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La notion de « piège écologique » peut avoir plusieurs sens :
On parle de piège écologique quand l'attractivité d'un habitat augmente anormalement, par rapport à sa valeur pour la survie et la reproduction de l'espèce ou d'une communauté d'espèces. Le résultat est une « préférence contrainte » pour un habitat inadéquat mais rendu faussement et artificiellement attrayant par l'Homme. Ceci se traduit conjointement - à une certaine échelle - par un évitement général des habitats de haute qualité éventuellement présents à proximité.
Souvent ces pièges sont discrets : par exemple, délaissant un habitat de qualité disponible à proximité, des poissons littoraux peuvent être attirés par une arrivée d'égout riche en nutriments mais aussi en pathogènes et polluants.
Certains oiseaux préfèrent les jardins urbains à des milieux assez semblables disponibles. Leur succès de reproduction ne semble pas affecté mais leur taux de parasitage est doublé[5]. La souris à pattes blanches se reproduit mieux en Amérique du Nord dans les forêts les plus fragmentées mais ces souris sont alors bien plus nombreuses à être parasitées par des tiques et plus nombreuses à véhiculer la maladie de Lyme transmise par ces parasites. Dans ces deux derniers cas, le seuil au-delà duquel les inconvénients l'emportent sur les avantages ne semble pas atteint mais la question se pose prospectivement des impacts de ce parasitisme exacerbé.
Ce concept découle de l'idée que la plupart des organismes animaux mobiles (hormis quelques espèces ubiquistes) sont « spécialisés ». Ils sont génétiquement programmés pour rechercher préférentiellement des habitats leur convenant (qu'ils peuvent parfois ensuite aménager et considérablement modifier comme le castor qui crée des zones humides grâce à ses barrages).
Dans le même temps, ces organismes fuient certaines conditions que leur instinct les pousse à trouver menaçantes ou répulsives (ainsi de nombreuses espèces cavernicoles, du sol ou xylophages (à l'état de larve dans ce dernier cas) fuient la lumière). Parmi les espèces nocturnes, certaines fuient la lumière à toute heure du jour ou de la nuit, d'autres fuient la lumière le jour, mais sont irrésistiblement attirées par un éclairage artificiel la nuit.
Les individus de chaque espèce réagissent à certains stimuli et indices fournis par l'environnement (dont température, pH, salinité, hygrométrie, odeurs ou présence de certaines molécules (phéromones…), couleurs, textures, luminosités, polarisation de la lumière, sons, chants, présence d'espèces associées ou symbiotes, etc.). Cette réaction est instinctive, primaire et immédiate, ou plus élaborée et complexe pour les espèces plus « évoluées ». Dans la nature, ces stimuli aident chaque espèce à identifier les habitats leur convenant le mieux. Ces stimuli varient selon l'espèce, et au sein de certaines espèces selon le stade d'évolution de chaque individu (larve, adulte, individu en migration ou à la recherche d'un lieu de reproduction, d'estivation ou d'hibernation, etc.).
Une hypothèse sous-tend la notion de piège écologique : cette hypothèse est que certaines modifications anthropiques de l'environnement peuvent leurrer de nombreuses espèces, en changeant ou perturbant leurs repères naturels (instinctifs ou appris).
Les espèces ainsi leurrées peuvent être alors attirées et piégées dans un habitat de mauvaise qualité ou dangereux pour elles (milieux les exposant par exemple à être affaibli par un manque de nourriture, la pollution ou une surprédation). Ceci peut aussi concerner les modifications anthropiques de l'environnement nocturne par l'éclairage artificiel qui perturbe à la fois des espèces nocturnes ou diurnes. De tels pièges peuvent coexister à différentes échelles spatiales ; des grands paysages aux micromilieux.
D'apparentes « maladaptations »[6] ou erreurs fatales d'appréciation ou de choix par une espèce d'autres facteurs que le choix d'un habitat existent aussi, constatées dans tout contexte comportemental (non-évitement des prédateurs par exemple, ou mauvais choix de conjoint, erreur de navigation lors de la migration, choix inadapté de sites de nourrissage, etc.). Ces erreurs peuvent parfois être fatales pour l'individu ou l'espèce. Des auteurs comme Schalepfer[7] estiment que les pièges écologiques pourraient être classés comme sous-ensemble de phénomènes plus larges de pièges évolutifs (« evolutionary traps »), voire de culs-de-sac évolutif ?.. à la nuance près qu'ils seraient aujourd'hui le plus souvent créés par l'homme qui artificialise son environnement.
Les biologistes parlent de piège écologique lorsque des individus d’une espèce voire de plusieurs taxons, se fiant à des indices trompeurs généralement associés à une activité humaine, colonisent un habitat qui se révèle finalement inadapté à leur survie.
Ce concept a été introduit en 1972 par Dwernychuk et Boag[8] puis de nombreuses études ont suivi, qui suggèrent que ce type de piège est assez courant et presque toujours causé par des modifications anthropiques des habitats naturels[9],[7],[10].
De nombreux indices ont permis de mettre en évidence ou suspecter de tels pièges, essentiellement dans des habitats modifiés par les activités humaines et parfois dans la nature[10].
Les preuves permettant d'étayer cette hypothèse théorique ont été de deux types[10] :
Les conséquences écologiques et démographiques de ce type de comportement de sélection d'habitats inadaptés par une ou plusieurs espèces ont d'abord été étudiées dans le cadre de la « théorie source/puits » qui est un des fondements de l'écologie du paysage.
Cependant, l'impact à vaste échelle des pièges écologiques varie pour chaque espèce. Dans les cas graves, des impacts indirects et différés sur de vastes communautés écologiques et donc sur les écosystèmes sont inévitables, mais sont encore mal évalués, tant par les modélisations qu’in situ, notamment parce que les pièges écologiques sont induits par la conjonction de facteurs environnementaux nouveaux, avec des comportements parfois méconnus, intrinsèquement propres à chaque espèce[9].
Robertson et Hutto ont en 2006 estimé qu'il existe « deux grands types de pièges écologiques et trois mécanismes par lesquels ces pièges peuvent être créés » (y compris, mais a priori rarement dans la nature, à moins qu'ils ne soient difficiles à détecter ou confondus avec des culs-de-sac de l'évolution)[9].
Ces nouveaux paysages, anthropisés (voir degré de naturalité) continuent d'attirer des oiseaux qui sont victimes de prédation accrue des nids[18], d'empoisonnement par les pesticides ou parfois, dont les portées sont tués par les faucheuses, moissonneuses ou autres engins agricoles (accidents fréquents pour certains busards par exemple). Les cultures monospécifiques à large échelle n'offrent de plus qu'une ressource alimentaire très brève dans le temps pour les abeilles, oiseaux et autres granivores notamment.
Plusieurs facteurs, indépendants ou combinés, ont été incriminés : les attaques d’agents pathogènes et d’espèces parasites comme le varroa (première cause de mortalité), le frelon asiatique (Vespa velutina), le petit coléoptère des ruches (Aethina tumida) et l’acarien (Tropilaelaps), les virus, l’agriculture intensive avec l’utilisation de pesticides, les organismes génétiquement modifiés (OGM) et les changements environnementaux comme la fragmentation et la perte des habitats, les mauvaises pratiques apicoles, ainsi que la malnutrition voire la famine des abeilles[19].
On a longtemps cru que la lumière attirait les insectes qui tournoyaient alors autour de certaines sources lumineuses mais chacun pouvait constater que certaines lampes ou certains luminaires les attiraient bien plus que d'autres[26].
Des expérimentations récentes ont montré que pour attirer les insectes aquatiques qui y sont sensibles, il faut que la lumière soit polarisée d'une certaine manière à sa source, par un filtre naturel comme les nuages, ou artificiel, comme un réflecteur ou une surface réfléchissante (eau ou matériau artificiel polarisant).
Dans la nature, les premières sources de polarisation de la lumière solaire sont les nuages qui agissent comme un filtre polarisant et la réflexion sur l'eau (ou pour les espèces subaquatiques la pénétration des rayons dans l'eau)[30]. Les implications éco-physiologiques du bouleversement causé par l'homme en introduisant un grand nombre de surfaces et matériaux polarisant dans son environnement sont encore discutés[30],[26], mais on sait qu'outre les papillons de nuit et quelques oiseaux, les insectes des zones humides en sont gravement victimes, qu'il s'agisse d'insectes totalement subaquatiques (Corixidae, Notonectidae, Pleidae) ou d'insectes dont le stade adulte est totalement aérien (éphémères) ou encore d'insectes qui vivent en « marchant » sur l'eau (Gerridae) ou à proximité de l'eau (Saldidae)[30]. Beaucoup de coléoptères vivant dans les zones humides sont attirés par la lumière polarisée. Certains appartiennent à des espèces aquatiques (Hydrophilinae, Dytiscidae, Haliplidae, Hydraenidae) mais d'autres ne font que coloniser des substrats humides (Hydrophilidae). D'autres insectes liés à l'eau sont également affectés comme les Chironomidae parmi d'autres Nematocera[30]. Lors des expériences faites par Rudolf Schwind, aucune de ces espèces ne s'est montrée attirée par une lumière non-polarisée, même lorsqu'elle est émise à des intensités beaucoup plus élevées que celles qui les attirent lorsque la lumière est polarisée[30].
Rudolf Schwind distingue [30] trois groupes (selon la réaction des insectes attirés par la lumière) :
Et certaines espèces du genre Helophorus se comportent au printemps comme les membres du 1er groupe et à l'automne, comme les membres du second groupe[30].
La polarisation de la lumière solaire est perçue et utilisée par de très nombreux animaux, dont de nombreux insectes, pour se repérer dans l'espace et détecter les surfaces en eau[27].
Au moins 300 espèces de libellules, éphémères (dont la mouche de mai), trichoptères, mouches tabanidés, coléoptères comme dytiques et punaises d'eau et d'autres insectes aquatiques détectent la lumière polarisée. Il y a des centaines de millions d'années, l'évolution a doté ces insectes de capteurs (et parfois de réflecteurs) qui leur permettent de percevoir et analyser la polarisation de la lumière solaire filtrée par l'atmosphère ou réfléchie par l'eau ou les nuages. Ceci leur permet de rechercher et trouver les plans d'eau dont ils ont besoin pour s'alimenter et se reproduire [27],[30],[31].
Palingenia longicauda (Olivier 1791) est le plus grand éphémère d'Europe, inféodé à la rivière Tisza qui coule entre deux hautes ou épaisses ripisylves. P. longicauda est une espèce géographiquement très peu mobile hors de l'eau. Lors de l'émergence et de l'essaimage, ces éphémères ne quittent jamais la surface de l'eau et ses abords immédiats alors que d'autres espèces d'Ephemeroptera s'éloignent de l'eau pour y revenir guidé par la polarisation horizontale de la lumière qui s'y réfléchit (polarotaxie). P. longicauda P. ne s'éloignant pas de l'eau, on pourrait penser qu'il n'a pas besoin d'être sensible à la polarisation de la lumière. Or, sur le terrain si des individus sont artificiellement déplacés près de matériaux artificiels polarisant la lumière à l'horizontale, ces derniers les attirent effectivement ; le polarotactisme semble donc universel chez les éphémères. Ceci explique aussi pourquoi l'asphalte mouillé de la route proche de la rivière attire ces insectes[32].
Depuis la révolution industrielle, l'humanité a bouleversé son environnement et y a introduit de nouveaux matériaux comme l'asphalte des routes, des matériaux plus lisses et réfléchissants que ceux existant dans la nature (pierre polie comme le marbre des pierres tombales [33] ou de certaines façades, des peintures émaillées brillantes (des voitures notamment), des métaux brossés ou polis, certains plastiques ou bâches en plastique, les vitres et verres teintés ou réfléchissant et polarisant la lumière [34]).
Cette polarisation artificielle de la lumière solaire (ou d'éclairages artificiels la nuit) semble être confondue avec celle produite lors de la réflexion de la lumière sur ou dans l'eau, par de nombreuses espèces d'insectes, et par certains oiseaux d'eau [31] ;
Là où ils existent encore, on a observé des femelles d'Éphéméroptères (Hydropsyche pellucidula par exemple, sur les bords du Danube) massivement pondre sur des vitres verticales : au laboratoire, cette espèce se montre attirée par la lumière polarisée horizontalement qui est très stimulante pour la région ventrale de son œil (polarotaxie positive). In situ, la lumière polarisée par des vitres verticales noires a été plus attrayante pour les femelles et les mâles alors que le verre blanc était faiblement polarisant. La polarimétrie par vidéo permet de mesurer les caractéristiques de la lumière réfléchie par les bâtiments qui les attirent le plus. À l'émergence, H. pellucidula est attiré par les bâtiments les plus sombres quand ils sont équipés de verre réfléchissant ou émettant une lumière polarisée horizontale. Après le coucher du soleil, cette attraction peut être renforcée par phototaxie positive suscitée par les lumières intérieures des bâtiments. La nouveauté de ce phénomène écologique médié par l'œil est que certains insectes peuvent confondre une paroi verticale avec une surface en eau et tenter d'y pondre leurs œufs[35], ou sur le macadam des routes (parfois en groupe important) près de leur site d'émergence [31].
On a d'abord cru que ces insectes étaient trompés par des routes mouillées par la pluie (et c'était peut-être parfois le cas), mais le phénomène se produit aussi sur du goudron sec, sur des objets peints, des bâches plastique noires; et parfois sur des carrosseries ou vitres de voitures [31]. On a récemment montré que l'asphalte était un piège écologique pour ces espèces [31],[26]. Ceci a été confirmé avec l'asphalte pur, par l'observation d'une partie des plus de 900 mares et lacs de pétrole créés dans le désert du Koweït à la suite de la guerre du Golfe[36]. Beaucoup de ces nappes de pétrole existaient encore plusieurs années après la fin de la guerre (encore visible sur Google earth pour certains). Ils se sont avérés être des pièges mortels pour des millions d'insectes [37] et d'autres espèces ; la baisse du niveau de ces lacs s'est accompagnée de la formation de bandes d'accumulation de cadavres d'insectes (libellules et coléoptères) traduisant les arrivées printanières et automnales de ces insectes. On a par exemple observé en octobre 94 et septembre 95 des arrivées massives d'æschnes dont les femelles sont mortes en tentant de pondre à la surface du pétrole (Kriska et al. 1998, 2006a, 2007, 2008; Horváth et al 2007, 2008..) →.
De mesures ont montré que la lumière solaire (ou artificielle) réfléchie par ces surfaces composées de matériaux qu'on peut qualifier de « polarisants artificiels » peut même parfois être plus fortement polarisée que celle de la lumière réfléchie par l'eau, attirant ou perturbant les insectes aquatiques dits 'polarotactiques' à la recherche de plans d'eau (Horváth Zeil et 1996 ; Horváth et al 1998 ; Kriska et al 1998).
On observe ainsi parfois des libellules, des éphémères, des trichoptères et d'autres espèces (certains papillons) s'accouplant ou pondant sur le matériau lui-même. Si l'œuf ne meurt pas rapidement déshydraté au soleil, les larves n'ont de toute façon aucune chance de survie. Dans le désert du Koweït, différentes espèces de coléoptères (dysticidae, belostoma sp., Nepidae, Heteroptera), mais aussi des criquets (Gryllotalpidae, Orthoptera) et aussi des mouches sphingidae, des papillons Vanesse, des araignées solifugidées, des scorpions, des reptiles, oiseaux et mammifères sont ainsi attirés et piégés par les mares de pétrole. En hiver et au printemps, quand il a plu, c'est le film d'eau accumulé au-dessus du pétrole qui attire les hérons et aigrettes alors piégées par le pétrole visqueux. Certains papillons semblent attirés par les bordures de la surface en eau et s'engluent dans le pétrole).
Le pétrole n'est pas transparent, et ses pigments bruns et noirs absorbent une grande partie de la lumière. Il a néanmoins un indice de réfraction de la lumière plus important que celui de l'eau ; 1,39 à 1,49 pour le pétrole (selon sa composition), contre 1,3 pour l'eau claire pour la partie centrale de la bande du spectre visible). De plus, sa forte viscosité limite les effets de distorsion produits sur l'eau par le vent. Des photographies prises dans la bande des 450 nm montrent clairement une polariation de la lumière par les lacs de pétrole supérieure à ce que serait celle d'une surface équivalente en eau, avec une incidence de 75° par rapport à la verticale, qui attire plus encore les insectes.
Des réservoirs de déchets de pétrole sur bâches plastiques ont les mêmes effets. Ils attirent plus les libellules que l'eau[38]. Ceci a été étudié sur une zone composée de 5 bassins recueillant du pétrole dans la banlieue de Budapest[39] (dans une zone où aucune pièce d'eau n'est présente à moins de 3 km). Ces réservoirs sont des pièges mortels pour de nombreux oiseaux et insectes aquatiques depuis plus de 50 ans)[39]. On y a montré que même une petite tache de pétrole de quelques millimètres d'épaisseur et de quelques décimètres carrés de surface pouvait attirer et piéger des insectes aquatiques.
Les paléontologues connaissent d'ailleurs des mares naturelles d'asphalte qui ont massivement piégé des insectes (et quelques autres animaux) durant des millions d'années. Le site le plus connu est celui de La Brea Tar Pits à Rancho La Brea au cœur de Los Angeles[40] où 95 % des cadavres englués dans cet affleurement naturel de pétrole sont des insectes. Des sites similaires sont connus à Starunia (Ex-Pologne/Ukraine ; où Angus (1973) a trouvé[41] un grand nombre de coléoptères aquatiques noyés dans le pétrole, appartenant au genre helophorus), à Talara (Pérou), dans le lac d'asphalte de Binagadin[42] (près de Bakou en Azerbaïdjan). Une partie de ces insectes ont été attirés par ces zones quand elles étaient couvertes d'eau après les pluies, une autre est formée d'insectes attirés par la lumière polarisée proche de l'horizontale, facilement perçue de loin par les insectes (mieux que s'il y avait eu de l'eau qui polarise la lumière vers la verticale). Nombre des insectes les plus sensibles sont d'ailleurs des insectes qui émergent ou volent à la tombée du jour (quand le soleil produit une lumière rasante) ou de nuit.
À Budapest[réf. souhaitée], en automne, les libellules, mouches de mai, coléoptères aquatiques et certains papillons sont piégés en masse, au moment de leur migration ou de leur reproduction. La plupart plongent directement dans le pétrole et s'y piègent immédiatement alors que les mouches de mai s'y font piéger au moment de la copulation ou en cherchant à y déposer leurs œufs. L'étude des cadavres englués dans le pétrole montre que les insectes aquatiques sont les plus nombreux à y être piégés (éphéméroptères, trichoptères et Corixidae surtout à Budapest). Les diptères nématocères sont les plus fréquents (dont 44 % étaient des chironomidés). Les hyménomptères sont également fréquents (colonies de fourmis essentiellement). Si quelques gros insectes terrestres comme les mantes religieuses et Oryctes nasicornis holdhausi ou aquatiques (ex : Hydrophilus piceus) trouvent assez de force pour gagner la rive, ils y sont aussi trouvés morts.
Les auteurs de ces études ont aussi observé (souvent au coucher du soleil) des comportements similaires sur des bâches plastiques (bâches de couleur noire uniquement), des plastiques noirs ou sur l'asphalte routier qui attiraient par exemple des femelles de Perla burmeisteriana ou des mâles de Namoura cinerea ou encore de femelles de trichoptères [39]. Ils forment alors des proies idéales pour leurs prédateurs qui les repèrent très facilement.
Certains insectes, appartenant à quatre grandes familles semblent particulièrement plus vulnérables à l'attraction par les bâches plastiques noires :
Ces insectes présentent sur les bâches des comportements particuliers de vol, pose et réenvol, d'exploration du substrat ainsi que des comportements natatoires, de reptation, de reproduction (accouplement et ponte).
D'autres insectes (mouches, abeilles, guêpes et libellules) sont attirés par ces bâches noires mais provisoirement et sans s'y laisser mourir.
Selon les cas et les impacts considérés, les effets des pièges écologiques peuvent être directs et indirects, immédiats et différés, évidents ou très discrets, lents ou rapides, et ils peuvent ne toucher que quelques espèces ou au contraire des communautés entières.
Il est en outre possible que dans les milieux très anthropisés (villes, ports, zones industrielles, étendues d'agriculture intensive ou de sylviculture…), différents types de pièges écologiques puissent additionner leurs effets.
Il reste beaucoup d'incertitudes quant à l'ampleur de ces impacts et à leurs éventuelles évolutions dans le temps (certains de ces pièges pourraient peut-être finir par susciter des réponses évolutives). Toutefois aucun indice ne laisse penser que cela soit souvent le cas, et étant donné le rythme accéléré des changements écologiques entraînés par le changement d'affectation des terres, les dérèglements climatiques, les invasions biologiques, et les changements rapides de communautés écologiques résultant de la perte des espèces, les pièges écologiques pourraient être une menace croissante et très sous-estimée pour la biodiversité[9].
Les modèles disponibles ne peuvent pas encore prédire toutes les conséquences de ces pièges aux échelles globales et écosystémiques, mais des études théoriques [44],[45] et empiriques [8],[11] ont montré que - en situation de piège écologique - les erreurs d'appréciation sur la qualité des habitats commises par des espèces peuvent conduire à des chutes importantes d'effectifs voire à l'extinction, dont en raison de l' Effet Allee.
Pour mieux analyser les conséquences des pièges écologiques, les scientifiques cherchent aussi à comprendre leurs conséquences indirectes et effets annexes :
Ainsi, et à titre d'exemple, il est inutile de protéger quelques jardins à papillons nocturnes dans une ville, si par ailleurs, des éclairages permanents et trop visibles à proximité les attirent en empêchant leur reproduction ou en permettant aux chauve-souris de tous les manger. De même, un jardin sans pesticides ne sauvera pas les lucioles ou les vers luisant, si l'environnement nocturne n'est pas épargné par la pollution lumineuse.
La pollution lumineuse peut aussi localement avoir des impacts sur la flore forestière, par d'autres sources que des lampadaires. Ainsi le torchage utilisé par les installations pétrolières et gazière produisent une flamme et une lumière qui peut attirer les papillons nocturnes de loin, et perturber l'environnement nocturne. Des conséquences indirectes sur la flore locale sont suspectées via la disparition locale de pollinisateurs (quand ils viennent massivement se brûler dans la flamme). Le secrétariat de la convention sur la diversité biologique (CDB de l'ONU), le Secrétariat de la CDB cite[46] l'exemple suivant à propos des papillons nocturnes de la famille des « sphinx » qui « pollinisent divers arbres et plantes dans les forêts. Chaque espèce de ces papillons de nuit pollinise une seule espèce végétale, ce qui revient à dire que si un type particulier de papillon est absent, les plantes qui dépendent d’elle ne pourront être pollinisées et par conséquent, ne pourront se reproduire. Récemment, un taxonomiste travaillant dans une forêt tropicale a remarqué que la torche d’une raffinerie de pétrole voisine attirait et tuait ses papillons mites par centaines. Considérant le nombre d’années depuis la mise en activité de cette raffinerie, on peut estimer le grand nombre de mites tuées, et le nombre de plantes non pollinisées compte tenu de la vaste superficie de la forêt (voir Dette écologique). Sans pouvoir dire ce que ces papillons étaient, cette importante information n’aurait pu être accessible et aucune mesure de réparation n’aurait été prise »[46]. Des effets indirects sont également suspectés pour les chauve souris ou d'autres insectivores qui consommaient ces papillons.
Il existe un problème annexe et important pour la gestion des milieux naturels et pour ceux qui travaillent à produire des mesures compensatoires ; c'est que même si un habitat semble de haute-qualité et qu'il semble parfaitement adapté aux besoins supposés connus d'une espèce… s'il ne présente pas tous les signes nécessaires pour encourager sa colonisation par cette espèce, il ne sera pas colonisé ou sera sous-utilisé [47],[48],[49]; et s'il est proche d'un autre habitat fonctionnant comme un piège écologique, il sera déserté au profit de ce dernier, en risquant à terme de faire disparaitre l'espèce, au moins localement. Des méthodes scientifiques commencent à être proposées pour détecter de tels pièges [50]
Alors qu'ils développaient et affinaient la théorie du piège écologique, les chercheurs ont constaté que ces pièges pouvaient fonctionner sur une grande variété d'échelles spatiales mais aussi sur des échelles temporelles avec des rythmes variés, ce qui peut nuire à leur détection (voir dette écologique).
Par exemple chez certains oiseaux marins (macareux, pétrels…), c'est au moment du premier vol du poussin vers la mer que ce dernier est attiré par les lampadaires les plus proches au lieu de voler vers la mer ; Le poussin ayant rapidement épuisé ses réserves d'énergie meurt au sol, le plus souvent mangé par un chat ou un chien ou un autre prédateur. Les oiseaux adultes ne sont plus victimes de cette attraction fatale. De même pour la jeune tortue marine au sortir de l'œuf.
Par exemple, un modèle récent (2011-2012) basé sur l' équation de Price suggère de différencier deux types de perturbations, car selon ce modèle, les pièges résultant de la dégradation d'habitats existants sont plus fortement susceptibles de faciliter l'extinction des espèces concernées que l'addition de nouveaux habitats-pièges dans l'environnement[52].
Les pièges écologiques n'ont pas encore été assez finement analysés pour qu'on ait pu construire une grille de critères ou d'indices certains pour tous les types de situations. L'incertitude provient aussi de la difficulté pratique qu'il y a à identifier les critères qui font que des organismes sauvages choisissent (ou évitent) un habitat.
Les apports récents de la littérature scientifique sur des pièges écologiques fournissent les premières lignes directrices[9] utiles pour identifier l'existence de pièges écologiques.
On estime qu'il y a piège écologique quand les deux conditions suivantes sont conjointement réalisées :
Plusieurs conséquences sont à tirer de ces principes
En agriculture, la lutte intégrée et/ou biologique construit des sortes de pièges écologiques en alternative à certains usages des pesticides ; par exemple, en associant à une culture de rente une plante « chasseuse » et à proximité d'une plante « charmante » (sacrifiée, qui sert de « piège » (attire l'espèce indésirable, en facilitant une prolifération plus rapide des prédateurs ou parasites cette espèce indésirable), permet un système dit push-pull (chasser-charmer)[55].
Elles consistent à supprimer l'effet piège, ou à l'atténuer en permettant aux organismes concernés d'en sortir plus facilement.
Les pièges écologiques et évolutifs conduisent à des baisses de population et parfois à des disparitions d'espèces. Ce sont donc des enjeux importants pour la recherche, notamment en biologie de la conservation ? Dans un contexte d'anthropisation rapide de la planète, aux niveaux mondiaux et locaux, ces pièges pourraient devenir de plus en plus nombreux et communs. Comment mieux les repérer, les prévenir ou au moins en atténuer ou éviter les effets sur la biodiversité.
Les phénomènes de pièges écologiques et évolutifs sont encore mal compris. Ils posent de nombreuses questions encore sans réponse, notamment quant à leurs causes et impacts ultimes.
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