Dès la fin du XVesiècle se développent des associations à la fois religieuses, poétiques et dramatiques, comme les «puys» en l'honneur de la Vierge Marie actifs à Amiens et à Abbeville qui organisent des concours littéraires annuels sur un thème mystique.
Littérature
La Picardie a vu naître plusieurs grands auteurs au cours de son Histoire.
La Renaissance est une période historique très riche pour la Picardie, c'est à cette période que Jean Calvin voit le jour, un des principaux réformateurs du protestantisme. Natif de la ville de Noyon, il restera attaché à sa ville natale tout au long de sa vie[1]. Plusieurs textes de sa plume sont particulièrement connus, édités et étudiés avec en tête son Institution de la religion chrétienne, vaste traité théologique qui affirme la postérité de son œuvre, on peut aussi mentionner son Traité des reliques. La capitale du comté de Ponthieu verra naître Hélisenne de Crenne, principale représentante féminine des lettres pour la Picardie et figure majeure du roman humaniste avec Les Angoisses douloureuses qui procèdent d'amours. Aux côtés de François Rabelais, ce sont les deux premières figures du roman français dans la première moitié du XVIesiècle, leurs écrits fondent un genre novateur à savoir le roman humaniste[2]. Quelques références sont faites à la Picardie dans son roman par le biais d’anagrammes[3]. Guillaume Des Autels et Barthélemy Aneau seront les deux représentants de la deuxième génération d'humanistes de la Renaissance, elle aussi fondatrice du roman humaniste.
Au XVIIesiècle règne la mode du conte merveilleux, portée par les précieuses telles que Madame d'Aulnoy et la Comtesse de Murat, genre où la Picardie se trouve représentée par Louis de Mailly, natif d'Amiens, et où s'illustrera par la suite Charles Perrault. L'orientaliste Antoine Galland, Picard originaire du bourg de Rollot dans le Santerre puis de la ville de Noyon où il fît ses études, s'appuie sur ces succès pour publier, de 1704 à 1717, douze volumes de contes merveilleux orientaux; le monde occidental découvre Les Mille et Une Nuits. L'orientaliste se présente alors comme un simple traducteur, mais occupe en réalité un rôle bien plus large. Considéré comme un inventeur des Mille et une nuits par certains spécialistes[6], il réécrit, modifie et adapte l'ouvrage à sa guise[7]. Il rencontre en 1709 Hanna Dyâb, un chrétien maronite qui lui fait oralement le récit d'une dizaine de contes que Galland rédigera de sa propre plume par la suite. Parmi ces nouveaux ajouts, l'on trouve les célèbres contes d'Aladin ou la Lampe merveilleuse et d'Ali Baba et les Quarante Voleurs. Ainsi, Galland s'inscrit dans un processus habituel des conteurs et des conteuses qui vont plutôt s'emparer, par morceaux ou en totalité, de récits oraux populaires pour en proposer des versions littéraires. Madame de Villeneuve, par exemple, écrit la première version moderne de La Belle et la Bête après en avoir entendu le récit de la bouche d'une certaine Mademoiselle de Chon[8], tout comme Galland écrit Ali Baba après en avoir entendu l'histoire par la bouche de Dyâb. La version des Mille et Une Nuits de Galland connaît aussitôt un succès retentissant en France et dans toute l'Europe.
Natif de Boulogne-sur-Mer, Charles-Augustin Sainte-Beuve est lui aussi un auteur originaire de la province de Picardie, il est principalement connu en tant que critique. Son Port-Royal, fresque littéraire considérable sur ladite abbaye du même nom, constitue son ouvrage le plus reconnu. Ses Causeries du lundi jouissent aussi d'une réputation non négligeable, tout comme ses Portraits littéraires et ses Portraits de femmes, où il dépeint divers auteurs et autrices, anciens ou contemporains de son époque. À cette œuvre d'analyse et de critique littéraire s'ajoutent ses œuvres fictionnelles où il est connu pour un unique roman Volupté, et pour des poésies avec, principalement, Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme.
Constance de Salm, poétesse et romancière, a longtemps vécu et grandit dans la demeure que son père Marie Alexandre de Théis fit bâtir près de Chauny à Autreville dans le Laonnois et qu'il avait nommée L'Aventure[10]. Elle est connue pour son roman épistolaire Vingt-quatre heures d'une femme sensible, dont le concept et le titre seront repris par Stefan Zweig pour ses Vingt-quatre heures de la vie d'une femme. On la souligne aussi pour ses Poésies et ses Pensées. Son poème Bouton de rose eut un certain succès, c'est aussi une pionnière du féminisme, notamment avec son Épître aux femmes. Elle mentionne son vécu dans la campagne picarde dans son Épitre sur les inconvénients du séjour à la campagne, où elle dresse un portrait critique des mœurs rurales[11].
Pierre Mac Orlan, natif de la ville de Péronne, ville principale du Santerre où il passa son enfance. Il est notamment l'auteur du roman Le Quai des brumes, qui fut adapté en un long-métrage en 1938 et qui connût un certain succès. Son lien avec la Picardie s'illustre dans son œuvre littéraire à travers un roman nommé Babet de Picardie. Pierre Mac Orlan est aussi très connu pour ses romans pour la jeunesse, notamment avec des œuvres comme Les Clients du Bon Chien jaune ou L'Ancre de miséricorde. Il s'illustre, tout comme Jules Verne, dans le roman d'aventures, et particulièrement dans des aventures du monde maritime.
La langue picarde perd la compétition avec le francien qui devient la langue nationale (Ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539). Cet événement entraîne des difficultés majeures pour le développement d'une culture de la Picardie.
Peu d'éléments relient Vincent Voiture (1598-1638) à sa Picardie natale si ce n'est sa «Lettre sur la prise de Corbie» (1633).
L'homme de lettres le plus connu au cours de ce siècle est sans conteste Jean de La Fontaine (1621-1695).
On peut ajouter les Fatals picards qui ont pointé un regard sur leur région natale et répercuté l'écho sur tout le territoire.
Le Parisien, «Les jeunes années de Jean Calvin à Noyon» , sur www.leparisien.fr, (consulté le ) : «S'il ne reviendra plus jamais à Noyon, Jean Calvin restera très attaché à sa ville natale.»
Pascale Mounier, Le Roman humaniste
Un genre novateur français (1532-1564), Paris, Éditions Classiques Garnier, , 508p. (ISBN978-2-406-07818-0), La France n’est pas en reste dans le paysage romanesque européen du xvie siècle. François Rabelais, Hélisenne de Crenne, Guillaume des Autels et Barthélemy Aneau font naître une fiction sans antécédents nationaux ni étrangers en l’investissant des modes d’écriture et de pensée propres à l’humanisme.
Hélisenne de Crenne, Les Angoysses douloureuses qui procedent d'amours, Saint-Etienne, Publications de l'université de Saint-Etienne, , 384p. (ISBN978-2-86272-368-6), Elivéba étant un anagramme d'Abbeville (page 11)
Antoine Galland, Jean-Paul Sermain et Aboubakr Chaïbi, Les Mille et une nuits: contes arabes, Flammarion, 454p.:
«Galland est considéré comme l'inventeur des Nuits, il
fut plus qu'un traducteur, c'est véritablement lui qui a
découvert les manuscrits et qui les a rapportés d'Orient
et qui en a établi la toute première édition en Occident
- non sans réécrire parfois, modifier ici ou là, expurger
des passages jugés trop licencieux, et rajouter des contes
nouveaux. Durant tout le XVIIe siècle, les traductions
en anglais, allemand et autres se sont faites en
traduisant... Galland lui-même! Par ailleurs, la mode
orientale (qui a produit de grands textes comme Les
Lettres persanes de Montesquieu) est arrivée via
l'engouement du public pour ces contes orientaux
estampillés Galland, contes si charmants et si
originaux.»
Constance de Salm, Épitre sur les inconvénients du séjour à la campagne:
«...Que serait-ce encore, si, de la fade idylle,
Bravant pour t'éclairer et le goût et le style,
Je te peignais les champs, leurs charmes prétendus,
Tels que tu les verrais, tels que je les ai vus!
Si du bon villageois, du fermier respectable,
Après t'avoir montré la famille estimable,
A leurs simples vertus sans voile j'opposais
Ce que près d'eux aussi partout tu trouverais:
La ruse, l'âpreté, filles de l'indigence,
Dont les mœurs, le langage et jusqu'à la gaieté
Blesseront ton esprit par leur rusticité.
Celui-là satisfait et se plaignant sans cesse;
Celui-ci t'effrayant dans sa grossière ivresse;
Mille autres vagabonds, par le besoin instruits
A dérober tes grains, tes arbres ou tes fruits?...»