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forme rituelle de suicide De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le hara-kiri ou harakiri[1] (腹切り ) ou seppuku (切腹 , littéralement « coupure au ventre »), est une forme rituelle de suicide par éventration. Ce rituel est officiellement abandonné par les Japonais en 1868 mais toujours pratiqué notamment par les soldats japonais durant la seconde guerre mondiale ou encore par l'auteur Yukio Mishima qui en 1970 a commis seppuku dans un mouvement politique de protestation[2].
En japonais, le terme 切腹 (seppuku) est plus formel, et typiquement utilisé dans les textes écrits et officiels. Il est formé d'après la lecture on héritée du chinois, du caractère 切 (« couper ») qui est lu setsu, et de 腹 (« ventre ») qui est lu fuku. La lecture setsu + fuku donnant seppuku, la prononciation étant semi-voisée avec un handakuten, puku.
Selon l'écrivain Christopher Ross, le terme populaire harakiri est utilisé dans la langue parlée japonaise, mais n'était pas utilisé dans les textes[3]. Celui-ci est formé d'après une lecture japonaise native kun, des mêmes caractères mais dans le sens inverse : 腹 (« ventre ») lu hara, et 切 (« couper ») lu kiri.
Traditionnellement, le seppuku était réalisé dans un temple en s'ouvrant l'abdomen à l'aide d'un wakizashi (sabre court)[4] ou d'un poignard de type tantō[5], ce qui libère l'âme (voir l'article seika tanden). La forme traditionnelle consiste en une ouverture transversale (dans la largeur), juste au-dessus du nombril. Le seppuku comporte une version encore plus douloureuse, le jumonji-giri, qui consiste à rajouter une coupe verticale (de haut en bas) à la coupe horizontale pour marquer sa volonté d'expiation. Il existe une version moins honorable (et moins douloureuse) dans laquelle un « ami » (kaishakunin) coupe la tête pour une mort instantanée. Cependant la forme traditionnelle était rarement appliquée, la plupart des samuraïs qui s'adonnaient au seppuku tenaient dans leur main le wakizashi (sabre court) mais dans la plupart des cas le kaishakunin tranchait la tête du samuraï avant même qu'il se soit éventré. Certains tenaient même un simple éventail dans leur main en guise de symbolique[6],[7].
Le seppuku était traditionnellement utilisé en dernier recours, lorsqu'un guerrier estimait immoral un ordre de son maître et refusait de l'exécuter. C'était aussi une façon de se repentir d'un péché impardonnable, commis volontairement ou par accident. Plus près de nous, le seppuku subsiste encore comme une manière exceptionnelle de racheter ses fautes, mais aussi pour se laver d'un échec personnel.
Le seppuku étant un rituel devenu [8] masculin, les femmes nobles et épouses de samouraïs pratiquaient le jigai, une forme de suicide consistant à se trancher la gorge (carotide) avec un poignard[9].
Le seppuku a une longue et ancienne histoire au Japon. Dans le gikeiki, l’histoire de la vie de Minamoto no Yoshitsune , un héros de la fin de la période de Heian est décrite[10]. Au cœur de l’ouvrage, Minamoto no Yoshitsune est dépeint comme commettant le seppuku en tant que samouraï. Cependant cette histoire reste une légende, en effet nous ne savons pas si les samouraïs avaient pour habitude de commettre le seppuku sur la fin de la période de Heian. Néanmoins nous savons que de nombreux samouraï avaient l’habitude à cette époque de se suicider par noyade, ce qui montre que durant cette période, le seppuku restait pour la plupart des samouraïs une pratique non exercée.
Par la suite, il est écrit dans le Taiheiki que le clan Hojo s’est livré au seppuku. Étant donné que le Taiheiki a été rédigé au début de la période Muromachi[10] , nous pouvons constater que la coutume du seppuku était courante au début de cette période, elle a ainsi pris racine dans les sociétés samouraï.
La question de pourquoi se faire seppuku fait alors surface. Durant la période de Sengoku et donc lors des guerres médiévales du Japon, les guerriers des armées japonaises étaient souvent amenés à se suicider lorsqu’ils se retrouvaient vaincus[6]. Cet acte irrévocable s’explique par le fait qu’il leur était insupportable d’imaginer que le vainqueur s’empare du territoire, de leurs femmes et de leurs biens. Le nom des guerriers se retrouvait souillé par une sorte d’humiliation qui les obligeait à se suicider afin d’effacer leur défaite.
Il y a également le cas particulier de Junshi où le seppuku est utilisé par les samouraïs qui veulent suivre leur maître dans la mort. Cette pratique apparaît durant la période d’Edo et est interdite sous les Tokugawa[11]. Au cours de cette époque, lors d’un jugement quelconque, un samouraï pouvait être amené à se suicider. Là où les roturiers allaient soit en prison soit étaient exécutés par pendaison ou simple décapitation, les samouraïs étaient soumis au rituel du seppuku. Si dans la théorie ils devaient s'ouvrir le ventre puis dans la foulée se faire trancher la tête, la réalité était tout autre. En effet, lors du seppuku la plupart des samouraïs s’emparaient simplement de la lame et se faisaient décapiter avant même d’avoir porté la lame à leur ventre. Dans certains cas, un simple éventail était utilisé en tant que symbole de la lame[6].
La pratique de seppuku a réellement pris de l’ampleur lors de l'arrivée des occidentaux au XIXe siècle, lorsqu’une histoire de seppuku a été énormément médiatisée. Les ambassadeurs de la Grande-Bretagne furent invités au rituel d’éventrement d’un Japonais ayant commis le meurtre d’un Britannique, ils assistèrent à une scène effroyable, à un véritable bain de sang[12]. En effet, le Japonais ayant commis le meurtre avait pour objectif de montrer qu’il n’éprouvait aucun remords concernant son acte en s’adonnant à un suicide abominable et particulièrement violent, lui permettant également de prouver sa bravoure de soldat japonais aux occidentaux. En réalité cependant, ce cas de figure reste rarissime.
Le ventre est le siège de la volonté, du courage et des émotions en Asie : Hara ookii, « vous avez un gros ventre », pourrait vexer en Occident, tandis qu'au Japon c'est un compliment qui veut dire « vous avez un grand cœur » ; à notre « parler à cœur ouvert » pour exprimer sa sincérité, correspond l'expression japonaise Hara no watte, « à ventre ouvert » ou plus exactement « en s'ouvrant le ventre »[13] ; Hara no misenaï, « ne montrent pas leur ventre », signifie « cacher sa pensée », l'inverse se disant Hara no yomeru (« lire dans son ventre ») et signifiant qu'on peut « lire dans ses pensées », donc qu'il est honnête dans ce qu'il dit.
Le seppuku a longtemps permis aux nobles et aux samouraïs d'exprimer leurs dernières volontés. Les Japonais se suicident par l'abdomen, siège, pour eux, de la pensée et de la conscience de soi. C'est probablement la raison pour laquelle il existe une grande variété de mots pour désigner le suicide (jisatsu, en japonais[14]) :
Pour être complet, il faut citer l'oibara, qui figure dans le manuel du parfait samouraï[15](le Hagakure). L'oibara est le suicide d'inféodation. Il se subdivise en maebara et sakibara selon que le samouraï précédait ou suivait son seigneur dans la mort[16].
Minamoto no Tametomo aurait été le premier homme et samouraï à pratiquer le seppuku honorable[17], en prenant exemple sur les femmes chinoises : accusées d'avoir enfanté l'enfant d'un autre homme que leur époux, elles s'ouvraient le ventre de désespoir afin de prouver leur fidélité. Minamoto no Yorimasa est le premier dont on a une description détaillée du seppuku : après sa défaite à la première bataille d'Uji en 1180, Yorimasa s'est retiré dans la salle du Phénix du temple du Byōdō-in, a écrit un poème au dos de son étendard, avant de prendre son poignard et de s'ouvrir l'abdomen. Cette façon de procéder a codifié le seppuku.
La pratique du seppuku est indissociable du Bushido, le code d'honneur du guerrier, qui insiste sur sa finalité propre : la mort. Celle-ci ne doit en aucun cas trahir les valeurs morales qui sont celles du samouraï ; aussi la pratique du seppuku est-elle codifiée très précisément. L'acte du suicide honorable ne s'effectuait grosso modo qu'en quatre occasions :
Hormis dans le cadre du champ de bataille, le seppuku accompagna le raffinement du bushidō et des classes dirigeantes en étoffant le rituel qui lui est encore associé. Le seppuku possède son propre code, qui doit être respecté scrupuleusement, tant par celui qui commet l'acte que par les personnes assistant à celui-ci. En effet, le seppuku n'est absolument pas une pratique solitaire, tout du moins dans le cadre du bushidō ; si le public est restreint et choisi, il est par contre nécessaire. Il a valeur de témoin et d'assistant de la mort du samouraï.
Le samouraï, ayant revêtu un kimono blanc, très ajusté et serré par un obi afin que les viscères ne se répandent pas, s'agenouillait avec un petit tabouret sous les fesses face au public, sur un tatami. Il disposait d'un sabre court (wakizashi) ou d'un poignard (tantō), d'encre, d'un pinceau, de feuilles de papier de riz et d'une tasse de saké. Après avoir écrit et lu un waka, enveloppant le sabre court d'une des feuilles de papier de riz, il s'ouvrait l'abdomen sur sa gauche, kimono ouvert. Cette partie du ventre représente la conscience dans la tradition bouddhiste. Il remontait alors une première fois, en diagonale ; puis une seconde entaille venait couper la première. Ce Giri no jumonji, terriblement douloureux, était la plupart du temps interrompu par le kaishakunin, un ami du samouraï, qui le décapitait au katana en prenant soin de trancher d'un premier coup jusqu'à la trachée afin que la tête tombe sur le torse puis il coupait délicatement d'un mouvement de coupe pour que la tête ne roule trop loin du corps qui tombait alors en avant. Chaque shogun avait un kaishakunin officiel pour les tsumebara : c'était un honneur tout particulier pour un samouraï. Lorsque le kaishakunin était un ami proche, la décapitation était rapide et occasionnait moins de souffrances, sinon l'attente du supplicié pouvait être en rapport avec son « crime ».
L'histoire militaire du Japon est marquée par de très nombreux seppuku ; mais dès lors que les bushi perdirent de leur influence, la pratique fut contrôlée (interdiction du junshi), puis interdite (par le gouvernement Tokugawa à la demande de Matsudaira Nobutsuna en 1663). Les cas épars de désobéissance furent accueillis comme des actes d'autant plus braves par la population japonaise.
Essentiellement pratiqué pendant la période Edo par les guerriers, puis par les militaires japonais jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le seppuku est plus rare et limité que son impact sur l'imaginaire collectif ou la culture japonaise.
À la suite de l'échec d'un coup d'État mené par sa milice privée, le Tatenokai, l'écrivain et dramaturge Yukio Mishima, dénonçant le déshonneur du Japon, passe à l'acte en pratiquant un seppuku par éventration (suivi d'une décapitation), dans la matinée du . Son compagnon Masakatsu Morita s'éventra à sa suite. Yukio Mishima, devenu ultranationaliste en 1967, exaltait les valeurs traditionnelles du Japon et le défi du bunburyōdō, la « double voie » qui unifie lettres et arts martiaux, l'art et l'action, l'éthique et l'esthétique. Cet acte héroïco-tragique, minutieusement mis en scène, marqua profondément les esprits, stupéfiés : par la notoriété de l'auteur, par ses idées alors tabou, mais aussi parce qu'aucun seppuku n'avait été pratiqué au Japon depuis l'immédiat après-guerre et que l'épisode fut retransmis à la télévision.
C'est le dernier cas célèbre de seppuku, mais il reste très particulier et se distingue par sa mise en scène et son caractère anachronique. Si la pratique du suicide rituel sous la forme du seppuku a quasiment disparu, il a profondément marqué la société japonaise contemporaine. Le taux de suicide au Japon se distingue par son ampleur : 32 000 suicides pour l'année 2009, taux annuel constant pour la décennie[19], soit 26 suicides pour 100 000 habitants (en comparaison, 9 pour 100 000 au Royaume-Uni[20]). Près d'un quart de ces suicides sont classés comme inseki-jisatsu, ou suicide visant à effacer une faute ou une responsabilité assumée. Ils concernent des directeurs d'entreprises, des hommes politiques soupçonnés de corruption ou visés par un scandale, mais aussi les chefs d'équipes dans une entreprise, ou les chefs de famille.
Guillaume Carré, directeur du Centre de recherches Japon à l’École des hautes études en sciences sociales, remarque que « traditionnellement, lorsqu’un échec est constaté, il est pleinement assumé, les Japonais cherchent rarement à fuir leurs responsabilités. » Même s'ils n'ont pas recours au suicide, les hommes politiques japonais tendent à démissionner lorsqu'ils doivent faire face à une faute, une accusation grave ou une menace de condamnation. Ils tendent également moins à faire appel que dans les pays occidentaux, où l'appel est souvent suspensif de la peine.
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