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genre cinématographique et littéraire, principalement italien De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le giallo (prononcé en italien : /ˈd͡ʒal.lo/[1] Écouter litt. « jaune », au pluriel gialli /ˈd͡ʒal.li/[1]) est un genre cinématographique principalement italien à la frontière du cinéma policier, du cinéma d'horreur et de l'érotisme qui a connu son âge d'or des années 1960 aux années 1980.
Catégorie | Giallo |
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Rattaché au genre | film policier, film d'horreur, film érotique, thriller |
Genre(s) rattaché(s) et sous-genre(s) | Slasher |
Début du genre | La Fille qui en savait trop (1963) |
Pays d'origine | Italie |
Le terme giallo renvoie à la couleur jaune utilisée de manière distinctive sur les couvertures de romans policiers italiens à partir des années 1920, à l'instar des couvertures noires de l'édition Série noire en France.
Giallo est le nom utilisé en Italie pour désigner, de manière générale, le roman policier, ou plus largement le genre policier : c'est hors d'Italie que ce nom est utilisé pour désigner, de manière plus précise, les films d'angoisse ou thrillers italiens. Les termes de « roman noir » ou de « film noir » renvoient au terme giallo en italien[2]. Dans leur pays d'origine, où giallo a un sens plus large, ces films sont englobés sous des appellations comme « giallo all'italiana »[3] ou « thriller all'italiana »[4]. Étymologiquement parlant, le terme giallo est utilisé pour qualifier le roman policier mais aussi, dans le langage journalistique, pour se référer à des faits divers délictueux et mystérieux[5].
Dès les années 1910, quelques films montrent des signes avant-coureurs du genre : La mano della morta[6] (1916), Il triangolo giallo (1917) et La banda dei rossi (1920) en sont quelques exemples. Les pionniers du polar italien, tels que Carolina Invernizio[6], Emilio De Marchi, Giulio Piccini (it), Remigio Zena (it), Luigi Natoli, Arturo Olivieri Sangiacomo (it), Matilde Serao, Salvatore Farina (it) et d'autres, seront autant d'inspirateurs du genre cinématographique à naître.
En 1929, la maison d'édition Mondadori lance la série I libri gialli[7],[8]. Publiés sur du papier de faible qualité, le succès de ces romans attira l'attention d'autres maisons d'édition qui ne tardèrent pas à sortir leurs propres œuvres sous la couverture jaune devenue traditionnelle[9]. Ces romans furent si populaires que les œuvres d'auteurs étrangers réputés comme Agatha Christie ou Georges Simenon sortirent sous cette forme lors de leurs premières publications en Italie. Une nouvelle génération d'auteurs comme Alessandro Varaldo, Alessandro De Stefani, Tito A. Spagnol, Augusto De Angelis, Ezio D'Errico (it) ou Franco Enna ouvrent alors la voie à des inspirations cinématographiques.
La production cinématographique s'est encore intensifiée avec l'avènement du parlant, renforçant ses conditions stylistiques préalables dans les années 1940 et 1950. Des films comme Cour d'assises (1931) de Guido Brignone[10], Giallo (1933) de Mario Camerini, Grattacieli (1943) de Guglielmo Giannini, Ce soir à onze heures (1938) d'Oreste Biancoli ainsi que Il serpente a sonagli (1935) et Joe il rosso (1936) de Raffaello Matarazzo seront séminaux dans la typification, quand des films ultérieurs comme Dans les faubourgs de la ville (1953) de Carlo Lizzani, Meurtre à l'italienne (1959) de Pietro Germi, Brigade volante (1951) de Fernando Cerchio, Les Volets clos (1951) de Luigi Comencini, Operazione mitra (1951) de Giorgio Cristallini, Terreur sur Rome (1957) d'Anton Giulio Majano, Histoire d'un crime (1951) de Mario Sequi et Sursis pour un vivant (1959) d'Ottorino Franco Bertolini et Víctor Merenda constitueront un langage cinématographique, le proto-giallo, qui conduira en 1963 à la naissance formelle du genre.
En 1963, Mario Bava porte à l'écran La Fille qui en savait trop, avec Valentina Cortese, John Saxon et Letícia Román, dont le titre imposé par les distributeurs rappelle celui d'Alfred Hitchcock, L'Homme qui en savait trop (1956) alors que le réalisateur voulait à l'origine le titrer par le plus angoissant Incubo (litt. « L'Incube »). Ce film macabre et légèrement ironique raconte l'histoire d'un personnage tordu et effrayant qui sème la terreur et la mort dans les rues de Rome. Cette œuvre est considérée rétrospectivement comme fondatrice du giallo à l'italienne, ouvrant la voie à d'autres réalisateurs[11]. Jusqu'alors, les films caractérisés par des éléments gores avaient toujours été rendus quelque peu farfelus et irréels par des intrigues se déroulant plusieurs siècles avant notre ère dans des décors gothiques extravagants, créant ainsi une sorte de détachement émotionnel entre l'histoire et le spectateur[3]. Le giallo, au contraire, s'attache à styliser et à théâtraliser des assassins contemporains d'apparence a priori banale[12].
Mais c'est en 1964, avec Six Femmes pour l'assassin, toujours réalisé par Bava, que les traits caractéristiques du genre se dessinent définitivement : le meurtrier, vêtu d'un chapeau, d'un masque et d'un imperméable mackintosh sombre, avec une arme blanche brillante dans sa main gantée de noir[13]. Une multiplication de plans subjectifs du tueur, une recherche de scènes de crime diversifiées et particulièrement élaborées et sanglantes (la célèbre séquence où le visage de la victime est pressé à plusieurs reprises contre un poêle incandescent)[14], une musique obsessionnelle et même un soupçon de nudité, sont les ingrédients qui seront systématiquement repris dans des dizaines de films ultérieurs.
Entre la fin des années 1960 et le début des années 1970, un nouveau sous-genre est né, le giallo érotique, dans lequel on accorde une plus grande attention aux aspects sexuels de l'histoire, également défini « thriller dei quartieri alti »[15] (litt. « thriller des beaux quartiers ») par le réalisateur Umberto Lenzi ; le même Lenzi signera la trilogie composée des films Une folle envie d'aimer (1969), Si douces, si perverses (1969) et Formule 1 (1970), dans lesquels se mêlent érotisme, psychologie et intrigues du monde de la noblesse. Un autre réalisateur connu dans ce genre est Sergio Martino avec les films L'Étrange Vice de madame Wardh (1971), Toutes les couleurs du vice (1972) et Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé (1972). Les autres titres de ce sous-genre sont L'Adorable Corps de Deborah (1968) de Romolo Guerrieri, Le Sadique de la treizième heure (1968) d'Antonio Margheriti, Perversion (1969) d'Alberto De Martino, Cinq Filles dans une nuit chaude d'été (1970) de Mario Bava, Les Rendez-vous de Satan (1972) de Giuliano Carnimeo, Le Manoir aux filles (1972) d'Alfonso Brescia, Nue pour l'assassin (1975) d'Andrea Bianchi et Il vizio ha le calze nere (1975) de Tano Cimarosa.
Le genre connaît son apogée dans les années 1970 alors que la situation politique italienne est assez agitée, marquée par les années de plomb. Le giallo y sert de moyen de dénonciation sociale et politique contre la corruption, la crise des institutions ou encore l’inefficacité de la justice[16],[17]. Cet aspect sera toutefois bien plus développé à la même époque dans le poliziottesco, un autre cinéma de genre hybride qui croise le film noir et le film d'auto-défense.
Ces années-là marquent un tournant pour le giallo grâce à la trilogie animalière de Dario Argento : L'Oiseau au plumage de cristal, Le Chat à neuf queues et Quatre Mouches de velours gris[3]. En utilisant la même formule que celle de Bava, mais en modernisant sa technique et son style, le réalisateur a connu un énorme succès. Par rapport aux films précédents, l'accent est mis sur la mise en scène élaborée des crimes, avec un recours plus important aux effets spéciaux, jusqu'alors peu utilisés. Dario Argento redynamise le genre en l'éloignant de l'étiquette de « films de seconde zone » qui collait au giallo[11]. Un des objectifs de Dario Argento est de retranscrire au cinéma les cauchemars des spectateurs, ce qui donne une dimension universelle au genre[11].
Le giallo prend alors une connotation de plus en plus violente et érotique, se spécialisant surtout dans la description de la figure du meurtrier, ne se limitant pas à son apparence extérieure, mais disséquant surtout sa psyché. L'intention était de faire participer le spectateur d'une certaine manière au crime, à travers les yeux du meurtrier lui-même. Il use à cette fin d'une technique cinématographique plutôt innovante pour l'époque, appelée caméra subjective, dans laquelle la position de la caméra coïncidait avec le point de vue de l'auteur du crime. Le meurtrier était généralement dépeint comme un psychopathe, tandis que les protagonistes de ces films n'étaient pas le commissaire intuitif ou le policier intrépide de l'époque, mais des gens ordinaires, pris dans les événements par pur hasard. Et c'est dans ce contexte que la figure du meurtrier est devenue le protagoniste et l'icône absolue du genre, prenant une telle importance dans l'histoire que même l'intrigue du film lui-même était souvent éclipsée.
Ainsi, dans le sillage de la trilogie animalière d'Argento, des films vont multiplier les allusions aux animaux dans leurs titres, comme La Tarentule au ventre noir, La Queue du scorpion, Un papillon aux ailes ensanglantées, L'Iguane à la langue de feu, La Sangsue, Plus venimeux que le cobra, Il gatto dagli occhi di giada, Chats rouges dans un labyrinthe de verre, La volpe dalla coda di velluto, Il sorriso della iena, Le Prisonnier de l'araignée.
Mais des gialli d'auteurs ont également été produits, comme Journée noire pour un bélier de Luigi Bazzoni, Le Parfum de la dame en noir de Francesco Barilli, Mais... qu'avez vous fait à Solange ? de Massimo Dallamano, E tanta paura de Paolo Cavara, Je suis vivant ! et Qui l'a vue mourir ? d'Aldo Lado, La Femme du dimanche de Luigi Comencini, Black Journal de Mauro Bolognini, Qui sera tué demain ? de Luigi Zampa.
En 1975, Dario Argento réalise Les Frissons de l'angoisse (un film qui, à l'origine, devait également porter un titre à caractère animalier, à savoir Le Tigre à dents de sabre), qui remporte un franc succès, même au niveau international, et est considéré par de nombreux critiques comme l'un des titres les plus réussis de l'histoire du giallo italien.
Lucio Fulci, le futur maître du gore italien, tournera des contributions d'une valeur indiscutable comme le remake de Sueurs froides intitulé Perversion Story, le giallo psychanalytique Le Venin de la peur, le rural La Longue Nuit de l'exorcisme et l'onirique L'Emmurée vivante.
En 1976, le réalisateur émilien Pupi Avati a réalisé l'un des gialli d'horreur les plus célèbres d'Italie, La Maison aux fenêtres qui rient. L'etrusco uccide ancora d'Armando Crispino est un autre exemple de films à la croisée des genres d'épouvante et de giallo.
D'autres films sont également précurseurs du slasher (notamment de la saga hollywoodienne Vendredi 13), comme La Baie sanglante de Mario Bava ou Torso de Sergio Martino.
Les années 1980 sont synonymes de déclin pour le giallo, comme pour le cinéma italien globalement. Dario Argento a continué avec trois gialli Ténèbres, Phenomena et Opera. Lamberto Bava, le fils de Mario, a commencé sa carrière avec des films du genre : Baiser macabre, La Maison de la terreur, Morirai a mezzanotte et Sentences de mort. L'assassino è ancora tra noi de Camillo Teti, Il mostro di Firenze de Cesare Ferrario (it) et Ventottesimo minuto de Gianni Siragusa et Paolo Frajoli sont trois films inspirés du Monstre de Florence, un tueur en série bien réel. Lucio Fulci s'est exporté aux États-Unis pour réaliser L'Éventreur de New York et Murder Rock. Où est passée Jessica de Carlo Vanzina a également marqué la décennie dans le genre.
Bien que le genre se soit essoufflé dans les années 1990 et qu'il ait compté peu de films dans les années 2000, il continue d'être produit, notamment par Dario Argento. Ce dernier a sorti en 2009 un film intitulé Giallo, en quelque sorte en hommage à sa longue carrière dans le genre.
En France, les co-réalisateurs Hélène Cattet et Bruno Forzani ont réalisé en 2012 Amer, un film expérimental conçu en hommage aux gialli[18]. Il utilise d'ailleurs la musique d'anciens gialli, notamment des morceaux d'Ennio Morricone et Bruno Nicolai.
Les premiers exemples de l'influence du giallo dans le cinéma britannique sont Le Cercle de sang (1967) ou Meurtre à haute tension (1971). Outre-Atlantique, les films Le Refroidisseur de dames (1968), le film oscarisé Klute (1971)[19], Si tu crois fillette (1971, adapté d'un roman italien), Frenzy d'Alfred Hitchcock (1972), Madhouse de Vincent Price (1974), Les Yeux de Laura Mars (1978)[20] et Pulsions de Brian De Palma (1980)[21],[22], ou encore Berberian Sound Studio (2012) offrent un hommage affectueux au genre[23],[24].
Les gialli sont connus pour leurs thèmes psychologiques tels que la folie, l'aliénation, la sexualité et la paranoïa[25]. Le protagoniste est généralement le témoin d'un crime horrible, mais son témoignage est souvent sujet au scepticisme des figures d'autorité, ce qui l'amène à remettre en question sa propre perception et sa confiance en soi. Cette instabilité de la mémoire et de la perception peut dégénérer en délire, en hallucination ou en paranoïa. Comme les protagonistes des gialli sont généralement des femmes, cela peut conduire à ce que l'écrivain Gary Needham appelle « [...]la pathologisation inhérente du giallo sur la féminité et la fascination pour les femmes "malades" »[26]. Le tueur est également susceptible d'être malade mentalement ; les tueurs du giallo sont presque toujours motivés par la folie causée par un traumatisme psychologique passé, souvent de nature sexuelle (et parfois décrit dans des flashbacks)[25],[27]. L'accent mis sur la folie et la perception subjective trouve ses racines dans les romans giallo (par exemple, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé, de Sergio Martino, est tiré d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe, Le Chat noir, qui traite d'un narrateur psychologiquement instable), mais trouve également son expression dans les outils du cinéma : l'état mental instable de la victime et du tueur est souvent reflété par le style exagéré et la narration floue communs à de nombreux gialli.
L'écrivain Mikel J. Koven affirme que les gialli reflètent une ambivalence face au bouleversement social que la modernité a apporté à la culture italienne dans les années 1960.
« Les changements au sein de la culture italienne... peuvent être perçus à travers le cinéma giallo comme quelque chose à discuter et à débattre - les questions relatives à l'identité, à la sexualité, aux niveaux croissants de violence, au contrôle des femmes sur leur propre vie et leur corps, à l'histoire, à l'État - toutes des idées abstraites, qui sont toutes dépeintes de manière situationnelle comme des histoires humaines dans le cinéma giallo »
— Mikel J. Koven[28]
Les gialli sont remarqués pour leur mise en scène recherchée. Les critiques encensent leur montage, leurs décors, leur musique et leur style visuel, alors même qu'on reproche souvent aux gialli leur manque de développement des personnages, de prestations d'acteurs réalistes, de dialogues crédibles et de cohérence logique dans la narration[28],[29]. Alexia Kannas écrit à propos de La mort a pondu un œuf (1968) que « si le film est connu pour sa complexité scénaristique (comme de nombreux films d'auteur), sa splendeur esthétique est irréfutable », tandis que Leon Hunt écrit que l'œuvre de Dario Argento, réalisateur phare de gialli, « oscille entre les stratégies du film d'auteur et d'exploitation »[29],[30]. Loïc Adrien souligne que « la mise en scène est à l'image de l'assassin fétichiste qui ne tue pas que pour tuer mais exprime là toute sa psyché malade. Une constante du giallo dans lequel le meurtre est une œuvre d'art et est représenté comme tel. Un travail esthétique dépassant la recherche d'un simple suspense, une représentation plus opératique que réaliste »[31].
Le critique Maitland McDonagh décrit la mise en scène des Frissons de l'angoisse comme « des couleurs vives et des angles de caméra bizarres, des panoramiques vertigineux et des travelling flamboyants, des cadrages et des compositions déroutantes, des gros plans fétichistes d'yeux frémissants et d'objets étranges (couteaux, poupées, billes, bouts de laine tressés)... »[32]. Outre sa violence macabre et ses tueurs ténébreux gantés de noir, les gialli utilisent souvent des couleurs fortement stylisées et parfois même surréalistes. Les réalisateurs Dario Argento et Mario Bava sont particulièrement connus pour leur imagerie impressionniste et leur utilisation de couleurs criardes, bien que d'autres réalisateurs de giallo (notamment Lucio Fulci) aient également usé de tons plus calmes et réalistes[33]. Puisque l'âge d'or du giallo est situé dans les années 1970, certains commentateurs ont également noté un maniérisme dans les vêtements et des décors typique de ces années-là[25],[26].
La musique a été citée comme l'une des clefs du cachet unique du genre[25] ; le critique Maitland McDonagh décrit Les Frissons de l'angoisse comme une « expérience viscérale bouleversante... à la fois visuelle... et auditive »[32]. L'écrivain Anne Billson explique que « la signature sonore du giallo est généralement un mélange enivrant d'une musique lounge épatante, de distortion sonore affolante et d'un lyrisme apaisant qui contraste avec le spectacle d'une décapitation au ralenti, par exemple » (elle cite en exemple la partition d'Ennio Morricone pour Quatre Mouches de velours gris de 1971[25]). Les compositeurs les plus connus sont Morricone, Bruno Nicolai et le groupe italien Goblin. D'autres compositeurs importants connus pour leur travail dans le cinéma giallo incluent Piero Umiliani (compositeur de L'Île de l'épouvante), Riz Ortolani (L'Affaire de la fille au pyjama jaune) et Fabio Frizzi (L'Emmurée vivante)[34].
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