De nombreuses plantes de ce genre résultent d'une domestication, processus ancien se poursuivant activement, qui a conduit les Citrus à faire partie des fruits les plus consommés dans le monde. Par leurs caractéristiques propres les citrus se prêtent à la diversité variétale, présentent des avantages nutritionnels; leurs fruits se transportent et se conservent bien grâce à leur peau épaisse, et offrent une diversité de goûts, parfums et textures. Leurs centres de domestication, Asie subtropicale et tempérée et climat méditerranéen chaud, sont aussi des régions d'expertise agronomique ancienne et performante.
Citrus, -i en latin classique qui désigne soit un bois soit un fruit odorant (le cèdre et le cédrat), à ne pas confondre avec citrium qui désigne une courge (famille des Cucurbitaceae, du genre Lagenaria) et donne le français citrouille[2].
Linné retient citrus comme nom de genre. Le mot est ensuite utilisé dans la plupart des langues pour désigner fruits et plantes apparentés aux oranges et aux citrons connus en occident à l'époque, jusqu'au XVIIesiècle on parlait d'orangers en français. À partir de la seconde moitié du XXesiècle, agrume se substitue à citrus dans la plupart des usages.
Le genre Citrus présente des singularités économiques, botaniques, génétiques et morphologiques qui en font un candidat idéal pour une domestication de plus en plus mondialisée.
Reproduction, sélection
Spontanément les agrumes tendent vers la diversité[3]. La reproduction par graine, encore largement pratiquée notamment pour les porte-greffes, permet un assainissement continu de la plupart des virus et bactéries. La polyembryonie des graines de nombreuses espèces permet un clonage naturel qui maintient les cultivars à l'identique, tout en offrant des mutations spontanées du méristème des bourgeons qui sont autant d'occasion de rencontrer des nouveaux cultivars. Un triploïde comme le citron vert (Citrus latifolia Tanaka) est un exemple de fruit naturellement sans graines. Enfin, la large compatibilité sexuelle interspécifique engendre une création continue de nouveaux cultivars, de même que les progrès de la connaissance de leur génome[4],[5].
Importance économique
Sur la base des statistiques 2014[6], la production mondiale (121 millions de tonnes dont 57% d'orange, en croissance de 30% sur les 20 dernières années) en fait les premiers fruits consommés[sourceinsuffisante], d'où des moyens en conséquence pour son amélioration. Leur production provient pour 57% de la zone de primo domestication (Asie du sud-est et pays méditerranéens) et pour 10% des États-Unis, foyer actif de domestication moderne. Plus des 2/3 des agrumes sont donc produits dans des pays à forte tradition de sélection et qui possèdent laboratoires et compétences pour faire progresser la qualité de l'offre.
Domestication et besoins humains
L'origine géographique, l'époque et les voies de dispersion des agrumes primitifs à travers l'Asie du Sud-Est sont encore mal connus. Le genre Citrus et les genres apparentés (Fortunella, Poncirus, Eremocitrus et Microcitrus) est largement distribuée dans l'Asie des moussons (ouest du Pakistan, Chine, Indes orientales, Nouvelle-Guinée et Archipel Bismarck, nord-est de l'Australie, Nouvelle-Calédonie, Mélanésie et Polynésie occidentale). La particularité de nombreux agrumes est de se propager largement clonage apomictique par l'embryon nucellaire, autrement dit de jeunes plantes naissent directement du tissu nucellaire maternel non fécondé. La domestication de génotypes fixes par semis, y compris des hybrides interspécifiques comme les oranges, les citrons verts, les citrons, les pamplemousses etc. facilite la domestication[7]. Seconde particularité les agrumes se transportent bien[8].
L'histoire de la domestication montre une sélection des traits d'intérêt, acidité, métabolisme, résistance aux maladie, floraison précoce (2020)[9]. Les agrumes offrent des réponses adaptées à des besoins sanitaires importants. Par exemple, le citron devient acide avec les premières longues navigations (IXesiècle), son acidité favorise sa conservation, sa vitamine C est un antiscorbutique[10]. Le jus d'orange entre dans le petit déjeuner des enfants américains, puis des adultes, à la suite des travaux d' Albert H. Byfield dans les années 1920 [11] sur la prévention des troubles de la croissance chez l'enfant et à une communication généralisée auprès des mères de familles.
Le genre Citrus s'est développé à partir d'une zone incluant le Yunnan, la Birmanie et le nord-est de l'Inde. Un fossile trouvé au Yunnan et datant du Miocène supérieur présente des traits caractéristiques des principaux groupes actuels de Citrus, ce qui établit la présence d'un ancêtre commun au Yunnan il y a environ 8 Ma[12]. Le genre s'est ensuite répandu et diversifié en Asie assez rapidement (en 2 Ma environ), peut-être à la faveur d'un affaiblissement des moussons et d'un assèchement net du climat régional[13].
Le genre Citrus a été répandu par la culture dans toutes les régions tropicales et subtropicales du globe. Il semble que seul le cédratier fût véritablement connu dans le monde méditerranéen dans l'Antiquité, à partir des Ve et IVesiècles av. J.-C. (la légende veut qu'il ait été rapporté lors de la conquête de la vallée de l’Indus (-326 / -325) par Alexandre le Grand).
Importance du potentiel
Il reste encore beaucoup à découvrir dans le monde des citrus. Le pamplemousse (Citrus maxima (Burm.) Merr.) est quasi inconnu hors de sa vaste zone de domestication où il est un des fruits les plus consommés: la Chine produit autant de pamplemousses que d'oranges (7 millions de t.)[6]. Certains cultivars sont délicieux. Le kumquat n'est connu en Occident que depuis une centaine d'années, la domestication des micro citrus australiens a commencé début XXIesiècle.
Le Japon cultiverait environ 800 espèces et cultivars de citrus nommés, offrant un vaste potentiel de gouts et d'applications.
L'histoire de la domestication des citrus est une réponse à des besoins de circonstance, pour des raisons de conservation et de climat ce sont uniquement ceux qui fructifient pendant les jours courts qui sont produits et consommés par les Occidentaux et les Méditerranéens. Or il existe en Asie des citrus de jours longs: tardifs de printemps et des acides précoces d'été.
Les espèces du genre Citrus sont des arbres ou des arbustes de moins de 4 m à 12 m de haut. Les feuilles sont généralement simples et persistantes, sauf chez les hybrides de Poncirus. Beaucoup d'espèces portent des épines axillaires. Le pétiole est souvent ailé. Les jeunes pousses sont pubescentes chez les pamplemoussiers et nettement anthocyanées chez les citronniers.
Les inflorescences sont des cymes feuillées présentant tous les intermédiaires entre la fleur isolée et la pousse où chaque feuille a une fleur. La fleur a généralement 5 sépales et 5 pétales généralement blancs (teintés de pourpre chez les citronniers). L'androcée polyadelphepolystémone est composé de 20 à 40 étamines souvent soudées à la base en faisceaux par leurs filets. Au milieu des étamines, le réceptacle est élargi latéralement et forme un disque nectarifère intrastaminal. L'ovaire pluricarpellé, supère et pluriloculaire comprend des rangées d'ovules anatropes bitégumentés en placentation axile[14].
Le fruit, très caractéristique, est une baie particulière, enveloppée d'une écorce parfois très épaisse, le zeste, et formée par la réunion de 10 à 15 carpelles, formant autant de «tranches» dont la pulpe est formée de poils devenant juteux à maturité souvent plus ou moins acide et sucrée ou amère.
Les graines sont souvent polyembryonnées dont les embryons surnuméraires sont formées sans fécondations d'autres ont des embryons zygotiques ne reproduisant pas toujours le type.
Les feuilles et les fleurs portent des glandes produisant une huile essentielle à odeur suave caractéristique.
Ils ont une croissance rythmique chaque phase de croissance suivie d'un arrêt marquée même en conditions climatiques favorable. Les citrus remontants, citronniers et assimilés, fleurissent à chaque reprise de croissance.
Chez les Citrus et les genres apparentés le caryotype diploïde présente 18 chromosomes (2n=18)[15].
Deux grandes classifications existent pour le genre Citrus. Celle du japonaisTyozaburo Tanaka (1961) comprend 156 espèces tandis que Walter T. Swingle et Reece (1967) n'en distinguent que 16. Cette contradiction s'explique par les larges possibilités d'hybridations interspécifiques ainsi que par la polyembryonie qui fixe ces structures hybrides: Tanaka élève ainsi au rang d'espèce de nombreux hybrides intra ou interspécifiques.
La phylogénie est discutée, les cinq espèces sauvages dont dériveraient les espèces et variétés cultivées actuelles sont chez Wu et al. (2018)[16],[17]
Le genre comprend plusieurs sous-genres variables selon les auteurs. La classification de Swingle propose 2 sous-genres:
Eucitrus comprend la plupart des espèces de citrus comestible
Papeda regroupe des espèces aux fruit petits et très acides souvent non comestibles.
Dans le groupe des Eucitrus, 3 espèces (C. maxima, medica et reticulata) sont considérées comme étant à la base de pratiquement toutes les variétés et hybrides existant de nos jours. Bien que C. aurantiifolia ait longtemps été considérée comme une espèce primitive, de récentes analyses chromosomiques auraient montré qu'elle a des héritages de C. medica, C. ×limon et C. micrantha.
L'Australie est un autre centre de diversification avec plusieurs espèces (classées en deux sous-genres Eremocitrus et Microcitrus) dont les hybridations sont très prometteuses pour des agrumes résistant à la sécheresse, au froid, et/ou à certaines maladies.
Subgen. 1. Archicitrus, Tanaka. divisé en 5 sections
Papeda (Hassk.) Tanaka, incluant Citrus hystrix , C. macroptera, C. latipes.
Limonellus (Rumph.) Tanaka, incluant C. aurantifolia.
Citrophorum (Necker) Tanaka, incluant Citrus medica, C . limon , C. limonia.
Cephalocitrus Tanaka, incluant Citrus grandis ,C. paradisi, C. intermedia
Aurantium (Tourn.) Tanaka, incluant Citrus aurantium, C. sinensis , C. medioglobosa
Subgen. 2. Metacitrus, Tanaka.
Osmocitrus Tanaka, incluant Citrus junos et C. ichangensis .
Acrumen (Gallesio) Tanaka. divisé en 3 sous-sections
Subsec. Euacrumen, Tanaka, incluant Citrus nobilis, C. unshiu et C. yatsushiro.
Subsec. Microacrumen, Tanaka, incluant Citrus deliciosa, C. poonensis, C. tangerina, C. erythosa, C. kinokuni, C. leiocarpa, C. tachibana, C. depressa.
En 1962, Zeng Mian, classe le genre Citrus en sous-genres Papeda, Cédrat, Cephalocitrus, Aurantium et Sinocitrus. En 2013 Cuihua Liu et al. donnent 3 sous-groupes de Citrus que la base de leur chimiotaxonomie: Citrophorum, Cephalocitrus et Sinocitrus[19].
La comparaison des génomes chloroplastiques complets de 16 espèces d'agrumes et de leurs caractères uniques amène Wenbo Shi et al. (2023) à distinguer 7 sous-genres d'agrumes: Poncirus, Fortunella, Papeda, C. medica, Cephalocitrus, Aurantium et Sinocitrus[20]. Cephalocitrus est un sous-genre non reconnu mais usuellement utilisé par les auteurs asiatiques (21 espèces chez Tanaka)[21] parmi lesquelles Kotokan (C. kotokan Hayata), Tengu C. tengu Hort. ex Tanaka.[22]
Le genre Citrophyllum qui été créé par Berry (1909) pour regrouper des feuilles fossiles ailées comme on en rencontre chez les Citrus vivants n'est plus rattaché aux Rutaceae mais aux Sapindales. Il n'y a pas de fossile de Rutaceae au Crétacé[23],[24].
Citrus linczangensis sp. nov. a été publié en 2013 comme espèce nouvelle.
Citrus ichangensis Swingle, (souvent considéré comme hybride Citrus × ichangensis) le Citron d'Ichang. Originaire de Chine, ses fruits peuvent atteindre 10 cm de long et l'arbre résiste à des températures de −12°C.
Citrus madurensis Lour.. Le Calamondin ou oranger d'appartement, est facile à entretenir. Il présente un feuillage dense et un port compact. Ses fruits ne sont pas mangeables.
Jean-Paul Brigand et Peter Nahon, «Gastronomy and the citron tree (Citrus medica L.)», International Journal of Gastronomy and Food Science, vol.3, , p.12–16 (DOI10.1016/j.ijgfs.2016.03.001, lire en ligne, consulté le )
(en) Yue Huang, Jiaxian He, Yuantao Xu et Weikang Zheng, «Pangenome analysis provides insight into the evolution of the orange subfamily and a key gene for citric acid accumulation in citrus fruits», Nature Genetics, (ISSN1061-4036 et 1546-1718, DOI10.1038/s41588-023-01516-6, lire en ligne, consulté le )
(en) Guohong Albert Wu, Javier Terol, Victoria Ibanez et Antonio López-García, «Genomics of the origin and evolution of Citrus», Nature, vol.554, no7692, , p.311–316 (ISSN1476-4687, DOI10.1038/nature25447, lire en ligne, consulté le )
(en) Jean-Paul Brigand et Peter Nahon, «Gastronomy and the citron tree (Citrus medica L.)», International Journal of Gastronomy and Food Science, vol.3, , p.12–16 (ISSN1878-450X, DOI10.1016/j.ijgfs.2016.03.001, lire en ligne, consulté le )
(en) Muhammad Junaid Rao, Hao Zuo et Qiang Xu, «Genomic insights into citrus domestication and its important agronomic traits», Plant Communications, plant Genome Biology, vol.2, no1, , p.100138 (ISSN2590-3462, DOI10.1016/j.xplc.2020.100138, lire en ligne, consulté le )
(en) Guohong Albert Wu, Javier Terol, Victoria Ibanez, Antonio López-García, Estela Pérez-Román et al., «Genomics of the origin and evolution of Citrus», Nature, vol.554, , p.311-316 (DOI10.1038/nature25447, lire en ligne).
(en) Peter D. Clift, Shiming Wan et Jerzy Blusztajn, «Reconstructing chemical weathering, physical erosion and monsoon intensity since 25 Ma in the northern South China Sea: A review of competing proxies», Earth-Science Reviews, vol.130, , p.86-102 (DOI10.1016/j.earscirev.2014.01.002).
(en) Guohong Albert Wu, Javier Terol, Victoria Ibanez et Antonio López-García, «Genomics of the origin and evolution of Citrus», Nature, vol.554, no7692, , p.311–316 (ISSN1476-4687, DOI10.1038/nature25447, lire en ligne, consulté le )
(en) «Extended Data Table 2 Admixture proportions of 50 citrus accessions derived from five progenitor species», Nature ( Nature ), (lire en ligne, consulté le )
Cuihua Liu, Dong Jiang, Yunjiang Cheng et Xiuxin Deng, «Chemotaxonomic Study of Citrus, Poncirus and Fortunella Genotypes Based on Peel Oil Volatile Compounds - Deciphering the Genetic Origin of Mangshanyegan (Citrus nobilis Lauriro)», PLoS One, vol.8, no3, (lire en ligne, consulté le )
Wenbo Shi, Weicai Song, Jin Liu et Chao Shi, «Comparative chloroplast genome analysis of Citrus (Rutaceae) species: Insights into genomic characterization, phylogenetic relationships, and discrimination of subgenera», Scientia Horticulturae, vol.313, , p.111909 (ISSN0304-4238, DOI10.1016/j.scienta.2023.111909, lire en ligne, consulté le )
(en) Debashis Mandal, Ursula Wermund, Lop Phavaphutanon et Regina Cronje, Tropical and Subtropical Fruit Crops: Production, Processing, and Marketing, CRC Press, (ISBN978-1-000-61388-9, lire en ligne), p 81
(en) Hongshan Wang et David L. Dilcher, «Early Cretaceous angiosperm leaves from the Dakota Formation, Hoisington III locality, Kansas, USA», Palaeontologia Electronica, vol.21, no3, , p.1–49 (ISSN1094-8074 et 1935-3952, DOI10.26879/841, lire en ligne, consulté le )
(en) By GARLAND R. UPCHURCH, JR. and DAVID L. DILCHER, «Cenomanian Angiosperm Leaf Megafossils, Dakota Formation, Rose Creek Locality, Jefferson County, Southeastern Nebraska», U.S. GEOLOGICAL SURVEY BULLETIN, , voir p. 42 (lire en ligne[PDF])