Émile Hecq fut de 1941 à 1947 élève de l'École des beaux-arts de Mons. René Huyghe[1] et Jean-Pierre Delarge[2] s'accordent à relever que les premières œuvres d'Émile Hecq, déjà empreintes de virulence expressionniste et chargées de matière, l'apparentent au groupe Cobra, rappelant toutefois qu'il n'adhéra jamais au mouvement.
Émile Hecq n'a pour sa part jamais caché son admiration initiale de l'œuvre de Pablo Picasso, en particulier des Demoiselles d'Avignon (son premier thème pictural de La dame d'acier est du reste dit également «période picassiste»). Marcel-André Stalter lui reconnait toutefois une peinture totalement personnelle «en ce qu'elle se distingue de Picasso et de Karel Appel par une rondeur des formes et une souplesse nonchalante qui sont des constantes chez lui»[3]. La matière très colorée et la truculence de ses thèmes font que l'on voit également en lui un héritier de James Ensor[4].
La première exposition personnelle d'Émile Hecq se tient en 1948 à Mons. Il s'installe la même année à Paris où il trouve à ses œuvres un premier marchand, Émile Vinot. Il effectue ses premiers séjours à Argelès-sur-Mer, plus encore à Collioure, surtout enfin dans l'Ile de Ré où il acquiert une ruine dans le village de Loix pour la restaurer en résidence-atelier et pour y vivre de 1950 à 1953, date de sa première exposition en France à partir de laquelle il se partage entre Paris et Loix[5].
Émile Hecq choisit en 1975 de vivre à Sempy dans le Pas-de-Calais tout en restant fidèle à l'Ile de Ré où il s'installe dans un second temps au Bois-Plage-en-Ré[6].
La dame d'acier, 1953
Les trognes, 1954
Les bleues de l'Ile de Ré (grands formats), 1955-1956
St.Art - Foire européenne d'art contemporain (stand Galerie Pierre Audet, Colmar), parc des expositions de Strasbourg, [12].
«Ses débuts se placent sous le signe du Picasso des Demoiselles d'Avignon, un Picasso passé au prisme et coloré avec une violence rare. Cette vigueur juvénile s'est ensuite décantée dans des tableaux de plus en plus grands et de plus en plus simples ou revit toute la tradition flamande de peinture narrative et la verve des sculpteurs d'anges des cathédrales gothiques. De récents paysages ne sont plus que de grandes plages de couleur, vrillées de taches de feu.» - Pierre Descargues[7]
«Émile Hecq est doué d'un tempérament d'une incroyable puissance. "La toile tremble devant moi" pourrait-il dire! Ses compositions à tendances abstraites sont d'un fauvisme hardi.» - Henri Héraut[8]
«Un créateur solitaire que Raymond Creuze fut le premier à exposer en 1953. Après des toiles picassiennes clamant son admiration pour Les Demoiselles d'Avignon, son écriture évolue vers une peinture narrative pleine de force colorée, dans la grande tradition flamande, vers des images fougueuses, baroques et truculentes, souvent axées sur le thème du hibou et des clowns musiciens.» - Gérald Schurr[6]
«Ayant subi d'abord l'influence de Pablo Picasso, dans ses aspects expressionnistes, il a évolué vers un expressionnisme de la pâte colorée, plus dans la tradition flamande. Il travaille par séries, dans de vastes toiles qu'il pose généralement à terre, explorant un thème jusqu'au bout: paysages dépouillés (1954-1956), figures monumentales très en pâte (1963), espaces abstraits envahis par la gestuelle, à l'acrylique 1977). Il réalise également des collages, ainsi dans la série Imbricats (1987-1991) dans laquelle il insère au cœur de la peinture, au cœur de la matière et de la couleur, des objets ramassés au bord des plages. En marge des principaux courants, il poursuit ses recherches, transfigurant d'un geste l'horizon de la toile.» - Dictionnaire Bénézit[10]
«L'œuvre d'Émile Hecq suit plusieurs styles parallèles selon les thèmes, des paysages abstraits vers 1968, des accents cubistes dans les années 1956-1960, un écho de certaines avancées de Pablo Picasso avec le traitement déformé et vu sous des perspectives contradictoires de l'être humain. Vus de face et de profil tout à la fois, les personnages remplissent l'espace de la toile. Mais c'est surtout sur leurs visages et leur regard que l'artiste insiste, et la force d'expression découle de cette exagération et dominance. Il explore l'humanité contemporaine, ses joies et plaisirs, comme dans le tableau de ces Personnages au bord de la mer, ses peurs et angoisses comme dans la série des Sinistrosés de 1975. Il travaille sur l'émergence des sentiments humains en peinture dans une représentation brute et primaire, violente même parfois. Nulle concession à la beauté, nulle concession à l'homme et ses travers non plus. Sa peinture est assassine, mais non dépourvue de tendresse dans l'observation des humains… Serait-ce parce qu'Émile Hecq est parvenu à une certaine facilité technique au cours de ses longues années d'expérimentations que son œuvre a pris une telle expression de puissance, une telle présence obsédante? On croit y déceler les turbulences de notre monde, sans que rien ne soit clairement posé. C'est sa force.» - Dominique Stal[9]
A. Béchet, Jean-Louis Ferrier, Édouard Mattei, Pascal Payen-Appenzeller, Catalogue de l'exposition-rétrospective Émile Hecq, musée des Beaux-Arts de Mons, 1985.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Gründ, 1999, vol.6, p.40.
Jean-Louis Ferrier et Yann Le Pichon, «La violence douce d'Émile Hecq», in L'aventure de l'art au XXe siècle, Éditions du chêne - Hachette Livre, 1999, p.807.
Dominique Stal, Quinze ans de peinture contemporaine vue par Dominique Stal dans l'œuvre de 61 peintres, 1985-2000, éditions Maisonneuve & Larose - Art, 2000, pp.58-59, 157-158.