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Les îles Chausey sont un archipel normand, rattaché à la France, situé au nord de la baie du Mont-Saint-Michel. La Grande Île, la seule île habitée (si l'on excepte une maison sur l'îlot d'Aneret), résidence d'une trentaine de personnes, se situe à 15,8 km au large de la commune portuaire de Granville, dont la vingtaine d'autres îles et la centaine d'îlots dépendent administrativement.
Îles Chausey | |
L'archipel sous un ciel d'orage. | |
Géographie | |
---|---|
Pays | France |
Archipel | Chausey |
Localisation | Golfe de Saint-Malo (Manche) |
Coordonnées | 48° 53′ N, 1° 49′ O |
Superficie | 0,65 km2 |
Île(s) principale(s) | La Grande Île |
Administration | |
Région | Normandie |
Département | Manche |
Commune | Granville |
Démographie | |
Gentilé | Chausiais |
Autres informations | |
Fuseau horaire | UTC+1 |
Site officiel | https://ileschausey.com |
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L'archipel s'inscrit dans un rectangle d'environ 6,5 km de largeur (nord-sud) et 12 km de longueur (est-ouest).
L'archipel est devenu une zone de villégiature et un site touristique.
Le nom des îles est attesté pour la première fois sous la forme Calsoi en 1022 - 1026 ([insula que dicitur Calsoi]); Chausie en 1322[1].
Le terminaison -oi est une variante plus récente de -ei que l'on rencontre davantage dans les textes picards et de l'est de la France, mais parfois aussi en Normandie. Cette terminaison -ei reflète en général l'évolution d'oïl du suffixe collectif gallo-roman -ETU servant par exemple à dériver des noms d'arbres pour signifier un ensemble appartenant à la même espèce (cf. le gallo-roman Casnetum qui a donné l'ancien français Chesnay « chênaie », Salcetum qui a donné Saussay « saulaie », etc.)[2]. C'est pourquoi René Lepelley croit pouvoir identifier le suffixe -ETU dans la finale -oi > -ey de Chausey[3]. Cependant, cette solution est difficilement envisageable car -ei issu de -ETU n'est pas passé à -oi avant le XIIe siècle et ce, principalement au nord-est et à l'est de la France[4]. C'est incompatible avec la forme la plus ancienne Calsoi citée dès le début du XIe siècle et avec les formes en -oi des autres îles Anglo-Normandes mentionnées à la même époque Greneroi, Jersoi, Alrenoi, etc.[1],[4] qui ne peuvent pas s'expliquer par un collectif en -ETU. -ei représenterait selon la plupart des toponymistes, le vieux norrois ey « île » qui constitue également le second élément du nom des autres îles de la Manche comme Jersey, Guernesey et Alderney,[4]. La forme en -oi à la place de -ei est une variante norroise que l'on trouve dans le féroïen oy et dans le nom de plusieurs îles : Fugloy, Hestoy, Kalsoy, etc. La forme en -ie de 1322 représente également une alternative à -ei, sans doute féminisée d'après île, nom féminin.
François de Beaurepaire explique la finale -ey sur la base de l'élément pangermanique augia (comprendre le proto-germanique *agwjō > *aujō[5]) qui s'est répandu sur les côtes de la Gaule de la mer du nord à l'Atlantique comme le montrent par exemple Oye-Plage (Pas-de-Calais, Ogia VIIIe siècle) et l'île d'Yeu[1] (Augia VIe siècle)[1]. En renfort de cette explication l'élément Cals- > Chaus- peut être de façon conjecturale rapproché de Chols- dans Cholsey (Angleterre, Berkshire, Ċeolesiġ 891) signifiant « île de Ċeola », nom de personne anglo-saxon[1]. Il est possible que l'ancien norrois -ey ait renforcé cet élément germanique préexistant. Rien n'indique cependant que Cal- > Chau- remonte à Ċeola lire « tcheola », car au stade initial Calsoi, Ca- n'est pas palatalisé[4].
L'explication de ce premier élément Cal-s- reste incertaine, l'hypothèse ancienne par le latin calx « caillou, chaux », reprise dans un ouvrage sur Chausey de 1985, est invraisemblable d'un point de vue phonétique et abandonnée par les toponymistes aujourd'hui[4], quant à la racine pré-latine *kal « pierre », suggérée ici par René Lepelley, elle constitue une solution pratique, mais n'explique pas le -s- intermédiaire de Calsoi[4].
L'archipel de Chausey est composé d'une vingtaine d'îles et d'un peu plus de 130 îlots[6]. Mais selon la tradition locale, il serait composé de 52 îles à marée haute (autant que les 52 semaines de l'année commune), 365 îles ou îlots à marée basse (autant que les 365 jours que compte une année commune)[7].
L'île principale, la Grande-Île fait environ 1,5 km sur 0,5 km pour ses dimensions les plus larges (environ 45 hectares)[8].
De quelques dizaines d'hectares de terres à marée haute, l'archipel s'étend à environ 2 000 hectares d'estran à marée basse dans un rectangle d'environ 6,5 km de largeur et 12 km de hauteur[9]. La Grande Île n'est appelée ainsi que pour la distinguer des autres îles, car en fait Chausey désigne à la fois l'archipel et la Grande Île, qui est la seule habitée.
Des grèves de sables et cordons relient plusieurs parties de l'archipel. Les marées y sont les plus fortes d'Europe (jusqu'à 14 mètres de marnage lors des marées d'équinoxe). Les bateaux au mouillage doivent être éventuellement équipés en conséquence.
Les îles Chausey font partie du domaine nord armoricain, unité géologique du Massif armoricain qui est le résultat de trois chaînes de montagne successives. Le site géologique des îles est plus précisément un pluton granitique qui fait partie d'un ensemble plus vaste, le batholite mancellien[11],[12].
L'histoire géologique de la région est marquée par le cycle cadomien (entre 750 et 540 Ma) qui se traduit par la surrection de la chaîne cadomienne qui devait culminer à environ 4 000 m[13]. À la fin du Précambrien supérieur, les sédiments briovériens environnants sont fortement déformés, plissés et métamorphisés par l'orogenèse cadomienne qui implique un fort épaississement crustal, formant essentiellement des schistes et des gneiss[14]. Les massifs granitiques du Mancellien[15] scellent la fin de la déformation ductile de cette orogenèse[16].
L'archipel est constitué de rochers, écueils et îlots granitiques (trois d'entre eux, réunis par un tombolo, constituent la Grande-Ile) qui représentant l'affleurement d'un massif de forme elliptique long de 12,5 km en direction est-ouest et large de 5,5 km en direction nord-sud[17].
L'étude pétrographe du massif montre qu'il est composé de deux types de roches granitiques (datation du granite 596 ± 12 Ma) : la granodiorite de Chausey (constituant la majorité des îlots), roche gris-bleuté, isogranulaire ; le granite porphyroïde des Romonts (toujours très altéré, ce granite n'a jamais été exploité), riche en mégacristaux de feldspath potassique[18].
L'étonnante dentelle de granite qu'est cet archipel a été longtemps exploitée dans de nombreuses carrières : les moines de l'abbaye du Mont-Saint-Michel sont considérés comme les premiers exploitants, peut-être dès le début au XIe siècle[19]. Au XVIe siècle, la qualité de ce granite de Chausey a conduit à son emploi, entre autres, dans la construction des manoirs du Cotentin. Il est également utilisé pour la réalisation des quais des ports de Dieppe et de Londres, au pavage des trottoirs de Paris du baron Haussmann, à la reconstruction de Saint-Malo (trottoirs, quais, murailles) en 1949[20]. Au milieu du XIXe siècle, Chausey abrite jusqu'à 500 carriers, la majorité sont des granitiers bretons installés au village des Malouins près de Port-Marie. Ce nombre paraît important et laisse imaginer des conditions de vie très difficiles[21]. La renommée de la roche locale s'explique par ses atouts : c'est un granite sain (il ne forme pas d'arène granitique alors que beaucoup de granites doivent être débarrassés de leur manteau d'altérites), débité naturellement par un système de diaclases qui permet d'obtenir des masses de puissance métrique. Cependant, des taches brunâtres (précipitation du fer de la biotite en hydroxyde de fer FeO(OH)x, formant des minéraux de limonite ou goethite) apparaissent fréquemment lors de l'altération[22], ce qui explique qu'il ait été privilégié pour les bordures de trottoirs, dans les infrastructures portuaires (quais, radoub) ou les ouvrages défensifs, et ce jusque dans les années 1950. Le transport des matériaux a été au Moyen Âge et jusqu'à la fin du XVIIIe siècle particulièrement difficile et coûteux. Les bâtisseurs favorisaient les pierres locales, de provenance proximale (matériaux locaux, fussent-ils médiocres) ou le transport par mer de granites insulaires, d'autant plus que les charrois lents empruntaient des chemins en très mauvais états[23].
Les premières traces de vie humaine à Chausey remontent au néolithique, comme en témoigne notamment la présence du Cromlech de l'Œillet au milieu des vasières du nord du Sound[24].
Site de piraterie et de contrebande, cet univers labyrinthique est longtemps un repaire prisé des navigateurs-fraudeurs. Il suffisait de s'engager dans le Sound (le chenal naturel longeant la Grande Île, sound) ou de mouiller dans la Passe Beauchamp pour être à l'abri de tout regard. Sound est un terme issu du vieil anglais sund signifiant « détroit, chenal » (anglais moderne sound, même sens), renforcé par le vieux norrois sund de signification semblable.
Selon la légende de la forêt de Scissy, une marée aurait en 709 séparé ces îles, comme les Mont-Dol et Tombelaine, du continent.
En 1022, Richard II, duc de Normandie, fait don des îles Chausey et de la baronnie de Saint-Pair-sur-Mer aux religieux du Mont Saint-Michel, qui bâtissent sur la Grande Île un prieuré bénédictin, proche de l'actuelle Ferme[25], où se retira Bernard d'Abbeville, fondateur de l'abbaye de Tiron[26]. En 1918, Paul de Gibon mentionnait des fondations affectant la « forme d'un trèfle analogue à celle de la chapelle Saint-Germain de Querqueville »[27],[note 1].
Calsoi, le nom primitif de Chausey, apparaît d'ailleurs pour la première fois à l'occasion de la rédaction de cet acte de cession[28].
Les îles Chausey font l'objet de rivalités entre Capétiens et Plantagenêts qui se les disputent depuis le rattachement de la Normandie au domaine royal français depuis 1204. Contrairement aux îles voisines anglo-normandes, Chausey est le seul archipel normand resté français après le traité franco-anglais de Brétigny signé en 1360[29].
Dès le XVIIe siècle, l'abondance exceptionnelle du varech de Chausey en fait un site d'extraction de la soude, utilisée ensuite dans la fabrication de savon et de verre ou, à partir du XIXe siècle de l'iode, élément de base de la teinture d'iode, utilisée comme désinfectant en pharmacie. Une cinquantaine d'ouvriers (appelés « barilleurs » ou brûleurs de varech) venant des environs de Brest, Cherbourg ou Jersey, récoltent les algues couvrant les rochers submergés de Chausey[30].
Au XVIIIe siècle, l'abbé Jean-Michel Nolin tente d'importer sur Grande-Île les principes de la physiocratie alias le « gouvernement par la nature »[31].
Longtemps, des exploitants venus de Blainville, qui ont donné leur nom au village des Blainvillais situé au nord de l'île, exploitèrent la soude, en fait du carbonate de sodium tiré du varech recueilli sur les côtes et qui servit à l'industrie du verre jusqu'à ce que les chimistes produisent le carbonate de sodium. Cette soude a peut-être été utilisée dans l'industrie du savon de Rouen[9].
Au XIXe siècle, une intense activité d'exploitation du granite anime l'archipel. Pendant plusieurs années, une trentaine de carriers saisonniers bâtissent au niveau de Port Homard le « village des Malouins », car la plupart viennent de Saint-Malo[32]. À la même période, de nombreux naturalistes (Jean-Victor Audouin, Henri Milne Edwards[33], De Quatrefages[34]), attirés par la richesse de la biodiversité des îles, notamment le monde vivant littoral, viennent dans l'archipel pour leurs recherches[35], contribuant à une image flatteuse de ce patrimoine relativement à la réalité écologique[36].
Le constructeur Louis Renault passa assez de temps et investit assez d'argent dans l'archipel[37] pour y avoir été considéré comme un bienfaiteur[38],[39].
Malgré sa taille, la Grande Île de Chausey (45 ha) abrite plusieurs dizaines de maisons, occupées surtout en été. L’hiver, seule une petite dizaine de Chausiais y réside : pêcheurs, gardes du littoral et ponctuellement entreprises intervenant sur l’île. Les gardiens de phare ont quitté l’île en 2008.
L'île est reliée à Granville par une ou plusieurs navettes en fonction de la saison : en hiver, deux passages par semaine, mais jusqu’à plus de dix passages effectués par trois vedettes en été. Une liaison maritime existe également avec Saint-Malo, en période estivale.
Il existe une maison sur l'îlot d'Aneret[40].
La partie sud de la Grande Île appartient à l’État français qui l’a affectée à titre définitif au Conservatoire du littoral[41]. L'établissement public est ainsi propriétaire de huit hectares. Il loue une partie importante du patrimoine bâti (une quinzaine de maisons) dans le cadre actuel de baux emphytéotiques, et gère la protection du patrimoine naturel côtier.
La plus grande partie de la Grande Île (au nord), soit 38 hectares sur 46, et la totalité des îlots (20 hectares) sont privées. Léonie Hédouin, propriétaire de l'île ne voulait pas léguer son héritage à ses neveux. Elle léguera dans son testament à trois personnes qui avaient son approbation, qui monteront la SCI des îles Chausey fondée en 1919. Les trois familles à l'origine de cette société immobilière en possèdent encore aujourd'hui chacune un tiers[42], sans pouvoir construire de nouveaux bâtiments sur l'île, en vertu de la loi française de protection du littoral, qui fait de la zone côtière, des rochers et îlots et des plages un domaine naturel public protégé. De fait, Chausey relève du programme de préservation Natura 2000[42]. Le site est cependant soumis à une fréquentation touristique croissante (touristes et pêcheurs à pied), via les navettes de liaison avec le continent, les voiliers de plaisance et surtout, bateaux à moteur, petites vedettes et pneumatiques[41]. En effet, malgré le caractère privé de l'essentiel des terrains de l'archipel, « le passage des touristes y est toléré par les propriétaires »[9]. Les répercussions de cette surfréquentation, y compris celle des îlots accessibles par les navires de plaisance, sont actuellement étudiées par le Conservatoire du littoral, avec l'objectif de définir une série de mesures adaptées à la préservation de l'archipel[41].
Les embarcations typiques de Chausey sont le doris, une embarcation à rames ou à moteur utilisée par les pêcheurs, et le canot chausiais, un petit bateau à voile de plaisance. Ces embarcations entrent en compétition lors des « Régates de Chausey » qui ont lieu pendant deux jours, tous les ans en août, le premier week-end de mortes-eaux. Plusieurs régates sont organisées : régate de doris, de canots chausiais, courses de godille, ainsi qu'une régate pour les enfants. Sur la plaine, se déroulent aussi des jeux auxquels participent enfants et adultes.
L'archipel de Chausey est connu pour ses colonies d’oiseaux de mer. Une réserve ornithologique a été créée en 1987, par convention entre la SCI des îles Chausey, propriétaire des îles, et le Groupe ornithologique normand (GONm).
Des suivis ornithologiques sont effectués en continu : l'ensemble des oiseaux nicheurs de l'archipel est ainsi recensé par les bénévoles du GONm, lors d'un stage qui se déroule à l’Ascension, tous les ans depuis 1984[43].
Des mesures de protection ont également été mises en place :
L’archipel des îles Chausey a été désigné en ZPS en [44] : c’est le premier site normand à avoir ainsi été désigné, mais ce n’est que le que, par arrêté ministériel au titre de la directive Oiseaux 79/409, désormais désignée « Directive 2009/147/CE », la désignation de l’archipel est confirmée sous le code Natura 2000 FR2510037 « Îles Chausey ». Le , la zone de protection spéciale est étendue et comprend aujourd’hui un large secteur maritime rejoignant au sud la ZPS FR2510048 « Baie du mont Saint-Michel » et à l’ouest la ZPS FR2512003 du « Havre de la Sienne ». L’ensemble de l’archipel est en outre classé en réserve de chasse maritime (arrêté ministériel du ), alors qu’une partie de la grande île est, quant à elle, classée en réserve de chasse et de faune sauvage (arrêté préfectoral du ). Il existe également une réserve de pêche du Sund.
L'activité économique provient essentiellement du tourisme mais aussi de la pêche : l'eau, continuellement brassée par des courants violents, permet la pêche du homard, du bouquet, du congre, du bar et du mulet. Le vaste plateau de l'archipel est également exploité pour l'élevage des moules et des huîtres, mais cette activité n'est pas réalisée par les pêcheurs de l'île qui ne compte plus qu'une dizaine d'actifs dans ce domaine en 2008 (pêche au casier de crustacés et pêche à la drague de la praire et de l'amande de mer)[45]. Le tourisme est soutenu par la présence de trois commerces (un hôtel, un restaurant et une épicerie) ainsi que par la présence de gîtes dans l'ancienne ferme et à Port Marie. Jusqu'en 1989, une exploitation agricole subsistait l'élevage de vaches, dont le bocage encore visible sur Chausey est le vestige[9].
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