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En 1435, le roi de France Charles VII cherche à asseoir son autorité en France. Après les victoires obtenues par Jeanne d'Arc, le temps est venu de reconquérir les territoires perdus sur les Anglais. Néanmoins, Charles VII sait qu'il ne peut rien tant que la guerre civile avec les Bourguignons ne sera pas terminée. Il entame donc des négociations avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon. Celui-ci n'attend plus rien des Anglais et souhaite se consacrer au développement de ses provinces. La paix avec la France est pour lui une nécessité[1]. Il accepte donc de traiter avec Charles VII, ce qui ouvre la voie à la conférence d'Arras.
: la mort subite d'Anne de Bourgogne, épouse du duc de Bedford, régent du royaume pour l'Angleterre, desserre les liens qui avaient été tissés entre la dynastie Lancastre et le duc Philippe. Pire encore: le veuf, pourtant déjà âgé, se déclare épris d'une jeune femme de dix-sept ans, Jacquette de Luxembourg, héritière du duché de Luxembourg, mais vassale du duc de Bourgogne. Celui-ci s'offense du mariage prévisible. Le 22 avril 1433 à 17 ans, Jacquette se marie à Jean de Lancastre, duc de Bedford, à Thérouanne. À Nevers, le , premiers espoirs pour parvenir à un accord: le chancelier de France, le nouveau connétable Arthur de Richemont, les principaux barons Bourbon et Orléans rencontrent le duc Philippe en personne. L'atmosphère est détendue: on banquette, on danse, on s'embrasse. Mais les Orléans mettent une condition aux négociations en vue de la paix: que les Anglais libèrent Charles d'Orléans, l'aîné de la famille, le poète prisonnier, enfermé en Angleterre depuis de nombreuses années. La mort de Bedford, en , dans sa résidence, à Rouen, hâte le cours des discussions. Le rapprochement des Français avec l'empereur Sigismond d'Allemagne, la colère des tisserands des Flandres qui ne voient plus arriver la laine anglaise qui transitait naguère par le port de Calais inquiètent le duc Philippe qui se décide à lâcher le roi d'Angleterre Henri VI et se rappelle qu'il est aussi le premier pair de France.
Il prend l'initiative d'une conférence à trois, et le congrès s'ouvre à Arras au début d'août avec un déploiement fastueux de tournois, de fêtes et de banquets, avec les vins les plus rares et les plus chers, car cela plait au duc. Il est accompagné de son fils, Charles (le futur Charles le Téméraire), silencieux et indifférent, de ses nombreux bâtards, des seigneurs de ses provinces et de son conseiller indispensable Nicolas Rolin. Les Anglais ont envoyé une délégation présidée par le cardinal de Beaufort, l'archevêque d'York, le comte de Suffolk, ainsi que Pierre Cauchon, représentant des Français ralliés aux Anglais, devenu évêque de Lisieux alors qu'il avait demandé à devenir évêque de Rouen. Les Français étaient représentés par les grands barons, assistés de juristes éminents, docteurs de l'Université, dont notamment le «doyen de Paris».
Mais l'autorité morale suprême, garante du bon déroulement des séances de travail et des décisions adoptées, avait été confiée au légat pontifical, cardinal de Sainte-Croix, assisté de son secrétaire l'intelligent et savant Enea Silvio Piccolomini (futur pape Pie II), ainsi qu'un cardinal de Chypre, porte-parole du concile de Bâle, et délégué par ledit concile[2].
Le congrès d'Arras représente un événement d'une importance mondiale. La négociation faillit être interrompue à cause de l'intransigeance des Anglais, qui finirent par quitter la conférence avant la signature du traité de paix: ils voulaient que le roi de France se déclarât vassal du roi d'Angleterre. C'était le point d'achoppement traditionnel qui revenait sur le tapis des négociateurs. Après le départ des Anglais, le roi de France et le duc de Bourgogne arrivèrent à une transaction, mais la portée du traité fut diminuée du fait que la paix qu'ils établissaient n'étaient pas une paix «européenne», mais un accord entre deux États, la France et la Bourgogne[3].
Par le traité d'Arras, signé le :
le roi Charles VII fait amende honorable pour le meurtre du duc Jean sans Peur (le traité débutait par cette confession: «Premièrement, le roi dira, ou par ses gens notables suffisamment fondés fera dire à mondit seigneur de Bourgogne, que la mort de feu le duc Jean de Bourgogne, son père, que Dieu absolve, fut iniquement et mauvaisement faite par ceux qui perpétrèrent ledit cas, et par mauvais conseil, et lui en a toujours déplu et de présent déplaît de tout son cœur, et que s'il eût su ledit cas, et en tel âge et entendement qu'il a à présent, il y eût obvié à son pouvoir…»[4]);
il donne une indépendance de fait à l'État bourguignon, le duc de Bourgogne reste vassal du roi de France mais est dispensé personnellement de lui rendre hommage;
le duc de Bourgogne reconnait la légitimité de Charles VII comme roi de France — désormais en paix avec la Bourgogne, le roi a les mains libres pour s'atteler à la reconquête des territoires perdus sur les Anglais[1].
Le traité d'Arras de 1435 met fin à la querelle des Armagnacs et des Bourguignons et à l'alliance anglo-bourguignonne.
Le traité est confirmé le . Ce jour-là, le roi Charles VII jura de respecter scrupuleusement toutes les clauses du traité d'Arras devant le duc de Bourgogne, représenté par Guy III de Pontailler (dit Guyard), maréchal de Bourgogne (commandant en chef de l'armée bourguignonne), seigneur de Talmay, Heuilley-sur-Saône et autres lieux.
Plus tard, le nouveau duc de Bourgogne Charles le Téméraire lutta pour obtenir une indépendance totale et pour créer un royaume de Bourgogne, mais il s'aliéna les habitants des Flandres, de l'Alsace et les Suisses et trouva la mort face au duc René II de Lorraine à la bataille de Nancy en 1477 sans avoir réalisé son rêve.
Le connétable de Richemont joua un rôle important dans ce traité, cf. Vies des grands capitaines français du Moyen Âge: Arthur de Richemont. Par Alexandre Mazas.
Le , le roi expédia des lettres. Une de ses copies est conservée dans les Archives municipales de Tournai: «De par le roy. Tres chiers et bien amez, pour le bien et l'utilite de la chose publicque de nostre royaume et pour acroistre et augmenter nostre domaine et y reunir et remettre le plus que porons les choses alienees par noz predecesseurs, ainsy qu'a nostre sacre et couronnement l'avons jure et promis, nous sommes conclus et determines de presentement racheter et rejoindre a nostre dit domaine les villes, places, terres et seignouries de nostre pays de Picardie, que feu nostre tres chier seigneur et pere, que Dieu absoille, bailla et engaga par le traitie d'Aras, a nostre tres chier et tres ame oncle le duc de Bourgongne, pour la somme de quatre cens mil escus, de laquelle somme nous avons trouve moyen d'avoir et prendre de nostre propre espargne, jusques a deux cens mil escus; et le surplus, montant autres ije mil escus, veu les grans charges et affaires que avons eu et avons continuelment a supporter, ne porions bonnement sy promptement furnir sans l'ayde et subvention de noz bons et loyaux subges. Et pour ce que, entre les autres, vous estes en nostre endroit tousjours continuelment employes, comme bons, vrais et loyaulx subges, au bien de la chose poublicque de ce royaume, aussy que le recouvrement des dictes villes qui sont fort prochaines de vous, redonde a vostre grant bien et seurte, nous sommes deliberez de vous requerir et employer pour nous aidier en ceste matiere. Et a ceste cause envoyons presentement par dela nostre ame et feal conseiller, maistre Pierre Doriole, ...... pour sy necessaire et fructueuse chose, ne nous voldriez faillir. Et du plaisir que nous ferez aurons bien memore, et tousjours vous en aurons en plus especialle et singuliere recommandation. Donne a Paris, le XXIIIIe d'aoust. Ainsy souscirptes. LOYS. J. BOURRE (secrétaire).» Joseph Vaesen et Étienne Charavay, Lettres de LouisXItome II p.145-146, Librairie Renouard, Paris, 1885.
Jean Favier, LouisXI p.440-441, Fayard, Paris, 2001.
Sources primaires
A. de la Taverne, Journal de la paix d'Arras. Faite en l'abbaye royale de Sainct Vaast. Entre le Roy Charles VII & Philippes (sic) le Bon Duc de Bourgongne Prince Souverain des Pays-Bas, Paris, L. Billaine, 1651. Réédition: André Bossuat (éd.), Journal de la paix d'Arras, 1435, Arras, Société anonyme l'Avenir, 1936, 128p.
Eugène Cosneau (éd.), Les grands traités de la guerre de Cent ans, Paris, Alphonse Picard, coll.«Collection de textes pour servir à l'étude et à l'enseignement de l'histoire» (no7), , VIII-189p. (présentation en ligne, lire en ligne), p.116-151.
Christopher T. Allmand, «Le traité d'Arras de 1435: une perspective anglaise», dans Denis Clauzel, Charles Giry-Deloison et Christophe Leduc (dir.), Arras et la diplomatie européenne (XVe-XVIesiècle), Arras, Artois presses université, coll.«Histoire», , 428p. (ISBN2-910663-40-X, présentation en ligne), p.101-108.
Charles Arthur John Armstrong, «La double monarchie France-Angleterre et la Maison de Bourgogne, 1420-1435: le déclin d’une alliance», Annales de Bourgogne, t.XXXVII, fascicule 2, no146, , p.81-112 (lire en ligne).
Philippe Contamine, «France et Bourgogne, l'historiographie du XVesiècle et la paix d'Arras (1435)», dans Denis Clauzel, Charles Giry-Deloison et Christophe Leduc (dir.), Arras et la diplomatie européenne (XVe-XVIesiècle), Arras, Artois presses université, coll.«Histoire», , 428p. (ISBN2-910663-40-X, présentation en ligne), p.81-100.
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