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maître bushi et philosophe japonais De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Miyamoto Musashi (宮本 武蔵 ), de son vrai nom Shinmen Bennosuke (新免 辨助 ), né le à Ōhara-chō dans la province de Mimasaka et mort le [1], est un maître bushi, calligraphe, peintre reconnu et philosophe japonais, ainsi qu’une figure emblématique du Japon et le plus célèbre escrimeur de l'histoire du pays.
Son nom complet était Shinmen Musashi-no-Kami Fujiwara no Harunobu (新免武蔵守藤原玄信 ), Musashi-no-kami étant un titre honorifique (et obsolète) dispensé par la cour impériale le rendant gouverneur de la province de Musashi (dans la région de l'actuelle Tokyo). Fujiwara est le nom de la lignée aristocratique à laquelle il appartient. Harunobu était un nom cérémoniel, similaire à un prénom composé pour gentilhomme sinisé, notamment utilisé par tous les samouraïs de haut rang et les nobles. Son nom bouddhiste (nom de dharma) était Niten Dōraku[2].
Le grand-père de Miyamoto Musashi était un très bon escrimeur lié au clan Akamatsu par son seigneur Shinmen Iga-no-kami issu du clan Shinmen, qui en récompense lui permit de porter son nom de famille. C'est pourquoi Musashi a signé le Livre des cinq anneaux (Go rin no sho) du nom de Shinmen Musashi. Le père de Musashi était connu sous le nom de Muni[3]. Aujourd'hui, il est aussi connu sous le nom de Munisai, nom fictif qui est une création de l'écrivain Eiji Yoshikawa.
Pour des raisons obscures, peut-être à cause de la jalousie qu'il avait suscitée autour de lui, Munisai s'éloigna de l'entourage du seigneur Shinmen et se retira dans le village de Miyamoto-mura situé aux alentours. Il semble que Musashi y soit né et ce serait là l'origine du surnom qui lui fut donné : Miyamoto Musashi. Cependant, au tout début du Rouleau de la terre, dans le Go rin no sho, Musashi écrit : « Je suis né dans la préfecture de Harima » (une partie de l'actuelle Hyōgo). Son lieu de naissance est donc sujet à controverse.
Son père mourut alors qu'il était âgé de 7 ans. Des chercheurs japonais indiquent qu'il s'agirait plutôt de son beau-père. Selon une légende, Miyamoto Musashi se serait moqué de son père escrimeur et aurait fini par l'impatienter. Ce jour-là, Munisai était occupé à se tailler un cure-dent et, lassé des moqueries de son rejeton, il perdit son sang-froid et lança son couteau en direction de son fils qui esquiva l'arme de la tête. Encore plus furieux, Munisai aurait relancé la lame. Mais Musashi sut l'éviter à nouveau. Hors de lui, son père l'aurait chassé de son foyer, ce qui contraignit le petit à passer son enfance sous la tutelle de son oncle, moine et propriétaire d'un monastère.
Il combattit en duel et tua pour la première fois à 13 ans (contre Arima Kihei en 1596). Âgé de 16 ans, il participa à la bataille de Sekigahara (1600) qui vit la victoire de l'armée de Tokugawa Ieyasu. Engagé dans le camp des perdants, il fut laissé pour mort sur le champ de bataille mais survécut à ses blessures. Jusqu'à l'âge de 29 ans, il participa à une soixantaine de duels, la plupart avec un sabre en bois (bokken) alors que ses adversaires avaient de vrais sabres (nihonto).
Il défia et anéantit à lui seul la totalité de l'école d'escrime Yoshioka, en se battant contre 60 combattants ou davantage (certaines sources mentionnent qu'il aurait tué 79 disciples du style Yoshioka lors de l'escarmouche aux pieds du Pin Parasol, au temple d'Ichijō-ji de Kyoto). C'est là qu'il pratiqua pour la première fois — sans en avoir conscience — sa technique si célèbre des deux sabres qu'il développa ensuite. Son dernier duel (le plus fameux) eut lieu le contre l'autre plus grand escrimeur du Japon, Sasaki Kojirō, qu'il vainquit sur l'île de Funa, probablement grâce à un long bokken, qui aurait été taillé dans une rame du bateau qui l'y avait amené, mais les différents récits de cette bataille sont peu sûrs[4]. Aucune source fiable n'indique le nom de Sasaki. Il se pourrait qu'il se soit plutôt appelé Kojirō Ganryū. Musashi se rendit auprès de la famille des Hosokawa et notamment auprès du daimyo Hosokawa Tadatoshi, fidèle famille apparentée à celle du shogunat Tokugawa. Il y entra uniquement à titre d'invité, ce qui expliquerait la solde relativement modeste qu'il toucha pour ses services[5]. Il arrêta ensuite les duels.
Dans aucun texte écrit par Musashi, il ne mentionne directement ses adversaires, mis à part Arima Kihei, le premier. Il ne nomme pas Sasaki Kojirō ou Shishido Baiken, pas plus que la famille Yoshioka, pourtant nombre d'entre eux sont restés célèbres, intégrés à sa légende.
Dans l'un de ses combats, Musashi affronte Nagatsune Hachiemon, un maître lancier au service de Tokugawa Yoshinao, de la province d'Owari. Après une conversation, ils décident qu'un duel serait inutile et, à la place, Nagatsune l'invite à disputer une partie au jeu de go contre son fils, ce que Musashi accepte. Pendant la partie, le fils de Nagatsune se révèle fort talentueux et ils sont vite absorbés par le jeu, quand soudain Musashi s'écrie : « N'essaie même pas ! » En effet, Nagatsune s'était faufilé discrètement dans une pièce adjacente et s’apprêtait à poignarder son invité avec sa lance. Ayant brisé l'élan de son opposant, Musashi retourna au jeu sans bouger ni rien dire d'autre, à la grande perplexité de ses deux adversaires. Nagatsune ayant senti que les aptitudes de Musashi étaient supérieures aux siennes s'avoua silencieusement vaincu et Musashi gagna aussi la partie de go[6].
On sait aussi que Musashi était doué d'une force physique extraordinaire, nécessaire pour trancher les os lorsqu'on utilise un sabre d'une seule main. Dans un passage du Nitenki, le seigneur Nagaoka prie Musashi de l'aider à choisir des bambous pour faire des hampes de drapeau. À sa demande, le seigneur lui apporte tous les bambous disponibles, une centaine au total. Musashi les lance et effectue une attaque rapide dans les airs : tous les bambous se brisent sauf un, qu'il tend au seigneur Nagaoka. Celui-ci lui dit que c'est une excellente façon de les tester, mais que seul Musashi en est capable.
Par la suite, il fut chargé du commandement d'un corps d'armée du seigneur Ogasawara et participa au siège du château de Hara en 1638, lors de la révolte des chrétiens, menés par Amakusa Shirō. Après être retourné à Kumamoto, il se consacra essentiellement à des activités artistiques, mais on sait qu'il garda un esprit vif et certaines capacités physiques. Par exemple, alors qu'il était un vieillard, Musashi fut piégé sur un toit lors d'un incendie ; il utilisa une poutre ou une échelle pour s'enfuir en courant lestement dessus, se rendant sur une autre maison.
Musashi eut deux fils adoptifs Miyamoto Mikinosuke et Miyamoto Iori (en). Miyamoto Musashi éduqua Mikinosuke et le présenta à Honda Nakatsukasa Taiyu (Honda Tadaoki), seigneur du château Himeji de Banshu. Retourné à Edo, Miyamoto Mikinosuke mourut en 1626 à vingt ans par seppuku la troisième année de l’Ère Kanei pour suivre son seigneur[7].
Minamoto Iori rencontra le maître en 1624 et fut plus tard employé par Ogasawara Tadazane. Il fut ensuite promu au titre de vassal supérieur des Ogasawara. Il mourut en 1678. Et Takemura Yoemon (en) aurait laissé des témoignages en tant que disciple[8],[9].
Terao Magonojō, frère aîné de Terao Motomenosuke, étudiant préféré de Miyamoto Musashi à qui fut confié le Livre des cinq anneaux (Go rin no sho), travaillait aux côtés de Musashi et s’entraînait souvent avec le kodachi, un type d’épée courte qui se brisa sous le bokken du maître. Magonojo brûla l'original du Go rin no sho sur les ordres de Musashi, dès lors la version originale ne peut être retrouvée[10].
À l'âge de 59 ans, en 1643, Shinmen Musashi-no-kami partit pour le mont Iwato, situé près de Kumamoto, où il s'installa dans la grotte de Reigandō (« Grotte du roc-esprit »). Il y disposa une table basse et commença, le dixième jour du dixième mois, à rédiger le Livre des cinq anneaux.
Au début du printemps 1645, Musashi mit son corps perclus de douleurs à rude épreuve et entreprit la pénible ascension du sentier menant à la grotte Reigandō (霊巌洞, qui signifie « esprit de la grotte »). En avril de la même année, conscient de l'imminence de sa mort, il rédigea une missive courtoise à l'attention des vassaux supérieurs du clan Hosokawa :
« [...] Dans mon analyse des lois des Deux sabres, je n'ai pas étayé mon exposé de maximes et principes empruntés au confucianisme ou au bouddhisme[11] ; je n'ai pas non plus repris les anecdotes éculées car trop connues des adeptes des arts militaires. J'ai longuement médité sur toutes les voies et réalisations artistiques. Considérez cet effort comme une volonté de me conformer aux principes de l'univers ; et aujourd'hui, je regrette vraiment de n'avoir pas été mieux compris.
Quand je me livre, en ce jour, à une critique du chemin que j'ai parcouru au long de mon existence, je suis tenté de me reprocher un investissement excessif dans les arts guerriers ; cela est certainement imputable à mon syndrome martial. J'ai recherché la gloire et il me semble que je lègue un patronyme empreint de notoriété à ce monde instable. Aujourd'hui toutefois, mes bras et jambes sont usés et je ne peux, sous le poids des années, que de me résoudre à cesser de dispenser moi-même l’enseignement de mon école. Aussi, il me semble, dans ces conditions, bien difficile d'envisager quelque projet ; je ne désire plus que m'isoler de la société et me retirer dans les montagnes en attendant sereinement la mort, ne fût-ce qu'un seul jour. Je vous sais gré de voir dans ces propos l'expression de ma requête. »
— Le 13 avril 1645. Miyamoto Musashi
Peu de temps après avoir expédié cette lettre aux destinataires, Musashi entreprit l'ultime et pénible ascension du Mont Iwato, en direction de la grotte Reigandō où, isolé du commerce des hommes, il attendit sereinement la mort.
L'homme chargé de veiller au bien-être de Musashi au cours de ses dernières années de vie se nommait Matsui Nagaoka Sado no Kami Okinaga. Eu égard au fait qu'Okinaga avait été, jadis, élève du père de Musashi, il n'est pas étonnant que ce vassal, et Yoriyuki, son fils adoptif, fussent chargés de veiller sur le vieux guerrier. Par un beau jour de printemps, en ce début du mois de mai, prétextant une excursion pour chasser au faucon, Yoriyuki entreprit l'ascension des montagnes, fit un détour par la grotte et le « convainquit » de rentrer avec lui. Le vieillard avait toujours mis un point d'honneur à lutter pour son indépendance et il se retrouvait, là, contraint de redescendre dans la vallée. À cette époque de l'année, le soleil est écrasant sur Kyūshū, mais Yoriyuki ne faillit pas à son devoir et Musashi put bientôt s'étendre sur son futon, à même le sol dans sa résidence du vieux château de Chiba, étant aux petits soins, sous la bienveillance de ses disciples Terao Kumanosuke et Nakanishi Magonosuke.
Le , il fit appeler ses élèves pour leur faire part de ses ultimes instructions. Il commença par offrir ses sabres en souvenir à Okinaga Yoriyuki, il offrit l'œuvre qu'il venait juste d'achever, « Livre des cinq anneaux », à son élève favori Terao Katsunobu, et il confia « Les Trente-cinq articles des arts martiaux » à son frère Terao Kumanosuke. Après avoir ainsi partagé ses biens entre ses élèves, il mit de l'ordre dans ses effets personnels, s'empara pour la dernière fois d'un pinceau et calligraphia un petit manuscrit d'une traite. Il l'intitula « La Voie du solitaire » - ou « Voie de l'indépendance » (Dokkōdō). Les vingt-et-une maximes qui composent cette œuvre sont en réalité un condensé de son expérience de la vie, sur les plans biographique et spirituel[12].
Musashi décéda le [1], dans sa résidence, dans l'enceinte du château de Chiba. Il était dans sa soixantième année. Conformément à ses dernières volontés, son corps fut vêtu d'une armure et d'un casque, équipé des six accoutrements militaires et fut inhumé à Handagun, au village de Tenaga Yuge[13]. C'est le prêtre Katsukawa Shunzan qui officia pour l'occasion dans le temple Taihō-ji, sa pierre tombale est encore en place de nos jours. Peu de temps allait s'écouler avant que d'autres, proches du défunt guerrier, ne passent à leur tour de vie à trépas. Dès le mois de décembre de cette même année Hosokawa Tadaoki et Takuan Sōhō décédaient.
Les secrets relatifs à une manière de manier le sabre ne furent pas l'apanage de quelques élèves privilégiés (Ishikawa Chikara, Aoki Jœmon, Takemura Yœmon, Matsui Munesato et Furuhashi Sozaemon). Tous étaient d'excellents hommes d'épée. Ainsi, si Le Livre des cinq roues et les Trente-cinq articles des arts martiaux furent offerts comme présents aux frères Terao, ce qu'il transmit réellement à chacun de ses élèves était sa propre détermination d'ordre spirituel à éclaircir la sibylline question de la vie et de la mort.
Avec un pareil legs spirituel pour toile de fond, l'enseignement du maître ne pouvait donner lieu à l'émergence d'une véritable école dotée de ses propres règles, certificats et diplômes. Musashi pouvait enseigner ses techniques, prodiguer des conseils mais, finalement, c'était à l'élève lui-même de mesurer sa propre force, d'évaluer sa Voie et de s'approprier vraiment celle-ci. Ainsi, le style Musashi est encore enseigné de nos jours, mais le contenu véritable du Niten Ichi-ryu disparut en même temps que son fondateur. Comment pouvait-il en être autrement ? Lorsqu'il enseignait à Owari, Yagyū Hyōgonosuke le fit remarquer qui déclara :
[14] Dans le Japon du temps de Musashi, une mutation majeure affectait l'armement. Durant la seconde moitié du XVIe siècle, les mousquets à mèche[15], introduits depuis peu par les Portugais, étaient devenus sur le champ de bataille les armes décisives ; mais dans un pays en paix les samouraïs purent tourner le dos aux armes à feu qui leur déplaisaient, et renouer leur idylle traditionnelle avec le sabre (nihonto (日本刀, « sabre japonais »).
Les écoles d'escrime prospérèrent (Budō, Les budō (武道). Toutefois, à mesure que se réduisait la possibilité d'utiliser l'épée dans les combats véritables, les talents martiaux devinrent peu à peu les arts martiaux, lesquels soulignèrent de plus en plus l'importance de la maîtrise intérieure de soi-même et des qualités de l'escrime en vue de la formation du caractère, plutôt que de son efficacité militaire. Il se développa toute une mystique du sabre, plus apparenté à la philosophie qu'à la guerre.
Dans la stratégie de l'attaque sans attaque[16], Musashi évoque comment, d'un imperceptible mouvement on passe d'une position à une autre, d'une manière souple et fluide :
La fluidité suppose l'absence totale d'entraves, et notamment au niveau de l'esprit. Ne pas créer soi-même les chaînes qui contraindront notre esprit, à ne pas le rigidifier. Dans le Livre du Vent, l'auteur évoque ce principe :
Une anecdote relative à Musashi et Takuan Sōhō[17] (prélat de la secte Rinzai, proche des bushi[18], fondée sur le 28ème patriarche Bodhidharma ou Daruma) illustre ces propos. Alors qu'ils discutaient des vertus du zen et de ses applications dans la vie quotidienne, le prêtre suggéra à l'homme d'épée de l'attaquer à l'aide d'un sabre de bois. Takuan, lui, se défendrait muni de son seul éventail. On rapporte que Musashi, en garde, se trouva fort embarrassé devant Takuan et ne parvint pas, malgré ses changements de garde, à trouver la faille. Takuan, lui, se tenait là, immobile, l’éventail en main, les bras relâchés. Au bout d'un certain temps, Musashi finit par jeter son arme de dégoût et déclara qu'il n'avait pas trouvé l'ouverture dans laquelle s'infiltrer. L'esprit de Takuan était partout et donc, nulle part ; et, dans cet état de parfaite fluidité, il était devenu inattaquable.
Sans aucun doute, Musashi médita longuement sur cet « affrontement ». C'est fort de cette expérience qu'il écrivit :
Voilà qui nous donne une perspective différente du vers de Kamo no Chōmei — « Si le débit de la rivière est infini, l'eau qui s'écoule est en perpétuel mouvement » —, une lecture certainement très prisée du vieil anachorète[19].
À l'aube de ses trente ans, Musashi était déjà sorti vainqueur de soixante duels singuliers et, de son propre aveu, cet exploit n'était pas imputable à une force physique, à une vélocité supérieure ou à des dons peu ordinaires. Errant sur les routes du Japon, on peut penser qu'il réfléchit longuement aux dispositions d'esprit de ses adversaires et – ne l’oublions pas – aux siennes. C'est cette capacité d’introspection, associée à une curiosité naturelle et une recherche constante de l'essentiel qui le distingua à ce point de ses contemporains. C'est en tout cas la raison pour laquelle son ouvrage concis rencontre, de nos jours, un tel succès.
Outre ces principes, il traita également longuement de l'importance de la prise d'initiative en combat, de l'importance liée au fait d'éprouver réellement chacune des armes dont le guerrier dispose, de percevoir les différents rythmes, d'avoir un point de vue à la fois global et précis et, surtout, de lire l'esprit de l'adversaire à livre ouvert sans le laisser lire le vôtre.
Musashi croyait en une somme de principes et non en une association de combines et autres ruses, et il prisait la substance, l'essence aux dépens de la forme et de la mise en scène. Les principes que son expérience l'autorisa à découvrir apparaissent dans le Livre des cinq anneaux, fût-ce de manière explicite ou implicite.
Pour comprendre le contenu de l'ouvrage, le lire avec attention, à travers le filtre de notre propre expérience. L'auteur n'écrit-il pas :
Toyotomi Hideyoshi succède à Oda Nobunaga assassiné en 1582. Inquiet d’une éventuelle colonisation du Japon et de la révolte et conversion de plusieurs seigneurs, il promulgue un décret d’interdiction du christianisme le . Les missionnaires sont interdits de séjour, seuls les navires de commerce des pays chrétiens sont admis. Les massacres sont alors considérables et vont durer plusieurs décennies. Le Japon ferme ses portes au monde extérieur, favorisant dès lors deux cent cinquante ans de paix. Miyamoto Musashi, né en 1584 à Ōhara-Cho dans la province de Mimasaka est chargé du commandement d'un corps d'armée du seigneur Ogasawara, et participe au siège du château de Hara en 1638 contre la révolte des chrétiens menés par Shirō Amakusa.
Finalement il retourne à Kumamoto et se consacre essentiellement à des activités artistiques[20] en tant qu'invité auprès du mécène Hosokawa Tadatoshi[21], troisième seigneur de Kumamoto et descendant d’Hosokawa Gracia, figure éminente convertie au christianisme. Il laisse une œuvre appartennant désormais au trésor national japonais[réf. nécessaire].
Sa notoriété l'autorisa par ailleurs à découvrir, en tant que spectateur, d'autres arts auxquels il manifesta un intérêt certain. Tel fut le cas notamment de la peinture à l'encre de Chine, de la sculpture ou encore de l'art du jardin. C'est à cette période[22] qu'il rencontra le célèbre artiste Kaihō Yūshō.
Il fut un calligraphe et un peintre reconnu dont on peut encore admirer les productions de sumi-e. Ses peintures s'inspiraient de Liang Kai et de l'école Kanō, en vogue à l'époque. L'une de ses œuvres les plus connues est sa représentation de Daruma, le fondateur du zen, qui aurait été louée par le seigneur Hosokawa comme un pur chef-d’œuvre.
Il conçut un jardin à Kumamoto, qui fut détruit pendant la Seconde Guerre mondiale.
Musashi, s’inscrira dans la tradition des grands artistes itinérants de l'archipel nippon - Saigyō Hōshi, Enkū, Matsuo Bashō et Hiroshige, parmi tant d'autres - et sa source d'inspiration artistique provenant du cœur de la nature elle-même.
On ne sait pas exactement quand Musashi commença à manier le pinceau même si, à l'âge précoce de treize ans, il exécuta un portrait de Daruma (達磨) au temple Shōren-in dans la province de Harima, lieu où il élut résidence à la suite de son départ du foyer paternel.
Il est assuré toutefois que, au moment où il entra dans Kokura, dans le Nord de Kyūshū en 1634, il était doué de talents peu communs. Toutes les peintures qui ont traversé les siècles pour venir jusqu'à nous sont effectivement comprises entre cette année de 1634 et la mort du maître en 1645.
Selon les peintres adeptes du bouddhisme zen, dans le suibokuga, le coup de pinceau donne à lire le tempérament qui anime l'artiste et l'esprit s'incarne spontanément dans l'ustensile. Convaincu que la Voie du sabre était un sésame pour les autres Voies artistiques, Musashi soutenait que fondamentalement, le coup de pinceau et le coup de sabre étaient identiques : ne peut-on, dans les deux cas, lire à livre ouvert dans l'esprit de l'artiste[23] ?
Son travail d'urbaniste de la ville fortifiée d'Akashi, pour les Ogasawara dans les domaines de la stratégie défensive et de l'art du jardin lui valut une certaine notoriété, c'est la raison pour laquelle, quelques années plus tard, le Clan Honda, installé à quelques kilomètres de là, à Himeji, s'offrit à son tour les services de l'artiste.
Sans pour autant relâcher les efforts qu'il consacra à la maturation de son propre style, il travailla à Himeji, au plan d'urbanisme de la ville fortifiée et conçut les jardins de certains de ses temples. Les deux clans - Ogasawara et Honda - entretenaient à l'endroit de Musashi un profond respect et accordaient à ses services beaucoup de crédit.
Alors qu'il approchait de la quarantaine, il semble que le temps qu'il partagea entre les nouvelles villes fortifiées de Akashi et Himeji se compte en années. On peut imaginer que sa notoriété et son prestige furent considérables. Dans ces conditions, il fut très certainement capable de préserver sa liberté tant en conservant le statut de « convive » plutôt qu'en endossant celui de « samouraï »[24].
En quête de modèles vivants, l'artiste pouvait se rendre sur les berges de la rivière qui coule encore aujourd'hui à l'est du Château de Kumamoto. À l'époque, le cours d'eau traversait une étendue naturelle ; oies, canards, et autres oiseaux s'y épanouissaient en grand nombre. Ces œuvres, à l'instar de nombreuses autres peintures signées du maître, se trouvent désormais à l'abri des murs du Musée Eisei Bunko, ce bâtiment fait office d'entrepôt des trésors amassés par le Clan Hosokawa depuis le XIVe siècle[25].
Il est l'auteur de plusieurs textes sur le sabre et sa stratégie :
Ces textes sont avant tout des manuels d'étude employés dans son école de sabre. De nombreux arts martiaux se sont inspirés de ses ouvrages.
Il est l'auteur d'un ouvrage de stratégie, le Go rin no sho[27], écrit à l'âge de 60 ans, traduit en français par Livre des cinq anneaux ou Traité des cinq roues. Le titre se lit en japonais Gorin sho mais l'habitude a été prise par les traducteurs, selon une lecture actuelle assez courante au Japon, de dire Gorin no sho[28]. Vers la fin de sa vie, il médita et fit une introspection sur son passé et son expérience ; il en déduisit que les principes qu'il avait mis en œuvre dans son art martial (duels) pouvaient aussi être mis en œuvre non seulement en stratégie militaire (affrontement de masse) mais aussi dans tous les domaines. Les « cinq anneaux » ou « cinq cercles » font référence aux cinq étages des monuments funéraires bouddhiques (gorintō) qui représentent les cinq éléments de la tradition japonaise. Le livre comporte donc cinq chapitres :
À 60 ans, Musashi écrivit en quelque sorte son testament au travers du Traité des cinq roues. Deux ans plus tard, sentant sa fin approcher, il écrivait le Dokkōdō (La Voie à suivre seul) :
Il fonda l'école Niten Ichi Ryu dont la branche maîtresse est la Hyoho Niten Ichi Ryu, ce qui se traduit par « l’École de la stratégie des deux Ciels comme une Terre ». Aujourd'hui, une lignée de maîtres descend directement des disciples de Musashi.
Cette école de sabre, une koryu de kenjutsu, fut nommée tout d'abord « École des deux sabres » (Niken Ryu), puis « École des deux cieux » (Niten Ryu). Elle reste renommée pour son style hors du commun : utilisation simultanée de deux sabres, l'un court, l'autre long. Le hyōhō, de Hyōhō Niten Ichi Ryu, signifie « stratégie » et constitue un enseignement capital dans l'école.
On retrouve également plusieurs écoles dans le monde, au suffixe Niten Ichiryu, mais elles n'entretiennent officiellement aucune sorte de lien d'héritage avec Hyoho Niten Ichiryu[29]. Certaines écoles descendent authentiquement de Miyamoto Musashi sans être pour autant la branche « mère » et sont considérées comme des koryus. Elles transmettent leur enseignement sur autorisation du soke et doivent expressément démontrer leur lignée de transmission et l'accord formel d'enseigner de la part du soke de cette branche. Toute imprécision ou rétention d'une telle information est l'indice d'un enseignement abusif dans sa référence à l'école de Musashi.
L'école de Musashi transmet son expérience à travers sa technique et son esprit. Ne transmettre que la technique est une amputation grave de l'enseignement du fondateur qui dénature le sens profond d'une koryu : « En Hyoho Niten Ichi Ryu, celui qui succède doit se vouer à l'entraînement et prouver à ses contemporains, par son exemple, que l'enseignement et le kokoro du fondateur sont absolus et authentiques. C'est ma mission en tant que soke[29]. » Ainsi, le soke est seul en mesure d'explorer les nombreux sens de cet enseignement car il possède seul la transmission de l'esprit qui authentifie le geste. Le but de l'élève est alors de s'approcher de l'expérience de Musashi avec la garantie que lui offre la connaissance héritée par le soke. Pour cette raison, tout enseignant de la Hyoho Niten ichi Ryu ou de toute branche authentique de la Niten Ichi Ryu doit cultiver un lien d'apprentissage avec le grand-maître de sa branche.
L'enseignement de Musashi peut se ramener à neuf principes :
Les principes sont à étudier, le bokken en main, auprès d'un maître. La particularité de l'enseignement des koryūs est qu'il est attendu du sōke qu'il incarne et prouve sa maîtrise à chaque génération[31].
Miyamoto Musashi créa une série de seiho, communément appelés katas :
Musashi conçut une paire de bokken d'un poids allégé et d'un profil plus fin[33]. Tous les seiho[34] de sabre de l'école sont exécutés avec le bokken et non le katana. Le bokken préféré de Musashi existe toujours d'ailleurs, objet magnifique en bois sombre, à la poignée percée d'un trou pour faire passer un pompon de soie pourpre ; il est surnommé Jissō Enman no Bokutō, d'après l'inscription qui se trouve sur la face omote. Longtemps transmis de soke en soke, il représente la volonté de préserver le style Niten Ichi Ryu tel quel, sans modifications ou adaptations. Désigné Trésor national, il se trouve désormais en tant que relique au prestigieux sanctuaire d'Usa-jingū pour sa préservation.
Bien sûr, Musashi maniait aussi personnellement des armes en acier. L'une de ses connaissances était le fameux forgeron Izumi-no-kami Kaneshige, qui fut le professeur de Kotetsu, un autre artisan renommé. Le katana surnommé Musashi Masamune lui est parfois associé, bien que cela soit incertain (le nom de Musashi pourrait venir d'ailleurs, et les Masamune étaient jalousés férocement par le clan Tokugawa). On sait aussi qu'à un moment de sa vie, Musashi portait un daishō forgé par Nagakuni, il est inscrit sur leurs nakago (soies) « Shinmen Musashi-no-kami a utilisé ceci ». Le daitō semble se trouver dans un musée, tandis que le shōtō est une propriété privée d'un collectionneur japonais nommé Suzuki Katei. Leur authenticité est admise et Musashi en a vraiment été le propriétaire.
Quand il mourut le , les récits de ses exploits étaient passés par quelque quarante années de colportages et enjolivements divers ; le premier livre à son sujet, Niten ki, mêlant faits réels et récits imaginaires, fortement hagiographique, parait 100 ans après sa mort[35]. Alors que le gouvernement Tokugawa asseyait son pouvoir sur les plans politique et culturel, et que l’ensemble de la société nippone allait vers toujours plus de conformisme, la notoriété d'un homme qui était certainement devenu le plus grand homme d'épée de son temps sans revendiquer d'un quelconque héritage ou enseignement, et sans sacrifier sa liberté sur l'autel de la reconnaissance sociale, ne pouvait qu'enfler. Tout aussi important dans la genèse puis la maturation du mythe était l'intérêt croissant pour les loisirs et distractions à cette époque.
« Aspire à être comme le Mont Fuji avec une base si large et solide que le plus fort des tremblements de terre ne pourra t’ébranler, et si grand que la plus grande des entreprises des hommes ordinaires te paraîtra insignifiante du plus haut de ta perspective. Si ton esprit peut s’élever aussi haut que le Mont Fuji tu verras toutes choses très clairement. Tu pourras percevoir toutes les forces qui mettent en place les événements, et pas seulement celles qui président à ce qui se passe près de toi. »
— Miyamoto Musashi[36].
Le 20 mai 2000, à l’initiative de sensei Tadashi Chihara le Budokan Miyamoto Musashi fut inauguré au lendemain de la date anniversaire de Miyamoto Musashi (12 mars 1584, Ōhara-Chō - 19 mai 1645)[37]. Il est construit à Ōhara-Cho dans la province de Mimasaka berceau du samouraï. À l’intérieur du bâtiment la vie et le parcours de Miyamoto Musashi sont partout rappelés. Consacré aux arts martiaux, le Budokan rassemble toutes les écoles traditionnelles de sabre et de kendo officiels du Japon. Pratiquement, historiquement et culturellement il est une jonction pour les disciplines martiales au cœur du Japon traditionnel consacré à Musashi.
L'association de la Pax Tokugawa - caractérisée par un contrôle gouvernemental omniprésent dans les diverses strates de la vie sociale - et de la relative prospérité économique - notamment au sein de la classe marchande - engendra une certaine effervescences et une demande accrue en direction des divertissements. Les distractions publiques prirent de nouvelles formes et, même si le Japon possédait déjà une pléthore de héros susceptibles de servir d'alibi à une intrigue, le besoin de nouveauté se faisait toujours sentir.
La légende naissante de Musashi tombait à point nommé. Moins d'un siècle après sa mort, sa biographie - parfois enjolivée à outrance - était portée sur scène dans le kabuki et le bunraku, colportée par des conteurs professionnels. Son personnage était également récurrent sur les toutes nouvelles gravures sur bois produites à l'attention d'un public d'initiés. Dans ces genres artistiques, sa popularité se poursuivit plus de deux siècles durant.
Les temps modernes et les nouveaux médias n'ont fait qu'accentuer cette popularité déjà croissante. À commencer par le best-seller de Eiji Yoshikawa (Musashi (宮本武蔵 )), l'homme d'épée, artiste et écrivain qu'il fut, fut placé au cœur d'un nombre incalculable d’intrigues : romans, films, séries, programmes et jeux télévisés, et même une bande dessinée en plusieurs volumes. Le fondement même de l'homme était de toute façon trop bon pour ne pas être enjolivé ; tant et si bien que tout le monde semblait vouloir accaparer son personnage. Ainsi, au fil des décennies et, au gré des évolutions technologiques des moyens de communication, le public nippon - rejoint par le monde occidental - n'a pas voulu laisser pareille légende s'éteindre.
Sous le shogunat Tokugawa, une ère de paix et de prospérité se traduisit par l'émergence d'une bourgeoisie urbaine et marchande. Cette évolution sociale et économique s'accompagne d'un changement des formes artistiques, avec la naissance de l’ukiyo-e et les techniques d'estampe permettant une reproduction sur papier peu coûteuse, bien loin des peintures telles que celles de l'aristocratique Kanō.
Miyamoto Musashi a inspiré des peintres japonais dont Utagawa Kuniyoshi, un grand maître de l'ukiyo-e.
Le nô a évolué de diverses manières dans l'art populaire et aristocratique. Il formera aussi la base d'autres formes dramatiques comme le kabuki. Après que Zeami a fixé les règles du nô, le répertoire s'est figé vers la fin du XVIe siècle et nous demeure encore intact.
Maître Kano Tanshū[38], acteur de nô de l'école Kita, a créé une pièce consacrée à Musashi, Gorin-sho-den, à Aix-en-Provence en 2002. Il a représenté, en , le Gorin no sho de Miyamoto Musashi en plein air au bord de la rivière, à Kokura (Fukuoka), sur le lieu où vécut ce samouraï[39].
Dans Les Sept Samouraïs, film d'Akira Kurosawa, le personnage de Kyuzo, interprété par l'acteur Seiji Miyaguchi, est inspiré par Miyamoto Musashi[46].
Un des deux protagonistes du film Aragami, de Ryūhei Kitamura, sorti en 2003, déclare être Miyamoto Musashi.
Usagi Yojimbo, par Sakai Stan, Paquet, 2005, 25T, est un clin d'œil au guerrier philosophe sous les traits du lapin anthropomorphe nommé Miyamoto Usagi (usagi signifie « lapin »).
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