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le fait de refuser de voter lors d'une élection De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'abstention est le fait de ne pas voter lors d'une élection ou au cours de toute autre procédure électorale (référendum national ou local, votation populaire en Suisse...) malgré une inscription sur les listes électorales. La personne qui ne vote pas est qualifiée d'« abstentionniste ».
Les motivations des abstentionnistes sont diverses. En cas de fort niveau d'abstention, la légitimité des décisions votées ou des résultats d'élections peut, indépendamment de leur valeur légale, être fragilisée, notamment par l'idée que la « majorité silencieuse » ne se serait pas exprimée par le vote.
Le vote blanc et le vote nul ne relèvent pas de l’abstention ; ces suffrages sont généralement enregistrés comme « non exprimés ».
En France, à compter de 18 ans (âge de la majorité civile), l'inscription sur les listes électorales est un droit[2], mais aussi une obligation : elle est en principe obligatoire (article L9 du Code électoral), bien que le défaut d'inscription ne soit soumis à aucune sanction. En France, l'inscription est automatique pour les jeunes qui à l'âge de 16 ans participent au recensement citoyen[3].
En Belgique, l'inscription et le vote sont obligatoires[4].
Le taux d'abstention peut être calculé de différentes manières :
En France, jusqu’au , le vote blanc n'était pas reconnu par les institutions, ce qui pouvait pousser certains électeurs à préférer l'abstention plutôt que de voir leur absence de choix interprétée comme un vote nul.
Bien que leur statut ait changé, les votes blancs sont comptés à part : « Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n'entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins »[6]. Cette mesure ne donne donc pas au vote blanc le même poids qu'à un vote non blanc.
Les démocraties et certains partis politiques s'inquiètent des conséquences d'un taux d'abstention souvent relativement élevé dans les pays développés et s'efforcent de le réduire.
Selon le chercheur et politologue Denis Barbet, le recours à l'abstention est « le signe d'une crise de la démocratie représentative », mais, le phénomène ayant tendance à s'amplifier et à être de plus en plus commenté, il reconnait que ce « vote négatif » demande une vision plus approfondie et entreprend d'étudier le phénomène dans le champ lexical[11],[pas clair].
Ainsi, l'abstention peut être considérée comme un « refuge », un « retrait ». Celle-ci est souvent évoquée en termes de bas quand les médias évoquent une « chute de la participation » et évoque un « sursaut » ou un « élan » en cas de baisse du taux de l'abstention[pas clair]. L'abstention est décrite comme une exclusion quand ces mêmes médias évoquent le fait que « des Français […] sont restés en dehors de la décision électorale ». Enfin, il n'est pas rare de lire ou d'entendre les termes de « manque », d'« absence », voire de « grève » ou d'« incivisme » des électeurs.
Denis Barbet conclut que des associations récurrentes donnent à cette action un côté négatif, s'opposant à la norme du devoir électoral, introduisant un langage dominant qui associe l'abstention à un fait anormal[12].
C'est généralement dans les démocraties libérales que l'on observe des taux d'abstention élevés. Le phénomène est en augmentation, et culmine généralement lors des élections européennes, pourtant les dernières à avoir été mises en place[13].
En France, le vote n'est obligatoire qu'aux élections sénatoriales pour les grands électeurs (conseillers municipaux, départementaux, régionaux et députés) qui se voient, en cas d’abstention, infliger une amende de 100 €[14].
Dans le royaume de Belgique, le vote est obligatoire, mais l’abstentionnisme reste important, car les amendes ne sont pas effectives [15]. Par ailleurs, dans ce même pays, 90 % des résidents des maisons de repos ne votent plus, l'une des raisons évoquées étant la mobilité réduite[16].
Au Québec, durant la période électorale, certains groupes d'extrême-gauche font explicitement campagne pour l'abstention. C'est le cas, par exemple, de l'Union communiste libertaire, qui diffuse un site internet[17] à cet effet.
Par ailleurs, il existe depuis le une formation politique explicitement abstentionniste: le Parti nul. Le Parti nul milite afin que les personnes remettant en cause la légitimité du système parlementaire britannique ou n'ayant aucune confiance envers les autres formations politiques ne soient pas obligées de s'abstenir de voter ou de présenter un bulletin blanc ou de cocher en faveur de tous les candidats inscrits.
Le Parti nul demande en effet qu'il y ait, lors des prochaines élections, une case "Aucune de ces réponses" ou "Abstention" sur les bulletins de vote afin que les électeurs puissent un jour manifester leur mécontentement, au lieu de voir leur suffrage être automatiquement rejeté par le Directeur général des élections[18],[19],[20].
À la suite d'un appel effectué auprès de ses lecteurs abstentionnistes lors de l'élection présidentielle de 2017, le journal Le Monde a collecté divers témoignages. La plupart d'entre eux, sans forcément être engagés dans une cause politique avouent leurs dégoûts ou leurs rejets de la politique et vont même jusqu'à militer pour une reconnaissance de ce choix ou du vote blanc. Certaines personnes interrogées militent également pour d'autres façons de voter (dites "alternatives" dans l'article) et du mode de choix pour le peuple de désigner ses représentants[21].
La sociologue et politologue française Anne Muxel, partage les abstentionnistes en deux catégories[22] :
À la suite d'une forte abstention en France lors des élections régionales françaises de 2021, un sondage commandé par le Figaro[23] annonce que pour un abstentionniste sur deux, la défiance et le désintérêt sont à l'origine de ce non vote, de très nombreux français expliquant qu'il s'agit d'un « signe révélateur d'une rupture entre les citoyens et la vie politique. »
Elle représente environ 10 % de l'abstention et se compose des :
Le politologue Alain Lancelot distingue dans son livre L'abstentionnisme électoral en France (publié en 1968) différents types d’abstentionnisme (et donc de causes de cette abstention).
Selon cet auteur, l'abstentionnisme électoral a longtemps été ignoré par la classe politique. L'ouvrage est une des premières études historiques consacrées à ce phénomène et reprend toutes les expériences électorales depuis la Révolution avec une analyse détaillée et une étude sociologique.
L'ouvrage relève plusieurs catégories d'abstentionnistes dont le nombre, l'évolution et les motivations sont multiples et différents. L'abstentionnisme peut ainsi être accidentel, lié à une attitude politique conditionnée par la conjoncture électorale, mais aussi relever d'une norme culturelle rejetant la société.
Dans les courants anarchistes, l'abstention volontaire est une position dominante. Les anarchistes refusent le principe de représentation politique qui est perçu comme une confiscation de la parole de l'individu. En outre, ils privilégient le consensus et s'opposent au principe de la majorité simple, qui implique qu'une petite majorité peut imposer son point de vue aux minorités. S'il existe quelques exemples d'organisations anarchistes appelant à voter, comme Alternative Libertaire qui avait appelé à voter non au référendum sur le traité constitutionnel européen, ces prises de position sont rares[25].
L'abstention volontaire peut être aussi motivée par des raisons religieuses. Par exemple, un certain nombre de courants du christianisme, estimant que le chrétien, bien que vivant dans le monde, ne lui appartient pas mais appartient à une patrie spirituelle qui « n'est pas du monde », doit s'abstenir de prendre part aux questions politiques en raison de leur origine mondaine. Ces courants invoquent par exemple l'évangile selon Jean (ch. 17, vv. 16 et 18) : « Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. (…) Comme tu m'as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde ». Parmi ces mouvements, les Témoins de Jéhovah sont peut-être les plus connus bien qu'ils n'interdisent plus à leurs membres d'être inscrit sur les listes électorales de leurs pays respectifs[26].
Lors de la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19, une abstention très importante a été enregistrée par les autorités au cours des élections municipales de 2020 en France, celle-ci, selon de nombreux commentaires de presse, est liée aux risques perçus par la population d'attraper et de transmettre le virus[27], entraînant ainsi certaines contestations quant à la validité du vote[28].
Lors de l'année 1885, géographe libertaire et militant anarchiste français Élisée Reclus envoie un courrier à un autre militant anarchiste dénommé Jean Grave, depuis la Suisse. Il y décrit, sa position et sa défiance des démocraties telle que la France et avance ses argumentations en ces termes[29]:
« Voter, c'est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c'est renoncer à sa propre souveraineté. Qu'il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d'une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu'ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir. »
En 1973, le philosophe français, Jean-Paul Sartre, écrit dans la revue Les Temps modernes, un texte dénommé « Élections, piège à cons » dans lequel il argumente ainsi :
« L'isoloir planté dans une salle d'école ou de mairie est le symbole de toutes les trahisons que l'individu peut commettre envers les groupes dont il fait partie. »
Pour cet écrivain, ce n'est pas le principe démocratique qui doit être remis en cause, mais son système de fonctionnement factuel. Il considère que le choix démocratique ne peut s'exprimer qu'au travers d'une expression directe, sans intermédiaire, le pouvoir politique devant être remis à des représentants que dans un cadre très limité. Le système de fonctionnement des scrutins en France et en Europe occidentale est donc extrêmement éloigné de ce point de vue[30].
En 2017, l'écrivain prospectiviste français, Antoine Buéno, fait publier No vote ! Manifeste pour l'abstention, un livre préfacé par Michel Onfray, peu de temps avant le scrutin de l'élection présidentielle française de 2017. Lors d'une interview publié par le journal 20 minutes, l'écrivain explique l'abstention, ainsi [31]:
« Il y a deux catégories de personnes qui ne votent pas. D’une part, il y a les personnes qui ne sont pas politisées, qui se sentent dépassées. D’autre part, il y a celles qui sont très politisées et qui ne cautionnent plus la politique [le système représentatif, NDLR]. Il vaut quand même mieux être dans la deuxième catégorie et savoir exactement pourquoi on ne va pas au bureau de vote. »
Un mouvement d'abstentionnistes, encore très marginal, s'est mis en place lors de la dernière élection présidentielle française de 2017. Quelques antennes ont été créées, au niveau local, à l'initiative de l'humoriste (sur le web), Franck Renda, afin d'informer les électeurs de l'existence de bureaux d'abstention. Selon l'organisateur[32] :
« C'est une première mondiale […] les abstentionnistes peuvent se rendre au bureau le plus proche de chez eux. Nous installerons une urne et préparerons des bulletins "je m'abstiens". C'est l'occasion de discuter ensemble et de montrer que l'offre politique ne nous convient pas. »
Ce mouvement, dit des Bureaux d'abstention, aurait regroupé, selon l'organisateur, plus de 25 000 abonnés sur sa page Facebook, en 2017, entraînant certaines inquiétudes, au niveau local[33].
Un autre mouvement, également assez marginal, dénommé Parti des Abstentionnistes et des Sans-voix, revendique la même idée et ses membres tentent de faire connaître leur position, lors de cette même période électorale, en France[34].
Les électeurs jeunes, les électeurs les plus âgés, les chômeurs, les membres des milieux populaires les plus pauvres ont tendance à s'abstenir davantage que les hommes, les adultes, les actifs et les cadres supérieurs.
D'autres variables liées au territoire peuvent intervenir : dans l'exemple français, dans la Creuse, le Rhône-Alpes, le Bas-Rhin : les électeurs sont traditionnellement plus abstentionnistes. Le contexte social est également important : il y a plus de participation en milieu rural, moins de participation en banlieues urbaines. Les lignes clivantes relevées sont rural/urbain, et la perception du vote comme devoir civique et du vote comme droit.
De nombreux facteurs agissent sur la mobilisation électorale[35] :
Cette abstention stimule la création de nouveaux mouvements politiques, afin, selon leurs déclarations, de « renverser cette consultation aristocratique et sporadique, et rendre au citoyen son pouvoir de démocrate »[36],[37].
Vers le milieu des années 2010, un logiciel spécifique dit Ripon (qui est aussi une plateforme logicielle), parfois présentée comme incluant une intelligence artificielle (AI), intègre des algorithmes utilisant le big data (dont des données personnelles volées sur des dizaines de millions de comptes Facebook), à des fins de micro-ciblage d'électeurs, en visant à manipuler leurs émotions pour modifier leurs intentions de vote (ou les inciter à être abstentionnistes, si le logiciel les a classé parmi ceux qui ne changeront pas d'avis politique)[38],[39].
En comparant la participation électorale par ville en fonction de la date d'introduction de la télévision aux États-Unis, l'économiste Matthew Gentzkow montre que l'introduction de ce média a eu un fort effet sur la baisse de la participation électorale. Cet effet s'explique principalement par une baisse de la lecture des journaux et de l'écoute de la radio qui conduisent à une baisse des connaissances politiques[40].
La montée de l'abstentionnisme au cours des dernières années est considérée dans les commentaires politiques comme l’un des principaux signes d’une crise de la démocratie représentative[41]. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est nécessaire, selon plusieurs experts en droit constitutionnel, de repenser les fondements et modalités de la représentation[42].
Des sondages publiés en France, durant l'année 2015, peuvent laisser à penser que l'abstention n'a pas de conséquence sur le résultat du premier tour d'une élection[43].
Cependant, selon le journal français Libération, qui publie, en 2017, un article écrit par un administrateur de l'INSEE, l’action de cette abstention devient plus épisodique, selon la nature du suffrage, et elle rend plus difficile les prévisions électorales[44].
Pour cet administrateur de l'INSEE, auteur de l'article, Michel Fansten, la raison de cette difficulté tient à la technique des sondages électoraux, car les prévisions reposent en fait sur le décompte des intentions de vote d’un échantillon représentatif d’électeurs et s'appuie sur le vote des électeurs considérés comme représentatifs et interrogés lors des élections antérieures. Toujours selon l'auteur de cet article :
« à partir du moment où l’abstention est fluctuante, et affecte inégalement les électorats des candidats, la représentativité de l’échantillon est faussée, et la prévision se trouve biaisée. »
En Hongrie, durant le scrutin du , un taux d'abstention de 60,1 % provoque l'annulation d'un référendum qui avait été organisé par le président Viktor Orbán, afin de rejeter les normes d'accueil de réfugiés de l'Union européenne[45].
« Si voter changeait quelque chose, il y a longtemps que ça serait interdit. »
« Je respecte trop la démocratie pour risquer de la dérégler en votant. »
« L'abstention est un recul avant de devenir une lâcheté. »
« Quand je serai grand, je ne lirai pas le journal, je ne m'intéresserai pas aux grands problèmes et je n'irai pas voter. Comme ça, je pourrai me plaindre de ne pas être représenté par le gouvernement. »
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