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écrivain, homme politique et agronome français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Nicolas François, dit François de Neufchâteau, puis comte François de Neufchâteau, est un écrivain, homme politique et agronome français, né à Saffais (duché de Lorraine) le et mort à Paris le .
Remarqué à Neufchâteau dès le collège pour ses poèmes précoces, ce qui lui vaut la reconnaissance de plusieurs académies, il suit une carrière juridique pour s'assurer un revenu plus stable que celui de sa plume. Avocat, puis magistrat, il veut voir du pays et devient, entre 1783 et 1787, procureur général auprès du Conseil supérieur du Cap Français, à Saint-Domingue. Après un retour mouvementé assorti d'un naufrage, il est pris dans les tourbillons de la Révolution et commence à avoir des responsabilités locales (dans les Vosges), puis nationales.
Député à l'Assemblée législative entre 1791 et 1792, sa modération le pousse à la prudence sous la Convention. Il est néanmoins emprisonné plusieurs mois sous la Terreur. Par deux fois ministre de l'Intérieur sous le Directoire, il est brièvement l'un des cinq directeurs entre 1797 et 1798. Celui qui se fera qualifier de « girouette » à la Restauration devient sénateur un mois après le coup d'État du 18 Brumaire. Sous l'Empire, il est pendant deux ans (1804-1806) président du Sénat conservateur, assemblée toute dévouée à Napoléon. Sa carrière culmine lorsqu'il est créé comte de l'Empire en 1808. Il parvient à tirer son épingle du jeu lors du retour de Louis XVIII en conservant son fauteuil à l'Académie française.
Administrateur sage et éclairé, c'est pour ses poèmes que François de Neufchâteau pensait pouvoir passer à la postérité. Il n'est toutefois considéré que comme un « habile rimeur », produit par excellence du XVIIIe siècle. Sa passion pour l'agronomie et l'industrie, qui lui fit ressusciter les comices agricoles et instituer la première « exposition publique des produits de l'industrie française », peut être finalement considérée comme sa contribution la plus marquante.
Né à Saffais (un village d'une centaine d'habitants au sud-est de Nancy) le , Nicolas François[1] « de Neufchâteau » est le fils de Nicolas François, « régent d'école », et de Marguerite Gillet. Nicolas François père était originaire de Barbonville, tout près de Saffais, où son père était lui aussi maître d'école ; Marguerite Gillet était née à Balléville, à une dizaine de kilomètres à l'est de Neufchâteau, mais sa famille avait des racines dans le Bassigny, où un lointain ancêtre était fondeur de cloches. À la naissance de son fils en 1750, Nicolas François est en fonction à l'école de Saffais, avant d'être transféré deux ans plus tard à Rouceux, un village jouxtant Neufchâteau. Il y reste jusqu'en 1758, date d'un nouveau transfert à Liffol-le-Grand, à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de cette même ville. Vers 1773, Nicolas François père abandonnera son école pour devenir receveur du grenier à sel de Vrécourt, à une vingtaine de kilomètres au sud de Neufchâteau. Il y sera aussi « receveur des traites foraines[2] » et contrôleur des actes à l'église Saint-Martin de Vrécourt[3].
Le déplacement de Nicolas François père à Vrécourt peut s'expliquer par les relations que celui-ci entretient d'une part avec Claude-Antoine Labbé, comte de Morvilliers (le nom porté par Liffol entre 1725 et 1778[4]), baron de Beaufremont et de Vrécourt, et d'autre part avec Pierre d'Alsace-Hénin-Liétard, bailli d'Alsace[5] et commandeur hospitalier de Robécourt, village proche de Vrécourt. Le premier signale au second la précocité qu'il a décelée chez le jeune François, et le bailli d'Alsace, qui réside à Neufchâteau, s'intéresse suffisamment à lui pour le pensionner et le faire admettre en 1764 au collège de la ville[6],[7].
Entrant en seconde à l'âge de 14 ans, François est déjà capable de composer des poèmes dignes d'éloges, tel que celui dans lequel il exprime sa reconnaissance à son bienfaiteur[8] :
« ... Mais ma plume est peu faite au langage des dieux,
Ma plume se refuse à ma louable envie,
Permettez cependant que j'ose à tous les yeux
Offrir de vos bontés le tableau précieux... »
— François de Neufchâteau, Poésies diverses (1765)
En 1765, âgé d'à peine 15 ans, il publie son premier recueil de poésie, Poésies diverses, une plaquette de 44 pages. Le bailli d'Alsace produit l'extraordinaire enfant-poète, l'emmenant avec lui au château d'Agey, près de Dijon, puis à Lyon et Marseille. Malgré son jeune âge, les académies de ces trois villes l'accueillent en leur sein[9]. L'année suivante, le triple académicien publie un nouvel ouvrage de poésie, Pièces fugitives, cette fois d'une centaine de pages, où il accole pour la première fois de Neufchâteau à son patronyme[10]. Se payant d'audace, il envoie son livre à Voltaire en l'accompagnant d'une épître de dédicace. La rapide réponse du « patriarche », elle aussi sous forme d'épître, se termine par ces vers flatteurs :
« Il faut bien que l'on me succède
Et j'aime en vous mon héritier. »
— Voltaire, Épître 98 : à Monsieur François de Neufchâteau (1766)[11]
Pour couronner le tout, le , l'« héritier » de Voltaire, qui vient de fêter ses 16 ans, est associé à l'académie fondée par le roi Stanislas à Nancy[12].
Entre 1767 et 1770, on le retrouve à Paris, où il se passionne pour le théâtre. Il tombe même amoureux de Sophie Arnould qu'il considère comme « la plus grande actrice de l'Europe[13] ». Celle-ci est cependant très courtisée, en particulier par le prince d'Hénin[14], un parent de Pierre d'Alsace, le protecteur de François, et elle s'amuse probablement des soupirs du jeune poète.
Peut-être par dépit amoureux, François se retire un temps à Moselly, charmante demeure que l'évêque de Toul a construite à Chaudeney, sur les rives de la Moselle[15]. En novembre 1770, il est nommé « professeur d'éloquence » au collège Saint-Claude, fondé l'année précédente par l'évêque[16], mais s'en trouve congédié au bout de quelques mois[17]. Il s'ensuit une période mouvementée au cours de laquelle François fréquente à Strasbourg la faculté de droit en y faisant « des études légères » l'espace d'un printemps, puis revient à Toul pour l'été, cette fois au séminaire. Mais, s'y estimant persécuté, et accusé d'y avoir introduit l'esprit de l'abbaye de Thélème, il abandonne vite l'état ecclésiastique[18].
De retour à Paris à l'automne 1771, il se fait recevoir docteur en droit à Reims « sans examen et sans finance » l'année suivante sur la recommandation du chancelier Maupeou. Ce grade lui permet de se faire inscrire comme avocat au parlement de Paris, puis d'acquérir en mai 1773 la modeste charge d'avocat du roi au très petit bailliage de Vézelise, à une vingtaine de kilomètres au sud de Nancy. Mais François connaît de grandes difficultés avec l'ordre des avocats, en ébullition à la suite de la « réforme Maupeou ». Cette réforme est abandonnée à l'avènement de Louis XVI en 1774. En juillet 1775, l'ordre reproche à François ses liens avec Simon Linguet et Ignace de Mirbeck, deux avocats de ses amis favorables à la réforme ; on lui fait aussi grief de son goût pour la poésie, faisant par là allusion à son Ode sur les parlements parue quatre ans auparavant. Mais c'est probablement son projet de mariage avec la fille d'un danseur, considéré comme une mésalliance par ses confrères, qui le fait rayer peu après du barreau de Paris[19].
Le , il épouse Marie-Madeleine Dubus, âgée de 17 ans, fille de feu Nicolas Dubus, ancien danseur de l'Opéra. Sa jeune épouse meurt malheureusement trois mois après, « perdue en cinq jours [...] [d']une fièvre putride ». Dans le même temps, il sollicite sa belle-mère pour acheter fort cher (40 000 livres, soit l'équivalent de 700 000 euros) la charge de lieutenant général civil et criminel du présidial de Mirecourt. Désormais domicilié dans les Vosges, il n'en rompt pas pour autant avec Paris. Il y fréquente les salons, et s'attache aussi à la fameuse loge maçonnique des Neuf Sœurs qui vient d'y être créée[20]. Au cours de ses voyages entre la capitale et Mirecourt, il se lie avec le docteur Pierre Thouvenel[21], inspecteur des eaux minérales de Contrexéville, qui vient de publier un mémoire sur leurs vertus. C'est François qui appelle l'attention d'une brillante clientèle sur les sources de Contrexéville, contribuant ainsi à l'essor de la station[22].
Malgré de belles apparences, François est dans une situation financière très instable, et il cherche à revendre sa charge de lieutenant général. Il se fait héberger, à partir de décembre 1780, par le prince de Condé et s'attaque à la traduction en vers de l'Orlando furioso de l'Arioste, remis à la mode par Voltaire[23]. Fin 1782, il se remarie à Mirecourt avec Marie Pommier, une veuve de 42 ans qui lui apporte en dot 36 000 livres : « Je crois avoir fait une fort bonne affaire », écrit-il assez cyniquement début 1783 à l'un de ses correspondants[24]. Pourtant, dès avant son mariage, François méditait de quitter la ville pour de lointains pays.
Le , ses vœux sont exaucés : le maréchal de Castries, secrétaire d'État de la Marine, le nomme procureur général au Conseil supérieur du Cap Français, à Saint-Domingue. Mais son voyage pour rejoindre son poste est très accidenté : sa voiture se brise non loin de Châtellerault ; à Angoulême, il s'empoisonne avec des champignons, et il tombe dangereusement malade à Bordeaux[25]. Arrivé au Cap Français en décembre 1783, il y connaît bien des déboires : le climat ne lui convient pas ; ses émoluments lui paraissent insuffisants ; il se trouve mal logé. Il accable le ministère de réclamations obsédantes, tandis qu'en Lorraine Mme François se morfond dans sa solitude. Dès novembre 1784, il tombe malade[26]. Il occupe ses loisirs non seulement en progressant dans sa traduction de l'Orlando furioso, mais encore, après avoir étudié l'économie de cette colonie et les moyens de la développer, en publiant quelques opuscules dont l'un (Mémoire sur les moyens de rendre la colonie de Saint-Domingue florissante) sera, dit-on[25], plus d'une fois consulté par Bonaparte.
Le , après avoir notifié au ministre la nécessité où il est de prendre un congé, il embarque sur une frégate pour rentrer en France. Le navire fait malheureusement naufrage un jour plus tard, et s'échoue sur les « rochers de Mogane[27] », au nord de Saint-Domingue. François raconte avoir passé plus de quatre heures dans sa cabine à demi-noyée, « au milieu des craquemens [sic] convulsifs du bateau couché sur le roc et dans lequel l'eau de la mer s'engouffrait de tous côtés ». Ses compagnons et lui restent sept jours dans le plus grand danger, « sans boire et sans manger, et les nuits couchés sur la dure, en proie aux légions d'insectes que le climat produit ». Un caboteur anglais ramène les naufragés au Cap, où François arrive « presque nu, brûlé par trois coups de soleil ». Dans le naufrage, il perd non seulement tout son bagage et sa fortune, mais encore sa traduction de 18 chants de l'Orlando furioso en plus de quarante mille vers décasyllabiques. Ce n'est qu'en juin 1787 qu'il obtient l'autorisation de définitivement quitter le Cap, avec une gratification de 3 000 livres[28] pour le dédommager de son naufrage[29].
De retour en Lorraine, il se retire à Vicherey, à une vingtaine de kilomètres à l'est de Neufchâteau, où sa femme possède des biens de son premier mari. Sans emploi, il vit en campagnard, occupant ses loisirs à faire des vers et de l'agriculture. Lors d'un voyage à Paris en mai 1788, il y compose Paméla ou la Vertu récompensée, une comédie en cinq actes s'inspirant des pièces de Carlo Goldoni plus que du roman éponyme de Samuel Richardson[30].
Il salue avec enthousiasme les prémices de la Révolution, et rédige en 1789 le cahier de doléances de Vicherey, qui sert de modèle à celui du bailliage de Toul dont le village dépend. Il échoue de peu pour se faire élire député aux États généraux, mais, à son instigation, 45 délégués du Toulois se réunissent le pour s'entretenir des différents problèmes se posant dans la partie rurale du bailliage. Le lieutenant de roi de Toul fait intervenir la maréchaussée pour interdire la réunion, et quatre personnes, dont François, sont brièvement arrêtées. Conduites à la prison de Metz pour y être incarcérées, elles sont libérées en chemin par le marquis de Bouillé, commandant de la province[31]. Élu pour quelques mois maire de Vicherey au début de 1790, il devient aussi, en milieu d'année, membre du conseil du département des Vosges nouvellement créé, et, quatre mois plus tard, juge de paix du canton de Vicherey[32]. Vexé cependant de n'avoir pas été élu à l'Assemblée constituante, François ronge son frein.
À l'issue d'une semaine de débats et de votes, l'assemblée électorale d'Épinal désigne François le comme le 8e et dernier député du département des Vosges[33] à l'Assemblée législative[34].
Nommé le premier des six secrétaires de l'Assemblée le [35], il se signale par son hostilité envers les prêtres réfractaires et l'Église catholique romaine en général, qu'il souhaite subordonner à l'État laïc, proposant la vente des édifices qui ne seraient point affectés au culte salarié et la suppression de la messe de minuit. Il provoque, le suivant, l'adoption de mesures de rigueur contre les prêtres insermentés qui suscitent des troubles dans les départements de l'Ouest. Il dit dans son rapport : « Il ne s'agit pas ici de contraindre les dissidents à reconnaître les prêtres citoyens et à entrer dans leurs églises, il s'agit de faire respecter la souveraineté nationale, de rendre hommage à l'ordre public. » Répondant à une objection, il ajoute que « seuls les prêtres de la religion catholique étaient et devaient être l'objet de mesures exceptionnelles, parce que leur état de célibat les mettait hors du commun des hommes, parce qu'ils disposaient de moyens extraordinaires pour influencer les esprits, et parce que enfin leur organisation était si solide qu'elle pouvait mettre en hostilité ouverte leur propre cause et celle du public[25]. »
Ce discours très applaudi lui vaut, quelques jours plus tard (26 décembre), la présidence de l'Assemblée, qu'il conserve jusqu'au [36]. Il fait encore, durant cette session, quelques apparitions à la tribune, notamment pour demander l'ajournement indéfini d'un projet sur la façon de constater l'état civil, et pour proposer de simplifier le régime des élections[25]. La fin de la Législative, marquée par les massacres de Septembre, est assez rude pour François, qui est malmené le alors qu'avec une délégation parlementaire il cherche à calmer la foule. Traîné dans les fossés de la prison de l'Abbaye, il est ramené chez lui[37] sans connaissance[38].
Le , le département des Vosges l'élit, 2e sur 8 députés, à la Convention nationale[39] ; prétextant des raisons de santé, il préfère ne pas y siéger et donne immédiatement sa démission, tout comme il refusera le mois suivant le portefeuille de la Justice auquel il sera désigné à l'issue d'un vote pourtant très favorable[38]. Il a cependant l'honneur, par délégation spéciale, de remettre, le [40], les pouvoirs de la Législative à la Convention[38]. Probablement échaudé par les violences subies le 2 septembre, il paraît dès lors vouloir prudemment se tenir à l'écart de la politique nationale.
Reprenant ses fonctions de juge de paix à Vicherey, il ne peut refuser en décembre 1792 la présidence de l'administration du département des Vosges[41]. Il se livre à la poésie, compose des fables « pour orner la mémoire des petits sans-culottes », et a la très mauvaise idée de faire jouer, au théâtre de la Nation (le futur théâtre de l'Odéon, où se produit alors la troupe des Comédiens-Français), la pièce qu'il a écrite 5 ans plus tôt, Paméla ou la Vertu récompensée. La première a lieu le , et la pièce est un vif succès. Mademoiselle Lange y triomphe dans le rôle de Paméla et met à la mode le chapeau de paille dit « à la Paméla »[25].
Mais certains passages de la pièce, pourtant écrits avant la Révolution, font douter de son patriotisme. Des corrections lui sont demandées ; il obtempère, mais cela s'avère insuffisant. À la huitième représentation, le [42], les deux vers :
« Ah ! les persécuteurs sont les seuls condamnables.
Et les plus tolérants sont les seuls raisonnables. »
— François de Neufchâteau, Paméla ou la Vertu récompensée (1788)
sont applaudis à outrance, avant qu'un patriote en uniforme ne se lève du balcon et ne s’écrie, indigné : « Pas de tolérance politique ! C’est un crime ! » Le public redouble de bravos, tandis qu'on chasse le perturbateur. Mais le lendemain matin, le théâtre est fermé sur ordre du Comité de salut public, et les comédiens emprisonnés[43]. François, apparemment malade, n'est incarcéré que le 25 brumaire an II () à la prison du Luxembourg, où il passe de longs mois en pensant bien être un jour guillotiné. Il n'est remis en liberté que le 18 thermidor an II (), quelques jours après la chute de Robespierre[44].
Le séjour en prison pendant la Terreur est pour François un certificat de bonne conduite. Ainsi, dès le 11 nivôse an III () est-il nommé membre du Tribunal de cassation, puis, fin , « commissaire du Directoire exécutif près l'administration centrale du département des Vosges[45] ». Quand ses activités administratives lui en laissent le loisir, François publie des brochures sur l'agriculture, mais il continue surtout à se livrer à la poésie. Le 25 pluviôse an V (), il devient correspondant de la classe de littérature et beaux-arts (section de grammaire) à l'Institut de France[46].
S'ensuivent alors, entre la mi 1797 et la mi 1799, deux années très mouvementées où François reprend un rôle au niveau national. Ses fonctions y sont parfois brèves (quelques mois, voire quelques semaines, comme le voulait l'époque) : ministre de l'Intérieur le 28 messidor an V () ; membre du Directoire exécutif du 23 fructidor an V () au 4 floréal an VI (), Directoire dans lequel il joue un rôle assez effacé, et qu'il quitte après le tirage au sort d'[47] ; ministre plénipotentiaire à Seltz en prairial an VI (mai-juin 1798) pour y rencontrer, en lieu et place de Bonaparte parti en Égypte, l'ambassadeur d'Autriche Cobenzl ; à nouveau ministre de l'Intérieur du 29 messidor an VI () au 4 messidor an VII ()[48].
Son départ du ministère de l'Intérieur à l'été 1799 a lieu alors que le régime est proche de sombrer : les élections du printemps ont amené un flot de Jacobins au Corps législatif[49], et le Directoire sanctionne François pour leur mauvaise organisation, et pour la répression dont il a fait preuve lors des événements du 30 Prairial. Destitué et renvoyé sans retraite, François est même contraint pour un temps de se cacher dans Paris[50]. Pendant son passage à l'Intérieur, il se signale cependant comme un véritable administrateur. Il contribue ainsi à la fondation des archives et des bibliothèques départementales, et du Dépôt général des cartes ; il institue les concours des collèges et des lycées ; il donne une grande solennité à la réception des objets d'art et des tableaux envoyés par Bonaparte en France lors de la Campagne d'Italie, et préside à la réouverture du Louvre, dont la principale galerie vient d'être rénovée[25].
Il favorise aussi la renaissance des sociétés d'agriculture[51], et cherche à protéger efficacement l'industrie française en organisant la première « Exposition publique des produits de l'industrie française » qui se tient du 18 au sur le Champ-de-Mars. Destinée à encourager les innovations tout en suscitant l'émulation entre les acteurs économiques, cette exposition se renouvellera annuellement jusqu'en 1849, avant l'ouverture de la première exposition universelle en 1851[25]. Mettant en pratique certaines de ses idées, il généralise l'usage des statistiques en transformant l'engouement pour celles-ci en « méthode de gouvernement »[52]. Il est aussi à l'origine de l'« enquête de l'an VII sur les écoles centrales[53] », qui vise à défendre ces écoles contre les critiques qui leur sont adressées[52].
Quand survient le coup d'État du 18 Brumaire (), François est sans fonction publique. Il est l'un des premiers à se rallier à Bonaparte, et cette promptitude à réagir lui vaut, sur la recommandation du consul Sieyès qu'il connaît de longue date, d'être désigné pour le nouveau Sénat le 1er nivôse an VIII ()[55]. Mieux : il devient l'année suivante secrétaire de cette assemblée[56], avant d'en être pour deux ans le président (29 floréal an XII ()). Depuis quelque temps, les honneurs affluent : légionnaire dès le 9 vendémiaire an XII (), il est appelé aux fonctions de grand trésorier de la Légion d'honneur le , quelques jours avant de devenir grand officier[25].
Depuis son élection à la Législative, François vivait séparé de sa femme qui lui reprochait — selon lui — son engagement révolutionnaire ; celle-ci avait fini par demander la séparation de biens, qui eut lieu à l'été 1800. Mais, le 18 thermidor an XII (), des malfaiteurs s'introduisent dans sa maison de Vicherey pour la voler : elle meurt étranglée[57]. « Chagriné [...] de l'effroyable catastrophe », il s'empresse de se remarier trois semaines après avec Marie Déard, qui lui avait déjà donné un enfant près de cinq ans avant[58]. Il adoptera le jeune garçon en 1811, peu de temps avant la mort de Marie Déard l'année suivante[59].
C'est François, en tant que président du Sénat conservateur, qui harangue Napoléon Ier le lors du sacre de l'Empereur. Le , il harangue à nouveau l'Empereur au nom du Sénat à l'occasion de la bataille d'Austerlitz. Au mois de juillet suivant, il échange la sénatorerie de Dijon, dont il était pourvu depuis le 2 prairial an XII (), contre celle de Bruxelles, et, en novembre de la même année, il se rend à Berlin féliciter Napoléon de ses nouvelles victoires et rapporter les trophées pris à l'ennemi.
Le , il est créé comte de l'Empire[60]. Il devient cette même année président de la Société centrale d'agriculture, faisant un rapport sur le concours ouvert pour le perfectionnement de la charrue et appelant l’attention des habitants de la campagne sur l’art de multiplier les grains et sur la culture du maïs. Il conservera cette présidence jusqu'à sa mort, donnant tous ses soins aux réunions de cultivateurs, et promouvant activement les comices agricoles.
Affecté par la mort précoce de sa troisième femme en [61], Neufchâteau se remarie trois ans plus tard avec Julienne Martzen, sa gouvernante[62]. Entre-temps, il s'est sagement retiré de la vie publique après l'abdication de Napoléon ().
Même s'il a aussi occupé ses années de sénateur à publier des essais politiques et historiques, telle son Histoire de l'occupation de la Bavière par les Autrichiens parue en 1805, c'est vers la poésie qu'il revient inlassablement. En , peu de temps avant que Napoléon ne débarque à Golfe-Juan, Neufchâteau présente ses Fables et contes en vers à Louis XVIII. Il a eu toutefois la décence de ne pas mettre dans ce recueil la fable écrite en 1792 où il assimilait la famille royale à une famille de fauves : Dom Porc (Louis XVI) y était uni à dame Panthère (Marie-Antoinette). Il n'en est pas à une palinodie près, ce qui lui fait mériter de figurer dans le Dictionnaire des girouettes[63] qui paraît la même année[64].
Cela lui vaut en tout cas d'être compris dans la réorganisation de l'Académie française de en conservant son fauteuil no 2. Il publie encore, l'année suivante un essai sur la langue française, où il commente certaines œuvres de Pascal. Dans l'hiver 1818, il loue les services du jeune Victor Hugo pour préparer une notice sur le Gil Blas de Le Sage qu'il lit ensuite effrontément à l'Académie en la faisant passer pour sienne[65]. Hugo ne lui en tiendra pas rigueur, allant même jusqu'à citer Neufchâteau au début des Misérables pour sa marotte concernant la pomme de terre qu'il voulait baptiser parmentière en hommage à son promoteur[66]. Mais, quelque 1 000 pages plus loin, toujours dans Les Misérables, Hugo ne pourra s'empêcher de rappeler ce plagiat en transposant sa mésaventure sur le personnage de Marius, preuve qu'il en gardait finalement un amer souvenir[67].
De nouveau veuf depuis , Neufchâteau termine ses jours entouré de sa nièce, Mme Perrin, et de l'intendante de sa maison[68], mais se plaignant continuellement de ses soucis financiers :
« Dans un autre pays, un ancien ministre qui aurait fait ce que j'ai fait ne courrait pas le risque d'être sans asile sur ses vieux jours : la nation payerait ses dettes. »
— Nicolas François de Neufchâteau, Lettre à l'imprimeur Crapelet ()
Le , à l'âge de soixante-dix-sept ans, Neufchâteau meurt de la goutte, une maladie dont il est atteint depuis longtemps[69] et qui le cloue dans un fauteuil depuis déjà plusieurs années. Il repose au cimetière du Père-Lachaise, dans la tombe correspondant à la concession no 28-1828,[réf. nécessaire] XIe division, 2e ligne. Surmontant une simple dalle, une colonne d'un mètre de haut porte l'inscription : françois / de neufchateau / décédé le / 10 janvier 1828 / a l'age de / 77 ans / regrets éternels / de tous ses amis[70].
On doit à François de Neufchâteau un grand nombre de publications poétiques, politiques, littéraires et agronomiques. L'opinion générale est que ses poèmes « manquent de force et d'originalité, comme une large part de la production de son époque[25] ». Ses quatrains à visée éducative lui valurent même d'être surnommé ironiquement le « nouveau Pibrac » par Écouchard-Lebrun. Une large part de ses œuvres politiques recouvre la période où il fut par deux fois ministre de l'Intérieur, sous le Directoire. Ses travaux de critique littéraire — notamment ses éditions des Provinciales et des Pensées de Pascal, et du Gil Blas de Le Sage — ont été estimés en leur temps. Ses écrits pédagogiques, par exemple celui relatif à l'apprentissage de la lecture, sont d'une grande originalité pour l'époque[71]. Il fait la preuve d'un encyclopédisme confirmé avec ses travaux agronomiques, notamment avec les deux tomes de plus de 400 pages chacun consacrés à « l'art de multiplier les grains ».
Figure | Blasonnement |
Armes du comte François de Neufchâteau et de l'Empire
De sinople, au cygne d'argent, surmonté de trois épis d'or (rangés en fasce, à sénestre du chef) ; franc quartier des comtes-sénateurs[60],[74],[75],[76],[77]. |
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