Loading AI tools
personnes ayant collaborées avec l'Allemagne nazie durant l'occupation De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La collaboration en France est, entre 1940 et 1944, l'action et le travail commun, menés de façon choisie par le régime de Vichy dirigé par Philippe Pétain et notamment mis en œuvre par Pierre Laval, avec l'Allemagne nazie occupant le territoire français.
Elle trouve son origine dans la Convention d’armistice du 22 juin 1940 qui, dans son article 3, dispose notamment que : « Le Gouvernement français invitera immédiatement toutes les autorités et tous les services administratifs français du territoire occupé à se conformer aux réglementations des autorités militaires allemandes et à collaborer avec ces dernières d'une manière correcte ».
Cette collaboration est officialisée lors du discours radiodiffusé du [1],[2]. Philippe Pétain y fait part de sa rencontre avec Hitler, de sa décision d'avoir accepté, en violation de l'engagement interallié du 28 mars 1940, le principe d'une collaboration avec le Troisième Reich, selon des modalités à préciser, et de la responsabilité qu'il en prend devant l'Histoire.
Elle consiste d'une part en une collaboration d'État, annoncée de prime abord sans exclusive avec tous les États voisins[3], dans sa partie spécifique avec le IIIe Reich.
Affirmant qu’elle pourrait atténuer leurs difficultés, Pétain invite dans ce même discours les Français à le suivre dans cette voie en leur expliquant : « Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d'occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilités l'administration et le ravitaillement du territoire ».
Ce même mois d', Pétain promulgue en France des lois antisémites.
Cette collaboration consiste aussi, d'autre part, en d'autres formes de collaboration plus informelles auxquelles se livrent des Français en dehors de l'appareil d'État.
On peut distinguer trois sortes de collaboration :
À la suite de Philippe Burrin[10], les historiens parlent de « collaboration au quotidien » pour désigner un certain nombre de comportements significatifs, mais ne relevant pas de l'engagement politique actif : rapports personnels cordiaux entretenus avec des Allemands, envoi de lettres de dénonciation à la police ou à la Gestapo (trois à cinq millions de lettres anonymes en France, soit une moyenne de 2 700 lettres par jour[11], 50 % étant motivées par l'espoir d'une récompense en argent, 40 % relevant de raisons politiques, 10 % de vengeances[12]), chefs d'entreprises sollicitant d'eux-mêmes des commandes de l'ennemi, relations amoureuses affichées avec des soldats de l'armée d'Occupation, voire des membres de la Gestapo, etc.[13].
Il peut y avoir recouvrement entre la collaboration d'État et le « collaborationnisme » : de nombreux collaborationnistes parisiens, certains partisans convaincus de la victoire allemande et de l'idéologie nazie, sont ainsi entrés au gouvernement de Vichy.
Depuis les travaux d'Eberhard Jäckel[14], les historiens revisitent également cet aspect du régime de Vichy depuis le point de vue allemand : "collaboration du cheval et du cavalier", selon Goebbels[15], les nazis n'ont jamais pris au sérieux les demandes de l’État français, qu'ils n'utilisaient que pour asservir un peu plus profondément le pays[16].
La collaboration d'État est l'aide apportée à l'Allemagne nazie par le gouvernement de Vichy et l'administration française. Cette aide se situe principalement sur les plans économique (les frais d'occupation, compensation, cartels, comités d'organisation), policiers (lutte contre la Résistance, livraison d'Allemands antinazis exilés en France, etc.), racial (recensement, arrestation et déportation des Juifs) et militaire (accord Darlan, LVF, Waffen-SS français, etc.).
La collaboration fut lancée médiatiquement à la suite de la rencontre de Pétain et d'Hitler à Montoire-sur-le-Loir, le , avec sa fameuse poignée de main, image symbolique que l'on peut opposer à celle du général de Gaulle prononçant au micro de la BBC son intention de continuer le combat aux côtés des Alliés. L'entrevue de Montoire, bien qu'elle ait été préparée par Pierre Laval au moyen de rencontres avec les dirigeants nazis (dont Hitler lui-même, deux jours avant au même endroit) eut un bilan fort maigre : aucun engagement concret ne fut pris d'aucune part, seul le principe de la collaboration fut mis en place, avec un malentendu, soigneusement entretenu par les Allemands, sur le sens réel de cet engagement.
Dans un courrier adressé au général Weygand en date du 9 novembre 1940, Pétain précise qu’aucune modalité d’application n’a été envisagée et qu’il s’est borné à « réclamer l’amélioration du sort des prisonniers, du ravitaillement, des communications entre les deux zones » ainsi que « de la suppression de la ligne de démarcation ». Il ajoute être bien conscient que la question d’une collaboration se reposera à nouveau, mais qu’il entend la limiter à « des considérations d’ordre économique » ou aux moyens de préserver les possessions africaines de l’empire. Il se refusera également à toute tentative d’engager la France dans une agression contre l’Angleterre. Il conclut en insistant sur sa volonté « de maintenir un équilibre prudent » entre les pressions anglo-saxonnes et une collaboration économique « inévitable » avec l’Allemagne [17].
Pour Pétain, comme pour Laval, les concessions faites à l'occupant à partir de l'accord de Montoire devaient entraîner sa mansuétude : devant ces gages de bonne volonté, l'Allemagne aurait accordé des contreparties, comme le retour des prisonniers de guerre français, l'aménagement de la ligne de démarcation ou le retour du gouvernement français à Versailles. Comme le dit Pétain dans son discours du 11 octobre 1940, le choix « appartient d’abord au vainqueur » s’il veut « dominer sa victoire ». Mais, Hitler, en raison de son immense francophobie, n'était nullement disposé à faire des concessions au vaincu de . De plus, il considérait la collaboration comme un atout tactique et stratégique : aide purement ponctuelle et militaire, elle devait aider l'Allemagne dans la perspective du conflit en cours avec le Royaume-Uni et du projet d'invasion de l'URSS. Il s'agissait pour les nazis de se garantir des intentions françaises, c'est-à-dire de « neutraliser la France aux moindres frais » en maintenant « une écrasante domination économique » et en s'assurant « que Vichy s'opposera fermement à toute tentative de mainmise des gaullistes et des Anglais sur l'Afrique du Nord »[18]. L'historiographie récente tend à revoir à la hausse les propositions françaises, sur la base des procès-verbaux publiés en 1961 (en anglais) par les Américains : c'est Pétain qui a proposé une « collaboration » consistant en une action militaire anti-anglaise de l’armée de Vichy en Afrique (pour reprendre l'AEF également), sans nécessairement l'appui de troupes allemandes mais avec l'accord d'Hitler[19],[20]. Celui-ci a ignoré la demande, par méfiance et n'étant venu, selon François Depla, que pour faire diversion sur le front sud tandis qu'il concentrait déjà ses moyens à l'est.
Pétain déclara, dans son allocution radiophonique du , que la France entrait dans une ère nouvelle : « j'entre dans la voie de la collaboration »[1]. Mais il avoua par la suite sa déception devant l'absence d'accord concret, et d'engagement de la part d'Hitler. Il confia par la suite avoir rencontré un « rien du tout », un « médiocre qui n'a pas retenu les leçons de l'histoire », allant jusqu'à minimiser la rencontre en affirmant que Montoire était dès le départ conçu comme un simple « tour d'horizon » informel[21]. Ceci ne l'amena pourtant pas à tirer les leçons de cet échec, dont il ne soupçonna sans doute jamais la portée réelle. Laval et lui pariaient sur une victoire allemande définitive, et ils voulaient faire de la France le partenaire privilégié d'Adolf Hitler dans l'Europe nazie. Leur illusion était grande qu'Adolf Hitler veuille faire de la France autre chose qu'un vassal taillable et corvéable à merci[15],[22]. La seule divergence entre les conceptions des deux hommes d'État était une différence de degré : pour Pétain, la collaboration avait des motivations réactionnaires et nationalistes, alors que Laval raisonnait en termes nettement européens, ceux de « l'Ordre nouveau » évidemment[23].
Le régime de Vichy, pour démontrer sa bonne volonté, a donc recherché la collaboration et fréquemment anticipé ou surenchéri sur les demandes allemandes. Quant aux concessions obtenues en échange de la collaboration, elles furent pour le moins très limitées, le fardeau de l'Occupation ne cessant de s'alourdir jusqu'au bout. Ainsi, en échange du départ de 600 000 à 650 000 jeunes travailleurs au Service du travail obligatoire (STO), Pétain et Laval obtinrent le retour de moins de 100 000 prisonniers pour la plupart âgés et malades, dont une majorité aurait sans doute été rapatriée de toute façon.
Parmi les collaborationnistes qui ont participé aux différents gouvernements de Vichy ou lui ont apporté leur soutien, on peut citer Fernand de Brinon, admirateur du Troisième Reich dès avant-guerre, qui est ainsi le délégué général de Vichy en zone Nord de 1941 à 1944. On peut citer aussi Jacques Benoist-Méchin, principal conseiller de Darlan pour les négociations avec Hitler (1941-1942), Gaston Bruneton, chargé de l'action sociale auprès des travailleurs (volontaires et forcés) français en Allemagne en étroite collaboration avec le D.A.F. (Front Allemand du Travail), Jean Bichelonne, maître-d'œuvre du Service du travail obligatoire (STO), ministre de la Production industrielle, puis, des Transports, ou l'académicien Abel Bonnard dit « Gestapette », promu à l'Éducation nationale en 1942. En 1944, les fascistes et collaborationnistes convaincus Joseph Darnand, Philippe Henriot et Marcel Déat entrent au gouvernement sous la pression allemande.
Si de nombreux collaborationnistes parisiens méprisent ouvertement le régime de Vichy qu'ils jugent trop réactionnaire et pas assez engagé dans l'alliance avec le Troisième Reich, d'autres se proclament inconditionnels du maréchal Pétain, à commencer par Darnand. Jacques Doriot, chef du PPF, se présenta jusqu'à fin 1941 comme « un homme du Maréchal ». Pierre Laval, la plus importante personnalité à Vichy, après Pétain, entretenait des relations politiques très étroites avec Déat et Darnand, et prit en personne la tête de la Milice française, organisation collaborationniste très violente et jusqu'au-boutiste, supplétive de la Gestapo.
Le régime de Vichy accorda son soutien au régime nazi particulièrement au travers de l'expulsion et de la spoliation de leurs biens (aryanisation), associée à la déportation de Juifs étrangers, puis français. Sur les 76 000 Juifs déportés de France, dont 50 000 étaient des Juifs étrangers (y compris 6 000 Juifs dénaturalisés en vertu de la loi du 22 juillet 1940), 40 % ont été arrêtés par la police française, selon les calculs de Serge Klarsfeld. La Milice française a aussi participé à l'arrestation des 25 000 Juifs français déportés[24].
Bien que le port de l'étoile jaune n'eût jamais été instauré en zone libre, le régime de Vichy fit apposer le tampon « Juif » sur les papiers d'identité, et ne protesta pas non plus contre la mesure prise en zone nord. En application des accords policiers Oberg-Bousquet de mai 1942, c'est la police française qui a assuré avec les nazis la rafle du vel' d'Hiv à Paris. Les personnes raflées furent dirigées vers des camps, dont Drancy. Le , René Bousquet organisa la rafle et la déportation de 10 000 Juifs étrangers de zone libre.
Le gouvernement de Vichy fut le principal acteur de la collaboration lorsque son vice-président, l'amiral Darlan, qui avait rencontré Hitler à Berchtesgaden les 11 et [25], signa avec l'ambassadeur Otto Abetz les trois protocoles de Paris du . Ces textes, qui instituèrent une collaboration militaire entre les forces armées allemandes et françaises (Protocole I pour la Syrie-Liban, Protocole II, pour Bizerte et la Tunisie, Protocole III, pour l'A.O.F. et l'A.E.F., et protocole complémentaire, sur les moyens demandés par le régime de Vichy pour combattre toute riposte alliée) furent personnellement approuvés par Pétain dans son télégramme du au général Dentz, haut commissaire en Syrie. Ces dispositions furent appliquées totalement en Syrie-Liban et partiellement en Afrique du Nord par la livraison à l'ennemi de pièces d'artillerie lourde et de munitions, que celui-ci allait pouvoir utiliser contre les soldats français à Bir Hakeim, puis, pendant la campagne de Tunisie[26]. Le , le général Juin et Hermann Göring se rencontrent à Berlin pour négocier l'utilisation de la base française de Bizerte par l'Afrikakorps, mais c'est un échec, Vichy exigeant en échange un renforcement de l'armée française d'Afrique et un accord général plus favorable que l'armistice du 22 juin 1940, ce que les Allemands refusent[27].
La Milice française, qui joua un rôle de force supplétive de l'armée allemande, par exemple lors de l'écrasement du maquis du Vercors en 1944, fut créée par le régime de Vichy le . Si — officiellement — elle est présidée par le chef du gouvernement, Pierre Laval, dans les faits, c'est Joseph Darnand, le secrétaire général de cette organisation, qui en est le véritable chef opérationnel.
La collaboration économique, au sens où l'entendent des historiens comme Paxton[28] découle d'abord de la dette de guerre théoriquement fixée par l'armistice de juin 1940. Seul le principe est fixé par la convention d’armistice, mais pas le montant (art. 18), l’exécution étant renvoyée à une commission allemande d’armistice (à Wiesbaden) devant laquelle la représentation française « reçoit les ordres » (art. 22). La fixation du montant à 400 millions de francs par jour organise une prédation immédiate sur l’économie française, malgré l’accablement du général Huntzinger a Wiesbaden[29] : les charges d’occupation, réglées par un budget spécial, représentent 133 % du budget ordinaire de l’État. Après l'invasion de la zone sud, ces frais sont portés à 500 millions de francs par jour. Globalement, la somme versée au titre de l’entretien de troupes d’occupation s’est élevée à 631,8 milliards de francs, soit, au cours imposé, 31,6 milliards de marks[30]. Par comparaison, les revenus budgétaires annuels ordinaires du Reich en 1942 s’élevaient à 49 milliards de marks[31]. Sur l'ensemble de l'année 1943, ces paiements représentent 36 % du revenu national français[32]. L'appareil productif est entièrement tourné vers les besoins allemands : en 1943 et 1944 (avant l'effondrement du régime), l'industrie automobile a fourni à l'occupant 60 % puis 70 % de sa production[32]. Pour l'industrie aéronautique, il s'agit de la totalité.
Elle a pris également la forme du travail des prisonniers de guerre, des travailleurs envoyés en Allemagne dans le cadre de « la relève » et du STO, de la contribution des entreprises françaises à l’effort de guerre allemand (Renault par exemple) et du prélèvement sur le patrimoine national (fonte des statues, spoliations des Juifs, etc.). Les travailleurs français sont les seuls d’Europe à avoir été requis par les lois de leur propre État et non par une ordonnance allemande (loi du 16 février 1943).
Globalement, l’exploitation économique par l’occupant s’est mise en place dès le début et n’était pas ignorée du maréchal Pétain. Son ministre du Travail et de la production industrielle, René Belin, l’alerte le 7 août 1940 : « Un cordon barrant la France produit sur son économie l’effet que produirait un mur infranchissable… La ligne de démarcation se présente ainsi comme une frontière hermétiquement fermée et la zone occupée devient déjà un pays annexé et exploité par le vainqueur, au lieu d’une région soumise à l’occupation militaire prévu par la convention d’armistice »[33].
Outre les cas dits de « collaboration horizontale » (terme utilisé officiellement dès 1944-1945 pour désigner « des relations sexuelles avec un soldat allemand »[34]), des femmes ont pris une part active à la collaboration[35], aux côtés de la Milice, comme Maud Champetier de Ribes, la maîtresse de Raoul Dagostini, ou aux côtés des Allemands, comme Mireille Provence, « l'espionne du Vercors »[36].
Philippe Pétain était au départ un « réactionnaire ». Il profita de la défaite française pour mener à bien son projet de Révolution nationale. Celle-ci ne pouvait s'épanouir que dans le cadre de la défaite, puisque toute victoire des Alliés aurait signifié le retour aux libertés fondamentales et la fin des persécutions contre les Juifs, les francs-maçons, les républicains.
Pierre Laval, tout en collaborant de façon outrancière, était avant tout un opportuniste qui jugeait préférable que la France soit du côté de l'Allemagne à l'issue de la victoire de celle-ci — qu'il jugeait inéluctable. C'est la raison sans doute pour laquelle il déclara : « je souhaite la victoire de l'Allemagne parce que, sans elle, le bolchevisme demain s'installerait partout ». À partir de 1943-1944, toutefois, la position de Laval se révéla être bien au-delà d'un simple opportunisme, puisqu'il ne varia pas dans sa politique, malgré l'inéluctabilité devenue évidente de la défaite allemande. Au contraire, il accentua la collaboration, notamment en créant la Milice et le STO.
Le terme « collaborationniste » serait dû à Marcel Déat, dans L'Œuvre du . Le terme était employé dans la presse résistante durant l’occupation[37].
Le collaborationnisme ne se contente pas de pratiquer la collaboration, mais cherche à l'encourager, à la promouvoir, à en faire un thème politique. La différence politique entre le gouvernement de Vichy et les collaborationnismes réside dans le fait que ces derniers souhaitent une entrée en guerre de la France aux côtés de l'Allemagne et la mise en place d'un régime à parti unique similaire aux partis fasciste et national-socialiste. Le collaborationnisme est le fait des partis politiques et de la presse collaborationnistes. De fait, la mise à disposition de troupes françaises secondant l'armée allemande sera le fait des collaborationnistes et non de Pétain.
Ces serviteurs pourtant ostensibles de l'ennemi n'hésitaient pas à se qualifier de « nationaux ». Les Allemands eux-mêmes, qui ne les prenaient pas très au sérieux, les utilisèrent surtout pour accroître leur pression sur le gouvernement de Vichy. Les « collabos » n'étant qu'une poignée d'hommes et de femmes isolés et méprisés par la masse du pays (environ 2 % de la population), Adolf Hitler se garda de leur confier des responsabilités trop importantes. D'autant que dans son esprit, le fascisme rendait les peuples forts, ce qui aurait donc été un danger à ses yeux pour l'hégémonie allemande. Hitler demanda ainsi à l'ambassadeur d'Allemagne en France, Otto Abetz, le de faire en sorte que la « France reste faible » et que « tout soit entrepris pour susciter la division interne », affirmant qu'il n'y a « aucun intérêt à soutenir réellement des forces völkisch ou nationales en France »[38]. Suivant les directives de Berlin, Abetz va donc travailler à maintenir la division des partis collaborationnistes pour empêcher que l'un finisse par constituer un mouvement national et autoritaire de type fasciste susceptible de rendre à la France sa force ; il suscite des concurrents le plus souvent groupusculaires au PPF de Jacques Doriot dont il écrira en 1942 qu'il faut contrer ses initiatives car « il pourrait finir par s'imposer et susciter une mystique nationale capable de rénover la France dans le sens national-socialiste »[39]. Conformément à ses inclinations personnelles d'ancien social-démocrate, Abetz préfère travailler avec d'anciens socialistes comme Marcel Déat et avec des collaborateurs surtout motivés par le pacifisme et l'idée d'unifier l'Europe, quitte à ce que ce soit sous domination allemande et il plaida en ce sens auprès de Berlin : dans son rapport à Ribbentrop daté du , Abetz prône « un traité de paix qui empêcherait, par la mise en place d'un gouvernement de gauche et l'occupation permanente par l'Allemagne, toute opposition contre l'Europe dirigée par le Reich »[40]. De fait, le conseiller Schleier, « constatant que la grande majorité des partisans de la politique de collaboration vient de la gauche française »[41] pousse Abetz à favoriser l'entrée au gouvernement de Vichy des syndicalistes et socialistes acquis à la collaboration.
L'agitation menée par les collaborationnistes les plus voyants, installés pour la plupart à Paris occupé, et venus d'horizons politiques variés, fit parfois oublier l'action patiente et résolue du gouvernement de Vichy en matière de collaboration.
Dès juillet 1940, des activistes tentent leur chance en créant des partis politiques favorables à l'occupant nazi. Ils sont ensuite rejoints par les hommes politiques fascistes déçus par le caractère réactionnaire, catholique et moralisant du régime de Vichy (vers l'automne 1940).
Tout en se réclamant officiellement du maréchal Pétain, le petit monde collaborationniste parisien se distingue tout d'abord par sa volonté d'aller plus loin que le régime de Vichy. Au contact direct des forces d'occupation allemandes, il prône l'instauration d'un régime fasciste ou nazi en France, plus « révolutionnaire », et engagé sans arrière-pensée dans la collaboration avec l'Allemagne nazie. Les collaborationnistes parisiens vont progressivement prendre des places au sein du régime de Vichy qu'ils ont tant critiqué au départ et tendront à radicaliser encore plus le régime (Marcel Déat, ministre en 1944).
Autre caractéristique du petit monde collaborationniste, l'incapacité à s'unir, et les intrigues entre chefs (la rivalité entre Jacques Doriot et Marcel Déat, mais, aussi, entre Marcel Déat et Eugène Deloncle, etc.). Marcel Déat a tenté de réaliser un parti unique en 1941 en alliant RNP et MSR, puis, en 1943, au sein d'un éphémère Front révolutionnaire national.
Tout ce monde se retrouvera, avec le maréchal Pétain et les derniers fidèles de Vichy en exil en Allemagne, à Sigmaringen en 1944-1945[42]. Jacques Doriot tentera de rejouer l'aventure gaullienne à l'envers en prenant la tête d'un Comité français de libération nationale et enverra quelques agents pro-allemands dans la France libérée par les Alliés. Certains se retrouveront dans la LVF, à défendre le dernier carré des chefs nazis dans le Berlin dévasté au printemps 1945.
Avant le début de la Seconde Guerre mondiale, le décret-loi du (décret Daladier) institue un « Commissariat général à l'Information » qui dépend directement de la Présidence du Conseil. Dirigé par le diplomate Jean Giraudoux, il est chargé de contrôler les médias et mobiliser l'opinion contre l'Allemagne nazie. Pendant la drôle de guerre, le commissariat est transformé par le décret du en « Secrétariat d'État de l'Information et de la Propagande » du ministère de l'Information, sur lequel va ensuite s'appuyer la collaboration pour faire accepter aux Français la défaite à travers trois médias : France-Actualité pour les actualités cinématographiques, Radiodiffusion nationale pour les ondes et la presse écrite pour le reste.
Les principaux journaux de presse adoptent alors trois attitudes : soit ils se sabordent (Le Canard enchaîné, L'Intransigeant, Le Populaire ou L'Humanité) ; soit ils se replient en zone libre dès le , essentiellement sur Lyon où existent de nombreuses imprimeries (Le Journal, Paris-Soir ou le Figaro) ; soit ils décident de reparaître en zone Nord (Je suis partout ou Le Matin).
La majorité des titres de la presse collaborationniste en zone occupée sont subventionnés ou détenus en sous-main par l'ambassade d'Allemagne d'Otto Abetz, qui a créé à cet effet les Éditions Le Pont. La presse parisienne, avec Le Petit Parisien et sa radio Le Poste Parisien, propriété de Pierre Dupuy, est dominée par la personnalité du patron de presse Jean Luchaire. L'ambassade d'Allemagne exerce principalement la propagande et la Propaganda Staffel se spécialise dans la censure, notamment grâce à ses bureaux en province. À part les ultra-collaborationnistes, les journalistes agissent plus par opportunisme, appât du gain — alors que les salaires en France sont bloqués, leurs appointements sont doublés par l'entremise de la Propaganda Staffel — ou lâcheté, que par idéologie.
La presse maréchaliste en zone libre soutient majoritairement la politique collaborationniste et antisémite de Pétain en pratiquant l'autocensure, car elle est contrôlée par le « Secrétariat d'État de l'Information et de la Propagande » du ministère de l'Information, dirigé par Paul Marion, puis Philippe Henriot.
Peu à peu, face à la propagande manifeste, les Français se détournent des journaux politiques de la collaboration, qui continuent à annoncer des tirages phénoménaux alors qu'ils réalisent de 30 à 50 % de bouillons. Ils privilégient alors la presse spécialisée (sport, presse féminine) et la presse clandestine (comme Franc-Tireur, Combat ou Libération)[44].
Des dizaines d'écrivains ou journalistes de renom furent des collaborateurs. Les articles spécialisés permettent de connaître plus en détail la nature des engagements de différents écrivains de renom en faveur de l'occupant ou de la Révolution nationale. Albert Lejeune fut le seul éditeur à être condamné à mort et exécuté[45], mais c'est principalement pour son rôle dans une affaire de presse[46]. Côté écrivains et journalistes, cela a aussi été le cas de Robert Brasillach, de Paul Chack ou de Paul Ferdonnet[46].
La Légion des volontaires français contre le bolchevisme fut une initiative privée des chefs des partis collaborationnistes parisiens en et non pas une création du régime de Vichy. Mais le maréchal Pétain l'a encouragée publiquement à sa création (par exemple en ), avant d'adopter une attitude plus prudente par la suite. La LVF fut reconnue d'utilité publique et Pétain déclara que ses soldats détenaient « une part de notre honneur militaire ». Ceux-ci prêtaient serment de fidélité personnelle à Adolf Hitler.
La constitution d'une Waffen-SS française (unité militaire de la SS) fut autorisée par le régime de Vichy en juillet 1943.
En réaction au débarquement allié en Afrique du Nord (opération Torch), le gouvernement français veut envoyer une force militaire en Tunisie. Les amiraux Derrien et Esteva restent fidèles au maréchal qui a demandé aux forces militaires d'Afrique du Nord de résister contre les Alliés.
Créée par le régime de Vichy, l'Union générale des israélites de France estimait que la question juive en France était un problème d'immigration dû aux Ostjuden, et que les Juifs français pouvaient bénéficier d'une relative immunité. Ce mythe s'est effondré avec l'accélération de la Solution finale en Europe. Le collaborationnisme des dirigeants de l'UGIF s'explique en partie par leur confiance envers Pétain.
L'ambassade allemande cherchera régulièrement à favoriser la collaboration des syndicats français, ce qui se traduira par la mise en place de rapports privilégiés avec Pierre Vigne, ancien secrétaire des Fédérations française et internationale des mineurs, Georges Dumoulin, secrétaire de la Fédération des mineurs du Nord, Marcel Roy, secrétaire de la Fédération des métaux, Roger Paul, secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile, Albert Perrot, président de l'Union des syndicats parisiens. Depuis , une coopération suivie existe avec les syndicalistes réunis autour de l'hebdomadaire L'Atelier que dirige l'ancien député socialiste Gabriel Lafaye ; en accord avec l'ambassade, il est décidé d'autoriser les syndicats à réactiver leurs sections et à publier leur bulletins d'information. Le sera créé le Centre syndicaliste de propagande animé par Gabriel Lafaye, René Mesnard, Pierre Vigne et les anciens secrétaires adjoints de la CGT, Aimé Rey et Georges Dumoulin, qui assure la liaison avec le RNP. Entre autres nombreux groupements, l'ambassade travaille avec la Fédération française des travailleurs de l'agriculture d'André Parsal, député communiste rallié à la collaboration et membre du Parti ouvrier et paysan français[48]. Ce collaborationnisme syndical est théorisé notamment par Hubert Lagardelle, penseur du syndicalisme révolutionnaire et figure historique du mouvement ouvrier qui fut séduit par le fascisme après avoir été l'ami de Mussolini à l'époque où celui-ci était au parti socialiste italien. Ayant collaboré à la revue Plans et été le cofondateur de la revue Prélude, Lagardelle participa à l’Institut d’études corporatives et sociales et au Centre français de synthèse et devient ministre du Travail du régime de Vichy dans le gouvernement de Pierre Laval ( – ). En 1943, il est contraint à la démission du gouvernement et devient rédacteur en chef du journal collaborationniste "de gauche" La France socialiste.
La collaboration d'ordre privé, même si elle est encouragée par des déclarations du régime de Vichy, est celle qui relève de l'initiative privée en particulier dans l'activité professionnelle (le collaborationnisme politique est traité plus haut). Des degrés de responsabilité particuliers peuvent être dégagés : les chefs d'entreprise (en raison des implications collectives des décisions qu'ils prennent) et les artistes et « vedettes » (en raison de l'exemple que constitue leur conduite).
Si nombre d'artistes (comme Ray Ventura ou Jean-Pierre Aumont) ont émigré à cette époque et sont même revenus en France, pour certains, les armes à la main (Jean Gabin), d'autres ont plus simplement — pour reprendre l'expression de Sacha Guitry — « continué à exercer leur métier[51] ». Guitry est représentatif de certaines accusations émises à la Libération, alors qu'il n'y a jamais eu, dans son cas, de preuve tangible d'une collaboration, tandis que ses actions en faveur de Paul Valéry, Tristan Bernard ou Max Jacob sont connues. Alors que le juge d'instruction conclut à un dossier vide, des responsables résistants ont déclaré que cette affaire relevait de l'invention. Il n'en reste pas moins que plus d'une personnalité des arts et des spectacles ne manifesta aucun état d'âme particulier à s'afficher régulièrement aux côtés des Allemands (telles Arletty, Mireille Balin ou Corinne Luchaire[52]), et que celles-ci furent largement mêlées pendant quatre ans à la vie d'un Tout-Paris pas toujours regardant. La boutade prêtée à la comédienne Arletty à ce sujet est restée célèbre : « Mon cœur est à la France, mais mon cul est international ».
Les recettes des cinémas doublent entre 1938 et 1943 (220 longs métrages de fiction sont tournés[53]), celles des théâtres triplent sur la même période, les cabarets reprennent leur exploitation dès [54].
Comme l'indique l'historien Eberhard Jäckel, les projets de Hitler pour la France étaient de l'éliminer en tant que puissance européenne et d'en réduire l'importance à l'état de nation de seconde zone : « À l'avenir la France jouera en Europe le rôle d'une « Suisse agrandie » et deviendra un pays de tourisme, pouvant éventuellement assurer certaines productions dans le domaine de la mode »[55]. L'idée que la puissance de l'Allemagne sur tous les plans, militaire, politique et économique, prévalait, conduisait, entre autres, à ne réserver pour la France qu'un rôle mineur dans sa propre industrie et à ne lui laisser, en compensation, que le développement de la viticulture, la mode, le luxe et autres activités « secondaires ». La France deviendrait en quelque sorte le « potager et le Luna Park » de l'Europe nazie[55].
Les nazis voulaient faire essentiellement de Paris une préfecture de la frivolité (treize bordels réservés aux Allemands, se transformant souvent en rendez-vous mondains[56]) et des loisirs de masse, et une des manières de résister à ce qui est considéré comme « décadence » pour certains artistes consiste à maintenir un certain niveau de culture (théâtre, opéra, arts plastiques, etc.)[57],[58],[59],[60].
Si, selon Alan Julian T. Jackson, la politique allemande visait à briser l'hégémonie culturelle française et en faire la région agricole de l'Europe, favorisant le régionalisme littéraire développé par Vichy[61], selon Stéphane Guégan, les autorités allemandes ont fait, au contraire, preuve d'un grand libéralisme : « art, cinéma, théâtre et édition ont connu alors une sorte d'âge d'or » prolongeant le bouillonnement culturel des années 1930[52].
Les nouveaux pouvoirs issus de la Résistance intérieure et du Gouvernement provisoire de la République française mirent fin aux violences spontanées et procédèrent à l'épuration judiciaire. Les excès de l'« épuration sauvage »[62] n'ont pas dégénéré dans un « bain de sang » général[63]. Mais, avant que les cours de justice et chambres civiques soient créées et installées, et parfois après, les résistants et les populations s’en prennent aux collaborateurs. Cette épuration extrajudiciaire, ou « épuration sauvage », vise principalement des collaborateurs avérés, notamment les miliciens de Darnand, ou des militants de partis collaborationnistes. Elle a également lieu à la Libération à la faveur des mouvements de foules, où la joie et le désir de vengeance se mêlent. Les femmes ayant collaboré sont tondues (20 000 au total), à la Libération, mais aussi au printemps 1945, au retour des camps[64]. Les exécutions extrajudiciaires de collaborateurs, ou considérés comme tels, sont l’objet d’une légende noire où les chiffres deviennent de vrais arguments dans les tentatives de réhabilitation de certains. Cependant, même si les dérapages et les actions de pur banditisme existent (Maquis Lecoz), toutes les exécutions « extralégales » ne sont pas empreintes d'injustice.[réf. à confirmer]
La justice d'épuration fut globalement inégale. Elle comporte des cas de vengeance pure et aveugle, à côté d'une réelle activité légale de poursuites judiciaires. Les lois d'amnistie (1951 à 1953) interviennent après une décennie de jugements. L'épuration légale est sévère comparativement aux autres pays d'Europe, notamment en nombre de peines de mort ; mais elle a connu une portée moins étendue si on tient compte du nombre de peines de prison[65].
Par la suite, l’épuration judiciaire prend le relais. Elle s’exerce par l’entremise de tribunaux d’exception : la Haute cour de justice, les cours de justice et les chambres civiques pour les actions non réprimées par le code pénal. L'épuration touche tous les secteurs d'activité et toutes les couches de la société.
Le cinquantenaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, au milieu des années 1990, fut l’occasion de nombreuses études permettant d’éclairer d’une lumière nouvelle cette période extraordinaire, au sens propre du terme, qu’est la Libération. Ce fut également le moment de synthétiser l’ensemble des travaux concernant la période. Ainsi, l’épuration extrajudiciaire entraîna la mort de 10 000 personnes, la tonte de 20 000 « horizontales ». L’épuration légale concerna plus de 300 000 dossiers, dont 127 000 entraînent des jugements, ce qui donne 97 000 condamnés. Les peines allant de 5 ans de dégradation nationale à la peine de mort. Soucieux de réduire rapidement la fracture entre les Français, le gouvernement de la République française vota trois amnisties pour les épurés, dès 1947, puis, en 1951 et 1953.
L’épuration est très rapidement un sujet polémique. Les premiers à écrire sur le sujet sont les épurés eux-mêmes ou les épurateurs. Ce qui ne favorise pas la neutralité des propos. De plus, les journaux d’extrême-droite et les anciens vichystes ou leurs avocats relaient la « légende noire » de l’épuration : massacres, chiffres farfelus. Cependant, les dernières enquêtes réalisées par le Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale (CHGM) et son successeur, l’Institut d'histoire du temps présent (IHTP), donnent pour 84 départements (sur 90 en 1945) le chiffre de 8 775 exécutions sommaires lors de l’épuration extrajudiciaire, auxquels il faut ajouter les condamnés à mort par la Haute cour de justice et les cours de justice (791 ou 767 suivant les enquêtes), et par les cours martiales (769 pour 77 départements selon l’IHTP[66]). L’épuration aurait donc causé entre 10 000 et 11 000 morts.
En valeur absolue, moins de Français furent internés que dans les Pays-Bas. Moins d'un Français sur 1 000 fut interné ou arrêté, ce qui reste très en dessous des taux du Danemark, de la Norvège, de la Belgique et des Pays-Bas. Plus de 1 500 condamnés à mort furent exécutés. Cependant, deux condamnations sur trois à la peine capitale furent commuées, taux le plus élevé d'Europe occidentale.
L'épuration est considérée comme limitée en comparaison des chiffres de la répression effectuée par les nazis et les français collaborationnistes de 1940 à 1944, estimés à 200 000 morts[67].
Les dossiers de 200 000 collaborateurs vont être rendus public par le gouvernement, de la fin jusqu'à 2019, et seront disponibles pour consultation par le public[68].
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.