Petit-fils de Charles Bruneau par sa mère, fils de Jacques Quignard, enseignant de lettres et écrivain[1], Pascal Quignard naît le à Verneuil-sur-Avre[2],[3]. A sa naissance, il est atteint d'autisme. Il est l'aîné d'un frère devenu professeur de mathématiques et, comme lui, violoncelliste.
En 1969, à la demande de Paul Celan, Quignard traduit Alexandra[5], la dernière épopée grecque du monde antique, écrite par Lycophron. Il devient parallèlement lecteur au Mercure de France et chez Gallimard, où il entre au comité de lecture en 1976. Il publie plusieurs essais, sur Maurice Scève, Lycophron et Michel Deguy, un récit en 1976, Le Lecteur, puis un premier roman,Carus, qui reçoit le prix des Critiques en 1980.
Il publie alors, parallèlement à son œuvre chez Gallimard, divers textes pour de petits éditeurs, comme Le Collet de Buffle, Orange Export Ltd, Clivages, Éditions de l'Amitié, Claude Blaizot, Chandeigne, Patrice Trigano, puis chez des éditeurs plus importants comme Fata Morgana, P.O.L ou Flohic, par exemple.
Gallimard publie deux romans: Le Salon du Wurtemberg en 1986 et Les Escaliers de Chambord en 1989. Il devient alors secrétaire général pour le développement éditorial chez Gallimard.
L'année 1994 voit paraître Le Sexe et l'effroi. Il démissionne de ses fonctions éditoriales, puis abandonne toute carrière musicale. Il se consacre exclusivement à la littérature[6].
À la suite d'un accident cardiaque, Quignard est hospitalisé d'urgence en 1997. Cette expérience lui inspire Vie secrète, qui mêle plusieurs genres littéraires.
Il écrit encore des romans (Terrasse à Rome, qui reçoit le Grand prix du roman de l'Académie française en 2000, Villa Amalia en 2006), et son cycle Dernier royaume. Les trois premiers volumes sont publiés en 2002, deux autres suivent en 2005. Le premier volume reçoit le prix Goncourt, associé aux deux autres; sa récompense suscite la colère de quelques membres de l'académie[7] et des réactions variées[8].
En 2005-2006, les Éditions Galilée rééditent l'ensemble des textes rares ou introuvables de son œuvre, dans leur version revue, augmentée et définitive, agrémentée de quelques inédits.
Son roman Villa Amalia met en scène un personnage habité par le vœu de tout quitter, de ne plus être soi et d'aller se découvrir ailleurs. C'est aussi un retour à la musique, après La Haine de la musique. Benoît Jacquot adapte le roman au cinéma sous le même titre de Villa Amalia. Elles republient aussi un essai sur Georges de La Tour, déjà publié aux éditions Flohic en 1991.
Depuis qu'il a entrepris l'écriture du cycle nommé Dernier Royaume, Quignard oriente sa réflexion vers le passé lointain et figé (le Jadis), le passé en mouvement (le sien propre et récent), le conte et la fonction du langage.
«à errer de théâtre en théâtre, pendant trois ans, pour la tournée de "La Rive dans le noir", [...] intrigue, sur l'espace d'une heure, à laquelle participaient une jeune femme très belle, une corneille âgée et une chouette effraie qui sortait de son œuf. (p.151, La vie n'est pas une biographie, 2019)»
Son œuvre fait l'objet de plusieurs études. Le travail de Quignard a été l'objet d'un colloque en 2004 à Cerisy-la-Salle (publié par Galilée en 2005), dirigé par Philippe Bonnefis et par Dolorès Lyotard. Il rassemble des contributions de Philippe Forest, ou de Pierre Lepape.
L'œuvre de Pascal Quignard est complexe[11],[12].
La permanence des thèmes, leur éventuel ressassement, rend difficile le découpage de frontières entre genres chez Quignard. Parmi ces thèmes figurent le silence, la lecture, la mort, ou encore la figure du jadis[13].
Daniel S. Larangé attire l'attention sur la dimension mystique de cette œuvre en fragmentation, déterminant alors les liens qui la relient à la mystique rhénane revue au prisme de la philosophie de l'altérité. En effet, le style de l'écrivain se démarque par toute une réflexion sur le morcellement et l'atomisation des êtres et de la langue, aboutissant ainsi à une «théosigie», au silence de Dieu[14].
Les spécialistes de l’œuvre de Pascal Quignard dont Chantal Lapeyre-Desmaison et Agnès Cousin de Ravel, ainsi que le Groupe de Recherche Identités et Cultures (GRIC) ont organisé du 29 au un colloque international intitulé «Les lieux de Pascal Quignard» à l'Université du Havre. Le colloque a travaillé sur l’importance des lieux physiques et mentaux chez l’écrivain. En , le colloque de Cerisy (sous la direction de Mireille Calle-Gruber, Irène Fenoglio et Jonathan Degenève) lui a été consacré.
Son style et ses thèmes sont si particuliers qu'ils en deviennent imitables. Laurent Nunez, dans son roman Les Récidivistes (Payot, 2014), a ainsi composé une centaine de pages «quignardiennes» sur le mythe de Kronos.
Dernier Royaume
Cette œuvre, toujours en cours, développe les réflexions de l’auteur sur ses thèmes privilégiés. Tous les genres se succèdent dans les très nombreux chapitres, contes, notes, listes, essais, fragments de romans, journal, etc.
Le Secret du domaine, L’Amitié, 1980, illustrations de Jean Garonnaire; réédition sous le titre de L'Enfant au visage couleur de la mort, Galilée, 2006
Pascal Quignard le solitaire, entretiens avec Chantal Lapeyre Desmaison, Flohic, 2001
«Sur la curiosité téméraire des lecteurs de romans», dans Chantal Lapeyre-Desmaison (dir.), Lecteurs de fictions, Champs du Signe, Éditions universitaires du Sud, 2010
Quignard intervient dans quelques lectures-spectacles («récit-récital»), aujourd'hui encore (avec la pianiste Aline Piboule, le claveciniste Pierre Gallon...)[20],[21].
Le Nom sur le bout de la langue (créé en 2005 à Paris), sonate de trois contes,
Triomphe du temps (créé en 2006 à Lyon), sonate de quatre contes,
Princesse Vieille Reine (2015, créé en 2015 à Paris), sonate de cinq contes[22],[23],[24].
De 2009 à 2013, en duo avec Carlotta Ikeda, il réalise et donne un spectacle de théâtre buto, Medea.
Bien avant la mort de sa partenaire (septembre 2014), et la fin de la troupe (avec Laurent Rieuf, Alain Mahe et Éric Blosse), Quignard, bouleversé par un spectacle de Luc Petton, passe à une autre étape «pour un immédiat retour au dernier Grotowski» (1933-1999), organise de rares performances de ténèbres, avec différents autres co-intervenants, dont Marie Vialle.
Ballet sur l'origine de langue et de la littérature françaises[28],[29] (à Vérone),
L'Oreille qui tombe[30], œuvre sonore et évolutive sous l'action de l'eau et du temps, réunissant performances et sculpture en collaboration avec la plasticienne Frédérique Nalbandian (première représentation à La-Valette du Var en 2016, Musée Jean Cocteau 2017),
Performance sur la mort et les morts de novembre (à Paris, Beaubourg),
La Rive dans le noir avec la collaboration de Dalila Khatir (à Châteauroux, Paris et divers lieux)[31],[32],[33]...
Il rend compte de cette expérience et de sa conception de tous les théâtres dans Performances de ténèbres (2017), à travers cette forme originaire: «c'est la laisse de mer que la marée dénude comme la nuit, chaque jour, au bout du sentier de la plage, entre l'océan et la crique de sable toujours tiède à l'ombre des ombelles et de la criste-marine» (p.207).
Agnès Cousin de Ravel, Quignard, maître de lecture. Lire, vivre, écrire, collection «Fictions pensantes», Paris, Hermann, 2012.
Agnès Cousin de Ravel, Chantal Lapeyre Desmaison, Dominique Rabaté, (dir.) Les Lieux de Pascal Quignard, in Les Cahiers de la NRF, Paris, Gallimard, 2014.
Agnès Cousin de Ravel, Pascal Quignard: vies, œuvres, l'Harmattan, 2018.
Critique (revue générale des publications françaises et étrangères), «Pascal Quignard», n° 721-722, juin-. Dirigé par Fabienne Durand-Bogaert et Yves Hersant.
Europe (revue littéraire mensuelle), «Pascal Quignard» n° 976-977, août-. Dirigé par Alexandre Gefen et Dominique Rabaté. Avec une lettre de Pascal Quignard à Dominique Rabaté et les contributions d'Alexandre Gefen, Pascal Quignard, Claude Pierre Perez, Claude Coste, Jawad Tlemsani-Cantin, Timothée Picard, Bruno Blanckeman, Marie Gil, Laurent Demanze, Mathilde Levesque, Karine Abiven, Bernard Vouilloux, Dominique Viart, Benoît Jacquot, Dominique Rabaté.
Gilles Gontier, Sur le poème jamais écrit En lisant Pascal Quignard, L'Harmattan, 2018.
Camilo Bogoya Gonzalez, Pascal Quignard: musique et poétique de la défaillance, sous la direction de Marc Dambre et de Philippe Daros, 2011.
Inter, éditions Argol, 2011. L'ouvrage contient une lettre de Pascal Quignard à Bénédicte Gorrillot, un texte de Bénédicte Gorrillot,Didascalies, Inter aerias fagos, le seul poème en latin écrit par Pascal Quignard et sa traduction par Pierre Alferi, Eric Clemens, Michel Deguy, Bénédicte Gorrillot, Emmanuel Hocquard, Christian Prigent, Jude Stéfan.
Chantal Lapeyre-Desmaison, Mémoires de l'origine, Paris, Galilée, 2006.
Chantal Lapeyre-Desmaison, Pascal Quignard. La Voix de la danse, Presses du Septentrion, 2013.
Jean-Louis Pautrot, Pascal Quignard ou le fonds du monde, Rodopi, Amsterdam, New York, 2007.
Jean-Louis Pautrot, (sous la dir.), Pascal Quignard, Revue L'Esprit créateur, n°52, 2012, The Johns Hopkins University Press, John D. Erikson, Maria et Daniel Brewer editors. Numéro consacré à l'œuvre de Pascal Quignard, avec les contributions de J-L. Pautrot, C. Claude, B. Gorrillot, C. Alvares, A. Cousin de Ravel, B. Thibault, G. Turin, J. Acquisto, John T. Hamilton, C. Lapeyre Desmaison, D. S. Larangé.
Bernard Vouilloux, La Nuit et le Silence des images. Penser l'image avec Pascal Quignard, Paris, Éditions Hermann, 2010. Sur la place de l'image (de rêve, d'art) dans l’œuvre de l'écrivain.