossiers de laboratoire d'une manière qui les a rendus inexacts et qu'il devrait être transféré à un poste en dehors des laboratoires du FBI[68]. Le témoignage de l'homologue britannique de Thurman, Alan Feraday de la DERA, a également été remis en question[69]. Dans trois affaires distinctes où Feraday a été le témoin expert, les hommes contre lesquels il a témoigné ont vu leur condamnation annulée[69]. Troisièmement, le Dr Thomas Hayes a été fustigé pour son échec à tester le fragment de minuterie quant à la présence de résidus d'explosifs, même si ce dernier a soutenu que le fragment était trop petit pour être testé[70]. L'avocat de la défense a comparé le témoignage de Hayes à celui de deux de ses collègues du laboratoire médico-légal qui, comme l'a révélé le procès des Quatre de Guildford, avaient testé des échantillons minuscules sous les ongles des suspects à la recherche de résidus d'explosifs[70]. À un autre moment, un chef de la police écossaise à la retraite a ajouté du feu sur la controverse du fragment de minuterie en affirmant que la CIA avait fabriqué cette preuve cruciale[71].
Le minuteur est finalement associé à son fabricant suisse, Mebo, et les enquêteurs découvrent que l'entreprise représente Meister & Bollier, une société d'électronique basée à Zurich, en Suisse[HCJ 19]. Il apparaît que l'un des propriétaires, Edwin Bollier, a vendu vingt minuteries MST-13 à la Libye en 1985, dans l'espoir de remporter un nouveau contrat pour fournir l'armée libyenne, à l'époque son principal client[HCJ 20],[72]. La relation commerciale de Mebo avec la Libye remonte au milieu des années 1970, lorsqu'elle fournissait au gouvernement de Mouammar Kadhafi du matériel de radiodiffusion, des télécopieurs et des radios de police[73],[74]. La première fois qu'Edwin Bollier a fourni un lot de minuteurs, il a accompagné des responsables libyens dans la ville de Sabha et a vu ses minuteurs être utilisés dans des explosions[75]. Il déclare également avoir rencontré à cette occasion pour la première fois Abdelbaset al-Megrahi, agent du renseignement libyen, chef de la sécurité de la compagnie aérienne Libyan Arab Airlines et directeur du centre des études stratégiques de Tripoli[75].
Par ailleurs, il apparaît également qu'environ un an avant l'explosion de l'avion, Megrahi et un homme prénommé Badri Hassan[76], un ancien cadre de Libyan Arab Airlines et proche de Kadhafi, ont loué un bureau à Zurich qui était situé « juste au bout du couloir de la société Mebo » et qui appartenait à cette dernière[73],[76],[74]. Bollier a déclaré que Hassan était venu le voir quelques semaines seulement avant l'attentat pour lui déposer une commande urgente de minuteurs, en plus des vingt MST-13 que Mebo avait déjà vendues à la Libye trois ans plus tôt[73],[74],[77]. Bollier a déclaré qu'il ne savait pas pourquoi Hassan en avait besoin, mais Mebo n'avait pas le stock pour lui fournir[73],[74].
Edwin Bollier a témoigné au procès que la police écossaise lui avait initialement montré un fragment de circuit imprimé brun à huit plis, provenant d'un prototype de minuteur qui n'avait jamais été fourni à la Libye[78],[79]. Ainsi, il déclare : « On m'a montré des fragments d'un circuit imprimé marron qui correspondait à notre prototype. Mais lorsque le MST-13 est entré en production, les minuteries contenaient des cartes vertes. Je savais que les minuteries vendues à la Libye avaient des cartes vertes. Je l'ai dit aux enquêteurs[C 22] »[72]. L'échantillon qu'il a été invité à identifier lors du procès était un circuit imprimé vert à neuf plis que Mebo avait en effet fourni à la Libye[78]. Il a affirmé qu'en 1991, il avait refusé une offre de quatre millions de dollars du FBI en échange de son soutien à la principale ligne d'enquête, bien que cette affirmation n'ait jamais été prouvée[80],[78].
Le , l'ingénieur en électronique de Mebo, Ulrich Lumpert, admet qu'il a donné de fausses preuves au sujet du minuteur lors du procès[79],[72],[81],[82]. Dans une déclaration sous serment devant un notaire de Zurich, il déclare qu'il a volé un prototype de carte électronique de minuterie MST-13 de Mebo et l'a donné sans autorisation en à « une personne officielle enquêtant sur l'affaire Lockerbie »[83],[72]. Le Pr Hans Köchler, observateur des Nations Unies au procès de Lockerbie, à qui une copie de la déclaration de Lumpert a été envoyée, déclare que « les autorités écossaises sont désormais obligées d'enquêter sur ce problème. Non seulement M. Lumpert a admis avoir volé un échantillon du minuteur, mais [il l'a aussi] donné à un fonctionnaire et a ensuite menti au tribunal »[83].
Parallèlement au travail médico-légal, les enquêteurs recherchent également l'origine de chaque bagage enregistré sur le vol 103, soit à Londres, soit via le système de bagages interligne[HCJ 21]. Ce dernier est un système où les bagages enregistrés sur un vol dans un endroit sont automatiquement acheminés par la compagnie aérienne vers d'autres endroits[HCJ 22]. C'était alors un maillon faible de la sécurité aérienne, car à condition qu'il soit correctement étiqueté, un sac qui n'a pas été correctement passé aux rayons X par une compagnie aérienne peut être acheminé sans contrôles supplémentaires via plusieurs autres aéroports vers d'autres compagnies aériennes[84].
Les dossiers de l'aéroport international de Francfort du ont été conservés par une programmatrice informatique qui a conservé une copie des dossiers quand elle a appris la perte de l'avion[HCJ 23]. Ces dossiers montrent qu'un bagage non accompagné aurait été acheminé du vol KM180 d'Air Malta de l'aéroport international de Malte jusqu'à Francfort, où il aurait été chargé sur le vol 103[HCJ 24],[85],[86]. Une étiquette de bagage Air Malta correctement étiquetée aurait permis d'acheminer automatiquement la valise à travers le système interligne de Malte à Francfort, de Francfort à Londres puis de Londres à New York[HCJ 25].
Les enquêteurs ont appris que les bagages du vol KM180 d'Air Malta ont été traités en même temps que les bagages du vol 147 de Libyan Arab Airlines à destination de Tripoli en Libye[87]. Ils découvrent qu'Abdelbaset al-Megrahi était passager sur ce vol[HCJ 26], étant arrivé la veille à Malte en utilisant un faux passeport[87],[HCJ 27]. Comme il a refusé d'aller à la barre pendant son procès, son explication de sa présence à Malte et la raison pour laquelle il a utilisé une fausse pièce d'identité n'ont jamais été entendues[87],[HCJ 27]. Une fois alertée par Edwin Bollier, de l'entreprise Mebo, sur l'amitié et la relation commerciale de Megrahi et de Lamin Khalifah Fhimah, directeur de la station de Libyan Arab Airlines à l'aéroport de Malte de 1985 jusqu'en , la police écossaise obtient l'autorisation de fouiller le bureau de Fhimah à Malte[HCJ 28]. Ils y trouvent un journal qu'il a tenu, dans lequel il notait à sa propre intention, le , en anglais, de « prendre des taggs (étiquettes) d'Air Malta »[HCJ 28].
Fhimah était également passager sur le vol LN147, et les enquêteurs ont pu spéculer que, à l'aide de son ancien statut de directeur de la station de Libyan Arab Airlines à l'aéroport de Malte, il aurait pu faire passer la valise, pour le compte de Megrahi, à travers la douane et les contrôles de sécurité « car [il] était bien connu des agents des douanes, qui ne l'auraient probablement pas arrêté pour fouiller une valise[C 23] »[HCJ 28]. Toutefois, le rapport du procès indique qu'il « n'y a aucun fondement réel à cette supposition, et [qu'elle doit être considérée] comme une spéculation plutôt qu'une conclusion[C 23] »[HCJ 30].
En réaction, Air Malta publie une déclaration en 1989, niant qu’une valise non accompagnée aurait pu être transportée sur le vol KM180, déclarant : « 39 passagers ont enregistré 55 bagages et 55 bagages ont été chargés sur le vol KM180 et 39 passagers y ont voyagé. […] Les 55 bagages ont été comptabilisés et chacun des 39 passagers a été identifié »[88].
Le , seize jours avant l'attaque, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis publie un bulletin de sécurité indiquant que, ce jour-là, un homme à l'accent arabe a téléphoné à l'ambassade des États-Unis à Helsinki, en Finlande, et leur a dit qu'un vol Pan Am de Francfort vers les États-Unis serait détruit dans les deux prochaines semaines par une personne associée à l'organisation Abu Nidal (Fatah-Conseil révolutionnaire)[89],[90],[91].
L'avertissement anonyme a été pris au sérieux par le gouvernement américain et le département d'État a câblé le bulletin à des dizaines d'ambassades[92],[90]. Le , l'avertissement est affiché sur des panneaux de l'ambassade des États-Unis à Moscou, en Russie, et est distribué au sein de la communauté américaine, y compris à des journalistes et à des hommes d'affaires[89]. Par ailleurs, depuis , Pan Am promettait « l'un des programmes de sécurité les plus ambitieux de l'industrie, [...], qui contrôlait les passagers, les employés, les installations aéroportuaires, les bagages et les aéronefs avec une rigueur implacable »[93].
L'équipe de sécurité de l'aéroport de Francfort a trouvé l'avertissement sous une pile de papiers sur un bureau le lendemain de l'attentat[94]. L'un des contrôleurs de sécurité, dont le travail consistait à repérer les engins explosifs sous rayons X, déclare à ABC News en avoir appris pour la première fois ce qu'était du Semtex (un explosif plastic) lors de son interview[94].
Quelques jours à peine avant l'attentat, les forces de sécurité des pays européens, y compris du Royaume-Uni, sont mises en alerte après un avertissement de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) selon lequel des extrémistes pourraient lancer des attaques terroristes pour saboter le dialogue alors en cours entre les États-Unis et l'OLP[95],[96],[97].
Selon une analyse de la Central Intelligence Agency (CIA) datant du , plusieurs groupes se sont empressés de revendiquer la responsabilité dans des appels téléphoniques aux États-Unis et en Europe[98], notamment :
L'auteur de la liste note : « Nous considérons les affirmations des Gardiens de la Révolution islamique comme les plus crédibles reçues jusqu'à présent[C 24] », mais conclut : « Nous ne pouvons pas attribuer la responsabilité de cette tragédie à un groupe terroriste pour le moment. Nous prévoyons que, comme cela arrive souvent, de nombreux groupes chercheront à réclamer le crédit[C 25] »[99].
Il a été révélé que les premiers suspects de l'attentat étaient le Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-GC), un groupe basé en Syrie et dirigé par Ahmed Jibril[100]. Un flot d'avertissements juste avant l'attentat en aurait inclus un qui indiquait : « Une équipe de Palestiniens non associés à l'OLP a l'intention d'attaquer des cibles américaines en Europe. Le délai est actuel. Les cibles spécifiées sont la compagnie aérienne Pan Am et les bases militaires américaines[C 26] »[100]. Cinq semaines avant cet avertissement, le bras droit de Jibril, Haffez Dalkamoni, est arrêté à Francfort avec un fabricant de bombes connu, Marwen Khreesat[100]. Plus tard, des responsables du renseignement américain confirment que des membres du groupe surveillaient les installations de Pan Am à l'aéroport de Francfort[100]. D'après Dalkamoni, les bombes fabriquées par Khreesat étaient en fuite quelque part[100]. Un agent de la CIA en couverture a été informé par jusqu'à quinze hauts fonctionnaires syriens que le FPLP-GC était impliqué et que les fonctionnaires interagissaient avec Jibril « sur une base constante »[101].
Après une enquête conjointe de trois ans menée par la Dumfries and Galloway Constabulary, la police locale écossaise, et le Federal Bureau of Investigation (FBI) des États-Unis, des actes d'accusation pour meurtre sont émis le contre Abdelbaset al-Megrahi, officier du renseignement libyen et chef de la sécurité de Libyan Arab Airlines, et Lamin Khalifah Fhimah, ancien directeur de la station de la compagnie à l'aéroport de Malte[102],[103],[104].
Le , le Conseil de sécurité des Nations unies exige que la Libye extrade les deux suspects vers les États-Unis ou le Royaume-Uni[105],[106],[107],[108]. À la suite du refus libyen d'extrader ses ressortissants, le Conseil de sécurité adopte la résolution 748 le prévoyant la suspension du trafic aérien vers et à partir de la Libye ainsi que l'interdiction de toute vente d'armes[109],[110],[111],[112]. Des sanctions supplémentaires sont ajoutées dans la résolution 883 adoptée le , notamment « le gel des avoirs à l'étranger des entreprises libyennes et du gouvernement libyen, excepté ceux qui sont liés au commerce du pétrole et des produits agricoles »[113],[114]. Les sanctions de l'ONU contre la Libye et les longues négociations avec le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, permettent finalement la remise des accusés à la justice le [115],[116].
Le procès de l'attentat contre le vol Pan Am 103 débute le , plus de onze ans et quatre mois après la destruction de l'avion, dans une Haute Cour de justice spéciale aux Pays-Bas, créée en vertu du droit écossais dans une base désaffectée de l'armée de l'air américaine appelée Camp Zeist, près d'Utrecht[117],[118],[37]. Deux Libyens, Abdelbaset Ali Mohmed Al Megrahi et Lamin Khalifah Fhimah, sont accusés de l'attentat[119],[120].
Le , près de neuf mois après le début du procès, Abdelbaset al-Megrahi est reconnu coupable de 270 chefs d'accusation de meurtre[N 2] et condamné à la réclusion à perpétuité en Écosse[121],[122],[123],[HCJ 31]. Les juges sont unanimes à déclarer le second accusé, Lamin Khalifah Fhimah, non coupable de l'accusation de meurtre[121],[123],[124], faute de preuves[N 3]. Fhimah est donc libéré et rentre chez lui en Libye le [125]. Quant à Abdelbaset al-Megrahi, les juges déclarent : « Il n'y a rien dans les preuves qui nous laisse un doute raisonnable quant à la culpabilité du premier accusé, et en conséquence nous le déclarons coupable du reste des chefs d'accusation[C 29] »[HCJ 31]. Megrahi est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité[124], avec une recommandation selon laquelle il devrait purger au moins vingt-sept ans de sa peine avant d'être éligible à une libération conditionnelle[126].
« D'après les preuves dont nous avons discuté jusqu'à présent, nous sommes convaincus qu'il a été prouvé que la valise contenant l'engin explosif a été expédiée de Malte, est passée par Francfort et a été chargée sur le vol Pan Am 103 à Heathrow. Il est clair, comme nous l’avons dit, qu’à une exception près, les vêtements dans la valise étaient les vêtements achetés dans la boutique de M. Gauci le . L’acheteur était, selon le témoignage de M. Gauci, un Libyen. Le déclencheur de l'explosion était un minuteur MST-13 […]. Une quantité importante de ces minuteurs avait été fournie à la Libye.
Nous ne pouvons pas dire qu'il est impossible que les vêtements aient été retirés de Malte, unis quelque part avec un minuteur d'une source autre que la Libye et introduits dans le système de bagages des compagnies aériennes à Francfort ou à Heathrow. Cependant, lorsque les preuves concernant les vêtements, l'acheteur et le minuteur sont prises avec les preuves qu'un bagage non accompagné a été transporté du vol KM180 au vol PA103, la déduction qu'il s'agissait de la valise devient, à notre avis, irrésistible. Comme nous l'avons également dit, l'absence d'explication sur la manière dont la valise a été introduite dans le système à Malte est une difficulté majeure pour le dossier, mais après avoir pleinement pris en compte cette difficulté, nous restons d'avis que la valise a commencé son voyage à Malte. La conclusion claire que nous tirons de cette preuve est que la conception, la planification et l'exécution du complot qui a conduit à la pose de l'engin explosif était d'origine libyenne.
S'il ne fait aucun doute que des organisations telles que le FPLP-GC et le FPSF se sont également livrées à des activités terroristes au cours de la même période, nous sommes convaincus qu'il n'y avait aucune preuve à partir de laquelle nous pouvions déduire qu'elles étaient impliquées dans cet acte de terrorisme particulier, et les preuves relatives à leurs activités ne créent pas de doute raisonnable dans notre esprit sur l'origine libyenne de ce crime[C 30]. »[HCJ 34].
— High Court of Justiciary, In The High Court of Justiciary at Camp Zeist
Les motifs de l'appel reposaient sur deux éléments dans lesquels la défense affirmait que le tribunal d'origine s'était trompé[127] : le témoignage du commerçant maltais, Tony Gauci, que les juges ont considéré comme suffisant pour prouver que la valise avait commencé son voyage à Malte[128], et, contestant la thèse de l'accusation, de nouvelles preuves seraient présentées pour montrer que le voyage de la bombe a commencé, non pas à Malte, mais à l'aéroport d'Heathrow de Londres[127],[129]. Cette preuve montre qu'environ dix-sept ou dix-huit heures avant le décollage du vol Pan Am 103 le , un cadenas a été forcé sur une porte sécurisée donnant un accès au sein du terminal 3 de l'aéroport d'Heathrow, près de la zone désignée lors du procès sous le nom de « zone d'accumulation des bagages »[129],[130],[128]. L'avocat de la défense William Taylor a affirmé que la valise contenant la bombe aurait pu être introduite à ce moment-là[129],[130],[128].
Le , les cinq juges rejettent finalement l'appel, jugeant à l'unanimité qu'« aucun des motifs d'appel n'est fondé[C 31] »[131],[132],[133],[134]. Le lendemain, un hélicoptère emmène Megrahi dans la prison de Barlinnie, à Glasgow, pour poursuivre sa peine à perpétuité[135],[136],[137].Le , les avocats de Megrahi demandent à la Scottish Criminal Cases Review Commission (SCCRC), un organisme public écossais traitant les potentiels cas d'erreurs judiciaires, de renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel pénale pour un nouvel appel contre la condamnation[138].
Le , la SCCRC annonce sa décision de renvoyer l'affaire devant la Haute Cour de justice pour un deuxième appel contre la condamnation de Megrahi[139],[140],[141]. Cette décision repose sur des faits exposés dans un rapport de 800 pages qui détermine qu'« une erreur judiciaire pouvait s'être produite », notamment basé sur le témoignage de Tony Gauci[142]. Hans Köchler a critiqué la SCCRC pour avoir disculpé la police, les procureurs et le personnel médico-légal de la culpabilité de Megrahi[143],[144]. Le , il déclare au journal écossais The Herald : « Aucun fonctionnaire à blâmer, simplement un commerçant maltais[C 32] »[143],[144]. Köchler a également souligné le rôle des services de renseignement dans le procès et a déclaré qu'une procédure judiciaire appropriée ne pouvait pas être menée dans des conditions dans lesquelles les forces extrajudiciaires sont autorisées à intervenir[145].Le , l'avocat de Megrahi révèle que son client a reçu un diagnostic de cancer de la prostate en « stade avancé »[146],[147]. Malgré les appels de plusieurs familles de victimes selon lesquels garder Megrahi derrière les barreaux pendant qu'il lutte contre la maladie « équivaudrait à de la torture »[148], la Haute Cour décide le que Megrahi doit rester en prison pendant que son appel se poursuit[149].
Le , Megrahi est libéré de prison et se rend en Libye, à bord d'un avion d'Afriqiyah Airways, accompagné par Saïf al-Islam Kadhafi, fils de Mouammar Kadhafi[161],[162],[163]. Il a purgé un peu plus de dix ans de sa peine (à compter du ), d'abord à la prison de Barlinnie, à Glasgow, puis à la prison de Greenock, dans le Renfrewshire, à l'ouest de l'Écosse, pendant lesquels il a affirmé qu'il était innocent des charges retenues contre lui[164].
La survie de Megrahi au-delà du pronostic approximatif de « trois mois », initialement donné par les médecins, a suscité une certaine controverse[165],[166]. Dans un article du quotidien américain The Wall Street Journal datant du , James Mohler, président du service d'urologie du Roswell Park Cancer Institute de Buffalo dans l'État de New York, déclare « que pour des patients comme M. Megrahi — qui ont un cancer de la prostate métastatique avancé qui est devenu résistant au traitement hormonal — un pronostic de trois mois ne viendrait qu'après l'échec d'une chimiothérapie. […] [Mais] même dans cette situation, la survie dépasse probablement trois mois[C 33] »[165]. Selon le score de Gleason, qui « classe le type de cancer dans les cellules de la prostate pour obtenir un degré de gravité », la tumeur de Megrahi obtenait neuf sur une échelle allant jusqu'à dix[165]. Dès lors, « un oncologue a été consulté et les médecins ont estimé que M. Megrahi pourrait vivre de 18 à 24 mois supplémentaires, selon sa réponse au traitement »[165]. En , Megrahi commence un traitement d'hormonothérapie, qui améliore sa condition pendant un temps, jusqu'à l', où son état se dégrade[165]. Megrahi a obtenu sa libération grâce à un rapport écrit par un médecin qui administre le service de santé pénitentiaire de l'Écosse, Andrew Fraser, qui a émis le pronostic[165],[167]. Son rapport est la seule base médicale de la décision du secrétaire écossais à la Justice qui indiquait que « sur les conseils d'un certain nombre de spécialistes du cancer […] un pronostic de trois mois est une estimation raisonnable pour M. Megrahi »[165],[167],[168]. À la suite de sa libération, il a été rapporté que Megrahi avait commencé une chimiothérapie une fois rentré en Libye[165].
En , le journaliste de CNN, Nic Robertson, déclare que Megrahi n'est plus « qu'une coquille de l'homme qu'il était autrefois » et qu'il survivait dans le coma sous oxygène et grâce à une perfusion intraveineuse[169],[170],[171]. Dans une interview sur BBC Radio 5 Live, l'ancien ambassadeur des États-Unis aux Nations unies, John Bolton, a déclaré que Megrahi « devrait être en prison » et a appelé à son extradition[169],[172]. Dans le même temps, Mohammed al-Alagi, ministre de la Justice du nouveau gouvernement de transition à Tripoli, déclare : « Nous ne livrerons aucun citoyen libyen à l'Occident. Abdelbaset al-Megrahi a déjà été jugé une fois, et il ne le sera pas une nouvelle fois »[170].
Dans ce qui a été appelé sa « dernière interview avant sa mort », en , Megrahi « a réitéré son affirmation selon laquelle il n'était pas impliqué dans l'attentat », déclarant notamment : « Je suis un homme innocent. Je suis sur le point de mourir et je demande maintenant à être laissé en paix avec ma famille »[173]. De plus, il déclare n'avoir jamais vu Tony Gauci, le commerçant maltais dont le témoignage a été crucial lors de son identification durant le procès : « Je ne lui ai jamais acheté de vêtements. Il m'a traité d'une façon très mauvaise. Je ne l'ai jamais vu de ma vie avant qu'il ne vienne au tribunal »[173].
Abdelbaset Ali Mohmed Al Megrahi décède finalement en Libye le , exactement deux ans et neuf mois après sa libération[174],[175],[176],[177],[178]. Le Premier ministre d'Écosse Alex Salmond déclare que les gens devraient profiter de l'occasion pour se souvenir des victimes de Lockerbie[178].Depuis la mort de Megrahi en 2012, sa famille a tenté à plusieurs reprises de lancer des procédures pour « laver son nom », parfois même accompagnée de familles de victimes, notamment en étudiant la possibilité d'un troisième appel, à titre posthume, afin de réexaminer sa condamnation[179]. En , Lord Advocate Frank Mulholland, le premier procureur d'Écosse, réaffirme la culpabilité de Megrahi, tout en affirmant que de nouvelles pistes continueront d'être étudiées : « Cela fait peut-être vingt-six ans que 270 personnes ont perdu la vie dans l'attaque terroriste, mais la justice n'a pas de date limite en Écosse. […] Nous restons attachés à cette enquête et nous nous concentrons sur les preuves, et non sur des spéculations et des suppositions »[180].
Après une première demande refusée en 2015, la famille de Megrahi ainsi que plusieurs membres de familles de victimes demandent, en 2017, à la Scottish Criminal Cases Review Commission (SCCRC) d'étudier à nouveau l'affaire dans l'optique d'un troisième appel[181]. Dans le même temps, en , après une enquête de quatre années, la police écossaise déclare qu'« aucune preuve de criminalité liée à la gestion de l'enquête et des poursuites dans l'affaire de l'attentat de Lockerbie » n'a été trouvée[182].
En , après avoir passé plusieurs années à réétudier l'affaire, la SCCRC approuve la demande de renvoi de la condamnation de Megrahi devant la Cour d'appel[183],[184],[185]. Comme dans son premier rapport en 2007, l'organisme réitère sa conclusion qu'une « grave erreur judiciaire » a pu se produire[183]. La demande d'un troisième appel est officiellement déposée à la Haute Cour de justice d'Écosse en [186],[187]. Le , la Haute Cour de justice refuse officiellement la tenue d'un nouvel appel de la condamnation de Megrahi, statuant qu'il « avait été correctement condamné » pour son rôle dans l'attentat[188],[189],[190],[191]. Après l'annonce, la famille de Megrahi déclare qu'elle compte emmener l'affaire devant la Cour suprême du Royaume-Uni et « continuerait de faire pression pour que le gouvernement britannique publie les documents [tenus] secrets »[192],[193]. Lord Advocate James Wolffe déclare à cette occasion que « près de vingt ans depuis [la condamnation de Megrahi], la police et les procureurs écossais poursuivent la recherche de preuves. Ce travail se poursuivra et il reste des suspects sous enquête approfondie »[192].
En 2012, une nouvelle piste est lancée lorsque Abdallah Senoussi, ancien chef des services de renseignement libyen et beau-frère de Mouammar Kadhafi, est arrêté à Nouakchott en Mauritanie[194],[195]. Déjà condamné par contumace par la France pour sa participation dans l'attentat du vol UTA 772 en , et aussi recherché par la Cour pénale internationale ainsi que par la Libye, il est également accusé d'avoir « orchestré l'attentat de Lockerbie » et « aurait recruté Abdelbaset al-Megrahi » selon le quotidien britannique The Guardian[196]. Extradé vers la Libye en [197], il est condamné à mort en au côté de trente-six autres officiels de l'ère Kadhafi[198]. À ce jour, il est toujours emprisonné à la prison de Tripoli et fait l'objet de nombreuses demandes d'extradition[199].
En , deux nouveaux suspects libyens sont officiellement identifiés et sont soupçonnés d'avoir joué un rôle dans l'attentat[200],[201],[202]. Les deux personnes suspectées sont Abdallah Senoussi et Abu Agila Mohammad Masud, qui aurait été l'un des principaux fabricants de bombes de Mouammar Kadhafi[203]. En , il est rapporté que les enquêteurs travaillant sur l'attentat auraient interrogé « au moins cinq agents de l'ancienne police secrète est-allemande, [la Stasi], sur leur rôle possible dans l'attaque »[204].
Le , à l'occasion du 32e anniversaire de l'attentat, le procureur général des États-Unis, William P. Barr, annonce qu'Abu Agila Mohammad Masud, déjà détenu en Libye, est accusé de crimes liés au terrorisme en relation avec l'attentat[205],[206],[207],[208],[42],[209]. Soupçonné d'avoir « assemblé et programmé la bombe »[205],[210], il est extradé et placé en détention aux États-Unis en [211],[212]. En , dans l'attente de son procès, ce dernier se prononce « non coupable » aux accusations pesant à son encontre, notamment concernant celle de « destruction d'un avion ayant entraîné la mort »[213].
Jusqu'en 2002, la Libye n'avait jamais officiellement admis avoir commis l'attentat de Lockerbie en 1988. Le , la Libye reconnaît officiellement la responsabilité de l'attentat sur le vol Pan Am 103 dans une lettre présentée au président du Conseil de sécurité des Nations unies[214],[215],[216]. Felicity Barringer du New York Times déclare que la lettre possède « un langage général dépourvu de toute expression de remords » pour les personnes tuées[216]. La lettre indique que la Libye « accepte la responsabilité des actions de ses fonctionnaires »[215],[216].
Depuis les années 1970, les relations diplomatiques entre la Libye et les États-Unis se sont progressivement tendues[217]. En 1979, le département d'État des États-Unis inscrit la Libye sur sa liste d'États soutenant le terrorisme[217],[218]. Par la suite, le motif généralement attribué à la Libye remonte à une série d'affrontements militaires avec la marine américaine qui ont eu lieu dans les années 1980 dans le golfe de Syrte, que la Libye a revendiquée comme ses eaux territoriales[219]. Premièrement, il y a eu l'incident du golfe de Syrte en 1981 lorsque deux chasseurs libyens sont abattus par deux chasseurs F-14 Tomcat de l'US Navy[220]. Le , un patrouilleur de la marine libyenne est coulé dans le même golfe de Syrte[219], suivi du naufrage d'un autre navire libyen le [221]. Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a été accusé d'avoir riposté à ces attaques en ordonnant un attentat à la bombe le contre une discothèque de Berlin-Ouest, nommée La Belle, et fréquentée par des militaires américains, tuant trois personnes et en blessant 229[222].
Le , le président américain Ronald Reagan lance l'opération El Dorado Canyon, en représailles de l'attentat à la bombe contre la discothèque à Berlin-Ouest[223]. Il s'agit d'une opération militaire de bombardement comprenant des avions de combat de l'US Navy, du US Marine Corps et de l'US Air Force contre Tripoli et Benghazi en Libye, qui tue au moins soixante personnes dont plusieurs dizaines de civils[223]. Le gouvernement libyen a affirmé que les frappes aériennes avaient tué Hana Kadhafi, une fille que Mouammar Kadhafi aurait adoptée (son âge déclaré varie entre quinze mois et sept ans)[224],[225],[226],[227]. Pour venger la mort supposée de sa fille (le destin réel de Hana reste contesté[224],[226],[227]), il aurait commandité le détournement en du vol Pan Am 73 à Karachi, au Pakistan, qui fait quarante-trois victimes pendant une prise d'otage sur le tarmac de l'aéroport international Jinnah[228].
Les États-Unis et la France ont à leur tour encouragé et aidé les Forces armées nationales tchadiennes (FANT) en fournissant respectivement des renseignements par satellite et une formation pour les soldats tchadiens pendant la bataille de Maaten al-Sarra durant la guerre des Toyota contre la Libye en [229]. L'attaque a entraîné une défaite dévastatrice pour les forces de Kadhafi, à la suite de laquelle il a dû adhérer à un cessez-le-feu mettant fin au conflit tchado-libyen et à ses rêves de domination africaine[229]. Kadhafi a imputé la défaite à « l'agression française et américaine contre la Libye »[230]. Le résultat a été l'animosité persistante de Kadhafi contre les deux pays qui a conduit au probable soutien libyen pour l'attentat du vol Pan Am 103 et du vol UTA 772, en [231].
Avant l'abandon du deuxième appel de Megrahi et bien que de nouvelles preuves puissent encore être présentées au tribunal, peu d'appels ont été lancés pour une enquête indépendante sur l'attentat de Lockerbie. Les demandes pour une telle enquête sont apparues plus tard et sont devenues plus insistantes[232]. Le , l'ancien député européen Michael McGowan demande au gouvernement britannique de demander d'urgence une enquête indépendante menée par l'ONU pour découvrir la vérité sur le vol 103, déclarant : « Le meilleur hommage aux 270 victimes de Lockerbie est de découvrir la vérité »[233]. Deux pétitions en ligne sont alors lancées : l'une réclamant une enquête publique britannique sur l'attentat de Lockerbie et l'autre une enquête de l'ONU sur le meurtre du commissaire des Nations unies pour la Namibie, Bernt Carlsson, décédé à bord de l'avion[234],[235],[236]. En , une troisième pétition adressée au président de l'Assemblée générale des Nations Unies demande que l'ONU « ouvre une enquête publique complète » sur l'attentat[237],[238].
Le , Malte est invitée à déposer une résolution de l'ONU soutenant une pétition, qui a été signée par des familles de victimes, des auteurs, des journalistes, des professeurs, des politiciens, ainsi que par l'archevêque Desmond Tutu[239]. Les signataires ont estimé qu'une enquête de l'ONU pourrait aider à lever « les sérieux doutes qui continuent à persister sur cette tragédie »[239]. Le gouvernement maltais a répondu en disant que la demande d'une enquête de l'ONU était « un développement intéressant qui serait profondément considéré, bien qu'il y ait des questions complexes entourant l'événement »[239].
Le , le parent d'une victime, le Dr Jim Swire, écrit au Premier ministre britannique, Gordon Brown, pour demander une enquête complète sur l'attentat[240],[241]. Cette action a été soutenue par une délégation de parents, dirigée par Pamela Dix, qui s'est rendue au 10 Downing Street le et a remis une lettre appelant à une réunion avec le Premier ministre pour discuter de la nécessité d'une enquête publique et des principaux problèmes qu’elle devrait aborder[241]. Un article d'opinion de Pamela Dix, sous-titré « Les familles des personnes tuées dans l'attentat à la bombe n'ont pas perdu l'espoir d'une enquête pour nous aider à tirer les leçons de cette tragédie », est publié dans le quotidien britannique The Guardian le [242]. Par ailleurs, Jim Swire a rendu visite à Megrahi en à Tripoli, sur son lit d'hôpital[243]. Il lui avait déjà rendu visite en , à la prison de Greenock[243]. À cette occasion, il réitère sa demande pour une « enquête complète » et fait valoir à nouveau son sentiment envers Megrahi, qu'il croit innocent[243],[244].
Le , Gordon Brown exclut la possibilité d'une enquête publique, déclarant, en réponse à la lettre du Dr Swire : « J'entends votre désir de comprendre les événements entourant l'attentat du vol Pan Am 103 mais je ne pense pas qu'il conviendrait que le gouvernement britannique ouvre une enquête de ce type »[245],[246]. Les ministres britanniques ont expliqué qu'il appartenait au gouvernement écossais de décider s'il voulait mener sa propre enquête, plus limitée[246]. En effet, le gouvernement écossais avait déjà rejeté la proposition d'une enquête indépendante, affirmant qu'il n'avait pas le pouvoir constitutionnel d'examiner les dimensions internationales de l'affaire[245],[246].
En , au lendemain de la mort de Megrahi, le Premier ministre britannique David Cameron rejette à nouveau la possibilité d'une enquête publique sur l'attentat, déclarant : « Il est évident pour moi que l'affaire judiciaire a été correctement menée et traitée »[247],[248]. Toutefois, le Premier ministre d'Écosse Alex Salmond a profité de cette occasion pour rappeler que « l'affaire Lockerbie restait une enquête criminelle en cours et que les autorités exploreraient rigoureusement toute nouvelle piste d'investigation »[247],[249].
Le , au milieu de la guerre civile libyenne, Mustafa Abdul Jalil, ancien ministre libyen de la Justice (et plus tard membre et président du Conseil national de transition anti-Kadhafi), affirme, dans un entretien accordé au quotidien suédois Expressen, qu'il possède des preuves que le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, a personnellement ordonné à Abdelbaset al-Megrahi de détruire le vol 103[250],[251],[252],[253]. Toutefois, aucune preuve n'a depuis été présentée publiquement afin de confirmer les déclarations[250],[254].
Dans une interview au quotidien The New York Times en , le fils de Kadhafi, Saïf al-Islam, déclare que son père « avait cessé de monter à cheval après l'humiliation du bombardement américain de Tripoli en 1986 et avait recommencé à le monter après l'attentat de Lockerbie »[255]. À la même occasion, il déclare qu'il ne connaît « pas toute la vérité sur l'attentat, qui a été occulté par de nombreuses réclamations concurrentes et des lacunes dans les preuves »[255].
Pendant de nombreux mois après l'attentat, les principaux suspects étaient le Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-GC), une faction dissidente du FPLP basé en Syrie et dirigé par l'ancien capitaine de l'armée syrienne Ahmed Jibril[256],[257]. Lors d'une conférence de presse en , Jibril avait averti : « Il n'y aura aucune sécurité pour les voyageurs sur un avion de ligne israélien ou américain »[258],[259].
Le bras droit de Jibril, Hafez Dalkamoni, a mis en place une cellule du FPLP-GC qui était active dans les régions de Francfort et de Neuss en Allemagne de l'Ouest en , deux mois avant l'explosion du vol 103[54],[55],[260],[HCJ 35]. Pendant ce que le service de sécurité intérieure allemand, l'Office fédéral de protection de la constitution (BfV), a appelé « Operation Herbstlaub » (« Opération Feuilles d'automne »), le BfV gardait les membres de la cellule sous surveillance[54],[55],[HCJ 35]. Les membres ont préparé un certain nombre d'engins explosifs improvisés (EEI) cachés à l'intérieur d'équipements électroniques[55],[54]. Ils ont discuté d'une opération prévue dans des appels codés notamment à Chypre et à Damas[54],[55]. La cellule FPLP-GC avait un fabricant de bombes expérimenté, le Jordanien Marwan Khreesat, pour les assister[54],[55]. Khreesat a fabriqué au moins un EEI à l'intérieur d'un enregistreur radio-cassette Toshiba Bombeat 453 à un seul haut-parleur, similaire au modèle à deux haut-parleurs RT-SF 16 Bombeat, utilisé pour faire exploser l'avion de Pan Am[261],[262]. Les EEI de Khreesat contenaient un dispositif de pression barométrique (contrairement à celui du vol 103 qui comportait un minuteur), qui ne fonctionnerait qu'à une certaine altitude, associé à une charge explosive composée de Semtex[54],[55].
À l'insu de la cellule du FPLP-GC, son fabricant de bombes, Marwan Khreesat, était un agent du service de renseignement jordanien (GID) et a rendu compte des activités de la cellule au GID, qui a relayé des informations aux services de renseignement occidentaux et au BfV[54],[55],[HCJ 36]. Grâce à Khreesat et au GID, les Allemands ont appris que la cellule surveillait un certain nombre de cibles, y compris un vol de la compagnie aérienne espagnole Iberia reliant Madrid à Tel Aviv via Barcelone, dont une opération était prévue pour la fin [54]. Faisant suite à ces renseignements, la police allemande intervient pour arrêter la cellule du FPLP-GC le [HCJ 35], perquisitionnant douze appartements et arrêtant seize ou dix-sept hommes dans six États allemands[54],[55]. Quatre engins piégés ont été récupérés, alors que Khreesat a déclaré plus tard qu'il avait fabriqué cinq bombes, mais cette dernière n'a jamais été retrouvée[263].
Le compte rendu du procès de Megrahi et Fhimah à Camp Zeist aux Pays-Bas déclare, quant aux preuves de la possible implication du FPLP-GC : « Il n'y avait aucune preuve que la cellule possédait les matériaux nécessaires pour fabriquer un engin explosif du type de celui qui a détruit le PA103. En particulier, il n'y avait aucune preuve qu'ils possédaient une minuterie [de type] MST-13. […] D'après les témoignages que nous avons entendus, nous sommes convaincus que l'engin explosif qui a détruit le PA103 a été déclenché uniquement par un minuteur MST-13 et que […] aucun appareil barométrique n'y a joué un rôle. […] De plus, il y avait des preuves d'une déclaration faite par [Marwan Khreesat] à des agents du FBI dans laquelle il disait n'avoir jamais utilisé de lecteurs de cassettes radio avec deux haut-parleurs (comme le Toshiba RT-SF 16) pour fabriquer des engins explosifs[C 34] »[HCJ 37].
Le , cinq mois et dix-huit jours avant l'attentat de Lockerbie, un Airbus A300 effectuant le vol Iran Air 655 est abattu par erreur par des missiles tirés depuis le croiseur américain USS Vincennes, au-dessus du golfe Persique, tuant les 290 personnes à bord[264],[265]. Le signal radar de l'avion de ligne a été confondu avec celui d'un avion de combat iranien F-14, conduisant le commandant du croiseur à ordonner, sans confirmation, d'abattre la cible[264],[265]. Les États-Unis n'ont jamais admis leurs erreurs ni accepté la responsabilité, le vice-président de l'époque, George H. W. Bush, déclarant : « Je ne m'excuserai jamais au nom des États-Unis d'Amérique, jamais. Je me fiche des faits »[266],[267].
Un certain nombre de journalistes ont estimé que le motif de vengeance iranienne, en représailles du vol Iran Air, a été prématurément écarté par les enquêteurs[268],[269]. L'implication de l'Iran est souvent alléguée, soit en association avec le groupe palestinien du FPLP-GC, soit dans le chargement de la bombe alors que l'avion était à Heathrow[270],[271]. Abolghasem Mesbahi, ancien chef des services de renseignement iraniens en Europe, qui a fait défection en Allemagne dans les années 1990, aurait déclaré à des enquêteurs allemands que « l’Iran a décidé de se venger dès que possible [et que] la décision a été prise par le système iranien et confirmée par l’ayatollah Khomeini »[272].
La Defense Intelligence Agency des États-Unis (DIA) a allégué qu'Ali Akbar Mohtashamipur, ministre de l'Intérieur de l'Iran de 1985 à 1989, aurait payé dix millions de dollars américains pour financer l'attentat « en représailles du vol Iran Air 655 »[273]. Ainsi, ce dernier aurait commandité Ahmed Jibril, chef du FPLP-GC, pour exécuter l'opération[273]. Le , l'ancien analyste de la CIA, Robert Baer, affirme que l'agence américaine avait toujours su que l'attentat du vol 103 avait été orchestré par l'Iran et qu'un dossier secret devait être présenté comme preuve dans le deuxième appel de Megrahi, suggérant que le retrait de l'appel a été encouragé pour empêcher que cette information ne soit présentée au tribunal[274],[275]. En 2014, un ex-espion iranien affirme que l'Iran avait ordonné l'attaque[276], mais le ministère iranien des Affaires étrangères a par la suite nié toute implication[277],[268].
Sur la base d'une enquête menée en 1995 par les journalistes Paul Foot et John Ashton, des explications alternatives du complot visant à commettre l'attentat de Lockerbie ont été répertoriées par Patrick Barkham du quotidien britannique The Guardian en 1999[260]. À la suite du verdict sur l'affaire en 2001 et de l'appel en 2002, des tentatives ont été faites pour rouvrir l'affaire au milieu d'allégations selon lesquelles la Libye avait été piégée[278],[279],[280],[100]. Une théorie suggère que la Syrie serait derrière l'attentat[281] alors qu'une autre suggère que la CIA a empêché la fouille de la valise contenant la bombe[282]. D'autres théories impliquent la Libye et Abu Nidal ou encore le régime de l'apartheid en Afrique du Sud[260],[283].
Le , le président des États-Unis George H. W. Bush nomme Ann McLaughlin Korologos, ancienne secrétaire au Travail, pour présider la Commission présidentielle sur la sûreté aérienne et le terrorisme (PCAST) afin d'examiner et faire rapport sur la politique de sûreté aérienne à la lumière de l'attentat du vol 103[284].
Avant de soumettre leur rapport, les membres de la PCAST ont rencontré un groupe de parents britanniques à l'ambassade des États-Unis à Londres en [285]. L'un des parents, Martin Cadman, allègue qu'un membre du personnel appartenant à la Commission lui aurait dit : « Votre gouvernement et le nôtre savent exactement ce qui s'est passé, mais ils ne le diront jamais »[286],[285]. La déclaration a d'abord attiré l'attention du public dans le film documentaire de 1994 The Maltese Double Cross - Lockerbie et a été publiée à la fois dans le quotidien britannique The Guardian du [286] et dans un rapport spécial du magazine Private Eye intitulé Lockerbie, la fuite de la justice en [287].
En , la Libye offre jusqu'à 2,7 milliards de dollars pour régler les réclamations des familles des 270 victimes de l'attentat de Lockerbie, soit dix millions de dollars par famille[288],[289],[290]. L'offre libyenne stipule que 40 % de l'argent serait libéré lorsque les sanctions des Nations Unies, suspendues en 1999, seraient définitivement annulées ; 40 % supplémentaires lorsque les sanctions commerciales américaines seront levées ; et les 20 % restants lorsque le département d'État américain aura retiré la Libye de sa liste d'États soutenant le terrorisme[289]. Ainsi, par la résolution 1506 du Conseil de sécurité des Nations unies du , le Conseil lève le régime de sanctions imposé à la Libye[291],[292].
Jim Kreindler, un avocat new-yorkais qui a orchestré le règlement, déclare alors : « Ce sont des eaux inconnues. C'est la première fois que l'un des États désignés comme commanditaire du terrorisme offre une compensation aux familles des victimes »[289],[293]. « Certaines familles veulent de l'argent liquide, d'autres disent que c'est de l'argent du sang », déclare dans le même temps un responsable du département d'État[289]. L'indemnisation des familles des victimes du vol 103 faisait partie des mesures fixées par l'ONU pour lever les sanctions contre la Libye[289]. Parmi les autres exigences figuraient une dénonciation formelle du terrorisme et « l'acceptation de la responsabilité des actions de ses fonctionnaires »[215],[216].
Le , l'ambassadeur de la Libye à l'ONU soumet une lettre au Conseil de sécurité des Nations unies acceptant formellement « la responsabilité des actions de ses fonctionnaires » en relation avec l'attentat de Lockerbie[215],[216]. Le gouvernement libyen procède alors au versement d'une indemnité à chaque famille d'environ huit millions de dollars américains soit 2,16 milliards de dollars au total et, en conséquence, l'ONU annule les sanctions qui avaient été suspendues quatre ans plus tôt et les sanctions commerciales américaines sont levées[215],[294]. Deux millions de dollars supplémentaires seraient allés dans un premier temps à chaque famille si le département d'État américain avait retiré la Libye de sa liste d'États considérés comme soutenant le terrorisme international, mais cela ne s'est pas produit dans le délai fixé par la Libye[295],[294]. Finalement, les États-Unis annoncent la reprise de leurs relations diplomatiques complètes avec la Libye après avoir décidé de la retirer de la liste des pays qui soutiennent le terrorisme le [296],[297].
Le , le Premier ministre libyen Choukri Ghanem déclare dans une interview à BBC Radio 4 que son pays avait payé l'indemnisation pour « acheter la paix » avec l'Occident et pour obtenir la levée des sanctions[298],[299],[300],[301]. Cette déclaration est par la suite réfutée par le gouvernement libyen[302].
À la suite de la décision de la SCCRC en , il a été suggéré que, si le deuxième appel de Megrahi avait abouti et que sa condamnation avait été annulée, la Libye aurait pu chercher à récupérer les 2,16 milliards de dollars d'indemnisation versés aux proches[303]. Interrogé par le journal Le Figaro le , Saïf al-Islam Kadhafi déclare que les sept Libyens condamnés pour les attentats du vol Pan Am 103 et du vol UTA 772 « sont innocents »[304]. Lorsqu'on lui demande si la Libye demanderait donc le remboursement de l'indemnisation versée aux familles des victimes, Saïf Kadhafi répond : « Je ne sais pas »[304].
À la suite de discussions à Londres en , des responsables américains et libyens conviennent d'entamer des négociations pour résoudre toutes les demandes d'indemnisation en suspens, y compris celles liées au vol UTA 772, à l'attentat à la bombe contre la discothèque de Berlin-Ouest en 1986 et au vol Pan Am 103[305]. Le , un accord de compensation américano-libyen est signé à Tripoli par le secrétaire d'État assistant des États-Unis David Welch et le chef des affaires américaines du ministère libyen des Affaires étrangères, Ahmed al-Fatroui[306]. L'accord couvre vingt-six poursuites intentées par des citoyens américains contre la Libye et trois par des citoyens libyens contre les États-Unis à la suite du bombardement américain de Tripoli et Benghazi en [223], qui a tué au moins soixante personnes[306]. En , la Libye verse 1,5 milliard de dollars dans un fonds utilisé pour indemniser les proches de l'attentat de Lockerbie avec les 20 % restants de la somme convenue en 2003, ainsi que pour d'autres attentats[307],[308],[309].
En conséquence, le président George W. Bush signe le décret 13477 rétablissant l'immunité du gouvernement libyen contre les poursuites liées au terrorisme et rejetant toutes les affaires d'indemnisation en cours aux États-Unis[309],[310]. Le porte-parole du département d'État, Sean McCormack, a qualifié cette décision d'une « étape louable […] ouvrant la voie à un partenariat américano-libyen continu et en expansion »[311],[312].
En 1992, un tribunal fédéral américain déclare Pan Am coupable de faute intentionnelle en raison d'un contrôle de sécurité laxiste et du non-respect d'un nouveau programme de sécurité mandaté par la Federal Aviation Administration (FAA) avant l'attentat[313],[314]. Ce dernier exigeait que les bagages non accompagnés soient fouillés à la main et à s'assurer que les passagers montent à bord des vols sur lesquels ils ont des bagages enregistrés, alors que Pan Am comptait davantage sur la méthode la moins efficace de dépistage aux rayons X[313],[314],[315],[316]. Deux des filiales de Pan Am, Alert Management Inc., qui s'occupait de la sécurité dans les aéroports étrangers, et Pan American World Services, sont également reconnues coupables[313].
Il existe plusieurs monuments commémoratifs privés et publics aux victimes du vol Pan Am 103. À Montauk, dans l'État de New York aux États-Unis, une œuvre de la sculptrice Suse Lowenstein, qui a perdu son fils de vingt-et-un ans dans l'attentat, intitulée Dark Elegy, se compose de 75 statues nues d'épouses et de mères à tailles réelles qui ont perdu un mari ou un enfant[318],[319],[320]. Spécialement sculpté à l'arrière de son jardin et libre à la vue du public, à l'intérieur de chaque sculpture se trouve un souvenir personnel d'une victime[318],[319],[320]. Elle a déclaré vouloir utiliser une partie des dix millions de dollars offerts par la Libye à chaque famille de victimes pour couler la sculpture en bronze « afin qu'elle puisse être partagée avec le monde »[320].
Le , le président des États-Unis Bill Clinton dédie un mémorial commémoratif (cairn) pour les victimes au cimetière national d'Arlington en Virginie et chaque année, à la date de l'attentat, s'y tient une cérémonie commémorative[321],[322],[317]. Il existe des monuments similaires à l'université de Syracuse[323], au cimetière de Dryfesdale, près de Lockerbie[324], et dans le quartier de Sherwood à Lockerbie[325]. L'université de Syracuse organise chaque année une semaine commémorative appelée « Semaine du souvenir » (Remembrance Week) pour commémorer ses trente-cinq étudiants décédés[326],[327],[328]. Tous les , un service a lieu dans la chapelle de l'université à 14 h 3 EST (19 h 3 UTC), marquant le moment où la bombe a explosé à bord de l'avion[326],[329]. L'université accorde également chaque année des frais de scolarité universitaires à deux étudiants de la Lockerbie Academy, une école secondaire à Lockerbie, sous la forme d'une bourse[330],[331]. De plus, l'université attribue chaque année trente-cinq bourses à des étudiants en dernière année d'études[332],[333],[334],[335]. Les « bourses du souvenir » figurent parmi les plus hautes distinctions qu'un étudiant de Syracuse peut recevoir[332].
Une plaque commémorative et un jardin à la mémoire de ses deux étudiants perdus dans l'attentat sont installés à l'université de Rochester[336]. À l'université Cornell, des fonds provenant du paiement libyen ont été utilisés pour créer une chaire universitaire en l'honneur d'un étudiant[337]. Les noms des victimes originaires du sud du New Jersey sont gravés sur un monument aux victimes du terrorisme à Cooper River Park à Pennsauken et un parc a été renommé en l'honneur de l'étudiant Richard Monetti dans sa ville natale de Cherry Hill, dans le New Jersey[338].
Le principal mémorial britannique se trouve au cimetière de Dryfesdale, à environ 1,6 kilomètre à l'ouest de Lockerbie[341],[324]. Un mur de pierre se tient dans un « jardin du souvenir » avec les noms de toutes les victimes ainsi que des pierres funéraires individuelles et des monuments commémoratifs[341],[324]. À l'église de Tundergarth, près de l'endroit où la section avant de l'avion est tombée, à environ quatre kilomètres à l'est de Lockerbie, une petite annexe à l'église comporte un livre du souvenir[342]. Des mémoriaux sont présents dans les églises catholiques de Lockerbie et de Moffat, où des plaques indiquent les noms des 270 victimes[343]. Dans la salle du conseil de la mairie de Lockerbie, un vitrail représentent les drapeaux des vingt-et-un pays dont les citoyens ont perdu la vie dans l'attentat[343]. Dans le quartier de Sherwood, un jardin du souvenir permet de se rappeler des onze résidents tués lorsqu'une partie du fuselage de l'avion y est tombée, détruisant leurs maisons[344],[345].
L'Air Accidents Investigation Branch (AAIB) a reconstitué une grande partie du fuselage pour aider l'enquête et la reconstruction a été conservé comme preuve et stocké dans un hangar à l'aéroport de Farnborough, à environ cinquante kilomètres au sud-ouest de Londres[347]. En , plus de vingt-quatre années après l'attentat, cette partie de l'avion est transférée dans un endroit sécurisé autour de Dumfries, en Écosse, et demeure une preuve dans l'enquête pénale[347]. L'épave restante de l'avion est stockée dans une casse près de Tattershall dans le Lincolnshire, comprenant notamment les restes de la section avant du Boeing 747, qui a été découpée en plusieurs morceaux pour faciliter le retrait de la colline où elle était tombée[348],[349].
La Pan American World Airways, un temps la plus grande compagnie aérienne internationale aux États-Unis et l'une des plus prestigieuses et célèbres du monde, ne s'est jamais remise de l'attentat du vol 103[350],[351]. Déjà affaiblie depuis le premier choc pétrolier et la hausse du prix du pétrole après 1973 ainsi que par la déréglementation du secteur aérien au début des années 1980, l'explosion du vol 103 à la fin de l'année 1988 est un coup dur supplémentaire[350]. L'attentat lui a coûté plusieurs centaines de millions de dollars et donne à la compagnie, reconnue coupable de laxisme dans sa sécurité, une très mauvaise publicité[350]. La compagnie s'étant focalisée depuis plusieurs années sur ses lignes de l'océan Atlantique après avoir vendu celles du Pacifique[352], la baisse du trafic passager avec le déclenchement de la guerre du Golfe à partir de l'été 1990 la fragilise d'autant plus[351].
Le , à peine plus de deux ans après l'attentat, elle déclare faillite et revend la plupart de ses lignes aériennes à ses concurrents, comme Delta Air Lines ou United Airlines[353],[354]. Le , Pan Am effectue son dernier vol en reliant Barbade à Miami et cesse définitivement ses activités, après 64 années de service[355], entraînant pour les quelque 7 500 employés de la compagnie la perte de leur travail[356],[357],[358],[359].
L'attentat du vol 103 a fait l'objet de nombreux documentaires, la plupart étayant des théories alternatives à la version officielle. En , un documentaire intitulé « The Maltese Double Cross - Lockerbie » produit, écrit et réalisé par Allan Francovich, provoque une vaste polémique au Royaume-Uni et aux États-Unis[360]. Le documentaire conteste la conclusion de l'enquête officielle, avançant plutôt d'autres théories comme une introduction de la bombe par la CIA ou une revanche de l'Iran après la destruction du vol Iran Air 655[360],[100]. Bien qu'il n'ait jamais été largement diffusé, le documentaire a suscité beaucoup de controverses, en particulier au Royaume-Uni[360],[100].
En , la BBC diffuse un épisode de la série « The Conspiracy Files » qui présente de nouvelles preuves concernant l'identification d'Abdelbaset al-Megrahi par Tony Gauci et qui n'auraient pas été présentées à la défense lors du procès[361],[362]. L'épisode mentionne notamment le fait que Gauci a vu une photographie de Megrahi dans un magazine avec pour titre « Who planted the bomb? » (« Qui a posé la bombe ? »), quelques jours seulement avant de l'identifier, ce qui aurait pu altérer son jugement[361],[362].
En 2015, le réalisateur Ken Dornstein, qui a perdu son frère aîné David dans l'attentat, publie une série documentaire en trois épisodes dans l'émission Frontline de PBS, intitulée « My Brother’s Bomber », qui explore des pistes pour tenter de retrouver d'autres personnes impliquées[363],[364],[365]. Après plusieurs années d'enquête, il identifie plusieurs personnes proches de Mouammar Kadhafi dans les années 1980, qui auraient pu jouer des rôles décisifs dans l'attentat et ont, pour la plupart, été suspectés à un moment dans l'enquête criminelle mais, faute de preuves concluantes, n'ont jamais pu être interpellés, notamment[366] : Said Rashid, membre du renseignement libyen[367] ; Abdallah Senoussi, chef du renseignement libyen et bras droit de Kadhafi[368] ; Badri Hassan, cadre de Libyan Arab Airlines[76] ; Ezzedine Hinshiri, membre important du gouvernement de Kadhafi et l'un des deux ingénieurs libyens, avec Said Rashid, ayant passé la commande de minuteurs à la société suisse Mebo[369] ; et Nassr Ashur, membre du renseignement libyen et expert en explosif[370]. De plus, Dornstein découvre des informations sur un autre suspect, un expert libyen en explosifs, Abu Agila Mohammad Masud, qui était notamment passager avec Megrahi et Fhimah sur le vol LN147 au départ de Malte, le [365],[371],[372]. Son enquête mène le département de la Justice des États-Unis à engager des poursuites judiciaires contre Masud le [373].
D'autres documentaires traitent également de la destruction de l'avion, notamment : « Living with Lockerbie » de la BBC en 2013[374], « The Lockerbie Bombing » de la Smithsonian Channel en 2013[375], « Lockerbie - Terror at 31,000 Feet » de Channel 5 en 2014[376], « Since: The Bombing of Pan Am Flight 103 » de Phil Furey en 2015[377],[378], ou encore « Seat 20D » de Jill Campbell en 2020[379],[380]. L'accident a également fait l'objet d'un épisode dans la série télévisée Air Crash nommé « L'attentat de Lockerbie » (saison 7, épisode 2)[381],[382].
Le film The Last Photograph, un long métrage britannique réalisé par Danny Huston, raconte l'histoire fictive de Tom Hammond, un homme à la recherche d'une photographie volée de son fils Luke, qui a été prise peu de temps avant qu'il ne soit tué dans l'attentat du vol 103 en 1988 alors qu'il se rendait à New York pour rencontrer une fille[383]. Le film est présenté en première mondiale au festival international du film d'Édimbourg en , puis sort aux États-Unis en et au Royaume-Uni en [384],[385].
Plusieurs personnes impliquées dans l'enquête ou ayant perdu des proches ont écrit des livres racontant leur histoire et leur parcours douloureux à la suite de l'attentat, notamment : Susan et Daniel Cohen, deux parents qui ont perdu leur fille unique, Theodora, âgée de vingt ans et étudiante à l'université de Syracuse[386] ; Richard Marquise, ancien agent spécial du FBI chargé de l'enquête sur l'attentat du vol 103 aux États-Unis dans un groupe d'intervention nommé « Scotbom »[387] ; Ken Dornstein, qui a perdu son frère David âgé de vingt-cinq ans[388] ; Helen Engelhardt, qui a perdu son mari Tony[389] ; Kenny MacAskill, secrétaire du Cabinet à la Justice d'Écosse de à , qui a ordonné la libération de Megrahi en 2009[390] ; ou encore le Dr Jim Swire, qui a perdu sa fille Flora, âgée de vingt-trois ans, et dont le livre intitulé « A Father's Search for Justice » (« La recherche d'un père pour la justice ») est publié en [391].
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