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ferrailleur français, fournisseur des allemands, finançant la Résistance (1905-1965) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Joseph Joanovici, également orthographié Joinovici, né le à Kichinev, (actuelle Moldavie) et mort le à Clichy (France), est un ferrailleur russe[1]. Il fut fournisseur de métal pour les autorités allemandes pendant l'Occupation de la France, mais aussi pourvoyeur de fonds pour la Résistance, et peut-être même agent du Komintern soviétique. Le commerce avec l'Allemagne le rend milliardaire, et en 1949, il est condamné pour collaboration à cinq ans de prison. Libéré sous conditions, il fuit et tente de s'installer en Israël, qui l'expulse et le renvoie en France derrière les barreaux. Il retrouve sa liberté en en raison de son état de santé et meurt ruiné le .
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Joseph Joanovici naît en Bessarabie, à Kichinev dans l'Empire russe, (désormais Chișinău en Moldavie), officiellement le (mais il est possible qu’il ait menti sur son âge), dans une famille juive. Ses parents sont tués peu après dans un des deux pogroms de sa ville natale (1903 et 1905, mais il se peut aussi que ses assertions soient fausses), il arrive en France en 1925 et devient chiffonnier-ferrailleur. Bien qu’illettré, par son travail, sa gouaille et son protecteur Yacoub (Jakub dans la version polonaise du prénom Jacques), un immigré polonais lui aussi ferrailleur, Joanovici devient Monsieur Joseph, un ferrailleur réputé à Clichy en banlieue parisienne[2].
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, le ferrailleur comprend qu’étant juif, il aura besoin de « protection » et que les Allemands vont avoir besoin de gens pour leur vendre du métal, le nerf de la guerre. Pour cela, il livre des métaux au bureau d'achat de l'Abwehr, à l’hôtel Lutétia[3]. Il fait ainsi fortune pendant les quatre ans de l'Occupation, argent qui lui sert à entretenir de nombreuses hautes relations de tous bords. Il fournit l'Allemagne en métal, soudoie les nazis, finance la Résistance et transmet peut-être aussi des informations au renseignement soviétique.
À partir de 1942, Joanovici se place sous la protection de Henri Lafont, qui déclare après son arrestation : « Je l'ai ressorti plusieurs fois des mains des Allemands comme de celles des Français. Tout le monde savait qu'il était protégé par moi. »[4] On dit[Qui ?] que, lors d'un dîner, Henri Lafont, chef de la Gestapo française, lui lance : « Après tout, Joseph, tu n'es qu'un sale youpin ! » Joanovici aurait alors levé sa coupe de champagne et répliqué : « Ça coûte combien pour ne plus l'être, Hauptsturmführer ? » La DST affirme avoir eu en sa possession une fiche allemande l'immatriculant comme agent de la Gestapo[Note 1]. Il est quelquefois qualifié d'« aryen d'honneur ».
Joanovici joue aussi très tôt la carte de la Résistance. Dès son nom apparaît dans des dossiers de policiers résistants relevant du réseau Turma-Vengeance. Quand tombe un pan de la structure (l'inspecteur Albert Dhalenne de Clichy et le brigadier Émile Gaget sont fusillés au Mont Valérien en janvier et ), il apparaît que Joanovici finançait leur sous-réseau d'exfiltration de déserteurs et de prisonniers évadés vers l'Angleterre via son neveu Ivrail ou Avraili, qui dirigeait la succursale de son entreprise à La Rochelle. Il employait aussi Gaget sur son site de Saint-Ouen, après sa révocation de la Police pour abandon de poste. Avraili fut alors condamné à cinq ans de prison par un tribunal allemand. Vers la Libération, Joanovici finance certains réseaux de la Résistance, comme le mouvement « Honneur de la police »[Note 1], ainsi que des groupements communistes[Note 1]. En , il fait libérer Françoise Giroud de Fresnes[5]. Il dénonce de plus les membres de la Gestapo française qu’il connaît, permettant l’arrestation de Pierre Bonny et d’Henri Lafont le dans une ferme de Bazoches-sur-le-Betz (Loiret). Apprenant qui l’a dénoncé, Lafont aurait eu ce mot : « Pour une fois que Joano donne quelque chose ! »
Il est plusieurs fois arrêté et interrogé sur ses affaires avec les nazis ; il est toujours relâché. Roger Wybot, alors directeur de la DST, affirme qu’il est protégé par la préfecture de police[Note 2]. Le , alors que la DST tente de l’interpeller à la préfecture de police même, des complicités internes l’aident à échapper aux enquêteurs[Note 3] et à partir à l’étranger. Il s’ensuit une purge, qui touche jusqu'au préfet Charles Luizet, alors qu’il était remplacé pour cause de maladie.
Joseph Joanovici revient en France se livrer à la police : il prépare un faux rendez-vous à Phalsbourg pour le , mais se rend directement à la Préfecture de police, pour éviter d’être arrêté par la DST. Il est incarcéré le à la prison de la Santé[Note 4].
Accusé de collaboration économique, son procès, du 5 au , est mené sans zèle excessif et avec des annonces contradictoires (s’il a collaboré, il a aussi armé la Résistance). Il aurait dit : « Je n’étais pas vendu aux Allemands puisque c’est moi qui les payais ! »[6] ou encore : « Que voulez-vous faire contre les Allemands ? Moi, j'ai fait fortune »[7]. Joanovici écope de cinq ans de prison, mais est libéré en 1952. La France tente de l’expulser du territoire, puisqu’il s’est présenté comme Soviétique, puis comme Roumain[Note 5], mais aucun pays n’accepte de le recevoir. Assigné à résidence à Mende, il tente de reconstruire ses affaires mais, poursuivi par le fisc, il se lance en dans une cavale qui le conduit à Haïfa via Genève et Casablanca. À cause de son passé de collaborateur des nazis, il est expulsé d’Israël (il est avec Robert Soblen et Meyer Lansky l’un des trois seuls juifs à qui Israël refusa d’appliquer la loi du retour, en vertu de laquelle la citoyenneté israélienne est accordée à tout juif qui s’installe sur son sol[8]).
Il est incarcéré en 1958 à la prison des Baumettes. Affaibli par une longue grève de la faim, miné par l'artériosclérose, il est libéré en « par humanité » pour raison de santé et ne quitte plus son modeste deux-pièces de l'avenue Anatole-France à Clichy où le soigne son ancienne secrétaire et maîtresse Lucie Schmidt, surnommée Lucie-Fer. Ruiné, il meurt dans le dénuement le [9].
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