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théorie politique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'anarcho-primitivisme est une doctrine politique qui s'appuie sur un rejet radical de la révolution industrielle et productiviste considérée comme la source principale des différentes formes d'aliénation qui pèsent sur la liberté humaine.
Les anarcho-primitivistes considèrent que la division du travail, le progrès et l'essor technologique, la naissance des villes, le surplus économique, l'agriculture, ainsi que l'essor démographique — tous ces éléments qui forment la base des sociétés industrielles — ont entraîné le développement de structures hiérarchiques et oppressives, ce qui a constitué un terreau favorable au développement de l'État.
Les anarcho-primitivistes prônent l'avènement d'une société qui s'inspirerait des sociétés pré-industrielles, en arguant que les sociétés primitives sont des exemples convaincants de sociétés anarchistes.
Le concept de progrès est donc, pour les anarcho-primitivistes, à prendre avec des pincettes, du moins le progrès économique. En effet, celui-ci symbolise le développement de la société industrielle et de la recherche scientifique qui menacent la survie de l'espèce humaine et de l'environnement. Ce progrès-là est soutenu par ce que l'on appelle les courants progressistes qui apparaissent comme une construction culturelle inventée pour les besoins de la cause à la Renaissance et servant le capitalisme, la propagande de l'idéologie dominante.
Pour les anarcho-primitivistes le progrès constitue un refuge derrière lequel on se retranche pour nier les réalités écologiques. E.E. Cummings compare le progrès à « une maladie confortable de l’inhumanité moderne ». Pour ce mouvement, le combat contre le mythe qu'ils voient à l'œuvre dans le progrès passe par l'écologie.
De nombreux mouvements internes existant au sein de l'Anarcho primitivisme ne partagent cependant pas certains points idéologiques, il existe en effet des groupes mettant en avant l'esprit collectif, quand d'autre mettent l'accent sur un principe d'individualisme dur[2]. Il en est de même en ce qui concerne les questions lié au régime alimentaire, à l'égalité des sexes, à l'ethnie, à éthique animale ou en ce qui concerne les actions violentes.
Certains anarcho-primitivistes, contrairement à une image générique vehiculée, ne rejettent pas aveuglément la science et la technologie, ce qu'ils critiquent et refusent ce sont les conséquences et les dérives de l'utilisation du savoir dans le contexte actuel[3].
La conception anarcho-primitiviste de la technologie peut être résumée par la phrase qu'a eue le poète et anarchiste anglais Herbert Read :
« On ne peut confier les machines qu'à des gens ayant un apprentissage de la nature » et « seules de telles personnes inventeront et contrôleront ces machines de telle façon que leurs produits soient une amélioration des besoins biologiques et pas un déni de ceux-ci[3]. »
Pour Kirkpatrick Sale :
« Les termes du jeu sont simples pour eux : l’amélioration matérielle pour autant de gens que possible, aussi vite que possible et rien d’autre, certainement pas des considérations de morale personnelle ou de cohésion sociale ou de profondeur spirituelle ne semblent beaucoup importer. Le progrès est le mythe qui nous assure que « en avant toute » n'a jamais tort. L'écologie est la discipline qui nous enseigne que c'est un désastre »[3].
John Moore expose ainsi sa conception de l'anarcho-primitivisme :
« L'anarcho-primitivisme s'oppose à la civilisation, le milieu au sein duquel les diverses formes d'oppression prolifèrent, deviennent envahissantes et finissent par dominer. Notre objectif est d'effectuer la synthèse entre les aspects anti-autoritaires, non-étatistes et respectueux de la nature des modes de vie primitifs et les formes les plus avancées de l'analyse anarchiste des relations de pouvoir. Non pas dans le but de reproduire la vie primitive ou d'y retourner, mais simplement pour la saisir comme l'une de nos sources d'inspiration, comme l'une des formes que l'anarchie peut prendre en exemple. »
Quant à John Zerzan :
« Nous avons pris un mauvais tournant monstrueux avec la culture symbolique et la division du travail ; nous avons quitté un lieu d'enchantement, de compréhension et de totalité pour atteindre l'absence que nous trouvons aujourd'hui au cœur de la doctrine du progrès. Vide, et de plus en plus vide, la logique de la domestication, avec ses exigences de totale domination, nous montre aujourd'hui la ruine d'une civilisation qui ruine le reste… »
Selon le philosophe Frédéric Dufoing :
« La référence aux chasseurs-cueilleurs de la préhistoire et, dans une moindre mesure, d'aujourd'hui n'est pas, pour les anarcho-primitivistes, un modèle dont on doit s'inspirer pour modifier notre société, mais un modèle à reconstituer. C'est ce qui les différencie des anarchistes comme des autres écologistes radicaux : alors que ceux-ci cherchent dans l'histoire humaine des exemples, des aspects qui peuvent inspirer un nouveau mode de vie, les anarcho-primitivistes aspirent restaurer intégralement un mode de vie. »[4]
Les positions des anarcho-primitivistes les ont amenés à se heurter avec des partisans d'autres courants anarchistes, notamment avec les anarchistes socialistes et les anarchistes transhumanistes. Ce genre de débat est cependant surtout limité, à l'heure actuelle, aux cercles de pensée américains.
Il existe toutefois plusieurs réfutations formelles de cette idéologie en langue française[5],[6].
En France, un anarcho-primitivisme féministe[7] est théorisé par Ana Minski, notamment dans son essai Sagesses incivilisées. Sous les pavés la sauvageresse.
« Pour moi, les continuités entre la religion et les idéologies scientifiques sont plus significatives que leurs différences. Pourquoi ne rejeter l'idéologie scientifique que pour embrasser les idioties de la religion, du spiritualisme et du sacré ? N'est-il pas clair que vos critiques de la réification et du culte rendu à la technique ne diminuent en rien l'importance d'une critique de la réification et du culte rendu à la nature…
[…] Le concept du sacré est la fondation de toute religion, spiritualisme, idéologie, culte, foi, croyance. Il implique logiquement (et inévitablement) l'existence du profane. Et ceci quoiqu'il puisse être transformé en beaucoup d'autres dualités… bien et mal, esprit et matière, dieu et diable… qui remplissent tous la même fonction insidieuse de diviser l'ensemble de l'expérience que nous avons de notre monde naturellement en deux sphères conceptuelles arbitraires. »
— Lev Chernyi, dans le journal Anarchy[8]
De nombreux penseurs radicaux et historiens des sciences et techniques, comme François Jarrige, ont développé une analyse technocritique sans toutefois tomber dans la technophobie. Selon eux, l'homme est un être savant et le restera, vouloir éliminer la technologie est un leurre[9]. Le réel problème est l'accaparement de la technique (via des brevets et copyrights par exemple) par un petit nombre (industriels, états, groupes financiers...) pour répondre à une logique d'accumulation infinie, de profit et de création de besoins perpétuels, sans parler du contrôle des masses par les géants du numérique. Si la technologie était réellement libérée, productible et accessible à toutes et tous, modifiable et transmissible, elle pourrait répondre à de vrais besoins pour des communautés locales, en quantité modéré et en respectant le milieu organique et inorganique. Le technocritique Ivan Illich, parle d'outil convivial, l'écologiste libertaire Murray Bookchin parle de "technologie libératrice", libéré du monde capitaliste, industriel et centralisateur ("Les machines et outils modernes doivent devenir multifonctionnels, durables, écologiques et faciles à utiliser ainsi qu'à entretenir"[10]). Le mouvement des Low Tech, des licences libres, l'autoconstruction en atelier (comme le propose L'Atelier Paysan[11]) et autre artisanat non-industriel dans toutes les parties du monde participent grandement à cette pensée de réappropriation des outils simples, utiles et non nuisibles pour toutes et tous. Cette pensée critique n'est pas incompatible avec l'anarcho-primitivisme ni avec l'écologie libertaire en général, tant qu'elle reste en rupture avec l'état, le capitalisme et l'industrie extractiviste.
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