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femme faisant œuvre de divination De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Une sibylle est une prophétesse, une femme qui fait œuvre de divination.
La Pythie[1] a un statut institutionnel, au sanctuaire d'Apollon de Delphes ; c'est un office et non une personne précise.
La sibylle donne une divination occasionnelle, indépendante. Il y a eu plusieurs sibylles, attachées primitivement à des sanctuaires de la déesse Cybèle.
La Pythie n'est que la porte-parole du dieu, elle répond aux questions qui lui sont adressées ; la sibylle parle à la première personne, revendique l'originalité de sa prophétie et le caractère indépendant de ses réponses.
La Pythie apparaît en Grèce après la première sibylle (Hérophile), les sibylles, à l'origine servantes de la grande déesse Cybèle (Agdistis), ont leur origine à Pessinonte, en Asie Mineure au VIIIe siècle av. J.-C.
Dans la mythologie grecque, la sibylle est une prêtresse d'Apollon qui personnalise la divination[2] et prophétise.
Les sibylles exprimaient leurs oracles dans un langage énigmatique permettant de nombreuses interprétations. Fameuse est la prophétie orale pour un soldat « Ibis redibis non morieris in bello ». Si une virgule est placée avant le « non », la phrase devient « Tu iras, tu reviendras, tu ne mourras pas en guerre », mais si la virgule était placée après le « non », la phrase est « Tu iras, tu ne reviendras pas, tu mourras en guerre ».
L'obscurité et l'ambigüité de la divination des sibylles a donné le qualificatif « sibyllin » qu'on attribue à des propos confus, énigmatiques, mystérieux ou à double sens.
La sibylle figure l'être humain élevé à une dimension surnaturelle, lui permettant de communiquer avec le divin et d'en livrer les messages, tels le possédé, le prophète. Les sibylles furent considérées comme des incarnations de la sagesse divine, aussi vieilles que le monde, et dépositaires de la révélation primitive. Aussi a-t-on pu rapprocher[réf. souhaitée] le nombre des douze sibylles et celui des douze apôtres et de peindre ou de sculpter leurs effigies dans des églises.
Les sibylles témoignent de l'importance attachée dans l'Antiquité aux pouvoirs divinatoires : prophètes, pythies, et oracles…
Les origines du mythe ainsi que l'étymologie du mot demeurent incertaines et disputées. On a pu les chercher dans le monde indo-européen, par analogie avec des termes sanskrits par exemple, mais aussi dans la Mésopotamie antique[3].
Au Ier siècle av. J.-C., on dénombre dix sibylles ; deux autres, la sibylle agrippine et la sibylle européenne, ont été ajoutées à la liste à la fin du Moyen Âge, de sorte que le nombre de sibylles corresponde au nombre d'apôtres :
Les Romains conservaient pieusement dans le temple de Jupiter Capitolin les Livres sibyllins, qui auraient été vendus par une vieille femme (peut-être la sibylle de Cumes) à Tarquin le Superbe, au VIe siècle av. J.-C. Elle s'était rendue auprès du roi avec neuf livres oraculaires en lui en demandant une énorme somme. Le roi se moqua d'elle et la renvoya ; elle brûla trois des livres, et lui offrit les six restants pour la même somme. Tarquin refusant toujours, elle en brûla trois autres, et lui offrit les trois derniers, toujours au même prix. Cette fois-ci Tarquin consulta un conseil de prêtres, les Augures, qui déplorèrent la perte des six livres et lui conseillèrent d'acheter ceux qui restaient[7].
Ces livres, confiés à la garde de deux prêtres particuliers appelés duumvirs, étaient consultés dans les grandes calamités, mais il fallait un décret du sénat romain pour y avoir recours, et il était défendu aux duumvirs de les laisser voir à qui que ce soit sous peine de mort. Ils ne contenaient pas de prophéties, mais des remèdes expiatoires à appliquer lorsque survenaient des « prodiges », événements exceptionnels particulièrement redoutés par les Romains. En réalité le texte des Livres sibyllins était d'une obscurité telle que des siècles plus tard, Cicéron, peu enclin à la crédulité, écrivit qu'on pouvait en tirer ce qu'on voulait au gré des circonstances.
Les livres sibyllins furent par exemple consultés durant l'année 194 av. J.-C. en raison de tremblements de terre[8].
Après l'incendie du Capitole (-83) où les livres sibyllins furent perdus, plusieurs missions furent envoyées dans les pays supposés héberger des sibylles, afin de reconstituer les ouvrages disparus. Contrôlés et expurgés par Auguste et Tibère, ils furent finalement détruits par des chrétiens quelques siècles plus tard, en l'an 406, sous l'empereur Honorius (395-423), en raison de la prédiction leur imputant la fin du Monde.
En même temps que les Livres sibyllins, une série d'écrits connus sous le nom d'Oracles sibyllins circulèrent en Méditerranée dès le IIIe siècle av. J.-C. Certains sont parvenus jusqu'à nous via des copies datant des XIVe et XVIe siècles. Ces livres, au nombre de douze ou quatorze, comprennent des oracles antiques, des oracles juifs[9] et des écrits chrétiens. Ainsi, c'est dans le 8e livre des Oracles sibyllins que l'on trouve des vers, attribués à la sibylle d'Érythrées, interprétés comme annonçant le second avènement du Christ le jour du Jugement dernier.
Les Pères de l'Église n'ignorèrent pas ces textes obscurs. À leur suite et pendant tout le Moyen Âge, des auteurs chrétiens cherchèrent, avec plus ou moins de bonheur, à voir dans les oracles des sibylles des marques sans équivoque de l'attente par le monde païen du messie sauveur. Mais c'est surtout à partir de la Quatrième Bucolique de Virgile, dans laquelle le poète proclame l'accomplissement des prophéties de la sibylle de Cumes — relatives à la naissance d'un enfant annonciateur du retour de l'Âge d'or sur terre — que se perpétue pendant des siècles cette interprétation chrétienne des écrits sibyllins[10].
Ainsi Dante s'en fait l'écho dans sa Divine Comédie quand il présente son guide, Virgile, comme « celui qui va de nuit, portant derrière son dos une lumière ; et à lui elle ne sert, mais il instruit ceux qui le suivent, quand [il a] dit : Le siècle se renouvelle ; la justice revient, et le premier âge de l’homme ; du ciel descend une race nouvelle »[11]. Au XVIIIe siècle, le déiste Voltaire, en ironisant un peu, évoquera encore cette croyance, devenue un sujet de longues controverses entre croyants et rationalistes, dans l'article « Sibylle » de son Dictionnaire philosophique[12].
Virgile présente, vers 4 à 7, la prophétie en ces termes :
Ultima Cumaei venit jam carminis aetas; |
Les premiers chrétiens s'emparèrent de la sibylle et intégrèrent cette prophétie dans leur littérature religieuse. Eusèbe de Césarée (vers 340) recueille les vers de la sibylle d'Érythrées, suivi de saint Augustin un siècle plus tard, dans La Cité de Dieu. Il en offre alors une version particulière, traduite très approximativement du grec, comprenant 27 vers, soit 3 × 3 × 3, symbole de la Trinité. Elle commence ainsi : Judicii signum : tellus sudore madescet (« le signe du jugement : la terre s'inondera de sueur… »). Cette version augustinienne présente, en grec, un acrostiche dont les lettres initiales constituent la phrase : Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur, Croix. Elle est notamment citée dans un sermon du Moyen Âge visant à convaincre les incroyants, lu à la veille de Noël. On y invoque tour à tour des personnages de l'Ancien et du Nouveau Testament, puis des figures païennes : Virgile, Nabuchodonosor, et la sibylle d'Érythrées.
De même, les Mirabilia Urbis Romae, sorte de guide de la Rome du milieu du XIIe siècle, rapportent que l'empereur Auguste interrogea la sibylle de Tibur pour savoir s'il y aurait un homme plus grand que lui. Une vierge lui apparut alors dans une grande splendeur sur l'autel du temple de Junon, tenant en ses bras un enfant ; et une voix venant du ciel lui dit : « Voici la vierge qui va concevoir le sauveur du monde », puis : « celle-ci est la chère fille de Dieu »[14].
Des versions musicales du Judicii signum ont été retrouvées dans des manuscrits des monastères Saint-Martial de Limoges (IXe et Xe siècles) et Saint-Oyand (XIIIe siècle)[15]. Cela explique la mention de la sibylle dans le Dies irae et qu'elle figure à Saint-Pierre de Rome, dans la chapelle Sixtine sur une fresque de Michel-Ange.
Le concile de Trente (1568), dans son désir d’épurer la liturgie de Noël de représentations annexes, décide de prohiber la représentation et le Chant de la Sibylle[15], mais certaines régions ont conservé la tradition de voir une sibylle costumée chantant la nuit de Noël jusqu'au XVIIIe siècle, voire, comme à Majorque, jusqu'à nos jours[15].
Les sibylles apparaissent dans l'art de l'Occident chrétien vers le XIIe siècle [réf. souhaitée], pour fleurir à partir du XVe siècle quand on redécouvre l'Antiquité, comme en témoigne un ouvrage attribué à Jean de Paris, La Foi chrétienne prouvée par l'autorité des païens, copié entre 1474 et 1477. Il y est dit : « Des vierges pleines de l'esprit de Dieu, qu'on appelait Sibylles, ont annoncé le Sauveur à la Grèce, à l'Italie, à l'Asie Mineure : Virgile, instruit par leurs livres, a chanté l'enfant mystérieux qui allait changer la face du monde. »
La pensée chrétienne qui avait recueilli les prophéties du peuple d'Israël consignées dans l'Ancien Testament s'étendait ainsi, dans une moindre mesure, aux peuples païens, par l'entremise des sibylles. L'iconographie proposa en face des douze prophètes, les douze sibylles, y associant parfois les douze apôtres.
Pour les artistes du Moyen Âge, la sibylle devint le symbole de l'attente des Gentils qui avaient entrevu le Christ[16]. Une place lui fut réservée au portail des cathédrales.
La diffusion dans l'Europe de la figure des douze sibylles se fait au XVe siècle à partir de l'ouvrage du dominicain italien Filippo Barbieri publié en 1481. En France, les sibylles profitent de l'intérêt des grands imprimeurs parisiens qui en ornent les livres d'Heures.
Dès lors, peintures, sculptures polychromes, tapisseries, émaux peints, témoignent de l'influence du personnage de la sibylle sur l'art religieux occidental. Les sibylles d'Érythrées, de Tibur et de Cumes sont les plus fréquemment représentées.
Huit sibylles sont représentées dans la cathédrale d'Amiens. La peinture murale « le cycle des sibylles » due au maître Antoine Clabault date de 1506 ; elles sont situées à droite de l'entrée de la sacristie. On y trouve la figuration des sibylles tiburtine, de Cumes, d'Érythrée, de Phrygie, persique, d'Europa, libyque et Agrippa.
Au plafond de la chapelle Sixtine, la sibylle de Delphes (une prophétesse annonçant la venue de Jésus) a été représentée par Michel-Ange avec une incisive surnuméraire qui indique qu'elle a vécu avant notre ère[17].
La cathédrale de Sienne représente dix sibylles sur son pavement (voir ci-dessous).
Les sibylles ont été représentées sur les portails, les vitraux ou le mobilier des églises ou des cathédrales (cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, cathédrale Sainte-Marie d'Auch). Ces représentations sont nombreuses aux XVe et XVIe siècles. Les canons du concile de Trente censurèrent ces représentations[18].
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