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courant anarchiste combinant des idées transhumanistes De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'anarcho-transhumanisme (parfois abrégé en AnH+, @H+ ou ah+) est un courant politique anticapitaliste souhaitant allier le transhumanisme à la pensée anarchiste et libertaire[sm 1],[sm 2],[1],[sm 3]. Cette doctrine postule que la liberté sociale est liée à la liberté matérielle et que la liberté est la capacité de comprendre ce qui nous entoure et d'en tirer des connaissances[sm 4],[2]. Selon William Gillis, un penseur et militant de ce courant, l'idée principale et le but derrière l'anarchisme transhumaniste est que « nous devrions viser à étendre nos libertés physiques autant que nous visons à étendre nos libertés sociales »[3],[n 1]. L’anarcho-transhumanisme est un courant de la pensée anarchiste traitant l’idée de liberté comme d'une valeur prioritaire et comme condition pour d’autres valeurs, et l’amélioration libre de l'être humain comme l'une des méthodes pour atteindre cette liberté[4],[5]. Les anarcho-transhumanistes voient leur position comme le développement logique et l’approfondissement de l’engagement anarchiste envers la maximisation des libertés[1]. La réflexion autour de la technologie, de la liberté morphologique et de l'anarchisme est donc importante au sein de cette pensée[6]. Ce courant anarchiste revendique donc des droits à un meilleur accès aux outils du transhumanisme pour la société, et souhaite également les changements socio-économiques nécessaires afin de modifier les infrastructures économiques et techniques modernes d'une façon plus égalitaire. Ainsi, la technologie est perçue comme un enjeu politique, social et démocratique : elle doit être saisie et transformée à des fins libératrices.
Cette philosophie anti-capitaliste, via sa réflexion autour de l'usage des technologies, de la libre augmentation et de la diversification des capacités humaines notamment grâce au développement technico-scientifique (et les luttes sociales devant s'y accompagner avec), est donc née historiquement en opposition vis-à-vis de l'anarcho-primitivisme[sm 1],[sm 2],[1],[sm 5].
Le terme “anarcho-transhumanisme” est relativement récent. Peu mentionné dans les années 1980, popularisé dans les années 2000 et surtout 2010. Selon les anarcho-transhumanistes, cette idée représente une tendance qui a toujours été présente dans les théories et cercles anarchistes depuis William Godwin (1756-1836), associant la pulsion d’améliorer et de parfaire nos relations sociales à la pulsion de nous améliorer et de parfaire les conditions matérielles[sm 1].
Selon l'anarcho-transhumaniste Blueshifted, le bleu qui est présent dans les couleurs de l'anarcho-transhumanisme a été choisi afin de représenter symboliquement le futur. Le bleu est la couleur du ciel et des océans, des horizons distants à explorer. Le pigment bleu est très rare à l’état naturel, et les roses et fleurs bleues représenteraient plus généralement l’artificiel, le futuriste, l’espoir et l’infini. Également, le bleu est plus généralement la couleur caractéristique utilisée dans la science-fiction. Le bleu connote également l’accélération et la vitesse, avec les couleurs « décalant vers le bleu » lorsqu'on les accélère en direction d’un objet[sm 1],[sm 6].
Le bleu a également été opté parce que c’était la seule couleur sur la rouge chromatique des écoles anarchistes qui n’avait pas été choisie. L'un des buts étant d'établir et de définir ces idées et aspirations d’une manière qui ne suivait pas les oppositions "rouges vs verts" classiques des années 1990. Pour les anarcho-transhumanistes, il était nécessaire de se différencier des courants plus conventionnels du syndicalisme et du communisme (optant souvent pour la couleur rouge), sans essayer de nier ou de dominer des représentations existantes de ceux-ci[sm 1].
Enfin, au sein de cet affrontement entre (anarcho-)primitivistes et anarcho-transhumanistes, les anarcho-transhumanistes considèrent qu'il est intéressant symboliquement que les primitivistes aient choisis la couleur de la terre (vert), tandis que l'anarcho-transhumanisme opte pour celle du ciel (bleu)[sm 1].
Les anarchistes transhumanistes s'inspirent de penseurs et de courants variés au sein la philosophie anarchiste. Ainsi, les anarcho-transhumanistes n'ont pas toujours exactement le même point de vue sur certains sujets, par exemple sur l'économie et la manière de s'organiser politiquement. Comme le précise le militant Blueshifted, beaucoup d'anarchistes transhumanistes sont souvent intéressés et inspirés par exemple par des auteurs anarchistes assez classiques tels que Pierre Kropotkine et Murray Bookchin, d’autres sont plutôt influencés par la "Post-gauche" (en) et sont intensément critiques des organisations politiques traditionnelles et de la rigidité idéologique, d’autres viennent de traditions orientées vers les marchés comme le mutuellisme, alors que d'autres sont anti-marchés et proches du communisme libertaire. Mais la plupart de ces différences sont orthogonales et secondaires par rapport à leur focalisation commune sur la question des conditions morphologiques et des moyens technologiques[sm 1],[sm 7].
Comme le précise le politologue Paweł Malendowicz (pl), l’anarcho-transhumanisme est la reconnaissance que la liberté sociale est inséparable de la liberté matérielle : cette liberté a pour but d’élargir les possibilités humaines et les capacités d’engagement et d'action des êtres humains sur le monde. Cela signifie le pouvoir de se libérer des contraintes arbitraires que les corps peuvent imposer aux humains, mais aussi être libre de façonner le monde qui nous entoure. Ce courant souhaite dépasser et transcender les limites du genre et de la génétique au sein de l’expérience humaine. Il s’agit de remettre en question les limitations gouvernant les êtres humains. Cette pensée libertaire affirme que si des outils existent pour améliorer la qualité de vie, ils doivent être utilisés, car personne ne devrait par exemple éprouver la faim ou d’autres pénuries si celles-ci peuvent être éliminées[4]. Également, dans une posture philosophique anarcho-transhumaniste, afin de pouvoir augmenter l'agentivité de nos corps et dans notre environnement, il est nécessaire de combattre les institutions sociales oppressives qui réduisent fortement cette même agentivité[sm 1]. Ce pouvoir de l'agentivité est connecté à la notion de "Liberté morphologique", désignant dans ce courant anarchiste la liberté effective de disposer de son corps et de ses conditions matérielles[1].
Plusieurs idées principales peuvent se retrouver au sein de ce courant :
Certains anarcho-transhumanistes peuvent également soutenir différentes pratiques et méthodes pour atteindre leur idéaux, tel que le hacking, l'impression 3D, ou le biohacking[1],[7]. Également, les anarcho-transhumanistes travaillent sur des projets immédiatement pratiques donnant aux personnes plus de contrôle sur leurs corps, par exemple l'installation de cliniques pour l'IVG, la distribution de naloxone, la lutte pour le libre accès à des techniques pour la transition de genre ou bien le fait d’imprimer en open-source des prothèses pour enfants[sm 1],[8].
L'anarcho-transhumanisme demande à ce que l’on interroge nos désirs et valeurs au-delà de l’arbitraire de "Ce qui est", en n’acceptant ni l’autorité de constructions sociales arbitraires comme le genre, ni une loyauté aveugle au fonctionnement actuel de nos corps[sm 1]. Il s'agit donc d'un courant revendiquant les droits aux outils du transhumanisme, et souhaitant des transformations socio-économiques nécessaires afin de modifier les infrastructures modernes d'une manière égalitaire. La technologie est un enjeu politique et démocratique, elle doit être saisie et transformée à des fins émancipatrices.
S'inscrivant dans la tradition anarchiste, l'anarcho-transhumanisme postule également l'abolition de l'État. Comme l'indique le politologue Paweł Malendowicz, l'anarcho-transhumanisme assume le fait que grâce aux avancées technologiques, le besoin et la nécessité d'un État disparaitrait[9]. Tandis que la notion de "Liberté morphologique" revendiquée par les anarcho-transhumanistes s'inscrit quant à elle dans la tradition de la pensée transhumaniste[10], avec ici un point de vue anticapitaliste et libertaire sur cette notion.
L'universitaire Natalia Mikoś, dans un article paru en 2020[11], explique la pensée anarcho-transhumaniste. Elle mentionne également l'existence d'un "Manifeste" anarcho-transhumaniste. On y découvre, au sein de ce Manifeste, que les influences de l'anarcho-transhumanisme sont diverses. Ainsi, ce Manifeste anarcho-transhumaniste de 2016[sm 10], écrit par un certain Kris Notaro, déclare que ses partisans « s’appuient particulièrement sur les branches anarcho-syndicalistes, anarcha-féministes et libertaires socialistes de l’anarchisme. [Ils] ne considèrent pas l’anarcho-capitalisme comme une branche de l’anarchisme sous quelque forme que ce soit. [Le Manifeste] est anti-autoritaire et anticapitaliste. »[n 2]. L’anarcho-transhumanisme cherche à abolir l’ordre hiérarchique et à valoriser la coopération, la liberté et l'activité pour le bien commun. Natalia Mikoś cite également un autre passage du Manifeste, où les auteurs soulignent que l’anarchisme, selon eux, n’est pas un rêve utopique :
Les mots égalitarisme, égalité, liberté, non-discrimination et coopération sont mentionnés tout au long de ce document et sont la marque de ce qu’est fondamentalement l’anarchisme. Nous reconnaissons que la science et la technologie ne peuvent pas nous libérer de toutes les formes de l’oppression à moins que, en tant que société, nous ne soyons prêts à coopérer dans des méthodes de vote démocratiques et consensuelles radicales pour atteindre nos objectifs[n 3].
Ainsi, comme l'explique Natalia Mikoś, dans la perspective anarcho-transhumaniste, le développement technologique devrait s'allier via un développement en accord avec les individus et la communauté. La dynamique traditionnelle d'un pouvoir oppressif doit être abolie afin que la société progresse. De plus, la plupart des anarcho-transhumanistes proposent que l'organisation de la société soit basée et inspirée du communalisme et du municipalisme libertaire.
L'anarcho-transhumanisme peut être interprété soit comme une critique, soit comme une extension de l'humanisme, car il remet en question le sens de ce qu'est un être humain[1].
Par ailleurs, cette progression de la société via l'anarcho-transhumanisme ne doit pas être perçue comme linéaire et aller vers une sorte d'éternelle "perfection" de l'être humain, mais plutôt comme une forme de "diversification", selon certains militants comme William Gillis et Blueshifted[sm 7]. Au sein de cette pensée, l'idée est que l'augmentation humaine est relative : différentes personnes et différentes communautés peuvent avoir des revendications diverses par rapport à l'augmentation et il n'y a pas une vision unique de « l'humain augmenté » pour le futur :
"Cependant, il est important d’être clair : la considération proactive du possible n’est pas la même chose que la préfiguration bornée. Les anarcho-transhumanistes ne font pas l’erreur d’exiger un seul avenir spécifique, d’établir un plan et d’exiger que le monde s’y conforme. Ce que nous préconisons, c’est plutôt la possibilité d’une multiplicité de futurs."[n 4] [...]
Le primitivisme simplifie à l’extrême la situation, affirmant que ce qui existe doit nécessairement être le seul moyen de rendre possible certaines technologies. Cela implique aussi souvent un arc de développement linéaire unique où tout dépend de tout le reste, ignorant la grande latitude et la diversité des options en cours de route et en omettant d’étudier le vaste potentiel de reconfiguration. [...][n 5]
Comme on peut s’y attendre, la position transhumaniste et anarcho-transhumaniste est de laisser fleurir un milliard d’architectures physiques et cognitives ! Nous voulons attaquer radicalement et éliminer les stigmates et les normes sociales contraignantes afin qu’une grande diversité d’expériences puisse être vécue sans oppression."[sm 7],[n 6]
Ainsi, cette citation ci-dessus de William Gillis et Blueshifted précise que l'anarcho-transhumanisme ne propose pas un futur précis, et qu'il existe une infinité de futurs qui doivent être rendus possibles via l'abolition du capitalisme et l'application de cette philosophie politique anarchiste.
Pour le militant William Gillis, la philosophie du transhumanisme libertaire est le fait d’accepter la fluidité et la nature transitoire de « l'humain », et non pas de s’accrocher à l’humanité dans sa forme spécifique actuelle[1].
La position anarcho-transhumaniste au sujet des personnes neuro-atypiques ou vivant avec un handicap, est de soutenir que l'on puisse laisser toutes les architectures physiques et cognitives s’épanouir (neurodiversité). Le but est de combattre les stigmatisations, le validisme, les clichés et les normes sociales contraignantes pour qu’une plus grande diversité d’expériences puissent être vécues sans oppression. Également, au sein de la pensée transhumaniste libertaire, l'objectif est de pouvoir fournir aux personnes les outils pour exercer un contrôle sur leurs propre corps, esprits et conditions de vies. Chaque personne devrait pouvoir choisir individuellement quels facteurs constituent un empêchement oppressif et gênant dans leurs propres vies… ou autrement quels facteurs sont des éléments de leur identité et de leur expérience de vie unique[sm 1],[1].
Finalement, l'anarchisme transhumaniste va subvertir la différence entre un "handicap" et une "augmentation", et aussi de celle entre le "désir" et le "besoin". Aucune norme ne devrait être imposée oppressivement. Au contraire, les individus devraient tous être libres de vivre comme ils le souhaitent. Ce courant cherche ainsi à brouiller et à interroger politiquement et éthiquement les distinctions entre "handicap" et "augmentation", entre "réparation" et "majoration", ainsi que celles entre "désir" et "besoin", puisqu'aucune "base de référence" ne devrait être normalisée et dominer. La liberté morphologique demeurant un principe éthique et politique important au sein de ce courant libertaire[sm 1],[1].
Le transhumanisme libertaire n'affirme pas que tous les outils ou applications de ces derniers sont – dans tous les contextes – totalement fantastiques et sans aspects problématique à considérer, naviguer, rejeter, remettre en question, ou changer. Et le transhumanisme, selon les anarcho-transhumanistes, n’est pas non plus une acceptation de toute l’infrastructure ou de toutes les normes d’outillage qui sont actuellement en place. Ils ne pensent pas que toutes les technologies sont positives dans toutes les situations spécifiques, que les outils n’ont jamais de biais ou d’inclinations, ou qu’un ensemble arbitraire de « plus grandes » technologies devrait être imposé. Au contraire, les anarchistes transhumanistes avancent plutôt que les gens devraient avoir plus d’agentivité, de possibilités et de choix sur comment l'on décide d’interagir avec le monde. En conclusion de cette analyse, l'anarcho-transhumanisme affirme qu'être mieux informés et avoir un plus grand éventail d’outils est essentiel à cette meilleure interaction avec le monde et nous-mêmes. Car dans une compréhension assez large, la « technologie » selon l'anarcho-transhumanisme désigne juste une manière de faire les choses, s'accordant avec une certaine définition de la liberté qui est celle d'avoir le plus d’options ou de moyens disponibles[sm 1],[1].
Ce que critiquent les anarcho-transhumanistes est notre condition actuelle aliénée par le capitalisme et la propriété intellectuelle, c'est-à-dire également la manière qu’a la technologie d’être réprimée jusqu’à ce que la seule chose qui soit permise soit une "sorte de monoculture technologique", souvent dotée d’importants biais :
D’un côté ceci vient de la suppression et de l’effacement de technologies plus simples et primitives mais de l’autre côté elle vient également du ralentissement vicieux et de l’empêchement du développement technologique grâce aux lois de propriété intellectuelle et myriade d’autres injustices. Pareillement les conditions du capitalisme et de l’impérialisme déforment quelles technologies sont profitables et ainsi quels projets de recherches reçoivent des ressources.
Cela ne veut pas dire que toutes les inventions technologiques sous le capitalisme sont intrinsèquement corrompues ou inutiles. Et cela ne veut certainement pas dire que nous devrions recommencer depuis le début, ignorant toutes découvertes ou connaissances accumulées durant notre trajectoire.
Mais beaucoup des industries et formes de commodités qui sont standardisées dans notre société existante seraient insoutenables ou indésirables dans un monde libéré[sm 1],[1].
Ainsi, la technologie ne devrait pas non plus être décontextualisée de ses implications sociales, politiques et écologiques selon les anarcho-transhumanistes. Donc, un transhumanisme non-libertaire qui resterait ainsi confiné à l’intérieur du capitalisme cishétéropatriacal et raciste ne pourrait pas viser une forme d'émancipation anarchiste[sm 2]. L'auteur anarcho-transhumaniste Reimagining précise qu'à travers une approche anarchiste – en termes éthiques et stratégiques – on peut à la fois "attaquer et libérer" via l’usage d’une analyse radicale. On peut faire face au déploiement de complexité sans avoir à nous détacher d’un ethos qui aspire à de plus grands degrés de liberté et d’autonomie pour tous les êtres vivants. C’est ainsi qu’un transhumanisme libertaire commencerait à se cristalliser, avec un engagement à utiliser la technologie pour l’augmentation de la liberté et du bonheur humain[sm 2], et dans le même temps en articulant et en menant cet engagement dans la lutte anticapitaliste.
« Dans certaines versions du mythe, la boîte de Pandore contient aussi une chose crucialement bonne : l’espoir. D’après l’histoire, quand Pandore ouvrit la boîte, tous les maux se sont échappés et se sont répandus dans le monde, mais l’espoir est resté à l’intérieur, dans l’attente d’être pleinement réalisé. On pourrait dire que la boîte de Pandore de la technologie d’aujourd’hui a été ouverte depuis longtemps. Dans ce cas, essayer de passer outre la technologie tout court c’est vivre dans le déni de ce que la boîte a relachée. Cependant, si on peut trouver l’espoir qui demeure, alors on doit espérer pouvoir créer un monde qui a été béni, et non pas maudit, par le contenu de cette boîte. »
— Reimagining, Sur l'anarchisme, la technologie et le transhumanisme.
Les anarchistes transhumanistes sont très critiques vis-à-vis des autres courants transhumanistes qui ne seraient pas libertaires. Le militant William Gillis explicite cela dans son article Anarchy and Transhumanism :
Nous devons admettre que la majorité des transhumanistes s’identifient encore actuellement avec les idéologies libérales, le socialisme d’État, la social-démocratie et d’autres cultes technocratiques similaires liés à l’autorité. Les transhumanistes non anarchistes sont politiquement naïfs au mieux, et dangereux au pire; le transhumanisme sans l’anarchisme est complètement intenable. Un monde dans lequel tout le monde dispose d’une plus grande agentivité physique est un monde dans lequel tous les individus sont en surcapacité, et donc forcés de résoudre les désagréments par consensus comme si tout le monde avait un véto plutôt que par la coercition d’une démocratie majoritaire. Offrir à tout le monde les outils de la technique, tout en restreignant d’en haut ce qu’ils peuvent en faire ou ce qu’ils peuvent inventer est impossible en dehors d’un système violemment autoritaire qui interdirait presque toutes les fonctions de ces outils. Prenez comme exemple les difficultés à imposer et faire respecter les lois sur la propriété intellectuelle sur Internet, ou la guerre contre l’informatique à usage général. En ce sens, tous les transhumanistes étatistes échouent à défendre leurs idéaux transhumanistes à cause de leur peur persistante de la liberté et de l'émancipation du prolétariat. Philosophiquement, il est impossible de réconcilier le but transhumaniste d’un plus grand contrôle de nos corps et de nos environnements avec la défense concurrente d’institutions sociales oppressives qui contraignent notre agentivité. Ces différences de valeurs se manifestent de plusieurs façons. Les anarcho-transhumanistes sont évidemment bien moins enclins que les transhumanistes étatistes à laisser les États et les capitalistes monopoliser le contrôle ou le développement de nouvelles technologies. Ils mènent de sérieux efforts de résistance, des efforts pour à la fois attaquer les infrastructures centralisés de l’oppresseur, et pour rendre leur recherche et leurs outils à tout le monde[n 7],[1],[sm 12].
Ainsi, les anarcho-transhumanistes critiquent les formes non-anarchistes et non-anticapitalistes de transhumanisme telles que le transhumanisme libéral et le transhumanisme social-démocrate, qu'ils jugent incohérentes et insoutenables en raison de leur préservation de l'État et du capitalisme. Ils considèrent ces instruments de pouvoir et de domination comme intrinsèquement contraires à l'éthique libertaire et incompatibles avec une volonté d'augmentation de la liberté sociale et matérielle pour tous les individus. L'anarcho-transhumanisme est généralement anticapitaliste, affirmant que l'accumulation capitaliste de richesses conduirait à une dystopie si cette accumulation capitaliste se liait au transhumanisme. L'anarcho-transhumanisme prône plutôt un accès égal et non-capitaliste aux technologies avancées qui permettent la liberté morphologique. William Gillis critique également certains transhumanistes non-libertaires qui seraient trop fixés et concentrés sur l'Intelligence Artificielle (I.A) :
Il y a un courant notable dans les cercles transhumanistes non-anarchistes qui se concentre sur le développement des IA, avec pour but de résoudre le problème du contrôle d'un esprit plus intelligent que le nôtre. Beaucoup de transhumanistes sont convaincus que l’IA va accéder à une augmentation auto-entraînée de sa propre intelligence qui lui permettra de changer le monde. Pour les anarchistes, cette fixation est ridicule étant donnée les milliards d’esprits déjà vivants et criminellement sous-estimés. Si nous voulions libérer l’intelligence potentielle dans notre société, alors le chemin le plus sûr et le plus rapide serait de libérer et aider à s'émanciper tous les potentiels Einstein actuellement abandonnés dans des bidonvilles, des favelas, des mines à ciel ouvert et dans des champs partout sur Terre[n 8].
[...]
Plutôt qu’une course à l’Intelligence artificielle générale, beaucoup d’anarcho-transhumanistes ont défendu que nous devrions plutôt nous concentrer sur les bienfaits des technologies qui améliorent ou étendent nos connexions entre nous, pour que nous puissions collectivement dépasser n’importe quelle IA[n 9],[1],[sm 12].
Certains anarcho-transhumanistes s'inspirent de la pensée libertaire de Murray Bookchin[sm 1], notamment à propos de la question de l'utilité de la technique, de la cybernétique et des machines dans le cadre d'une société anarchiste émancipée. En effet, cette idée d'allier technologie et émancipation libertaire peut également se retrouver chez d'autres penseurs anarchistes tel que Murray Bookchin et sa théorie de l'écologie sociale, et les anarcho-transhumanistes y puisent certaines de leurs idées dans la pensée de cet auteur libertaire. Par exemple, l'un des éléments que les anarcho-transhumanistes reprennent de la pensée de Bookchin est dans un article de 1965, intitulé Vers une technologie libératrice, où Bookchin écrit ceci au sujet de la technologie et de la cybernétique au sein d'une société libertaire :
Cette révolution technologique et les perspectives qu’elle ouvre à la société tout entière sont le fondement réel des modes de vie radicalement nouveaux qui se répandent parmi la jeunesse actuelle en même temps que, très rapidement, elle se dégage des valeurs de ses aînés et des traditions immémoriales qui plaçaient le travail au centre de tout. Même la revendication récente d’un revenu annuel garanti reflète, quoique bien faiblement, la nouvelle réalité qui imprègne la mentalité des jeunes. Grâce à l’apparition de la technologie cybernétique, un nombre sans cesse croissant de jeunes se mettent à croire fermement à la possibilité d’une vie débarrassée des peines du travail. [...] Les possibilités créées par l’application de la cybernétique à la technologie ne se limiteraient pas à la satisfaction des besoins matériels humains. Nous aurions aussi la liberté nécessaire pour nous demander comment la machine, l’usine et la mine pourraient servir à promouvoir la solidarité humaine, à établir une relation équilibrée avec la nature et une communauté véritablement organique, une « écocommunauté ». [...] Pourquoi ne pas utiliser des machines automatisées et cybernétisées de telle façon qu’elles assument l’extraction, la préparation et le transport des matières premières puis le dégrossissage des produits et laissent aux membres de la communauté les derniers stades de la fabrication impliquant habileté manuelle et sens artistique. La plupart des pierres dont sont faites les cathédrales ont été soigneusement taillées et appareillées de façon à faciliter leur assemblage – travail ingrat et répétitif qui s’effectue aujourd’hui vite et sans effort grâce à des machines. [...] Dans une communauté libérée, la combinaison de la machine et de l’outil artisanal pourrait atteindre un degré de sophistication et d’interdépendance créatrice inégalable. La vision de William Morris d’un retour à l’artisanat serait débarrassée de ses pointes nostalgiques. On serait vraiment fondé à parler d’un progrès qualitatif de la technique, d’une technologie au service de la vie[12].
Également, Thomas Swann, maître de conférences en théorie politique à l'Université de Loughborough[13], propose l'idée d'une alliance entre la technologie et la cybernétique socialiste afin d'établir une société anarchiste, notamment en s'inspirant des travaux de Stafford Beer et du projet Cybersyn :
Un engagement entre l’anarchisme et la cybernétique peut avoir le potentiel de faire progresser la compréhension des aspects clés de la dynamique organisationnelle de l’organisation des mouvements sociaux anarchistes et de la gauche radicale, ainsi que de fournir une contribution à la praxis des mouvements sociaux anarchistes et radicaux[14].
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