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école asiatique de philosophe De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le confucianisme, Rújiā (儒家) « école des lettrés » puis Rúxué (儒学) « enseignement des lettrés » Rúxué, est l'une des plus grandes écoles philosophiques, morales, politiques et dans une moindre mesure religieuse de Chine. Elle s'est développée pendant plus de deux millénaires à partir de l'œuvre attribuée au philosophe Kongfuzi, « Maître Kong » 孔夫子 (551-479 av. J.-C.), connu en Occident sous le nom latinisé de Confucius. Après avoir été confrontée aux écoles de pensée concurrentes pendant la période des Royaumes combattants puis violemment combattue sous le règne de Qin Shi Huang, fondateur du premier empire, elle a été imposée par l'empereur Han Wudi (-156 ~ -87) en tant que doctrine d'État et l'est restée jusqu'à la fondation de la république de Chine (1911). Elle a aussi pénétré au Viêt Nam, en Corée et au Japon où elle a été adaptée aux circonstances locales[1].
À partir du milieu du IXe siècle se sont dégagés divers courants constituant le néoconfucianisme (Lǐxué 理学, Dàoxué 道学, Xīnxué 心学, etc.), qui en est devenu la version officielle au XIIIe siècle. Sous la dynastie Qing est apparu le Hànxué (漢学), critique du néo-confucianisme, puis au XXe siècle, le nouveau confucianisme.
La Chine est depuis deux millénaires régie par un système de pensée complet formé du confucianisme, du taoïsme et du bouddhisme, le confucianisme exerçant la plus grande influence.
L'influence de Confucius en Asie de l'Est est telle qu'on peut la comparer à celles de Platon et Jésus en Occident. Il n'est pas le fondateur d'une religion, mais a créé avec ses disciples, sur la base de la pensée de son époque, un système rituel achevé et une doctrine à la fois morale et sociale, capable de remédier selon lui à la décadence spirituelle de la Chine de l'époque[2].
Pendant la révolution culturelle chinoise, une propagande politique initiée par Mao Zedong en 1973 faisait la critique de Confucius, associée systématiquement à celle de Lin Piao, sous le nom de Pi Lin, Pi Kong.
Confucius est convaincu que la réforme de la collectivité n'est possible qu'à travers celle de la famille et de l'individu. Les hommes de l'Antiquité, dit-il, « qui voulaient organiser l'État réglaient leur cercle familial ; ceux qui voulaient régler leur cercle familial visaient d'abord à développer leur propre personnalité ; ceux qui voulaient développer leur propre personnalité rendaient d'abord leur cœur noble ; ceux qui voulaient ennoblir leur cœur rendaient d'abord leur pensée digne de foi ; ceux qui voulaient rendre leur pensée digne de foi perfectionnaient d'abord leur savoir[2]. »
À la lumière de l'analyse de la littérature classique confucéenne (tel 四字小学, sì zì xiǎo xué, littéralement "l'école des quatre caractères", tradition chinoise consistant à énoncer des maximes, appelées aussi 成语, chéng yǔ, en quatre mots)[Quoi ?] par exemple), qui doit être considérée comme le support des préceptes confucéens, il apparaît que le confucianisme a servi dans l'histoire de l'Asie de l'Est d'outil politique pour les gouvernants permettant la constitution de barrières hermétiques entre les divers groupes sociaux, mais a particulièrement institué un ordre hiérarchique très marqué au sein même du cercle familial, où l'épouse doit être soumise aux ordres de son mari, à qui elle doit témoigner quotidiennement son respect et sa gratitude[3]. Ainsi, selon la morale confucéenne, dans cette même dynamique de pacification du corps social, d'ordre et d'harmonie, les enfants se doivent d'être obéissants à leurs aînés et faire preuve en toute situation de piété filiale (父母愛之, « aimer ses parents »). Plus globalement, le confucianisme permet l'émergence d'une classification verticale très poussée des couches de la société, érige en tant que dogme l'obéissance aux puissants et contribue à placer au centre l'homme, la femme n'ayant que peu voix au chapitre au regard des textes classiques. Même si l'importance des principes moralistes confucéens a quelque peu décliné en république populaire de Chine à la suite de la révolution culturelle, l'influence latente que le confucianisme exerce encore de nos jours, par exemple sur le modèle social de la Corée du Sud, mais aussi du Japon (respect des ancêtres, piété filiale, obéissance aux aînés, patriarcat, etc.), est centrale.
Confucius a accordé un rôle très important à la musique, synonyme d'ordre, d'harmonie et d'expression de sentiments nobles et élevés. La musique classique confucéenne, avec ses instruments, existe encore aujourd'hui en Asie, principalement en Corée[2].
Le ren (仁, « sens de l'humain ») est une notion fondamentale de la pensée de Confucius. Il se manifeste avant tout dans la relation à autrui et au premier chef dans la relation du fils au père (voir Piété filiale). C'est elle qui sert de modèle à toute relation : relation du prince et du sujet, du frère aîné et du frère cadet, du mari et de la femme et entre amis. L'ensemble est appelé « Cinq Relations » (五伦, wulun) ou « Cinq Constantes » (五常, wuchang). Leur respect induit confiance et bienveillance. De la cellule familiale, le ren peut ainsi s'étendre à l'humanité entière, illustrant la parole de Confucius : « Entre les Quatre Mers, tous les hommes sont frères »[4]. Le ren ne peut être séparé du respect des rites (禮, li)[5].
Confucius enseigne une morale et ne présente pas une métaphysique ou une cosmologie[réf. souhaitée]. Il recherche l’harmonie dans les relations humaines. La nature n’occupe pas de place dans sa pensée. C’est au Xe siècle que le néo-confucianisme créa sa cosmologie. Elle apparaît comme une ébauche d’une théorie scientifique de l’Univers[6] voire une explication rationaliste du monde[7]. Elle considère que l’interaction des forces de la nature est responsable de tous les phénomènes et mutations[6]. Chaque organisme remplit avec précision sa fonction, quelle qu’elle soit, au sein d’un organisme plus vaste dont il n’est qu’une partie[8].
Les principaux disciples du maître sont nommés les Douze Philosophes et révérés dans les temples confucéens. Quand le confucianisme devient doctrine officielle pour le recrutement des fonctionnaires sous les Han antérieurs, on peut déjà y distinguer différents courants. Par la suite, deux mille ans d'interprétations, d’influences extérieures et de retours aux sources successifs ont continué à compliquer le tableau. Néanmoins, selon les philosophes du XXe siècle Xu Fuguan (徐復觀) et Mou Zongsan (en) (牟宗三), les différents courants ont toujours gardé comme constante l’importance de la dimension sociale et éthique de leur pensée. Ces deux spécialistes estiment qu’un confucianiste n’examine pas les choses avec une attitude détachée, mais toujours concernée.
On peut proposer de distinguer six périodes dans l’histoire du confucianisme[9] :
La relation entre le confucianisme et Confucius lui-même est ténue. Le confucianisme a profondément influencé l'Asie orientale pendant vingt siècles, néanmoins, les idées de Confucius n'ont pas été acceptées durant sa vie et il a souvent déploré le fait qu'il ne trouvait aucun maître à servir. De même que pour de nombreuses autres figures historiques majeures (Bouddha, Socrate, Jésus, etc.), on ne dispose pas de traces directes de ses idées ; ne sont parvenues jusqu'à nous que des paroles et des pensées recueillies par ses disciples dans un unique ouvrage : Les Analectes ou Entretiens de Confucius. Le confucianisme s’est développé à partir de l’interprétation qu’ont faite ses successeurs des thèmes des Analectes, mais aussi d’autres textes, appelés Cinq classiques, dont la rédaction, la compilation ou le commentaire lui étaient attribués à tort : Shijing, Shujing, Yijing, Lijing, Chunqiu. Le problème est aggravé par la vague d'éradication des idées discordantes durant la dynastie Qin, plus de deux siècles après la mort de Confucius. Ce qui est parvenu de sa pensée jusqu'à nous est donc limité.
Cependant, il est possible d'esquisser les idées de Confucius à travers les fragments qui restent. Confucius était un homme de lettres, qui se préoccupait des temps troublés qu'il vivait et allait de place en place en essayant de répandre ses idées politiques et d'influencer les nombreux royaumes luttant pour la domination de la Chine. L'affaiblissement de la dynastie Zhou avait créé un vide, rempli par de petits États luttant pour le pouvoir. Intimement persuadé qu'il avait une mission, Confucius promouvait infatigablement les vertus des anciens rois et politiciens illustres, tels que le duc de Zhou (周公), et s’est efforcé de jouer un rôle politique, acceptant même à l’occasion l'invitation de souverains à la réputation douteuse comme le duc Ling de Wei. Néanmoins, bien qu'il ait été qualifié de « roi sans couronne », il n'a jamais eu l'occasion d'appliquer ses idées, a été expulsé de nombreuses fois et est finalement retourné dans ses terres natales pour passer la dernière partie de sa vie à enseigner.
Les Entretiens de Confucius, l'œuvre la plus proche de la source de ses pensées, relatent des discussions avec ses disciples. Ce livre est une compilation de conversations, de questions et de réponses ou d’éléments biographiques, et non pas l’exposé d'un système de pensée cohérent. Une citation très célèbre de cette œuvre est « Si deux personnes marchent ensemble avec moi, il y en a au moins une qui peut me servir de maître[10]. » N'utilisant pas le raisonnement déductif et la loi de non-contradiction à la différence de nombreux philosophes occidentaux, il recourt à des tautologies et des analogies pour expliquer ses idées. De ce fait, les lecteurs occidentaux pourraient penser que sa philosophie est confuse, ou que Confucius n'a pas d'objectif clair. Cependant, il a aussi dit « je cherche une unité infiltrant tout[11] ». Tchouang Tseu, qui a écrit lui-même une grande partie des proverbes chinois connus en Occident, utilisera abondamment aussi les métaphores.
Les premières ébauches d'un vrai système ont été réalisées par des disciples ou des disciples de disciples. Le premier d'entre eux est Zi Si(子思), petit-fils de Confucius, à qui l’on attribue le Zhong Yong qui disserte sur la notion d’invariable milieu : pour une société et un État harmonieux, il faut que chacun soit fidèle à sa nature propre liée à la position sociale (zhicheng, 致誠, « être fidèle à sa nature »). Cette fidélité entraîne un état de sérénité, dont on ne doit s’écarter que par des sentiments conformes aux circonstances (zhonghe, 中和, « être en harmonie avec les circonstances »)[12]. Ce texte deviendra important surtout à partir du IXe siècle pour promouvoir le conformisme social et la modération.
Durant la période philosophiquement fertile des Cent Écoles de Pensée, les figures les plus importantes du confucianisme sont Mencius (孟子), peut-être disciple de Zi Si, et Xun Zi(荀子)(ne pas confondre avec Sun Zi 孫子), qui développèrent les aspects éthique et politique du confucianisme, luttant contre les idées concurrentes pour gagner la confiance des dirigeants à l'aide de l'argumentation et du raisonnement. Ils se penchèrent particulièrement sur le thème de la nature humaine (renxing 人性). Elle est un thème essentiel chez Mencius, qui la considère comme fondamentalement bonne. Il ne semble pas avoir obtenu un très grand succès dans l’immédiat, mais devint un millénaire plus tard l’auteur principal des néoconfucianistes, la théorie de la bonne nature humaine constituant un élément essentiel de leur système métaphysique. La vision qu’a Xun Zi de la nature humaine est opposée à celle de Mencius ; il la considère comme fondamentalement mauvaise, mais s’accorde avec lui sur le rôle capital de l’éducation et des rites, qui peuvent la corriger.
Certains de ses disciples, comme Han Fei Zi (韩非子), connurent un grand succès politique, mais sous la bannière légiste, s’étant ralliés à l’idée qu’un système pénal très sévère, et non l’enseignement moral préconisé par le confucianisme, faisait fonctionner la société. Ils aidèrent Qin Shi Huang à unifier la Chine sous un contrôle très strict des activités humaines. Ainsi, le rêve de Confucius d'une Chine unifiée et pacifiée fut-il réalisé sous une école de pensée diamétralement opposée à ses idées. Néanmoins, cette postérité légiste de Xun Zi peut aussi être vue comme une indication que l’opposition entre les différentes écoles de pensée n’est pas absolue[13].
Le confucianisme survécut aux épreuves de la dynastie Qin - autodafé des textes non techniques et interdiction d’enseigner le Shijing et le Shujing - grâce à des lettrés ayant mémorisé les textes et à des redécouvertes, dont la plus notoire est celle du trésor de Classiques dissimulé dans les murs de la maison ancestrale de Confucius. Bien que les premiers empereurs de la Dynastie Han semblent plutôt avoir été partisans du huanglao(黄老)taoïsto-légiste, les lettrés confucianistes n'étaient pas mal en cour. Peut-être pour rompre avec la clique huanglao dominée par sa grand-mère l'impératrice douairière Dou, peut-être influencé par des lettrés tels que Dong Zhongshu(董仲舒), Han Wudi(漢武帝)(-156 ~ -87) fit du confucianisme la philosophie d'État officielle en établissant en -136 des chaires impériales pour les « docteurs » des Cinq Classiques confucéens[14] à l’exclusion de tout autre corpus. Une école fut créée en -124 à Chang'an pour la formation des talents recrutés pour le service de l’État. Ces mesures ne furent toutefois pas suffisantes pour certains lettrés qui, déçus, soutinrent l'usurpation de Wang Mang(王莽)(-45 ~ 23) qui promettait de revenir à l’âge d’or des premiers Zhou vanté par Confucius.
En tout état de cause, l'étude des Classiques confucéens devint la base d'examens de recrutement ou de certification des fonctionnaires, faisant du confucianisme le noyau du système d'éducation chinois - bien que le plein régime des concours mandarinaux ne débute qu'au VIIe siècle sous les Sui. Inculqué profondément dans le système de pensée des Chinois et de leurs politiciens, cette philosophie devint un courant politique important et l'idéologie sociale dominante, particulièrement à partir du IXe siècle, mais non sans s’être constamment enrichie des apports d’autres courants.
Car le confucianisme qui séduisit le pouvoir Han, dont les écrits de Dong Zhongshu donnent un exemple, intégrait des éléments issus d’autres écoles (yin-yang, qi, cinq éléments), et s’accommodait des structures légistes conservées par les empereurs[15]. Il ne se limitait pas aux propositions de perfection morale pour l’amélioration de la société, mais proposait une métaphysique dans laquelle le Ciel, la Terre et la société humaine étaient liés. Le Ciel, auquel un culte impérial était rendu, réagit positivement ou négativement aux actes de l’empereur et émet des signes lisibles par les sages. Confucius était dans ce système quasiment déifié comme le sage absolu qui avait su lire les signes et transmettre ce savoir dans les écrits qu’on lui attribuait, en particulier la version Gongyangzhuan du Chunqiu. Les Cinq classiques rédigés et commentés par lui contenaient des messages cachés et des présages qui devaient être retrouvés par les lettrés, qui les explicitaient dans des textes oraculaires appelés chenwei (讖緯). Wang Mang en fit grand usage pour justifier son usurpation[16]. Ce confucianisme Han aux aspects ésotérico-magiques est appelé « École du nouveau texte » car, apparu au début de la dynastie, il se basait sur les textes récemment reconstitués.
Les opposants à cette vision surnaturelle se regroupèrent pour leur part autour de textes découverts dans la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C. dans la maison ancestrale de Confucius, et constituent « l’École du texte ancien ». Ils voyaient Confucius seulement comme un homme modèle sans aspect surnaturel et préconisaient une exégèse plus rationnelle des classiques. Liu Xin et Yang Xiong en sont deux exemples représentatifs. Ils tentèrent d’imposer leur version, mais le Nouveau texte garda son ascendant sur les études confucéennes officielles. Les arguments des deux parties sont connus grâce au rapport du débat (58 ap. J.-C.) de la salle du Tigre blanc rédigé par Ban Gu[17]. Vers la fin de la dynastie, Zheng Xuan (郑玄) tenta la synthèse des deux courants[18].
École du Nouveau texte ou du Texte ancien, à la chute de la dynastie Han les deux partis sont également blâmés pour s’être perdus en débats scolastiques stériles et avoir laissé se corrompre le système confucéen de sélection des sages, favorisant le délitement de l’empire. Des lettrés comme Wang Bi, He Yan, Guo Xiang et Xiang Xiu s’appuient alors sur le Yijing et des textes taoïstes (Daodejing, Zhuangzi) pour proposer une nouvelle métaphysique sur laquelle baser la formation des gouvernants et l’harmonie de la société. Leur courant de pensée est nommé « École du mystère » ou « École de la profondeur » (xuanxue) d’après une phrase du Daodejing[19]. Parfois surnommé en Occident « néo-taoïsme », il peut aussi être considéré comme un maillon du confucianisme[20]. En effet, Confucius reste le modèle parfait pour la plupart de ses penseurs. Ainsi, Wang Bi considère qu’il incarne mieux l’idéal taoïste du non-agir (wuwei) que Laozi (Lao Tseu) lui-même car, contrairement à ce dernier, il n’a rien écrit. Guo Xiang également place Confucius au-dessus de Laozi et Zhuangzi car ces derniers manquent d’après lui de l’expérience du monde[21].
Les classiques restent primordiaux pour la formation des fonctionnaires, mais le grand empire reconstitué en 265 par les Jin est repoussé au sud du Chang Jiang en 316 et disparaît définitivement en 420. De nombreux États, dont plusieurs sont fondés par des membres d’ethnies non Han, le remplacent. Le destin du confucianisme d’État suit ces changements, soutenu par certains comme Liang Wudi ou négligé par d’autres. Des textes se perdent au cours des guerres. Parallèlement, le bouddhisme gagne du terrain, des moines devenant conseillers des souverains « barbares », et certains groupes taoïstes (Nouveaux Maîtres célestes, Shangqing, etc.) se structurent et obtiennent de l’influence auprès du pouvoir. Le grand empire est reconstitué en 581 par les Sui, rapidement suivis des Tang qui restent au pouvoir jusqu'en 907. Le système des examens est réinstauré sous les Sui. Au début des Tang, de nouvelles écoles pour lettrés sont fondées, un corpus officiel des Classiques est reconstitué et les rites confucianistes sont réinstaurés. Néanmoins, le taoïsme et le bouddhisme ont aussi une grande influence en cour et au sein de l’aristocratie. La philosophie bouddhiste, en particulier, sous la forme de courants tels que Tiantai ou Huayan, séduit les élites.
Une réaction contre l’emprise du bouddhisme se dessine chez certains confucianistes, comme Han Yu et Li Ao. Ils préconisent de se concentrer sur les Classiques confucéens qui montrent parfaitement la Voie sans qu’il faille recourir à des philosophies étrangères, et de prendre les sages qui y sont cités comme modèles. Ils écartent néanmoins Xunzi et les confucéens Han et désignent Mencius, qui considère la nature humaine comme fondamentalement bonne, comme le dernier confucéen orthodoxe. Han Yu est franchement hostile au bouddhisme, qu’il accuse d’être antisocial à cause de l’importance donnée au monachisme ; il critique le culte des reliques comme superstitieux et rejette les notions qu’il considère étrangères à la pensée chinoise comme le karma. Li Ao, tout en critiquant l’oisiveté des moines, fréquente des bouddhistes et a des idées proches du taoïsme et du Chan. Leurs idées seront reprises par le courant néo-confucianiste.
Différentes Écoles se développent sous les Song autour de lettrés qui, à l’instar de Han Yu des Tang, rejettent les aspects du bouddhisme qu’ils considèrent antisociaux comme le célibat, et certaines notions comme l’absence de soi, tout en lui accordant parfois aussi des qualités[22]. Ils souhaitent remettre l’homme au centre d’un cosmos que sa bonne conduite, basée sur les vertus confucéennes, contribue à maintenir en ordre. Les premiers néoconfucianistes établissent chacun leur système cosmologique et métaphysique qui doit en fait beaucoup au bouddhisme et au fond ancien taoïste et naturaliste (taiji, qi, yin-yang) ; ils préconisent un certain détachement et l’effacement des désirs, et emploient parfois la méditation. Zhu Xi réalise la synthèse de leurs pensées. Les Quatre livres (Analectes, Mencius, Zhong Yong, Da Xue), les plus importants textes du confucianisme selon le courant dont il se réclame, deviennent à partir du début du XIVe siècle le programme officiel des examens impériaux, et son interprétation du confucianisme, appelée « École du principe » (理学 lixue) s’impose seule jusqu’à la fin du XVe siècle, lorsque l'« École de l’esprit » (心学 xinxue) de Wang Yangming vient la concurrencer[23].
Chez Zhu Xi, le cosmos est représenté comme l’ensemble Ciel-Terre présent dans les anciens classiques, mais aussi comme le taiji, source de toute création, notion adoptée très tôt par le taoïsme. L’activité du taiji se déploie selon une forme fondamentalement correcte appelée [dao]li ([道]理) ou principe, notion inspirée du tianli (天理) des frères Cheng, qui peut être appréhendée à travers ses reflets partiels que sont les li individuels des objets, êtres et phénomènes. La compréhension du daoli requiert donc l’étude minutieuse des classiques et l’investigation attentive de tous les phénomènes. Cette étude, proposée aussi par Cheng Yi, se nomme qiongli (窮理) ou gewu (格物) et amena parfois Zhu Xi à entreprendre des observations quasi-scientifiques[23]. Mais un courant de penseurs comprenant l’aîné des Cheng et Lu Jiuyuan pense que l’investigation est fastidieuse et inefficace et que, puisque la nature humaine reflète parfaitement le li suprême, le meilleur moyen d’y accéder est l’introspection de l’esprit débarrassé de l’égocentrisme et des désirs matériels. Les néo-confucianistes pensent en effet comme Mencius que la nature humaine est fondamentalement bonne, puisqu’elle est conforme au li ; suivant Zhu Xi, ils rejettent Xun Zi comme hérétique. Pour expliquer les imperfections observables en réalité, Zhu Xi fait appel à la déjà ancienne notion de qi, sorte de matière ou de force qui remplit l’univers, qui peut obscurcir le li.
Malgré le prestige de Zhu Xi, le courant d'introspection et de subjectivité radicale (École de l’esprit »ou 心学 xinxue) prit progressivement le dessus avec Wang Yangming. Il donna parfois des versions contestataires du confucianisme comme chez Li Zhi (1527-1602) et séduisit les Japonais et les Coréens[23].
Peu après la fin des Ming (au début du XVIIIe siècle[24]) le courant philologique Hanxue contesta l’interprétation selon eux « fantaisiste » que les néo-confucianistes ont fait des Classiques.
Le confucianisme est le courant de pensée philosophique principal qui a influencé la majeure partie du développement de la Chine jusqu’à nos jours (B. Yang, 2012). Malgré les différentes dynasties, régimes, révolutions et directions politiques jusqu’à notre époque actuelle, le confucianisme prédomine au sein de la société chinoise (Sun et al., 2016). Le confucianisme est une philosophie de pensée qui a débuté il y a plus de 2500 ans en Chine (Swain, 2017). Confucius, son créateur, a vécu entre 551 et 471 avant Jésus-Christ. Il a notamment travaillé sur des règles de pensées et de conduites visant à améliorer la vie sociale en Chine, sur le plan politique, sur le plan institutionnel et dans le but d’atteindre une harmonie à tous les niveaux (Swain, 2017). L’objectif étant de pacifier les relations entre les différentes classes sociales et les différents niveaux de pouvoirs (Swain, 2017). La dynastie des Han a imposé le confucianisme en tant que doctrine d’État (J. Li, 2019). L’idéologie de pensée de Confucius a marqué toute la civilisation chinoise jusqu’à aujourd’hui, mais aussi la vie politique en Chine. En observant la carte de la Chine de façon historique et géographique on se rend compte que les écoles confucianistes se comptent par centaines de milliers (W. Li et al., 2020). De plus elle s’est étendue sur des pays comme le Japon, la Corée du Sud ou le Vietnam (J. Li, 2019). Durant toute l’histoire de la Chine le Confucianisme a connu de nombreux moments tumultueux. Il a subi des moments de déclins sur les plan politique et social avec de nombreuses personnes se battant contre cette philosophie de pensée. Par la suite, elle a regagné un certain niveau de popularité dans les années 1980 (J. Li, 2019). Le confucianisme a été une idéologie alternative importante contre le marxisme ou le léninisme (J. Li, 2019). De nos jours, elle gagne de plus en plus en popularité car elle est vue comme le symbole de la culture chinoise. Il n’est pas rare de voir dans les écoles et les institutions un regain de popularité autour du confucianisme. Le confucianisme est devenu un sujet de recherches de plus en plus apprécié (J. Li, 2019). On y voit l’apparition du Néoconfucianisme qui tend la société à s’ouvrir au monde extérieur et à échanger avec le reste de l’humanité (J. Li, 2019). Le président Xi Jinping a notamment annoncé l’étude du confucianisme à l’école comme un point majeur de la culture chinoise (Tan, 2017).
Le premier but capital du confucianisme est de privilégier le bien et l’intérêt collectif, plutôt que l’intérêt personnel (W. Li et al., 2020). La philosophie créée par Confucius regroupe de nombreuses idées, mais principalement cinq vertus qui guident une personne sur le plan personnel, au niveau de ses relations et dans son rapport avec sa famille (Sun et al., 2016). Les cinq vertus sont la fidélité (xin), la sagesse (zhi), la bienséance (li), la droiture (yi) et la bienveillance (ren) également (Chine Magazine, 2018). Le second point fondamental dans le confucianisme régit les relations entre les personnes (Watson, 2007). Il est en effet très important que tout le monde joue son rôle selon sa position dans la société et respecte les limites de cette position afin qu’aucun problème ne survienne (Ma & Tsui, 2015). La piété filiale est un troisième élément clé du confucianisme. Il est important que le fils respecte son père et sa volonté. Il ne doit en aucun cas lui désobéir. Cette idée est d’autant plus importante pour le serviteur lorsqu’il sert son maître (Hu, 2007). Selon Confucius il y a toujours une autodiscipline à avoir et un respect mutuel à entretenir. De plus dans toutes les situations il faut agir avec modération et compromis (Hu, 2007).
Le confucianisme joue un rôle capital dans la société, dans le développement des compagnies chinoises (Yu et al., 2021), dans la manière de manager les autres (Woods & Lamond, 2011), de gérer ses relations (Zhu et al., 2021), et notamment de développer une entreprise (Yan et al., 2020). De plus le confucianisme a créé le terme « guanxi » qui est de nos jours un terme désignant la gestion des relations, non seulement entre les personnes, mais aussi entre les objectifs, et les différentes forces existantes (M. Zhang et al., 2021). La loyauté, la réciprocité, les faveurs, et une relation éternelle sont les objectifs du guanxi (Luo, 2008). Le confucianisme dû à ses idéologies de respect et de piété filiale envers son père ou son seigneur a permis à la corruption de s’étendre très rapidement dans la vie politique et professionnelle (Hu, 2007).
Les clés du succès dans l’économie chinoise viennent des idéologies de pensées chinoises, dont le confucianisme (Rowley & Oh, 2020). De surcroît, le leadership très paternel amène à de nouveaux types de management productif (Rowley & Oh, 2020). Mais, il faut reconnaître que le confucianisme n’est pas adopté par tous en entreprise.
Depuis l'époque, où, sous les Han (env. 206 av. J.-C., 220 apr. J.-C.) ; le confucianisme est devenu idéologie d'État en Chine, chaque ville qui était un centre d'administration disposait d'un temple consacré à Confucius, où les fonctionnaires de l'État devaient régulièrement organiser des cérémonies en son honneur. Les salles dans lesquelles Confucius et ses disciples étaient vénérés portaient le nom de wénmiào (文庙 « temples de la littérature ») ; dans ces édifices se trouvait simplement une table devant laquelle le fonctionnaire en question faisait ses génuflexions rituelles. Ces temples étaient souvent flanqués d'une bibliothèque, où les « fonctionnaires de la littérature » discutaient des textes classiques[2].
Le confucianisme repose essentiellement sur l'étude approfondie d'un certain nombre de livres canoniques, dont les Cinq Classiques (Shi Jing《詩經》, Shu Jing《書經》, Li Ji《禮記》, Chun Qiu《春秋》et Yi Jing《易經》) canonisés dès la dynastie Han, et les Quatre Livres (Lun Yu《論語》, Da Xue《大學》, Zhong Yong《中庸》, et le Mencius《孟子》) représentant le néo-confucianisme, choisis comme programme des examens impériaux à partir du XIIe siècle.
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