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Responsable sociétale De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La responsabilité sociétale des entreprises ou responsabilité sociale des entreprises (RSE, en anglais CSR pour corporate social responsibility) désigne la prise en compte par les entreprises, sur une base volontaire, et parfois juridique[1], des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques dans leurs activités. Les activités des entreprises sont ici entendues au sens large : activités économiques, interactions internes (salariés, dirigeants, actionnaires) et externes (fournisseurs, clients, autres)[2].
L'enjeu de la RSE résulte au départ de demandes de la société civile (associations religieuses, écologiques, humanitaires ou de solidarité) d'une meilleure prise en compte des impacts environnementaux et sociaux des activités des entreprises, qui est née, notamment, des problèmes d'environnement planétaire rencontrés depuis les années 1970. Une étude a montré que les engagements pris par les entreprises influencent de plus en plus la prise de décision des consommateurs et des collaborateurs : 80 % et 94 % d’entre eux ont respectivement déclaré qu’ils étaient davantage susceptibles d’acheter des produits ou de travailler pour une entreprise engagée en faveur de la préservation de l’environnement[3]. La RSE trouve aussi une inspiration dans la philosophie « agir local, penser global » (René Dubos). Il s'agit alors d'intégrer le contexte mondial et local dans la réflexion stratégique.
Même si le couplage entre la RSE et le développement durable fait encore l'objet de débats, la RSE est souvent comprise en Europe comme la mise en œuvre dans l'entreprise des exigences de développement durable, qui intègrent les trois piliers environnemental, social, et économique. Ce couplage a été illustré par la participation de multinationales au sommet de la Terre de Rio en 1992[4], puis au sommet de la Terre de Johannesburg en 2002.
La RSE tend aussi à redéfinir les responsabilités des entreprises, c'est-à-dire la prise en compte par les entreprises des attentes de ses parties prenantes internes ou externes : au-delà des controverses sur cette notion de « partie prenante », l'enjeu, très présent dans la norme ISO 26000, est notamment d'organiser les devoirs de l'entreprise vis-à-vis de personnes ou groupes qui ne peuvent pas faire valoir de contrats (salarial, commercial…) ni de réglementation pour faire valoir leur demande auprès d'une entreprise.
Selon une récente étude intitulée « Money Machines 2022 » en France et dans le monde, 93 % des personnes interrogées estiment que le développement durable et l'engagement sociétal sont plus « importants que jamais »[5].
La RSE et le développement durable font l’objet de multiples controverses.
La question de la responsabilité en entreprise est intimement liée à la religion en général, à la religion protestante en particulier. Max Weber montre en quoi la religion protestante a joué un rôle structurant dans le développement du capitalisme[6].
On peut considérer toutefois que la responsabilité sociale des entreprises plonge également ses racines dans le socialisme utopique du Britannique Robert Owen, de sensibilité déiste, connu pour être le père fondateur du mouvement coopératif et du socialisme britannique. Owen fonda des communautés des deux côtés de l'Atlantique entre 1820 et 1860. On peut citer aussi le négociant Francis Cabot Lowell et ses associés, qui fondèrent à Waltham près de Boston des filatures qui furent considérées comme le lieu de naissance de la révolution industrielle américaine. Lowell mit en œuvre une démarche sociale inspirée du modèle coopératif d'Owen, développant un nouveau système industriel sans créer de prolétariat[7].
L'un des représentants du paternalisme, Samuel D. Warren, imposa dans son entreprise, la S.D. Warren Company, leader de l'industrie du papier, un management paternaliste de refus du syndicalisme dans un secteur fortement syndicalisé. Il prônait un système d'échange-don entre employeur et travailleur dans lequel la sécurité économique et la protection sociale sont assurées en échange de la loyauté et du renoncement à toute forme de revendication (refus de la présence syndicale). Ce modèle s'est perpétué jusqu'à la fin des années 1960[8].
La responsabilité sociale est une problématique abordée par les dirigeants aux États-Unis à partir de la fin du XIXe siècle dans le cadre d'activités philanthropiques. L'un des piliers de ce mouvement est Andrew Carnegie qui, dans l'Évangile des riches, s'interroge sur les responsabilités des riches hommes d'affaires qui se doivent de mener une vie non ostentatoire et affirme que tout surplus de richesse doit être dirigé vers l'intérêt public[9].
Chez les protestants les nouvelles théories s'intéressent à la relation entre l'entreprise et la société, considérant que la propriété n'est pas un droit absolu et ne peut être justifiée que dans le sens où l'administration privée des biens permet d'accroître le bien-être de l'ensemble de la communauté. Les grands défenseurs de ces théories sont Chester Barnard, Henry Ford, Alfred P. Sloan, Thomas Edison et Charles Coffin[9].
Les catholiques, quant à eux, ont pris position avec Léon XIII et l'encyclique Rerum novarum (1891) : les riches et les patrons ne doivent en rien traiter l'ouvrier en esclave ; il importe de respecter leur dignité. Pie XI continuera ce questionnement avec l'encyclique Quadragesimo anno (1931). Jean-Paul II commence à aborder dans l'encyclique Centesimus annus (1991) la question de l'écologie, considérant que l'homme consomme de manière excessive et désordonnée les ressources de la planète[10].
Aux États-Unis, où la religion occupe une place bien plus importante qu'en France, avant la responsabilité sociale des entreprises (corporate social responsibility en anglais) d'autres formes existaient comme l'investissement socialement responsable (ISR), qui initialement était porté par différentes confessions religieuses comme les Quakers[10].
Le concept de corporate social responsibility proprement dit apparaît à partir des années 1950-1960 dans la littérature anglophone consacrée aux entreprises avec Social Responsibilities of the Businessman de Howard Bowen (1953)[11], et The Responsible Company de George Goyder (1961). Il a depuis fait l'objet d'une élaboration théorique chez plusieurs chercheurs anglophones et francophones (voir, notamment les travaux de l'École de Montréal et ceux qui se réfèrent à la Théorie de la régulation[12]).
À partir de la fin des années 1950, la responsabilité sociale des entreprises fait son entrée dans le champ académique aux États-Unis. On retiendra quelques dates-clés[13] :
Depuis le début des années 1960, les premiers cours consacrés à la relation entre business et société ont été créés dans les plus grandes universités et les Business Schools pour atteindre la totalité des établissements des États-Unis en 1974, soit 660 cours concernant 65 000 étudiants[14].
En 1984, R. Edward Freeman apporte une définition au concept de partie prenante (stakeholder en anglais), appelé à jouer un rôle central dans la responsabilité sociale des entreprises : « une partie prenante dans l’organisation est (par définition) tout groupe d’individus ou tout individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels »[15]. Le mot stakeholder est un néologisme jouant tant avec le terme stockholder (désignant l'actionnaire) qu'avec celui de shareholder (désignant ceux qui partagent les bénéfices, incluant les actionnaires), construit dans le but de faire prendre conscience de l'impact environnemental et social de l'activité des entreprises et de la nécessité d'agir au-delà de la simple profitabilité économique exigée par les actionnaires[16].
En 1997, Mitchell, Agle et Wood ont entrepris une démarche ambitieuse qui les a conduits à :
Cette typologie permet une analyse des parties prenantes, selon la grille dite de Mitchell.
Au sommet de la Terre de Rio en 1992, une cinquantaine d'entreprises multinationales, regroupées par l'homme d'affaires suisse Stephan Schmidheiny au sein du consortium BCSD (Business Council for Sustainable Development) sont invitées à participer aux côtés des représentants politiques officiels et des ONG. Le cercle s'élargit en 1995 pour former le WBCSD (World Business Council for Sustainable Development).
En parallèle, le consultant John Elkington, à la tête du cabinet de conseil SustainAbility, forge le concept de triple bottom line (triple performance) pour exprimer l'intégration des trois dimensions sociale, environnementale, et économique du développement durable dans les démarches de RSE des entreprises, qui formeront dorénavant la structure de la plupart des outils de pilotage des grands groupes[4].
La RSE se définit d'abord par rapport à la notion de responsabilité. Elle consiste donc à la fois en un « devoir de rendre compte de ses actes » (enjeu du reporting, des audits, etc.) et « d'en assumer les conséquences » (enjeu des actions en réparation et en prévention). Cette définition n'est cependant opératoire qu'après avoir précisé : 1) par rapport à quels acteurs sociaux ce devoir existe et 2) quelle est la nature des actes et des conséquences que l'entreprise doit assumer. D'où l'importance accordée par la norme ISO26000 (inspirant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) à la place des parties prenantes dans la gouvernance de l'entreprise, au « dialogue » avec les parties prenantes avec lesquelles se construit, de façon coopérative ou conflictuelle selon le cas, ce devoir de RSE pour chaque entreprise. De ce fait, le caractère « volontaire » revendiqué pour les démarches RSE (voir par exemple, les positions de la Commission européenne) ne se comprend que par opposition à des exigences réglementaires : en pratique, c'est aussi souvent sous la contrainte économique (de ses clients ou de ses donneurs d'ordres, par exemple) qu'une entreprise investit pour améliorer sa RSE.
Une conception dominante en France définit le contenu de la RSE en rapport avec la notion de développement durable, déclinée au niveau des entreprises, comme le confirme une recommandation du Ministère français de l'écologie et du développement durable[18]. Le lien entre cet objectif macrosocial et la satisfaction des attentes des parties prenantes de l'entreprise est toutefois assez complexe, d'autant que le développement durable ne concerne pas seulement les entreprises, mais aussi l'ensemble des agents économiques.
La Commission européenne dans son livre vert sur la RSE (2001) indique que « la plupart des définitions de la responsabilité sociale des entreprises décrivent ce concept comme l'intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes ».
La responsabilité sociétale des entreprises ne devrait pas être confondue avec le mécénat. En effet, alors que le mécénat est mené de manière séparée de l'activité quotidienne de l'entreprise, la RSE devrait s'appliquer d'abord au cœur de métier de l'entreprise, dans les domaines où elle est reconnue comme efficace[20], même si les directions d'entreprise incluent souvent aussi leurs actions « pour la communauté ».
En pratique, la mise en œuvre de la RSE consiste à rechercher un progrès continu sur les plans social, environnemental et économique. Elle couvre, par exemple, la qualité globale des filières d'approvisionnement, de la sous-traitance, le bien-être des salariés, leur santé, l'empreinte écologique de l'entreprise, etc. Cette mise en œuvre demande donc, outre une bonne perception de l'environnement de l'entreprise, des compétences en conduite du changement pour intégrer l'intérêt des parties prenantes, une connaissance fine des enjeux planétaires et de leurs déclinaisons politiques et réglementaires et, enfin, une connaissance des solutions techniques et managériales qui contribuent à l'amélioration des processus sanitaires, environnementaux et sociaux dans les organisations.
La RSE constitue la réponse des entreprises à un certain nombre d'enjeux mondiaux qui se présentent aujourd'hui de la façon suivante [21] :
Dans ce contexte, et compte tenu de l'origine enthropique de la plupart de ces phénomènes, la RSE se traduit ou devrait se traduire de différentes manières :
L'approche RSE peut permettre de mettre en œuvre, entre autres, de nouvelles régulations, que l'entreprise soit grande, moyenne ou petite, dans les pays développés, comme dans les pays en développement. Son avantage résiderait en l'instauration d'une meilleure « contextualisation » des activités économiques des entreprises, une meilleure structuration des relations avec les parties prenantes, et théoriquement une meilleure gouvernance d'entreprise. Chaque entreprise adapte cette démarche à son rythme et selon sa culture[26].
Le concept de RSE se développe dans les pays développés à l'initiative d'organisations intergouvernementales ou régionales, à l'échelle mondiale ou régionale. Il se traduit par des déclarations de principe, des recommandations, des normes volontaires, voire se trouve imposé à divers degrés dans certaines législations nationales ou européennes.
Depuis les années 1980, sous l'impulsion notamment des ONG, les concepts de finance éthique, commerce équitable, développement durable étaient entrés dans le débat des instances politiques. Celles-ci ont fait appel aux universités et centres de recherches afin de faire des études pour développer des outils pour identifier le niveau de responsabilité des entreprises[27].
Des recherches se sont concrétisées pour la RSE par la mise au point de référentiels internationaux (GRI), des codes de conduite des entreprises (Global compact) ou des certifications, normes ou labels (SA8000…) jusqu'aux audits sociaux ou environnementaux. Par ailleurs, différents outils pratiques existent pour faciliter l’intégration de ces normes à différents échelons dans les entreprises. Lors des procédures d’appels d’offres, par exemple, certaines entreprises utilisent aujourd’hui une encyclopédie exhaustive des clauses d’achats durables[28].
Les Principes directeurs de OCDE sont précurseurs, car rédigés en 1976. Révisés en 1979, 1982, 1984, 1991, 2000 et 2011, ils sont de simples recommandations, des lignes directrices que les gouvernements adressent aux entreprises multinationales. Ils n'ont pas de pouvoir contraignant[29],[30].
Le Pacte mondial (Global Compact) est lancé en janvier 2000 lors du Forum économique mondial par Kofi Annan. Le Pacte mondial[31] est un code de conduite qui comprend 10 principes que les entreprises doivent s'engager à respecter. Sans les énumérer, deux de ces principes concernent les droits de l'homme, quatre les normes de travail, trois l'environnement et le dernier la lutte contre la corruption[32].
Les PRI ont été lancés par Kofi Annan à New York en avril 2006. Les Principles for Responsible Investment ont pour objet d'inciter les banques, compagnies d'assurance et autres investisseurs institutionnels, à intégrer dans la gestion d'actifs (actions et obligations) les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)[33].
Les Principes de l'Équateur, lancés en juin 2003 et révisés en 2006 puis en 2013, concernent le financement des projets de développement (projets industriels ou d'infrastructures). Ils constituent un cadre de référence visant à identifier, évaluer et gérer les risques environnementaux et sociaux associés à ces projets[34].
La Banque mondiale a publié des recommandations, et a créé un cours pour sensibiliser les entreprises en vue de leur permettre de mettre en œuvre le concept de RSE. Ce cours a déjà été donné à 12 000 personnes[Quand ?] partout dans le monde[réf. nécessaire].
La Commission européenne défend une politique volontariste dans le domaine de la RSE ou CSR (Corporate Social Responsibility) via sa Direction générale entreprise depuis son premier livre vert en 2001, suivi d'une communication en 2002, renouvelée en 2006. L'approche interactive entre toutes les parties prenantes est promue avec la mise en place d'un forum dédié entre 2002 et 2004 puis d'une « alliance ». Les PME sont désormais également impliquées et deviennent des acteurs à part entière, compte tenu de leur omniprésence dans le tissu économique européen des États membres. Un programme spécifique leur est consacré.
Le Conseil européen de Göteborg a défini les 15 et 16 juin 2001 la stratégie européenne de développement durable, en précisant que toutes les politiques de l'Union devaient désormais être élaborées en considérant le développement durable comme une finalité. La stratégie a été révisée lors du Conseil européen qui s'est tenu à Bruxelles en juin 2006[35].
L'Union européenne a adopté un certain nombre de directives et de règlements, notamment :
La France a accéléré l'évolution de sa législation dans un sens favorable à la RSE depuis le début des années 2000.
Elle prévoit dans son article 116 que toute société cotée en bourse a pour obligation de rendre publiques des informations sur la manière dont [elle] prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité. La liste de ces informations a été fixée par le décret du 20 février 2002, et se répartit en trois grandes rubriques : les aspects sociaux (internes), les impacts territoriaux et les conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise[37].
Cette charte a été intégrée au préambule de la Constitution ; les principes de sauvegarde de l'environnement naturel sont désormais placés au même niveau que les droits de l'homme et du citoyen de 1789 et que les droits économiques et sociaux de 1946. La loi impose des devoirs : chacun doit ainsi contribuer à la préservation et à l'amélioration de l'environnement et, le cas échéant, contribuer à la réparation des dommages qu'il a causés. Les autorités publiques sont tenues d'appliquer le principe de précaution et de promouvoir un développement durable[38]
Faisant suite au Pacte écologique proposé par la fondation Nicolas Hulot, le Grenelle de l'Environnement est un ensemble de débats multipartites qui ont eu lieu en France en octobre 2007, afin de préparer des orientations à long terme en matière d'environnement et de développement durable, en mettant en avant trois priorités : la lutte contre le réchauffement climatique, la protection de la biodiversité, la réduction des pollutions.
Il s'est ensuivi une première loi dite Grenelle I (2009), qui prévoit dans son article 53 une série de mesures relatives à la RSE :
D'autres articles de loi Grenelle I concernent la RSE :
La loi dite Grenelle II, promulguée le 12 juillet 2010 et précisée par un décret du 11 juillet 2011 étend dans son article 225 l'obligation de reporting extra-financier aux grandes entreprises. Depuis 2014, l'obligation de publier des données sociétales et environnementales concerne toutes les entreprises françaises de plus de 500 salariés et 100 M€ de chiffres d'affaires net ou de total bilan. Le décret d'application du 26 avril 2012 précise les informations requises en traçant un périmètre de 42 thèmes regroupés en trois ensembles : le social (emploi, relations de travail, santé et sécurité…), l'environnement (pollution, gestion des déchets, consommation d'énergie…) et l'engagement en faveur du développement durable (impacts sociaux, relations avec les parties prenantes, respect des droits de l'homme.
L'article 75 de la loi Grenelle II prévoit que toutes les entreprises de plus de 500 salariés doivent rendre public un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre, dit « bilan GES » (parfois appelé improprement bilan carbone), devant faire l'objet d'une mise à jour tous les trois ans[40].
Début 2011, Lors de l’audition de Nathalie Kosciusko-Morizet par l’Assemblée, le député UMP Bertrand Pancher a dénoncé les « pressions » exercées par les lobbies des entreprises pour faire rehausser de 500 à 5000 salariés le seuil à partir duquel elles devront inclure un volet développement durable à leur rapport annuel[41]. Un collectif de quinze organisations (écologistes, syndicales et caritatives) a demandé au Premier ministre de promulguer la loi en l’état[41].
FNE dénonce le fait que « La loi sur la régulation bancaire et financière adoptée au Sénat récemment supprime la possibilité créée par la loi Grenelle II pour les syndicats et les associations de donner les avis sur le rapport RSE des entreprises »[42].
En 2014, dans le cadre d'une transposition de la directive européenne sur le reporting extra-financier en préparation, et après un an de réflexion conduite par la Plateforme RSE, plateforme nationale d'actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises[43], une réunion plénière () a rendu de premières conclusions en 46 pistes de recommandations[44],[45].
Sur la base de l’ISO 26000, plusieurs labels RSE se sont développés en France, chacun ont leur méthodologie distincte pour l’attribution de leur label.
Le premier apparu est le label Lucie 26000 qui a connu plusieurs évolutions depuis sa création en 2010. Il certifie sur une feuille de route RSE telle conçue par l’organisation et déployée pendant ses 3 années de labellisation. Ce label certifie selon des objectifs RSE prévus sur les 3 ans à venir et non selon des mesures déjà existantes au sein de l’organisation.
Le label B Corp, d’origine américaine arrive juste ensuite et propose une grille d’auto-évaluation RSE (choisie parmi plusieurs grilles prédéfinies en fonction du secteur, de la taille de l’organisation et de la zone géographique). Le dirigeant ou son représentant va auto-évaluer la maturité RSE de l’organisation selon différents critères.
Le label RSE, note attribuée par les Parties Prenantes de Rate A Company[50] est un label qui consiste à faire évaluer les différents critères RSE (prédéfinis et sur-mesure) par l’ensemble des parties prenantes d’une organisation. Solution hybride entre la notation en ligne et la certification, il est le seul label RSE à avoir déposé son règlement d’usage officiellement et tel que demandé par la réglementation en vigueur pour les labels en France depuis 2019 [51].
D’autres labels plus spécialisés sur un aspect de la RSE seulement peuvent également se rattacher à cette discipline[52] :
Créées à la fin des années 1990, des agences de notation sociale et environnementale[53] évaluent et notent les entreprises, selon leur propre méthodologie. Une agence de notation se base sur les documents publics, des questionnaires et des résultats d'entrevue avec les responsables d'entreprise. Elle doit aussi disposer d'une méthodologie, objet d'un travail de recherche en amont, sur la cohérence entre les questions posées et les objectifs recherchés au regard du développement durable (notamment au regard de l'agenda 21, mais plus généralement, en fonction des critères que souhaite favoriser l'investisseur. Des travaux de fond ont été entrepris en France dans les années 2001 à 2003 sur ce point[54].
Les principales agences sont[55] :
Le Global Reporting Initiative (GRI) a été lancé en 1997 par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et la Coalition for Environmentally Responsible Economies (CERES)[56] : l'objectif est d'élaborer des lignes directrices et une standardisation de normes pour la rédaction de rapports environnementaux et sociaux.
Créé le sous l’égide du Ministère du travail, de l’emploi et de la cohésion sociale, de l’AFRC (Association française de la relation client) et du SP2C (Syndicat des professionnels des centres de contacts), le « Label responsabilité sociale » se positionne comme le garant éthique des bonnes pratiques sociales des acteurs de la chaîne de la relation clients.
En 2007, la légitimité du « Label responsabilité sociale » fut renforcée par la création d’une association destinée à la promotion et au développement de la responsabilité sociale des entreprises dans le secteur de la relation clients : l'ALRS, Association pour la promotion et le développement du Label responsabilité sociale.
En 2009, les critères d'évaluation (mesurés par deux cabinets d'audit indépendants) portaient sur :
Depuis les années 2010, ce label a gagné en notoriété parmi les centres de relations clients internalisés (Insourcers), externalisés (Outsourcers) mais aussi parmi leurs donneurs d'ordre, qui représentent les 3 acteurs habilités à solliciter ce Label, accessible aux petits Outsourcers de 40 salariés (SCOP A Cappella à Amiens) comme aux multinationales (EDF, Orange, etc.), ces derniers pouvant être certifiés sous les 3 statuts.
Ce Label s'inscrit dans la lignée des labels et certifications de la responsabilité sociale, qui ont inspiré la Norme ISO 26000.
Dans leur partenariat avec des entreprises qui souhaitent mettre en place des actions de RSE, les ONG peuvent jouer des rôles :
Quelques actions, campagnes concrètes :
Dans le domaine du commerce équitable, citons aussi, par exemple, le Fairtrade Labelling Organizations.
Les sociétés les plus incitées à communiquer sur ce sujet sont celles qui y sont obligées comme les sociétés cotées du CAC 40 en France dont les actions RSE sont suivies de près. Comme tout processus de communication, la communication dite sociétale (ou éco-communication[62]) est un processus très complexe, qui peut induire certains risques. Mais les PME voire les TPE s'emparent quelquefois d'une communication RSE, de surcroit lorsque leurs produits et services sont marketés verts et/ou engagés socialement et que leur exemple est institutionnalisé comme une illustration de bonnes pratiques[63].
Les études sectorielles sur la communication RSE sont en cours en particulier dans le cadre du programme RARE où les premières études concernant les secteurs bancaire, pétrochimique et de la pêche démontrent une profusion d'outils pour une efficacité qui reste à démontrer même si « l'attention rhétorique croissante à la RSE et le poids correspondant donné aux instruments RSE ont contribué à certains de ces changements en pratique »[64][réf. incomplète].
Une communication mensongère vis-à-vis des allégations RSE, donc de ces impacts les plus significatifs, est couramment qualifiée de « Greenwashing », en français écoblanchiment. C'est le cas si le message qu'elle émet est considéré comme trompeur au regard des articles L.121-1 à L.121-7 du code de la consommation[65]. En France, l'ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) est l'association compétente pour viser le message d'un annonceur en amont ou aval de sa diffusion. Indépendante des pouvoirs publics, elle dispose de différentes instances consultatives concernant la déontologie des messages publicitaires émis par les entreprises.
Les destinataires potentiels des rapports de développement durable étant nombreux, leurs intérêts très diversifiés, il existe un risque sur le patrimoine informationnel de l'entreprise, ainsi que sur une éventuelle mauvaise interprétation, volontaire ou non (voir biais cognitif) des informations diffusées. Rien n'empêche au demeurant ces destinataires de recouper l'information lors de son appropriation et d'interroger directement les entreprises sur certains points obscurs ou insuffisamment renseignés. Le récepteur passe alors en mode émetteur dans l'interactivité des parties prenantes qui est revendiquée par ailleurs dans la gouvernance de la RSE.
L'élément RSE représente 9 % de l'information publiée par les sociétés cotées indique l'Autorité des Marchés Financiers fin 2013. L'autorité financière estime toutefois que les sociétés doivent adopter une démarche plus pragmatique dans leur manière de communiquer sur la RSE (hiérarchie des informations)[66].
La RSE demeure avant tout un concept de soft law qui ne peut a priori engager directement la responsabilité juridique de l'entreprise, personne morale puisqu'elle repose sur une approche volontaire[67]. La doctrine observe cependant que la force contraignante de la RSE en tant que concept parapluie peut apparaître en termes de hard law, dès lors que la RSE fait référence à une obligation résultant du droit des traités, de la loi, voire se voit confirmée par le juge comme une obligation unilatérale qui lie son auteur, l'entreprise en l'occurrence[68].
En Europe, le Danemark est le premier pays à avoir imposé un reporting environnemental à ses grandes entreprises comme une obligation légale incontournable, l'intégrant ainsi dans le droit positif. La France a fait de même (voir infra). Le Royaume-Uni et la Belgique pourraient modifier également leur droit des sociétés en introduisant une exigence identique de RSE dans la documentation de leurs actionnaires.
Le Parlement européen, dans son dernier débat de sur la RSE à la suite de la communication 2006 de la Commission sur le sujet, a souhaité une modification de la directive droit des sociétés dans ce sens. Comme le rappelle le point 27 de sa résolution :
« [le Parlement] rappelle à la Commission que le Parlement l'a invitée à présenter une proposition de modification de la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil du 25 juillet 1978 fondée sur l'article 54 paragraphe 3 sous g) du traité concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (18) (quatrième directive sur le droit des sociétés) visant à inclure les informations sociales et environnementales à côté des informations financières. »
Un projet de directive de la Commission européenne du 23 février 2022 irait dans le sens d'un durcissement des contraintes pour les entreprises de l'Union européenne de plus de 500 salariés réalisant plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires net, ainsi que pour celles de plus de 250 salariés et 40 millions de chiffre d'affaires dont la moitié des revenus est issue d'un secteur jugé à risque (le textile, l'agroalimentaire, le secteur extractif) et pour des sociétés étrangères, actives dans l'UE, selon des critères similaires. Cette directive vise à renforcer l'implication des entreprises dans les atteintes aux droits humains et à l'environnement. La proposition de directive devrait avoir une incidence sur le devoir de vigilance, instauré par le droit national en [69].
En France, la loi Grenelle I et surtout la loi Grenelle II (respectivement adoptées en 2009 et 2010, et issues du processus du Grenelle de l'environnement de 2007) renforcent fortement les devoirs des entreprises et les exigences de publication en matière de RSE et de responsabilité environnementale ou sociétale, en l'étendant aux sociétés non cotées, et avec une volonté de transparence, vérifiabilité, certification par un « tiers indépendant ». La loi vise aussi une comparabilité des rapports par des méthodes communes de calcul et d'évaluation. Des sanctions sont prévues pour les entreprises ne répondant pas aux exigences de la loi. Un décret doit préciser le contenu et les modalités du reporting et des contrôles et sanctions éventuelles.
La RSE n'est plus un sujet oublié. Aujourd'hui, les médias, les dirigeants, les salariés, et l'ensemble des parties prenantes s'intéressent aux enjeux du développement durable et à l'impact de leur entreprises. Salons, conférences, campagnes de sensibilisation ou encore articles de presse se développent dans le monde, à l'image du salon PRODURABLE organisé au Palais des Congrès au mois d'avril dernier pour sa 12e édition. Réunissant les professionnels du développement durable et de la RSE et accueillant plus de 8000 visiteurs avec près de 130 conférences, il fut tourné en 2019 autour du bien-être au travail, de la numérisation et des consommations responsables[70].
La mise en œuvre opérationnelle de la responsabilité sociétale dans les entreprises est redoutablement complexe. Elle pose plusieurs questions de fond, dont voici les grandes lignes.
Les entreprises peuvent être tentées d'adopter une stratégie de communication superficielle, et ne pas traiter les risques en profondeur. Cette attitude peut être dangereuse en cas de menaces avérées. La bonne attitude consiste à faire une veille sur les informations environnementales, à les traiter dans un processus d’intelligence économique et de gestion des connaissances, puis à communiquer[71].
Pour d'autres[72], la RSE est une nouvelle forme de communication manipulatrice et cynique à bon compte des entreprises : la seule raison pour laquelle les entreprises mettraient en place des projets de RSE serait une raison utilitaire, avec un bénéfice commercial dans l'amélioration de leur réputation auprès du public et des gouvernements.
Si la communication est faite sans structuration préalable des informations, cela peut discréditer l'entreprise.
Des territoires mettent également ce concept de responsabilité environnementale, économique et sociétale au cœur de leur stratégie de communication: L'exemple du Conseil Départemental des Vosges avec Evodia[73].
La mise en œuvre de la RSE demande de changer certains référents sur l'attitude par rapport aux risques, notamment écologiques et industriels. Certaines mentalités peuvent avoir tendance à biaiser ce type d'approche : on va alors constater des comportements de type sophisme, biais cognitif, ou biais culturel. En psychologie sociale, les résistances rencontrées correspondent à des mèmes.
Les aspects culturels sont d'autant importants que la RSE s'applique à une échelle transnationale.
La complexité du droit est une difficulté. Les questions qui se posent sont :
La mise en œuvre de programmes transversaux dans l'ensemble des entreprises nécessite d'appliquer des normes, qui touchent à la structure du droit, à l'économétrie (comptabilité nationale), à la finance de marché, notamment. Cette mise en œuvre peut s'avérer complexe, et ne pas dépendre exclusivement de l'entreprise. Les aspects institutionnels sont très importants.
La RSE peut aussi être liée au concept d’investissement socialement responsable (ISR)[74],[75]. L'ISR est l'application des principes du développement durable aux placements financiers. En 2013, l'Association Française de la Gestion financière (AFG), qui réunit les acteurs du métier de la gestion, et le Forum pour l'investissement responsable (FIR) qui réunit les acteurs de l'ISR, ont donné une définition précise de l'ISR qui est la suivante :
« L'ISR (Investissement Socialement Responsable) est un placement qui vise à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises et les entités publiques qui contribuent au développement durable quel que soit leur secteur d'activité. En influençant la gouvernance et le comportement des acteurs, l'ISR favorise une économie responsable[76]. »
Pour certains, l'ISR est même « la déclinaison financière et spéculative du développement durable »[77].
Les investisseurs qui proclament cette démarche — banques, établissements financiers et autres fonds financiers (retraite, épargne salariale, etc.) — définissent généralement leurs propres engagements en matière de RSE avec une communication RSE spéciale[78].
L'interaction entre les concepts de RSE et de l'ISR, tant du côté de l'entreprise qui fait appel à l'épargne que du côté de celui qui apporte cette épargne publique réside essentiellement dans leur convergence conceptuelle qui reste à démontrer au cas par cas.
La mise en œuvre de la RSE nécessite une approche transversale et horizontale, donc une certaine culture stratégique au sein des entreprises. Les directions fonctionnelles de marketing, de ressources humaines, de comptabilité, financière, mais aussi stratégique sont amenées à faire une lecture du développement durable et dérouler un plan qui favorise la RSE à travers leur spécialité[79]. On constate néanmoins en pratique une fragmentation des visions, responsabilités et actions entre les qualiticiens (normes), les responsables de la veille ou de l'intelligence économique, les risk managers, les responsables des programmes de gestion des connaissances, les organisations de maîtrise d'ouvrage des systèmes d'information, les juristes, les responsables de la communication, etc. Organiser ce type de programme est très complexe et suppose une coordination hors pair du responsable RSE ou développement durable de l'entreprise qui s'engage par des actions concrètes et vérifiables.
La dimension ressources humaines de la RSE nécessite, pour certains auteurs, une révolution culturelle qui passe par une prise en compte de la vulnérabilité des salariés. Il s'agit non seulement d'en prendre la mesure, mais aussi de valoriser le parcours de ces personnes[80].
Pour les directions achat des entreprises ou des établissements publics, la RSE pose également des difficultés culturelles et temporelles. Il faut passer d'une logique d'appels d'offres réguliers (avec changement de fournisseur) à une logique de relation de collaboration à long terme. La plateforme PEAK a lancé un programme de recherche pluriannuel pour développer des outils qui aideront les acheteurs à s'engager dans une démarche RSE.
Dans les secteurs de l'énergie et de l'environnement, ou dans d'autres secteurs de souveraineté, qui sont les principaux concernés, la mise en œuvre de la RSE est délicate du point de vue des enjeux de communication.
La norme ISO 26000 pourra potentiellement constituer une grille de références à l'analyse de l'action opérationnelle de l'entreprise comme de toute autre organisation au-delà de l'analyse des performances économiques, sociales et environnementales suivies dans le cadre des indicateurs du rapport développement durable lorsque celui-ci existe.
La formation à la RSE est par essence transverse à l'ensemble des fonctions de l'entreprise. Depuis quelques années, les universités et les grandes écoles françaises proposent des formations généralistes comme spécialisées. Celles-ci sont notamment axées sur les aspects Reporting du développement durable (rapports d'activité extra-financiers avec indicateurs de suivi et de résultat), Ressources humaines (gestion de la diversité, lutte contre les discriminations, climat de travail), et Éthique (déontologie des affaires, chartes éthiques). De par l'éventail et la transversalité des sujets abordés, les programmes se situent de façon générale au niveau Master(bac +4/bac +5).
La RSE est à découvrir au sein de chaque entreprise. Comme un Janus à double face, la RSE est paradoxale : certains acteurs ont tendance à créer un double langage entre discours et réalité alors que pour d'autres, elle constitue un engagement réel parce que volontairement soumis à des formes d'audits externes ainsi qu'au débat avec les parties prenantes. Cette seconde attitude serait pour certains auteurs une condition de survie pour les entreprises dans un environnement global et compétitif[81].
Certains exemples de paradoxes sont rapportés par les médias. Un « paradoxe » survient quand d'un côté, une société s'engage dans une action de RSE, prend, par exemple, des engagements concernant le développement durable tandis que de l'autre côté, des révélations accusatrices et circonstanciées au sujet de ses pratiques émergent au grand jour.
Certaines ONG comme Christian Aid ont clairement dénoncé des abus de la part de certaines grandes multinationales dans certaines parties du monde.
Par exemple aux États-Unis, McDonald's illustre ce comportement paradoxal. Société emblématique qui a toujours souhaité affirmer ses engagements économiques, sociaux, voire environnementaux, cette société a été critiquée pour des pratiques d'affaires non éthiques. Lors du traitement de l'affaire McLibel par la justice britannique, celle-ci a confirmé certaines plaintes pour mauvais traitement des travailleurs, publicité abusive et traitement cruel des animaux. Le , la Cour européenne des droits de l'homme a tranché en faveur de Helen Steel et Dave Morris (deux militants écologistes) dans leur bras de fer avec McDonald's dans l'affaire du McLibel. L’avocat du duo a déclaré :
« La Cour européenne des droits de l'homme a considéré que des violations des droits de l’homme avaient été commises à leur encontre – qu’il y avait eu une iniquité procédurale dans l’affaire et que les procédures adoptées n’étaient pas équitables. »
Wal-Mart est également un exemple saisissant de double langage en matière de RSE avec de lourds contentieux dans le domaine social.
De même, une société européenne comme Shell a largement participé en tant que pionnier « porte-drapeau » de la RSE mais en manquant pourtant en 2004 de rapporter à ses actionnaires une évaluation fiable de ses stocks pétroliers qui fondait sa valeur comptable.
Autre illustration, la manière dont on demande un reporting international sur l'ancrage territorial, avec des groupes de travail composés en vaste majorité d'entreprises et d'ONG, sans aucune participation d'élus régionaux, pose la question de la légitimité de l'information telle qu'elle est maniée par l'entreprise à des fins de communication.
L'engagement de l'entreprise en matière de RSE l'oblige à être plus transparente dans le contrat social qu'elle a avec les autres acteurs. Elle crée sa propre épée de Damoclès, d'autres auteurs ont évoqué un « risque mortel »[82] par la médiatisation de ses actions.
À défaut d'honorer cet engagement, elle prend un risque médiatique de réputation, voire de confiance par un effet de « boomerang ». Ce risque viendra en cas d'abus manifeste tôt ou tard se rappeler avec force au bon souvenir de tous ceux qui souhaiteraient à mauvais escient manipuler les autres parties prenantes et les actionnaires en premier lieu. La sanction juridique peut se doubler d'une sanction boursière plus rapide et redoutable et saper in fine la réputation chèrement et patiemment acquise (sanction médiatique).
Une RSE « paradoxale » se paiera « cash ». Enron et Parmalat sont deux contre-exemples emblématiques qui démontrent dans le seul compartiment de la RSE relatif à la gouvernance d'entreprise (ou gouvernement d'entreprise) des deux côtés de l'Atlantique, l'issue fatale de tentatives de manipulations qu'il s'agisse d'un capitalisme libéral ou familial, américain ou européen.
Béthoux, Didry et Mias (2007) mettent en évidence une autre dimension de la responsabilité sociale des entreprises, celle des salariés. À partir de l’analyse de « codes de conduite », ils soulignent, en effet, que les salariés sont au cœur de ces codes, soit comme destinataires, dans le cas de la référence aux droits fondamentaux de l’OIT (1998), soit comme acteurs de leur mise en œuvre, soit comme menace à l’égard des actifs de l’entreprise considérés comme propriétés des actionnaires (shareholders).
Comme destinataires, les salariés visés sont principalement les salariés des entreprises sous-traitantes en contrat avec de grands groupes multinationaux.
Comme acteurs de la responsabilité sociale, les salariés visés sont les salariés de ces grandes firmes multinationales chargés de rapporter les abus pouvant engager la responsabilité de l’entreprise, à travers, par exemple, la création de lignes téléphoniques anonymes. Comme menaces pour l’intégrité de l’entreprise, les salariés peuvent émettre des revendications sur la propriété des découvertes auxquelles ils ont participé ou encore être à l’origine de conflits d’intérêts (népotisme, corruption).
Ce regard sur les codes de conduite recensés par l’OIT fait donc apparaître la responsabilité sociale de l’entreprise sous un jour différent, en dégageant l’intérêt des actionnaires (shareholders) à se conformer à des principes moraux, mais aussi en faisant apparaître l’ensemble des salariés concernés par ces engagements de l’entreprise. Ainsi, ces codes de conduite comme manifestation de la responsabilité sociale de l’entreprise contribuent à définir le champ d’action de l’entreprise à l’échelle mondiale, c’est-à-dire la firme multinationale elle-même comme collectif de salariés (intégrant la sous-traitance) contribuant la réalisation de ses produits.
Parmi les défis clefs que doit affronter la RSE :
Pour cela, il devient évident que la démarche de RSE peut seulement se réaliser en règle générale dans ses volets à caractère social et environnemental, sous réserve que cette démarche n'empêche les profits ; d'où le slogan RSE, doing well by doing good (réussir en faisant le bien). Cela suppose que les ressources dispensées en matière de RSE doivent avoir un retour sur investissement plus élevé que d'autres ressources qui pourraient produire un tel rendement par d'autres manières et qui sont d'autant de stratégies fréquemment suivies (par exemple, investissement en capital, productif, lobbying en matière fiscale, sous-traitance, externalisation off-shore, lutte contre les mouvements syndicaux, risques réglementaire ou de marché").
Les dernières études sur l'attendu des dirigeants montrent la nécessité de bien valoriser la démarche en démontrant le retour sur investissement (ROI).
La mise en œuvre de la responsabilité sociétale dans une entreprise demande d'identifier les parties prenantes (stakeholders), concept-clé de la RSE. En effet, la théorie des parties prenantes (stakeholder theory en anglais) fournit un cadre particulièrement approprié pour modéliser la RSE dans l'entreprise[83].
On choisira l'une des classifications de parties prenantes, comme la classification selon les frontières juridiques ou organisationnelles de Freeman, Harrison et Wicks (2007). Ceux-ci ont fait la distinction entre les parties prenantes primaires et les parties prenantes secondaires. Cette typologie, couramment utilisée, comprend[84] :
On analysera les différentes parties prenantes selon leurs attributs :
Ces trois critères permettent de classer les parties prenantes en huit catégories, selon le nombre d'attributs concernés, et permet de hiérarchiser les priorités.
Pour chacune des parties prenantes retenues, on décrira les attentes ou les intérêts (traduction de l'anglais stake) vis-à-vis de l'entreprise.
On pourra reprendre l'exemple proposé par Xavier Pavie[85], en adaptant la liste des parties prenantes et le détail des attentes au contexte de l'entreprise.
Jusqu’aux années 1990, les concepts de RSE et de développement durable ont suivi des trajectoires séparées et parallèles ; l’un véhiculé principalement par des universitaires américains (courant Business ethics) à partir des années 1960 et des entreprises pionnières (regroupées au sein de l’association Business Social Responsibility) ; l’autre né dans les milieux scientifiques de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) également dans les années 1960, s’appuyant sur les idées de quelques économistes hétérodoxes de l’époque (en particulier Ignacy Sachs et son concept d’écodéveloppement), popularisé en 1987 par le rapport Brundtland.
En 1992, le concept de développement durable trouve sa consécration mondiale à la conférence des Nations unies pour l’Environnement et le Développement de Rio de Janeiro.
Pendant la période 1987-1997, le processus d’institutionnalisation du lien entre RSE et développement durable sera poussé par des « entrepreneurs institutionnels », Stephan Schmidheiny avec le WBCSD et John Elkington avec SustainAbility, font émerger le lien entre RSE et développement durable. C’est durant cette période que se mettent en place les déterminants : discours et influence sur les instances internationales, théorisation d’une part, proposition d’outils d’autre part[4].
Stephan Schmidheiny, homme d’affaires suisse, à la tête d’un grand groupe diversifié, a mis en œuvre, à partir des années 1980, une politique de RSE fondée sur la philanthropie. Lors de conférences sur son expérience, il rencontre le secrétaire général des Nations unies, Koffi Annan, qui lui confie la responsabilité de constituer un groupe « Industrie » pour le sommet de Rio de 1992. Il regroupe, dans le Business Council for Sustainable Development (BCSD), 50 grandes multinationales européennes, japonaises et nord-américaines pour représenter les entreprises lors de ce sommet. S. Schmidheiny et BCSD vont avoir une influence significative lors de la conférence de Rio ; par exemple, dans l’article 30 de l’Agenda 21, les bonnes pratiques de certaines grandes entreprises pionnières, « des entrepreneurs éclairés », sont mises en avant pour démontrer leur contribution au développement durable. BCSD et S. Schmidheiny présentent les bases de la conception de leur responsabilité (essentiellement environnementale) dans un ouvrage largement diffusé : Changing Course : a global business perspective on development and the environment [1992]. Le BCSD s'élargit en 1995 pour devenir le WBCSD (World Business Council for Sustainable Development)[4].
John Elkington forge en 1994 le modèle de la Triple Bottom Line (triple performance en français), directement transposé de l’approche des trois piliers du développement durable, dans un article où il définit le triple gain a win-win-win business strategy for sustainable development. Il est très influencé dans sa démarche par le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD). En 1997, il développe ce concept de Triple Bottom Line dans l'ouvrage Cannibals with forks: the triple bottom line 21st century, dans lequel il affirme la nécessité d’évaluer les résultats des entreprises en fonction des trois critères : économique, environnemental et social. L'intégration des trois dimensions sociale, environnementale et économique, qui était à la base du rapport Brundtland fut traduite par SustainAbility en 1995 par « People, Planet, Profit » (3P ; People pour le social, Planet pour l'environnement, Profit pour l'économique), dans le titre du premier rapport de développement durable de Shell. À partir de 2001-2002 en Europe, la RSE est définie comme la prise en compte du développement durable par les entreprises ; l’ensemble des outils de pilotage est structuré à partir de la « Triple Bottom Line »[4].
Dans un article de 2018, John Elkington dresse une analyse critique de la Triple Bottom Line, expliquant qu'elle a favorisé le développement d'une soutenabilité faible, pouvant conduire à un alibi pour l'inaction[86].
En opposition à l'approche de la Triple Bottom Line, existent aussi des perspectives sur la performance globale sur des bases en soutenabilité forte, comme celle de la Triple Depreciation Line (CARE)[87].
Certaines entreprises françaises ont annoncé un partenariat avec l'association La fresque du climat pour proposer un atelier à leurs employés à travers le monde, visant à les sensibiliser aux mécanismes du changement climatique. Les premières entreprises ont été en 2020 Suez [88] et EDF[89].
La mise en œuvre d'une démarche de RSE / développement durable dans une entreprise est un processus complexe, qui engage toutes les fonctions de l'entreprise. Il s'agit de mettre en place une gestion de programme transverse, avec des correspondants dans les principales entités de l'organisation, en impliquant les parties prenantes dans un modèle économique durable[90]. Nous donnons ci-dessous quelques exemples de domaines d'application particulièrement concernés par la mise en œuvre d'une démarche de développement durable ou de responsabilité sociétale.
Pour chaque domaine de l'entreprise, on veillera à bien définir les parties prenantes impliquées et leurs attentes.
Les entreprises, dans le cadre de leurs programmes de développement durable, mettent en place des tableaux de bord, pouvant contenir selon les quatre types d'informations : environnementales, sociales, économiques et de gouvernance, jusqu'à une centaine d'indicateurs de gestion. Lorsque le tableau de bord contient des gains tangibles et non mesurables, on parle de tableau de bord prospectif.
Une obligation de reporting RSE a par ailleurs été imposée à certaines entreprises notamment à travers l´article L225-102-1 du code de commerce, produit de l'article 116 de la loi sur les nouvelles régulations économiques de 2001 et la loi Grenelle 2 de 2011. Sont concernées les entreprises suivantes :
Les ventes et la logistique sont particulièrement affectées par les questions de développement durable. La fonction administration des ventes des entreprises est, en effet, responsable de la livraison au client final, qui fait appel le plus souvent au transport routier, fortement consommateur de produits pétroliers.
Il s'agit d'identifier les opportunités et les menaces dans le contexte d'une sensibilité accrue des consommateurs et du marché aux enjeux du développement durable, en accord avec les parties prenantes. Le marketing doit aussi véhiculer vers les autres domaines de l'entreprise les valeurs demandées par le marché. Certaines sociétés se contentent parfois d'opérations de communication plutôt que de vraiment changer le fonctionnement de l'entreprise ; on parle alors d'écoblanchiment (en anglais : greenwashing)[92].
Élizabeth Reiss montre que les entreprises ont intérêt à créer des produits et des services responsables, parce que les clients le demandent, et parce ce que c'est rentable. Elle donne des pistes pour revoir les modes de production et de communication. L'entreprise peut dans certains cas y gagner en productivité et fidéliser ses équipes de salariés et ses clients[93].
Christophe Sempels et Marc Vandercammen analysent le comportement du consommateur responsable, et soulignent le rôle du marketing dans la mise en œuvre d'innovations durables et dans leur acceptation par les marchés. Ils cherchent à créer le lien entre une demande et une offre plus responsables, en passant d'une logique « produit » à une logique « service »[94].
Plusieurs programmes de fidélisation ayant pour but la modification des comportements de consommations au travers d'outils marketing ont vu le jour ces dernières années. C'est, par exemple, le cas de RecycleBank (en) aux États-Unis ou encore du programme Green Points en France. Ces types de programme utilisent le principe de prime pour motiver le consommateur à changer ses habitudes de consommation.
Les caractéristiques du développement durable que sont les échelles temporelles et spatiales multiples, et l'interconnexion des problèmes, conduisent à des problématiques nouvelles de recherche et développement, à la recomposition de certains champs de recherche, et à l'apparition de nouvelles disciplines. La réponse aux demandes du développement durable passe par un accroissement des travaux de nature interdisciplinaire, entre sciences de la nature et sciences humaines et sociales. Il est nécessaire de structurer la recherche scientifique de manière plus fédérative, en organisant des institutions transversales et internationales. La demande d'expertise nécessite souvent la coopération de disciplines différentes. La recherche pour le développement durable nécessite de meilleures données, plus abondantes, et des outils plus performants dans le domaine de la modélisation et de la prospective. La recherche doit imaginer de nouvelles formes de coopération avec les autres acteurs, responsables politiques, entreprises, associations, syndicats, et autres composantes de la société civile[95].
Le marketing doit répondre à la question de savoir s'il faut investir dans le recyclage ou investir dans de nouveaux produits propres, ce qui impose des choix dans la recherche et développement[96]. La recherche peut se faire dans des laboratoires de recherche internes aux entreprises, ou en partenariat avec des laboratoires publics, par exemple dans le cadre de pôles de compétitivité[N 1].
La recherche et développement peut avoir besoin d'outils de gestion des connaissances pour améliorer l'efficacité de ses recherches[97]. Elle doit procéder à une veille technologique orientée vers des objectifs de développement durable[98].
Sur le plan règlementaire, le développement durable se traduit par un ensemble de textes juridiques, qui peuvent être établis soit au niveau européen (directives européennes), soit au niveau des États. Quelques exemples de règlements européens sont le règlement REACH sur les substances chimiques, ou la directive sur les déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE), pour ce qui concerne le pilier environnemental.
Au niveau des États, le droit environnemental et le droit social s'appliquent sur chacun de ces piliers environnemental et social (en France le code de l'environnement et le code du travail).
En France, outre la loi NRE (article 116)[99], la Charte de l'environnement, les Grenelle I et Grenelle II déjà cités, les marchés publics, soumis à une réglementation stricte, peuvent intégrer des clauses environnementales et sociales, en vertu des articles L.2111-1 et L.2112-2 du code de la commande publique[100]. Le code de la commande publique concerne les entreprises en tant que fournisseurs des organismes publics.
Les services juridiques des entreprises doivent procéder à une veille juridique, éventuellement pour les petites et moyennes entreprises (PME) avec l'aide des chambres de commerce et d'industrie.
Le respect de critères environnementaux, sociaux, et économiques dans l'élaboration des produits d'une entreprise dépend non seulement de ses processus internes, mais aussi de la qualité des produits achetés auprès des fournisseurs de l'entreprise, des services inhérents à ces achats, en particulier le transport, ainsi qu'en amont de ceux-ci. La performance en matière de développement durable dépend donc de l'intégration progressive de la chaîne d'approvisionnement dans le référentiel de responsabilité sociétale des entreprises concernées. Il est nécessaire de revoir la stratégie achats (réduction des coûts, élimination des déchets, augmentation de l'efficacité énergétique, conservation des ressources), en faisant participer les partenaires fournisseurs de l'entreprise[101].
Gérer le développement durable dans les achats des entreprises, des organismes publics ou encore des collectivités locales peut se faire en tenant compte du coût global d'acquisition qui, outre le prix d'achat, intègre le transport des produits achetés, le dédouanement, les garanties, les coûts de stockage, l'obsolescence, les déchets générés lors de la production et en fin de vie[102].
L'engagement d'un plan d'action développement durable aux achats répond généralement à des arguments de quatre natures différentes[103] :
La mise en œuvre d'une politique de développement durable dans les entreprises dépend largement de l'utilisation des ressources de l'entreprise. Ces ressources peuvent être des actifs physiques (immobilisations au sens classique du terme), mais aussi des actifs immatériels (immobilisations incorporelles) ou tout simplement des ressources humaines, c'est-à-dire des salariés et des partenaires de l'entreprise.
L'atteinte des objectifs de développement durable dépend en grande partie de la façon dont les entreprises vont orienter l'action de l'ensemble de ces ressources (employés, parties prenantes, organisation…). Des réflexions apparaissent sur de nouvelles méthodes d'estimation de la valeur financière des entreprises à travers la notion de capital immatériel.
Les actifs financiers que sont les investissements socialement responsables (ISR) permettent d'orienter les portefeuilles de valeurs financières vers des actifs qui respectent des critères à la fois environnementaux, sociaux et économiques. L’ISR a une vision à long terme de nature à donner des résultats meilleurs que ceux des sociétés qui agissent dans la perspective d'objectifs financiers à court terme. Selon une définition officielle donnée en par le Forum pour l'investissement responsable (FIR), association réunissant les acteurs de l'ISR en France, et l'Association française de la gestion financière (AFG), association des acteurs du métier de la gestion, « L'ISR est un placement qui vise à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises et les entités publiques qui contribuent au développement durable quel que soit leur secteur d'activité. En influençant la gouvernant et le comportement des acteurs, l'ISR favorise une économie responsable »[104].
L’ISR est encore trop récent et le recul insuffisant pour le vérifier de façon tangible et assez large, mais l’observation des fonds ISR les plus anciens laisse penser que leur rentabilité est comparable, voire parfois meilleure que celle des autres fonds[105].
Il faut également signaler le développement de toute une branche de la finance, la finance du carbone, liée aux enjeux des gaz à effet de serre. Le projet Bluenext s'inscrit dans ce type d'activités.
Durant le mois de , seize très grandes entreprises européennes (ENEL, EDF, ENGIE, EDP, Ferrovie dello Stato Italiane, Iberdrola, Icade, Ørsted, RATP, SNCF Réseau, Société du Grand Paris, SSE, Tennet, Terna, Tideway, Vasakronan) lancent le Corporate Forum on Sustainable Finance, un réseau tourné vers le développement d'outils du financement vert[106].
Il existe une croyance selon laquelle l'informatique serait « virtuelle » ou « immatérielle ». Dans les faits, le « zéro papier » est « un mythe »[107]. Une analyse qualitative des avantages et des inconvénients de la dématérialisation du point de vue du développement durable montre en effet que les choses ne sont pas si simples. En particulier, ce processus n'améliore pas la qualité environnementale des produits.
L'informatisation massive de l'économie depuis une cinquantaine d'années, que l'on appelle aujourd'hui en France transformation numérique, nous a fait passer dans une économie de l'« immatériel », dans laquelle l'augmentation des flux de gestion pilotés par l'informatique s'est accompagnée d'une augmentation parallèle des flux de biens marchands, donc des quantités de ressources naturelles consommées, comme le montre Jean-Marc Jancovici[108].
La transformation numérique concerne de plus en plus des usages de particuliers. Elle s'accompagne d'un impact environnemental important correspondant, selon un rapport de l'association française The Shift Project publié en , à 3,7 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales[109], soit plus que le trafic aérien. Selon un rapport de de la même association, la vidéo en ligne, ou streaming vidéo, représente à elle seule 1 % des émissions de gaz de effet de serre mondiales[110]. Selon Frédéric Bordage (GreenIT), la multiplication exponentielle des objets connectés (internet des objets) est la principale responsable de l'impact environnemental du numérique au tournant des années 2020[111].
Concilier développement durable et systèmes d'information n'est pas aisé, car les systèmes d'information ne sont généralement pas pensés pour le long terme. Tant les matériels que les logiciels sont généralement conçus pour une durée d'utilisation de quelques années. D'autre part, les systèmes d'information d'entreprise ont été conçus selon une logique essentiellement comptable et financière. Ils se sont structurés autour de la comptabilité générale, avec des progiciels de gestion intégrés, et ils ont longtemps ignoré les critères extra-financiers du développement durable. Les éditeurs de progiciels de gestion intégrés proposent des offres de mise en conformité réglementaire[N 2].
Les initiatives actuelles sur l'application des principes de développement durable en informatique concernent le plus souvent le matériel informatique proprement dit (recyclage[112] et consommation électrique). Il existe une certification internationale pour les équipements, la certification TCO, ainsi qu'une directive européenne sur les substances dangereuses, la directive RoHS. L'informatique durable (green IT en anglais) se concentre essentiellement sur les bonnes pratiques portant sur le matériel informatique.
Plus fondamentalement, le développement durable pose de nouveaux défis : faire face à l'augmentation des connaissances, gérer une nouvelle relation avec les clients, respecter des réglementations de plus en plus complexes[113]. Pour cela, il est nécessaire de restructurer les systèmes d'information selon une nouvelle architecture : celle du système d'information durable, combinant gestion des données de référence (MDM), système de gestion de règles métier (BRMS) et gestion des processus métiers (BPM)[114].
L'application aux processus d'affaires vertueuse sur le plan du développement durable pose le problème du partage de l'information environnementale et sociale entre les entreprises et les administrations publiques, ainsi qu'avec leurs parties prenantes. Concernant l'application au volet environnemental proprement dit, on parle d'éco-informatique (les Américains emploient l'expression Green IT 2.0).
Les systèmes d'information actuels sont très hétérogènes et n'ont le plus souvent pas été conçus pour gérer une information à caractère sociétal. Ainsi, les exigences de développement durable nécessitent-ils de structurer les informations utiles pour la gestion des programmes concernés, et plus particulièrement pour la gestion des données et la structuration de réseaux de compétence. Le Royaume-Uni a mis en place une régulation publique de l'information environnementale. La France mise sur l'effet de la loi relative aux nouvelles régulations économiques pour réguler l'économie. D'une façon générale, le développement durable pose le défi de gérer une grande quantité d'informations non structurées ; pour cela, plusieurs méthodes sont apparues : les techniques du web sémantique s'appuyant sur des ontologies et des métadonnées ; les projets d'ingénierie des connaissances.
Un autre problème crucial qui se pose est de savoir quels sont les impacts de la course à la puissance informatique en matière environnementale, et si la fameuse loi de Moore est véritablement pertinente à long terme[115]. On constate que les ordinateurs et les logiciels sont généralement surdimensionnés par rapport aux besoins et que l'arrivée incessante de nouvelles versions de matériels et de logiciels a pour effet de diminuer la durée d'amortissement des équipements, donc de générer des déchets.
La convergence entre l'internet et le développement durable fait l'objet des réflexions du forum TIC21[116]. L'Association pour le développement des outils multimédias appliqués à l'environnement (ADOME)[117] a développé un moteur de recherche du développement durable, Ecobase 21, composé de 70 000 liens.
Avec la mise en place de programmes de développement durable dans les entreprises et d’agendas 21 dans les collectivités territoriales, s’est posée, à partir de 2002, la question de la « communication sur le développement durable ». Autrement dit, comment sensibiliser l’opinion au développement durable, impliquer les professionnels, et parfois convaincre les décideurs ?
Cette question a en partie trouvé sa réponse dans la création d'une direction du développement durable, qui est désormais perçue comme un poste stratégique dans l'entreprise. Une association loi de 1901, le Collège des Directeurs du développement durable (C3D), participe à faire évoluer la fonction du directeur de développement durable[118].
Plusieurs autres pistes et éléments de réponse sont donnés par des professionnels[119] :
La mise en œuvre d'une démarche de développement durable dans le domaine du service après-vente se traduit le plus souvent par une politique de réparabilité des produits, qui peut permettre à l'entreprise de fidéliser ses clients et éviter l'obsolescence programmée, source de coûts économiques et environnementaux élevés[122].
Selon le rapport Consortium Report du Performance Group publié en 1999, les démarches de responsabilité sociétale se traduisent par des avantages permettant de créer de la valeur pour les actionnaires. Ces avantages peuvent se décliner suivant six effets vertueux :
La RSE et le développement durable font l’objet de multiples controverses. Pour leurs détracteurs, ces notions cachent une forme sophistiquée de manipulation. Ainsi, les démarches de RSE n'incluent pas le domaine du civisme fiscal, alors que de très nombreuses multinationales passeraient sous silence leurs pratiques d'optimisation fiscale, voire de fraudes, pour échapper à l'impôt[124]. Pour leurs promoteurs, c'est au contraire la preuve de la capacité des dirigeants d'entreprise à assumer, sans réglementation supplémentaire, des défis sociétaux. Les controverses sur la définition de la RSE et le contrôle de la réalité des pratiques participent donc d'une redéfinition de la conception actionnariale de l'entreprise, au niveau national et multinational (voir la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale sur le devoir de vigilance des sociétés-mères à l'égard de leurs filiales), et plus largement d'une reconstruction du contrat social[125].
Dans Le capitalisme est-il moral ?, André Comte Sponville dénonce la mode de l'éthique d'entreprise en ces termes : « Autour de la mode de l’éthique d’entreprise … à force de mettre la morale et l’éthique à toutes les sauces, à force de vouloir qu’elles soient présentes absolument partout (et en plus qu’elles soient rentables !), on finira par les diluer et par les instrumentaliser tellement qu’elles ne seront plus présentes en vérité (dans leur austère et désintéressée vérité) nulle part. J’aime mieux distinguer un certain nombre de domaines différents, … d’ordres différents, et marquer entre eux, le plus clairement possible, certaines limites … car se poser la question de savoir ce qui n’est pas permis, c’est se poser le problème des limites »[126].
L'Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE) a organisé le 21 janvier 2020 un colloque intitulé « Faut-il tuer la RSE ? » Sont visées notamment les pratiques de greenwashing (écoblanchiment), les fortes inégalités de salaire des entreprises du CAC 40, etc.[127].
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