Loading AI tools
poète algérien De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Jean Sénac (en arabe : جان سيناك), né à Béni-Saf en Oranie (Algérie[1]) le et assassiné à Alger le (sans que l'affaire ne soit élucidée), est un poète chrétien, socialiste et libertaire algérien[2].
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Pseudonymes |
Jean Yahia El Ouahrani, Jean l' Oranais |
Nationalité | |
Activités | |
Père |
Inconnu |
Mouvements |
---|
Il a rejoint dès 1955 la cause de l'indépendance algérienne[3].
Originaire de Catalogne, son grand-père maternel, Juan Comma, est venu en Algérie travailler à la mine de fer de Béni-Saf. Jean Sénac, qui n'a pas connu son père, peut-être gitan, porte le nom de sa mère, Jeanne Comma (1887-1965), jusqu'à l'âge de cinq ans et sa reconnaissance par Edmond Sénac[4]. Il passe son enfance et son adolescence à Saint-Eugène, quartier populaire d'Oran. En 1942, il n'obtient pas le brevet[5]. Reçu l'année suivante, il échoue à l'oral de l'examen d'entrée à l'École normale. Il réalise parallèlement de nombreux dessins[6] et reçoit « plusieurs prix à des concours locaux »[7]. Son premier poème date de et sa première publication de [8]. Dès sa jeunesse, il supporte mal le racisme pied-noir à l’égard des « indigènes », lui qui se sent très tôt faire corps avec « [s]a patrie algérienne »[9].
En , Sénac fonde avec quelques amis l'association des « Poètes obscurs ». Enseignant en 1943 à l'Institution Jeanne d'Arc de Mascara, il publie de nouveaux poèmes dans la revue marocaine « Le Pique-Bœuf », signe en un acte d'engagement pour la durée de la guerre et est affecté à Beni Mered, près de Blida. Secrétaire de l'aumônier au cercle des militaires catholiques, il lit Baudelaire, Rimbaud et André Gide dont les romans le marqueront. À Alger, il rencontre Edmond Brua et Robert Randau, pères de la littérature « algérianiste », dont l'appui lui sera précieux.
Démobilisé en , Jean Sénac trouve un emploi comme secrétaire dans une maison de commerce à Belcourt, logeant chez des cousins à Bab El Oued. Il fonde en le Cercle artistique et littéraire Lélian dont il est le président. La même année il fait la connaissance d'Emmanuel Roblès, du sculpteur André Greck, de l'architecte et peintre Jean de Maisonseul, et en 1947 de Sauveur Galliéro, Louis Nallard, Maria Manton, Louis Bénisti sur qui il publie des articles dans « Oran républicain ». Il tombe gravement malade en (paratyphoïde) puis en 1947 (pleurésie) et est hospitalisé de février à décembre au sanatorium de Rivet (Meftah), à l'est d'Alger. Il y écrit le une première lettre à Albert Camus[10]. En il participe aux rencontres culturelles de Sidi Madani, près de Blida, s'y lie avec de nombreux écrivains dont Camus, Jean Cayrol, Mohammed Dib, et quelques mois plus tard Jules Roy.
Sorti en du sanatorium où il était devenu commis de direction puis sous-économe, Sénac travaille aussitôt comme metteur en ondes à Radio Alger. Il réunit sous le titre Mesure d'homme les poèmes qu'il a écrits en 1946 et 1947. En 1950 un autre recueil, Terre prodigue, devenu Terre possible, doit être publié par Edmond Charlot, qui n'en trouvera pas les moyens financiers[11]. La même année Sénac anime la revue Soleil dont le premier numéro paraît en janvier et qui durera jusqu'en 1952 (numéro 7-8), illustrée par des dessins de Sauveur Galliéro, Orlando Pelayo, Baya, Bachir Yellès, Abdelkader Guermaz, Jean de Maisonseul[12]. Il commence simultanément de fréquenter les milieux nationalistes algérois, appartenant au Parti communiste, au PPA (Messali Hadj) ou à l'UDMA (Ferhat Abbas). Ayant obtenu, tout comme son ami Galliéro, une bourse de la Fondation de Lourmarin Laurent-Vibert, il arrive en France en , passe par l'Isle-sur-Sorgue pour rencontrer René Char puis monte à Paris, logeant souvent à l'Hôtel du Vieux-Colombier tenu par ses amis les peintres Louis Nallard et Maria Manton que fréquentent de nombreux artistes, et retrouve Camus. Il travaille en 1951 comme surveillant au foyer des apprentis horticoles de Versailles.
De retour à Alger en , il reprend son activité de metteur en ondes à la radio. Réunissant notamment dans son comité de rédaction Mohammed Dib, Sauveur Galliéro, Jean de Maisonseul, Mouloud Mammeri, Albert Memmi et Louis Nallard, il fonde en décembre, avec l'héritage de son oncle Clodion[13], une nouvelle revue, Terrasses, qui ne connaîtra en qu'un seul numéro[14]. Dans le cadre de la revue, Sénac organise en 1953 quatre expositions, trois de Galliéro et une présentation collective[15]. C'est à cette époque qu'il reprend contact avec les milieux nationalistes du PPA et du MTLD, se liant avec Larbi Ben M'Hidi, Layachi Yaker, Amar Ouzegane, Mohamed Lebjaoui, Mustapha Kateb, Mustapha Bouhired (parent de Djamila Bouhired).
En , Jean Sénac, qui a démissionné de son poste à Radio Alger[16] après une émission sur Mouloud Mammeri dans laquelle il a employé l'expression « patrie algérienne », est de nouveau à Paris où son recueil Poèmes est publié par Gallimard, avec un avant-propos de René Char, dans la collection Espoir dirigée par Albert Camus. Après le 1er novembre, début de la guerre d'indépendance, il rejoint les militants de la Fédération de France du FLN, participe à l'installation de l'imprimerie clandestine d'El Moudjahid chez Subervie, écrit en son premier poème ouvertement anticolonialiste et publie des textes « engagés » dans les revues qui les acceptent, notamment Esprit. Il organise des rencontres entre Camus et des Algériens qui occuperont des fonctions importantes dans l'Algérie indépendante, Réda Malek, Ahmed Taleb, Layachi Yaker. En , il rencontre Jacques Miel avec qui il voyage en Italie en 1957 et dont il fera son fils adoptif. Il se lie simultanément avec les peintres Khadda et Benanteur qui illustreront ses recueils. En 1958, il rompt avec Camus[17]. En 1958 et 1959, il passe ses étés en Espagne; il acquiert en 1959 une maison à Châtillon-en-Diois, dans la Drôme, et publie en 1961 le recueil Matinale de mon peuple.
Jean Sénac rentre en Algérie en et trouve un logement dans une partie de villa, aux portes d'Alger : au-dessus de la petite plage de Pointe-Pescade. Nommé conseiller du ministre de l'Éducation nationale, il fait partie du comité chargé de la reconstitution de la bibliothèque de l'université d'Alger brûlée par l'OAS et participe en 1963 à la fondation de l'Union des écrivains algériens dont il sera le secrétaire général jusqu'en 1967 et à la création de la revue « Novembre ». Amar Ouzegane, plus tard ministre, distribue aux députés de l'Assemblée nationale constituante son poème Aux héros purs. En décembre est exposé et déposé à la Bibliothèque nationale d'Algérie son recueil Poésie, illustré de gravures de Benanteur. Sénac rencontre en 1963 Che Guevara de passage en Algérie et écrit le célèbre vers, souvent critiqué, « Tu es belle comme un comité de gestion » en souvenir de leur visite commune d'un débit de boissons, exemple de bonne gestion, proche de sa maison[18]. Pour les « Fêtes du 1er novembre », il prépare et préface anonymement une exposition qui, autour du noyau des peintres qui sont devenus ses proches, opère un rassemblement plus large de 18 artistes[19].
En 1964 Sénac fonde la Galerie 54 qui existera jusqu'au début 1965. Après une présentation collective en avril de ceux qu'il nomme les « peintres de la Nahda » (Renaissance), il y expose Zérarti, puis Martinez, de Maisonseul, Aksouh et Khadda. Il voyage en URSS en 1966 et y fait la connaissance du poète Evgueni Evtouchenko. À la radio algérienne il anime les émissions Le poète dans la cité (1964-1965) puis Poésie sur tous les fronts (1967-1971) tandis que Gallimard publie Avant-Corps en 1968. L'année suivante, ne pouvant plus payer les arriérés de loyer de son logement de Pointe Pescade, il en est financièrement réduit à s'installer au 2, rue Élisée-Reclus (aujourd'hui rue Omar-Amimour), dans une « cave » formée de deux minuscules pièces. Il fait de nombreuses conférences sur la nouvelle poésie algérienne de langue (« graphie », préfère-t-il dire) française, organise des récitals et publie plusieurs anthologies mais n'en continue pas moins d'accompagner de ses textes les expositions de ses amis peintres, inventant notamment à propos de Benanteur l'expression « Peintres du signe » qui s'imposera pour désigner l'un des courants les plus originaux de la peinture algérienne contemporaine.
Nouvelle étape engagée à partir de la prise du pouvoir en 1965 par Houari Boumédiène, les émissions poétiques de Sénac sont interdites en . Le jugeant menacé, certains de ses amis le pressent de quitter Alger, d'autant plus qu'il est homosexuel. Le « poète qui signait d'un soleil » est assassiné à l'arme blanche dans la nuit du 29 au . Son corps est découvert, entre deux lits, sur le sol de la cave qu'il habite. Son meurtre demeure non élucidé[20]. Jean Sénac est enterré le au cimetière d'Aïn Benian.
Conformément à son testament, les archives de son œuvre se trouvant à Alger ont été remises à la Bibliothèque nationale d'Alger[21]. Une autre partie de ses archives est déposée aux Archives de la Ville de Marseille[22] et depuis janvier 2020 une partie moins importante, concernant essentiellement l'œuvre théâtrale de Sénac, se trouve — à la suite du legs des héritiers de Paul et Edwine Moatti — intégrée au « Fonds Patrimoine méditerranéen » de la bibliothèque universitaire, section Lettres, de l'université Montpellier 3.
Même s'il disposait aussi de la nationalité française, c'est l'algérienne qui était revendiquée par Jean Sénac.
Il chante la lutte révolutionnaire en qui il met toute son espérance par sa capacité de créer un monde de beauté et de fraternité, dans une Algérie ouverte à toutes les cultures. Il y associe son propre combat : recherche d'identité profonde, à la fois personnelle et culturelle, et sa lutte pour faire accepter son homosexualité : « Ce pauvre corps aussi/ Veut sa guerre de libération ». Sénac était un grand admirateur de Nerval, de Rimbaud, d'Artaud, de Genet. Il a par exemple publié un intéressant poème sur Rimbaud et ses relations avec son assistant Djami, laissant supposer qu'ils ont eu des amours ancillaires : "Le sommeil de Djami"[23].
: source utilisée pour la rédaction de cet article
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.