Loading AI tools
opéra de Giacomo Puccini De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Madame Butterfly (titre original en italien : Madama Butterfly, prononcé : [maˈdaːma ˈbatterflai]) est un opéra italien de Giacomo Puccini, sur un livret de Luigi Illica et de Giuseppe Giacosa, représenté pour la première fois le à la Scala de Milan. L'opéra est qualifié de « tragedia giapponese in due atti » (tragédie japonaise en deux actes) dans la partition autographe, mais entre 1906 et 2016, il a été représenté le plus souvent dans une version révisée en trois actes, en scindant l'acte II en deux parties plus courtes. L'œuvre est dédiée à Hélène de Monténégro, reine d'Italie. Faisant partie du grand répertoire, il s'agit selon Operabase du septième opéra le plus joué au monde pour la saison 2021/2022[1].
Genre | Opéra |
---|---|
Nbre d'actes | 2 ou 3 |
Musique | Giacomo Puccini |
Livret | Luigi Illica et Giuseppe Giacosa |
Langue originale |
Italien |
Sources littéraires |
Madame Butterfly, pièce de théâtre de David Belasco tirée d’une histoire de John Luther Long |
Durée (approx.) | 2 h 30 |
Dates de composition |
été 1901 - |
Partition autographe |
casa Ricordi, Milan |
Création |
La Scala, Milan |
Création française |
Opéra-Comique, Paris |
Représentations notables
Personnages
Airs
Giacomo Puccini assiste, le 5 mars 1900, pour le compte du New York Herald, à la première de la pièce de David Belasco, Madame Butterfly (en) au Herald Square Theatre de Broadway à New York, où Blanche Bates jouait le rôle titre.
La pièce à succès de Belasco est inspirée d'une histoire de l'écrivain John Luther Long (1898)[note 1]. L'histoire était parvenue à Long par le biais de sa sœur, Jennie Correll, qui avait habité entre 1892 et 1894 à Nagasaki, avec son mari missionnaire, et qui avait alors connu à cette occasion une jeune fille de maison de thé, appelée Chō-san[note 2], ou Miss Butterfly, qui aurait été séduite par un officier américain, William B. Franklin, de l'USS Lancaster[2].
Francis Nielsen, régisseur de Covent Garden, qui organisait alors les répétitions de la création anglaise de Tosca, après avoir vu la pièce à Londres aurait demandé à Puccini de quitter Milan pour venir voir cette pièce qui, dans ses mains, pourrait devenir un opéra à succès. Il semble cependant que Puccini était déjà sur place pour pouvoir assister à la représentation de la première de Tosca à Londres[3]. Le au Duke of York's Theatre (en) de Londres, Puccini voit donc à nouveau la pièce et veut en acheter les droits sur-le-champ, bien qu'il ne parle pas anglais. Après d’âpres négociations, le contrat n'est signé que le et les librettistes Luigi Illica et Giuseppe Giacosa, réunis pour la dernière fois[note 3], peuvent commencer à se mettre à l'œuvre.
En plein japonisme, le thème de la geisha épousant un Américain de passage rappelle bien sûr Madame Chrysanthème[note 4] de Pierre Loti[note 5], qui a d’ailleurs été adapté à l’opéra en 1893 par André Messager. Mais la ressemblance reste superficielle, comme l'est également celle avec Iris (1898), le précédent opéra japonisant de Pietro Mascagni. Alors que Madame Chrysanthème est une geisha cynique et vénale, qui compte son argent au départ du marin, la trop jeune Butterfly tombe passionnément amoureuse de Pinkerton, un officier de l'United States Navy, au point de sacrifier les conventions sociales et de renier sa famille et sa religion ancestrale. Et Pinkerton, cynique, raciste et lâche dans la version originale, éprouvera des remords tardifs à la mort de Butterfly, ce qui reste inhabituel pour les marins de passage.
Puccini commence la composition dès le 20 novembre 1900, ayant décidé que ce serait le sujet de son futur opéra, en écartant tout autre projet, alors que le contrat avec Belasco n'est pas encore signé[4]. Selon la correspondance échangée avec Illica, le livret, remanié en deux actes avec unité de lieu, est achevé le 29 novembre 1902 et Puccini commence à orchestrer le premier acte. « Le livret est fini [...] c'est une réussite splendide. Maintenant l'action se déroule sans heurt, logiquement, un vrai plaisir. Cet acte au consulat gâchait tout ! » Seul un grave accident de voiture le 25 février 1903, où Puccini est gravement touché tandis qu'il souffre de diabète, retardera un temps cette composition, avec une convalescence de huit mois en fauteuil roulant. La composition est terminée le .
Puccini enquête sur les us et coutumes japonais et s'imprègne de la musique et du rythme nippons[note 6]. Il va même jusqu'à rencontrer la femme de l'ambassadeur du Japon en Italie[note 7] ou encore la danseuse Sada Yacco. À ceux qui lui reprochent de n'avoir jamais visité le Japon, il réplique que « les drames humains sont universels »[5] et il poursuit avec frénésie la recherche de documentation sur ce pays lointain[note 8], y compris par une photo de la rade de Nagasaki que lui fournit Giulio Ricordi ou par un kimono que lui procure Illica. Il écrit justement à ce dernier en 1902 : « Désormais, je suis embarqué au Japon et je ferai de mon mieux pour le restituer. » Demeurent de nombreuses imprécisions dans la transcription de la langue ou de mauvaises interprétations des usages japonais de l'ère Meiji, qui seront rectifiées dans une production japonaise de 2003[6].
Le titre de l'opéra initialement retenu, Butterfly tout court, devient le , par acte notarié, « Madama Butterfly », deux jours seulement avant la première.
Après les succès retentissants de La Bohème (1896) et de Tosca (1900), Puccini s’attendait à un accueil favorable. Mais la première représentation le à la Scala de Milan est un fiasco qui fera date[7], les sifflets et moqueries ayant commencé dès le lever de rideau. De minutieuses répétitions avaient pourtant été dirigées par l'éminent maestro Cleofonte Campanini (it), avec une distribution incluant la soprano Rosina Storchio dans le rôle de Cio-Cio-San, le ténor Giovanni Zenatello dans celui de Pinkerton, le baryton Giuseppe De Luca dans le rôle de Sharpless et la mezzo-soprano Giuseppina Gianonia dans celui de Suzuki. Sous la régie de Tito II Ricordi, la mise en scène avait été confiée à Adolfo Hohenstein, qui dessine l'affiche de 1904, les décors à Lucien Jusseaume, Vittorio Rota et Carlo Songa[note 9], les costumes à Giuseppe Palanti.
Malheureusement, selon l'éditeur Ricordi, « le spectacle donné par la salle semblait aussi bien organisé que celui présenté en scène puisqu'il commença en même temps. » On ne sait si la création fut sabotée par l'éditeur rival de Ricordi, Sonzogno[note 10], ou par une claque soutenant Pietro Mascagni, « Et on peut comprendre même la première, injuste, réaction du public milanais qui ne vit dans cet opéra seulement qu'une réplique de La Bohème »[8], avec moins de fraîcheur. Le pire moment survient sans doute lorsque des chants d'oiseaux, simulés lors de l'intermezzo, donnent aux spectateurs l'idée d'imiter une basse-cour au grand complet. Puccini réagit et parle d'un « vrai lynchage ». Il défie l'audience : « Plus fort ! C'est moi qui ai raison ! Vous verrez bien ! C'est le plus grand opéra que j'aie jamais écrit. ». Effarés, Illica et Giacosa et son éditeur, la Casa Ricordi, exigent le retrait immédiat de l'opéra de l'affiche, après une seule représentation, afin de soumettre l'œuvre à une révision approfondie. Puccini doit rembourser sur-le-champ 20 000 lires de frais au théâtre milanais. Malgré le futur succès de l'œuvre, Puccini n'acceptera jamais que l'opéra soit joué à la Scala de son vivant.
L’opéra paraissait-il trop long et son découpage en deux actes rompait-il avec les habitudes de l’art lyrique italien ? Bien que réticent, le compositeur souhaitait pourtant clairement un opéra ramassé et percutant, ce qui était alors un geste radical et précurseur[note 11],[note 12]. Le , il avait écrit à Illica :
« L'opéra doit être en deux actes […] Absolument, j'en suis convaincu, et ainsi, l'œuvre d'art apparaîtra telle à faire grande impression. Pas d'“entr'acte” [en français] et arriver à la fin en tenant cloué sur son fauteuil pendant une heure et demie le public ! C'est énorme, mais c'est la vie de cet opéra[9]. »
Toujours est-il que Puccini en tire les leçons : il remanie l’opéra et le réorganise en trois actes « mieux équilibrés ». Il supprime aussi quelques mélodies et, en tout, plus d'un millier de mesures[note 13] : notamment, lors de la signature de l'acte de mariage, la chanson à boire de l'oncle Yakusidé (« À l'ombre d'un kaki sur le Nunki-Nunko-Yama »). D'autre part, il adoucit le rôle de Pinkerton avec l'insertion du nouvel air « Addio, fiorito asil ». Un des principaux changements intervenus serait la ligne vocale de l'air final du suicide de Butterfly, mais il est possible que ce changement ait déjà été effectué avant la première. La partition et les effets de mise en scène, notamment la durée de la présence du rôle muet sur scène, seront encore révisés par Puccini dans de multiples versions de l'œuvre jusqu'en 1907, date de la publication d'une version considérée comme « définitive », la plus jouée aujourd'hui, par la casa Ricordi. Bien que les musicologues aient souvent considéré l'existence établie de quatre versions bien définies, entre 1904 et 1907, en se basant notamment sur la bibliographie de Cecil Hopkinson[10], les recherches plus récentes de Dieter Schickling[11] tendent à prouver que Puccini, étant toujours insatisfait de son travail, retouche constamment ses opéras, et surtout Madame Butterfly (nombre d'actes, dramaturgie, didascalies, etc.). Schickling montre par ailleurs qu’il n’est pas pertinent d’opposer une version originelle, celle de la Scala, à une version remaniée lors de la seconde « première » de Brescia : il évoque plutôt à ce sujet un véritable opus in fieri, changeant d'un cycle à l'autre, chaque représentation devenant pour le compositeur une nouvelle expérience, dramaturgique et musicale[note 14].
La nouvelle version est donnée le au Teatro Grande de Brescia[note 15], trois mois à peine après la catastrophique première à la Scala. C'est la soprano Solomiya Krushelnytska, « la plus belle et la plus charmante Butterfly » d'après Puccini, qui remplace la Storchio, l'orchestre encore dirigé par le maestro Campanini[12]. L'œuvre triomphe, jouée dans un théâtre comble, avec de nombreuses personnalités de l'art et de la critique, acclamée par des ovations incessantes, notamment pour le compositeur et le chef d'orchestre, et pas moins de sept bis, dont un pour le chœur à bouche fermée. L'opéra suscite l'admiration générale[13]. Le lendemain, le roi d'Italie, Victor-Emmanuel III, invite le compositeur dans sa loge à la fin de la première partie de l'acte II pour le féliciter.
L'opéra est créé peu après au Teatro de la Ópera de Buenos Aires le puis à Montevideo, pendant la saison hivernale australe de 1904, sous la direction d'Arturo Toscanini et avec le retour de la Storchio[note 16], avant d'être également créé peu après en Égypte, d'abord à Alexandrie au Teatro Zizinio, puis au Caire. Il est repris au Carlo Felice de Gênes le , puis bénéficie à l'été 1905 d'une nouvelle saison hivernale en Amérique du Sud, en présence cette fois du compositeur[note 17]. Conjointement, l'œuvre est jouée à Londres le au Royal Opera House de Covent Garden avec Emmy Destinn et Enrico Caruso.
L'opéra parcourt l'Italie avec succès: il est donné le au Dal Verme de Milan, le , sous la direction de Toscanini au Teatro comunale de Bologne, le avec Toscanini et Krushelnytska au Teatro Regio de Turin, le au San Carlo de Naples, le au Teatro Massimo de Palerme.
Il est également joué en hongrois à l'Opéra royal de Budapest, avec Elza Szamosi (hu)[14] le . Aux États-Unis, il est donné le , lors d'une tournée de sept mois de l'English Grand Opera Company avec Elza Szamosi (producteur Henry Wilson Savage), chantée en anglais, d'abord au théâtre Columbia (Belasco) de Washington puis, peu après, au Garden Theatre (en) de New York, le . La tournée ira jusqu'à Winnipeg au Canada.
Le , Marguerite Carré crée le rôle en français dans une version française de Paul Ferrier, présentée à l’Opéra-Comique le , qui deviendra la version standard[note 18],[15]. Puccini trouve cette création parisienne assez décevante, notamment pour le plateau des chanteurs, mais cette production de l'Opéra-Comique restera pourtant un des plus grands succès de ce théâtre, avec 1240 représentations atteintes en 1972[note 19].
Puccini embarque ensuite à destination de New York pour la consécration que constitue une « saison Puccini » de six semaines (janvier-février 1907) au Metropolitan Opera House, avec une rétribution de huit mille dollars. On y représente Manon Lescaut, La Bohème et Tosca. Comme point d'orgue, Madame Butterfly est créée le , en italien, avec un plateau des plus prestigieux (Geraldine Farrar, Enrico Caruso, Louise Homer et Antonio Scotti sous la direction d'Arturo Vigna (en)).
En Espagne, la première en espagnol est au Teatro del Bosc (actuellement Cinema Bosque (ca)) de Barcelone en août 1907. En novembre de la même année, elle débute en italien au Teatro Real de Madrid. La première au théâtre du Liceu date de 1909. Toujours en 1907, elle est donnée à Rio de Janeiro, à Berlin, à Prague et à Vienne (le 31 octobre, en allemand, en présence du compositeur). Ici encore, le succès est au rendez-vous avec soixante-deux représentations en trois saisons, d'admirables décors d'Alfred Roller, avec Selma Kurz et la direction de Francesco Spetrino. Le , l'opéra arrive en Australie au Theatre Royal de Sydney (en) avec Amy Eliza Castles (en) dans le rôle-titre. L'opéra est aussi joué à Saïgon.
Enfin, en 1920, Puccini revient une dernière fois sur la partition, en rétablissant au Teatro Carcano un air supprimé de Yakusidé. Mais cette arietta est rarement jouée après, car la Casa Ricordi n'avait pas réédité cette partition depuis 1907. Le théâtre de la Fenice voulant faire rejouer la version originale de 1904, une nouvelle édition critique est commandée au musicologue Julian Smith, une première fois en 1977, puis en 1981. Cette nouvelle partition est finalement publiée en et jouée le 28 du même mois à Venise, en alternance avec la version en trois actes[note 20], version qui sera reprise en 1983 à Paris.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, après l'attaque de Pearl Harbor, l'opéra n'est plus joué aux États-Unis, car jugé trop négatif quant à l'image américaine. Il contient pourtant la musique de The Star-Spangled Banner qui était alors uniquement l'hymne de l'United States Navy avant de devenir l'hymne américain. Non seulement l'hymne mais également le drapeau des États-Unis reviennent constamment tout au long du livret et des didascalies[16]. L'opéra contient également le Kimi ga yo, l'hymne impérial japonais (lors de l'entrée en scène du commissaire impérial)[17].
Lors de l'ouverture de la saison 2016-2017, la Scala de Milan reprend, sous la direction de Riccardo Chailly et avec la mise en scène de Alvis Hermanis, la version originale de 1904, en deux actes, reconstruite par Julian Smith et la Casa Ricordi, avec María José Siri dans le rôle-titre[18],[19],[20]. La standing ovation ne dure pas moins de quatorze minutes, le fiasco initial de 1904 est devenu désormais un triomphe public et critique[21].
Au Metropolitan, il y a eu jusqu'en 2016, au total 868 représentations de Madame Butterfly, ce qui en fait le septième opéra le plus joué dans cette salle. À l'Opéra-Comique, il atteint 100 représentations en 1912, 500 en 1929, 1 000 en 1959 et 1 240 en 1972. Et c'est l'un des cinq ou six opéras les plus joués au cours du XXe siècle. Sont rapidement créées des versions chantées en anglais, français, espagnol, allemand et même en hongrois (le ). De 1907 à 1927, l'opéra est ultérieurement traduit et joué dans plusieurs langues : tchèque, polonais, slovène, riksmål, suédois, croate, danois, russe, roumain, serbe, bulgare, lituanien, letton et finnois.
Personnages | Tessiture | Distribution lors de la création () |
Distribution de Brescia () |
---|---|---|---|
Madama Butterfly (Cio-Cio-San) | soprano | Rosina Storchio | Solomiya Krushelnytska[note 21] |
Suzuki, sa servante | mezzo-soprano | Giuseppina Giaconia | Giovanna Lucacevska |
B. F. Pinkerton, lieutenant de la marine des États-Unis d'Amérique | ténor | Giovanni Zenatello | Giovanni Zenatello |
Sharpless, consul des États-Unis d'Amérique à Nagasaki | baryton | Giuseppe De Luca | Virgilio Bellatti |
Goro, un entremetteur | ténor | Gaetano Pini-Corsi | Gaetano Pini-Corsi |
Il principe Yamadori | ténor[note 22] | Emilio Venturini (en) | Fernando Gianoli Galletti |
Lo zio Bonzo, oncle de Cio-Cio-San | basse | Paolo Wulman[22] | Giuseppe Tisci-Rubini |
Yakusidé, oncle de Cio-Cio-San | basse | Antonio Volponi[22] | Fernando Gianoli Galletti |
Le commissaire impérial | basse | Aurelio Viale | Luigi Bolpagni |
L'officier d'état civil | basse | Ettore Gennari | Anselmo Ferrari |
La mère de Cio-Cio-San | mezzo-soprano | Teresa « Tina » Alasia | Serena Pattini |
La tante | soprano | Ersilia Ghissoni[note 23] | Adele Bergamasco |
La cousine | soprano | Palmira Maggi | Carla Grementieri |
Kate Pinkerton | mezzo-soprano | Margherita Manfredi | Emma Decima |
« Dolore » (Douleur), fils de Cio-Cio-San | rôle muet | Ersilia Ghissoni | bambina Ersilia Ghissoni |
Parents, amis et amies de Cio-Cio-San, serviteurs, marins | chœur | chœur |
Nagasaki, quartier d'Omara[note 29], « temps présent » [1901-1904][note 30]). Un jeune officier américain en escale, Benjamin Franklin Pinkerton, loue une maison traditionnelle et épouse à cette occasion une geisha de quinze ans, Cio-Cio-San (ce qui signifie en japonais « Madame Papillon »). Simple divertissement exotique pour lui, le mariage est pris très au sérieux par la jeune Japonaise qui renonce à sa religion. Après une cérémonie, gâchée par l'oncle bonze, se noue une brève idylle (acte I).
Trois ans ont passé, espérant toujours le retour de Pinkerton dont elle n'a plus de nouvelles, Cio-Cio-San lui reste néanmoins fidèle et refuse des propositions alléchantes de mariage. Pinkerton revient enfin au Japon avec sa nouvelle épouse américaine et apprend qu'il a eu un fils en son absence. Quand Cio-Cio-San comprend enfin la situation, elle leur abandonne son enfant et se donne la mort par jigai, en se poignardant (acte II, en deux parties).
Bref prélude sous forme de fugue à quatre voix, avec une connotation dynamique qui suggère davantage le côté américain que l'exotisme japonais : exposition du « thème japonais » allegro vigoroso qui réapparaîtra tout au long de l'opéra mais à chaque fois quelque peu modifié.
Sur une colline qui domine le port et la rade de Nagasaki, en 1904, Goro, entremetteur, fait visiter à B. F. Pinkerton, officier américain de passage, la maison de style japonais, avec terrasse et jardin, que ce dernier vient de louer. Il lui montre le fonctionnement des parois mobiles, les shōji. Il lui présente ses serviteurs dont Suzuki, la servante de sa jeune fiancée, Cio-Cio-San, dite « Madame Butterfly ».
Puis arrive, essoufflé en raison de la montée, le consul américain Sharpless. Pinkerton lui explique que les contrats de location, ici, sont très précaires. On signe pour 999 ans mais on peut se dédire chaque mois ! C’est pareil pour les contrats de mariage (air « Dovunque al mondo, lo yankee vagabondo »).
Sharpless le met en garde et l’avertit de la candeur et de la sincérité de Butterfly. Pinkerton prend ce mariage comme un passe-temps et lui explique qu’il se mariera plus tard avec une « vraie épouse américaine » (« una vera sposa americana »).
Arrivée de Butterfly en tête d’un magnifique cortège avec ses amies et ses parents (air « Ecco! Son giunte »). Elle chante son bonheur. Pinkerton est sous le charme mais prend le mariage au second degré (« Che burletta ») malgré les avertissements répétés de Sharpless.
Ils entrent dans la maison. Elle lui montre quelques petits objets qu’elle a emportés, le poignard tantō avec lequel son père s’est suicidé sur ordre de l'empereur par seppuku et les Ottokés (en japonais hotoke-sama), des statuettes symbolisant les âmes de ses ancêtres. Elle lui avoue s’être convertie, en allant à la mission, au « Dieu des Américains » par amour pour lui.
Le commissaire impérial célèbre rapidement la cérémonie de mariage. Tout le monde trinque (Chanson de l'oncle Yakusidé, supprimée dans la seconde version) et se réjouit quand soudain, apparition quasi-surnaturelle, l’oncle bonze surgit ! Il maudit Butterfly qui a renié sa famille et ses ancêtres. Moment d’une grande intensité dramatique, Pinkerton prend la défense de Butterfly, chasse le bonze et tous les invités.
Restés seuls, il la réconforte. Le premier acte s’achève sur un très beau duo d’amour (« Viene la sera »). Elle se sent « seule … et reniée, reniée… et heureuse » (« Sola e rinnegata! rinnegata e felice! »). Comme le papillon, elle est épinglée pour la vie !
Trois ans se sont écoulés depuis le départ de Pinkerton, mais Butterfly l’attend toujours. Entre-temps, sa situation financière s’est dégradée. Suzuki prie pour que Butterfly cesse de pleurer, mais sans grand espoir (« On n’a jamais vu un mari étranger revenir au nid »), tandis que Butterfly prie le « dieu américain ». Elle espère le retour de Pinkerton à la « saison où les rouges-gorges font leur nid » comme il lui avait promis (aria de Butterfly « Un bel dì, vedremo…»).
Goro et Sharpless rendent visite à Butterfly. Goro lui présente de riches prétendants, dont le prince Yamadori. Mais elle les éconduit tous car elle se considère encore comme mariée.
Sharpless commence à lui lire une lettre de Pinkerton dans laquelle celui-ci annonce à Butterfly que leur histoire est terminée, mais le consul n’ose achever sa lecture. Bouleversée, Butterfly promet qu’elle se tuera si Pinkerton ne revient pas. Puis, elle présente son enfant à Sharpless, dont ce dernier ignorait l’existence (« Che tua madre dovrà ») et assure au consul qu'elle préférerait mourir plutôt que de redevenir geisha. Profondément ému, Sharpless se retire, promettant de prévenir Pinkerton. Pendant ce temps, Goro rôde autour de la maison, répandant le bruit que l’enfant n’a pas de père.
Coup de canon ! Le navire USS Abraham Lincoln de Pinkerton entre au port et Butterfly le scrute avec sa longue-vue. Persuadées que le moment du retour est enfin arrivé, les deux femmes décorent la maison avec toutes les fleurs du jardin et Butterfly s’habille comme au premier jour pour accueillir Pinkerton.
Après avoir attendu en vain toute la nuit avec son enfant, au petit matin, Butterfly s’endort, épuisée.
Pinkerton et Sharpless arrivent alors avec Kate, la nouvelle épouse américaine de Pinkerton. Il demande à Suzuki de lui confier l’enfant pour assurer son avenir (trio Pinkerton-Suzuki-Sharpless). Sharpless reformule à Pinkerton ses reproches (« Ve dissi »). Pinkerton éprouve un remords sincère (air « addio, fiorito asil »), mais s'enfuit lâchement.
Kate demande l’enfant à Suzuki et promet d’en prendre soin. Butterfly se réveille, aperçoit Kate et comprend la vérité. Désespérée, elle consent à confier son fils à Pinkerton à condition qu’il vienne lui-même le chercher.
Après avoir bandé les yeux de Dolore et l'avoir envoyé jouer avec Suzuki, Butterfly se donne la mort par jigai, avec le tantō de son père sur lequel sont gravés ces mots :
« Celui qui ne peut vivre dans l’honneur meurt avec honneur. »
Pinkerton arrive trop tard et prend le corps sans vie de Butterfly, en s'écriant à trois reprises : « Butterfly ! »
Les passages les plus célèbres de l'opéra sont :
« Je ne suis pas fait pour les actions héroïques. J'aime les êtres qui ont un cœur comme le nôtre, qui sont faits d'espérances et d'illusions, qui ont des élans de joie et des heures de mélancolie, qui pleurent sans hurler et souffrent avec une amertume tout intérieure. »[25]
Selon son contemporain Ferruccio Busoni, Madame Butterfly était « indécente »[note 31] et bien d'autres encore après lui ont continué à la considérer comme une œuvre commerciale, « aux contenus passablement banals, excessivement sentimentale, expression mielleuse et gâtée du goût petit-bourgeois italien de l'ère Giolitti »[26]. En réalité, malgré ces opinions souvent suffisantes, parfois même partagées par des spécialistes et amateurs de Puccini[27], Madame Butterfly occupe une place de grand relief dans le panorama culturel de la fin de siècle et du début du Novecento. Qualifié de « quintessence puccinienne », il est considéré comme peut-être le plus personnel de ses opéras, pour « son atmosphère confinée à souhait, presque morbide », pour « son raffinement orchestral extrême », pour « son inspiration japonisante d'une délicatesse et d'une beauté absolue »[28].
« Butterfly représente le triomphe de la poétique des petites choses, des petites âmes et des petites tragédies qui, dans un cadre aussi miniature, semblent énormes. [...] Madame Butterfly constitue [en cela] un véritable condensé des conventions du temps. »[29]
Histoire d'un amour déchirant et fatal, le chef-d'œuvre de Puccini vise un point central de la culture du décadentisme : le drame sans fin de la perte, le changement psychologique qui se vérifie dans chaque situation de perte, sans aucun deuil possible. Un principe tragique qui travaille Cio-Cio-San confrontée à la répétition sans issue de cette perte : celle de son père par seppuku, celle de sa famille et de ses amis parce qu'elle a renoncé au bouddhisme et aux ancêtres, celle de sa propre identité en devenant la pseudo Madame Pinkerton, celle d'une vie aisée en renonçant aux propositions du prince Yamadori, celle du mari qui ne revient pas et qu'elle ne reverra pas et enfin celle de son fils Dolore/Gioia auquel s'adressent ses tout derniers mots, avec une voix blanche : « Gioca, gioca » (« Joue, joue »), juste avant le tragique jigai. Les autres personnages de la tragédie restent schématiques, à l'état d'ébauches, comme des faire-valoir :
« Puccini invite à une plongée dans cette psyché complexe dont on ne sort pas indemne[30]. »
Malgré son caractère éminemment domestique et la patine exotique, il s'agit bien d'une authentique tragédie japonaise comme le précise son sous-titre, partagée entre un Extrême Orient fascinant et intrigant et un Extrême Occident arrogant et corrupteur. Butterfly, face à ce dilemme moral, fait alors le choix le plus difficile et courageux, en rétablissant l'ordre troublé, par son ultime et troublant sacrifice.
« Pourtant Madame Butterfly demeure surtout une fable que [Puccini] se raconte à [lui]-même, [...] et sur laquelle quatre générations de mélomanes n'ont pas encore fini de verser des larmes. »[31]
Puccini prévoit dans la partition l'emploi des instruments suivants :
Instrumentation de Madame Butterfly |
Cordes |
quintette à cordes : violons I et II, altos, violoncelles, contrebasse, 1 harpe |
Bois |
3 flûtes traversières (III. jouant du piccolo), 2 hautbois, 1 cor anglais, 2 clarinettes[note 32], 1 clarinette basse, 2 bassons |
Cuivres |
4 cors d'harmonie en fa, 3 trompettes en fa, 3 trombones, 1 trombone basse |
Percussions |
timbales, tambour, triangle, cymbale, tam-tam, grosse caisse, cloches, tam-tam japonais (ad libitum) |
Sont en plus joués sur scène : une clochette, des cloches tubulaires, des clochettes japonaises, une viole d'amour[note 33], des sifflets d'oiseaux[note 34], un tam-tam, un tam-tam grave. Bruits de canon, de chaînes et d'ancres. La clochette est jouée par Suzuki durant sa prière au début de l'acte II, « E Izaghi ed Izanami ».
Dans cet opéra, Puccini déploie des sonorités semblables à celles, contemporaines, du Fauré de la maturité et du jeune Debussy. L'intermède qui permet la transition entre les deux parties de l'acte II en est une magnifique illustration : « Puccini transforme la tension passionnée de la première partie, là encore presque tristanesque, en une atmosphère contemplative, mariant un matériau mélodique orientalisant avec une harmonie occidentale audacieuse. Le résultat sonore est des plus modernes, jumeau de ce que créaient à la même époque Debussy et Ravel. »[32].
En dehors de Rosina Storchio[note 35] et de Salomea Krusceniski[note 36], les deux créatrices du rôle-titre de 1904, mais qui n'ont pas été enregistrées pour cette œuvre[note 37], de nombreuses prime donne ont marqué leur temps. Dans ce même rôle de Cio-Cio-San, il faut citer : Claudia Muzio, Toti Dal Monte, Geraldine Farrar, Iris Adami Corradetti (it) et Bidu Sayão qui furent les Butterflies préférées de l'avant-guerre. Après la Seconde Guerre mondiale, la plus célèbre Butterfly demeure Renata Scotto, suivie par Victoria de los Ángeles, Renata Tebaldi, Pilar Lorengar, Anna Moffo, Raina Kabaivanska et Mirella Freni (qui toutefois ne l'interpréta jamais sur scène[note 38])[note 39].
Si la voix de Renata Tebaldi est considérée par certains critiques comme celle de la toute meilleure soprano italienne du siècle, même la remarquable interprétation de Renata Scotto ne semble pas pouvoir dépasser celle de Maria Callas et ce, malgré son physique qui est loin de celui attendu pour la jeune et menue Cio-Cio-San[note 40]. Il en va de même pour Leontyne Price, Martina Arroyo ou Montserrat Caballé, même si elles sont somptueuses vocalement. Plus récemment, au XXIe siècle, le rôle-titre a été celui remarqué de Cristina Gallardo-Domâs (es), de Patricia Racette, Kristine Opolais, de Lee Hye-Youn ou de María José Siri.
Entre 1915 et 1920, la Japonaise Tamaki Miura devient célèbre pour ses multiples incarnations du rôle[note 41] : sa statue a été installée depuis au Glover Garden dominant la rade de Nagasaki où se déroule l'opéra. Une autre japonaise, Hiromi Ōmura, s'est également rendue célèbre grâce à ce rôle[33].
Cette discographie sélective des intégrales est notamment celle proposée pour l'écoute aux lecteurs du programme de la Scala 2016-2017[34] :
L'histoire est transposée en Chine.
Scénario basé sur la pièce de Belasco et le livret de l'opéra de Puccini. La musique de Puccini pouvait être jouée par un orchestre pendant la projection du film.
Le film est tourné en Technicolor à Cinecittà à Rome. L'actrice japonaise Kaoru Yachigusa joue Cio-Cio San, et le ténor italien Nicola Filacuridi, Pinkerton, avec des acteurs japonais et italiens, doublés par des chanteurs d'opéra italiens.
1956 : Hu die fu ren (Madame Butterfly), film chinois de Wen Yi avec Li Li-Hua dans le rôle titre.
L'histoire est transposée au Vietnam et en Thaïlande, avec comme décor la guerre du Viêt Nam et la chute de Saïgon.
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.