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comédien itinérant, dessinateur d'antiques, voyageur et antiquaire français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Pierre Beaumesnil, né à Paris vers 1718 et mort à Limoges le [1], est un « comédien antiquaire » selon Louis Guibert. Il est aussi un voyageur, imprésario, dessinateur, amateur d'antique et collectionneur français, connu pour ses dessins accompagnés de descriptions représentant librement des monuments et vestiges archéologiques du Limousin, de l'Aquitaine et d'autres régions de France[2], dans un esprit que l'on pourrait qualifier de « préromantique » à défaut d'être scientifique.
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Ces vues d'artiste précieuses, pour certaines un témoignage visuel et textuel unique toujours commentés en historiographie et par des archéologues, mais aussi critiquées pour leur manque de fiabilité, sont aujourd'hui dispersées, pas ou peu inventoriés, ni publiées. Bien que partiellement assemblée dans des recueils à la fin du XVIIIe siècle et parfois copiée, une partie de la production et des notes de Beaumesnil est égarée ou semble avoir disparu des collections et des archives censées la préserver.
Pierre Beaumesnil, issu d'une famille modeste du centre de la France selon Michaud[3], serait né à Paris vers 1707 ou 1718, mais sans certitude (certains auteurs proposent 1715 et 1723), peut-être dans la paroisse de Saint-Jacques-la-Boucherie[4],[n 1]. Guibert note aussi qu'il aurait reçu d'excellents principes artistiques et en dessin, mais remarque son absence d'instruction littéraire, et ne croit pas qu'il ait été élevé dans une famille aisée. Pourtant, on ne peut que constater que sa production est le fruit d'une connaissance imparfaite mais réelle de l'épigraphie latine, du grec ancien, et d'un intérêt inhabituel à son époque pour les vestiges archéologiques et l'histoire, d'autant plus si on le considère comme un autodidacte.
Vers 1746, il s'engage dans une troupe de comédiens de province[n 2]. Il a déclaré à ses soutiens, Martial de Lépine (subdélégué de l’intendant de Limoges et secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture de la ville), l'abbé Joseph Nadaud et dom Col (1723-1795), avoir fait ce choix afin de satisfaire son goût pour les voyages et pour les études archéologiques, selon Allou. Non sans condescendance, Guibert (1900, p. 51) envisage plutôt qu'il l'ait fait afin d'accompagner sa femme lors de ses tournées, et pour « embrasser l'existence insouciante et vagabonde des héros du Roman comique »...
Il parcourt ainsi le Limousin, le Berri, l'Angoumois, l'Agenois et de nombreuses provinces[5], dessinant à la plume les monuments qu'il rencontre et y ajoutant ses observations personnelles. Il aurait aussi voyagé en Italie dans sa jeunesse, voire en Égypte, selon Guibert.
Le théâtre itinérant fut sa principale activité de 1747 à 1775, date de son installation définitive à Limoges. Guibert suppose qu'il était l'imprésario de la compagnie. Sa femme, Aimée Gouslin (vers 1701-1788, ou Irenée Garlin d'après l'acte de décès) était elle aussi comédienne, et jouait les rôles principaux de leurs spectacles. Les deux bénéficiaient du prorata le plus élevé des revenus de la troupe de théâtre, les dernières années.
Sans doute parce que l'objet de ses planches de dessins et de textes était de répondre à des commandes de « vue d'artiste » pour amateurs d'antique (les antiquaires d'alors), et que celle-ci étaient manifestement appréciées (rétrospectivement, en 1993, François Michel constate que « sa vision idéale de la tour de Vésone semble moins absurde que les reconstitutions imaginées par l'abbé Audierne de l'oppidum de la Curade »), l'intendant du Limousin, Marius-Jean-Baptiste-Nicolas Daine (1730-1804), lui obtient le titre de correspondant de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1780, avec une pension de 1 500 livres (dont 500 pour frais de voyage). Pérouse de Montclos (1982-1983, p. 80-81) note que Beaumesnil y envoie des rapports depuis 1779 jusqu'en 1784.
Beaumesnil est mort le à Limoges[4],[n 3], enterré au cimetière des pénitents noirs de Saint-Michel-de-Pistorie, à 64 ans selon l'abbé Legros[6] (qui le connaissait), à 69 ans pour Guibert (sur foi de l'acte de décès), à 72 ans pour Martin (qui le connaissait, aussi), et à 80 ans selon — mais sans certitude — les auteurs cités par Espérandieu, dont Tripon (repris sans sources supplémentaires par Arquié-Bruley et Pérouse de Montclos).
« Les sujets érotiques ont du reste pour Beaumesnil un invincible attrait, et les nombreuses feuilles de papier qu'il a couvertes de dessins licencieux attestent avec quelle facilité sa plume réussissait à donner un corps aux élucubrations désordonnées de son cerveau. Là surtout on retrouve le cachet indélébile du "cabotin". »
— Louis Guibert 1884, p. 417.
Les manuscrits, dessins et archives connus, de généalogies incertaines, ou les copies de Tersan, d'Allou et de Tripon, se trouvent essentiellement à la BnF, au Département des manuscrits ou au Cabinet des estampes, dans les sociétés savantes (généralement transférées aux archives départementales), bibliothèques et archives de Poitiers, de Limoges, de Périgueux, d'Agen, d'Aix[7], de Bordeaux[8] et de l'Institut. Louis Guibert a, en 1900, fait un inventaire des manuscrits et copies dont il connaissait l’existence, concernant Limoges. Mais la majorité de la production de Beaumesnil ou de sa documentation n'était alors déjà plus visible ou localisable[9].
Au vu des auteurs et des documents connus, les feuillets et recueils de Beaumesnil ont principalement plusieurs origines :
Il est notable que les cahiers de Beaumesnil ont parfois changé ou disparu de lieu de conservation sans explications, et qu'aucun inventaire même partiel de l’œuvre et des archives de Beaumesnil n'a été entrepris depuis 1900. De plus, ceux toujours conservés ne sont généralement pas considérés comme complets, des billets ajoutés ou des parties ont pu être arrachés. Par conséquent, il est probable que des feuillets ou recueils dispersés depuis la fin du XVIIIe siècle soient dans des collections privées ou dans des fonds d'archives non inventoriés ou identifiés.
Quelles que soient les déceptions formulées à propos des travaux de Beaumesnil, ses images et ses textes récoltés, mis au propre, puis en forme, et expédiés, via l'Intendant de la généralité de Limoges à l'Institut de France, ont dû former un ensemble exceptionnel, un témoignage original et unique de la perception du patrimoine au XVIIIe siècle, dont la disparition, sauf un reliquat, est irremplaçable.
Aucun inventaire des envois faits entre 1779 et 1784 par le correspondant de l'Académie ne semble connu. On sait, en revanche, que d'autres cahiers ont été fournis, les années précédentes, peut-être à la suite de commandes ponctuelles.
Après 1787, l'abbé Legros, historien du diocèse de Limoges, précise que les recueils envoyés à l'Académie constituaient « une grande partie » de son « immense collection » de copies d'antiques[11]. Vu qu'il avait consulté le fonds chez son auteur, on peut penser que l'abbé était bien informé.
L'abbé Lespine signale en 1789, dans une note[12], qu'au moins un de ces recueils, probablement tous (il ne signale pas de disparitions), était alors « conservés dans le dépôt de l'Académie au Louvre » par le secrétaire perpétuel de l'Académie, Dacier. Le ministre Henri Bertin[13] en avait connaissance[n 4] et a d’ailleurs passé une commande importante à Beaumesnil[14]. Lespine ajoute qu'il s'est déplacé à Limoges, avant le décès du dessinateur, pour y consulter ses croquis.
Une autre connaissance de Beaumesnil, Paul Esprit Marie Joseph Martin, futur secrétaire de la Société d'agriculture, des sciences et des arts du département de la Haute-Vienne, relève en 1812[15] qu'il avait « voyag[é] et dessin[é] successivement les divers monumens de la France », et aussi copié « les dessins [conservés par la communauté des Feuillants] des anciens monumens dont il ne restait que quelques faibles traces ». Martin en fait aussi le principal contributeur, avec de Lépine et Legros, au « recueil des matériaux destinés à l'histoire du Limousin[16] ». Il est, enfin, un « dessinateur de l'Académie des inscriptions et belles-lettres » rémunéré, sur recommandation de l'intendant Marius-Jean-Baptiste-Nicolas Daine, après avoir fourni « dessins » et « manuscrits » au ministre Bertin.
Pour Millin et Chaudruc[17], en 1818 tous les volumes « qui avoit été remis à la bibliothèque de l'académie des belles-lettres, par Beaumesnil » [...] « existent maintenant dans les cartons de la bibliothèque Mazarine ». Aucun des manuscrits ne sont alors considérés comme égarés par ces savants, Millin étant membre de l’AIBL depuis 1804 et Chaudruc de la Société des antiquaires de France (en 1837 il est correspondant de l’AIBL).
Guibert (1900, p. 61[18]) rappelle qu'en plus des mentions d'Aubin Louis Millin[19], « plusieurs de ces communications [de dessins et de rapports ou de notes envoyés à l’AIBL] sont signalées par Legros, par Duroux, par Allou, par Juge de Saint-Martin ». Chevallier[20] aurait noté chez des auteurs (qu'il ne nomme pas) que l'Institut posséderait, rien que pour Limoges et le Limousin, « sept cahiers », en plus de ceux concernant les autres régions et cités...
Vers 1759, Beaumesnil se rend à Limoges et dessine les vestiges trouvés, après 1757, lors des travaux de démolition de l'ancien palais de l’Évêché. Il s'agit, selon de Lépine[n 5] (Lépine est cité par Nadaud[21], lui-même cité par Espérandieu[22]), « des inscriptions de l'antiquité la plus reculée pour notre province, entassées dans l'endroit où elles étoient enterrées, pêle-mêle avec des chapiteaux et des bases de colonnes d'ordre dorique, des morceaux de corniche, sur l'un desquels on voyoit un dauphin en bas-relief », en particulier les très fameux et douteux « monuments à emblèmes priapiques[23] » ajoute Guibert[24]. Duroux, en 1811[25], affirmait que Beaumesnil avait envoyé une copie de ses dessins à l'AIBL[n 6] « dans le temps ». Par ailleurs, tous ces vestiges éventuels[n 7] seront détruits dans la foulée, à la demande de l'évêque de Limoges Louis Charles du Plessis d'Argentré, ou enfouis dans les fondations du nouveau palais[n 8].
À ce sujet, pour Allou (1821, p. 73), qui considère Beaumesnil comme « un des plus zélés correspondant » de l'Académie, « il paraît certain, toutefois, que ce travail, qui n'a jamais été publié, n'arriva pas à destination, et on ne sait précisément ce qu'il est devenu, quoique, suivant quelques personnes, les manuscrits de Beaumesnil aient été déposés à la bibliothèque Mazarine ».
Les dessins des vestiges de l’Évêché par Beaumesnil ont concentré rapidement des soupçons de falsifications volontaires[n 9] et la condamnation de son érotisme, entre autres, par son soutien l'abbé Legros[26] (qui ne s'était probablement pas déplacé sur le chantier). Cela aura des conséquences durables. Les inscriptions et sculptures ayant disparu, l'hypothèse de faux et le rejet d'« obscénité révoltante » ont peut-être alimenté chez Millin (tout de même conservateur-professeur d'archéologie dès 1794, puis président du Conservatoire de la Bibliothèque nationale, puis membre de l'Institut national en 1804[27]), un désintérêt stupéfiant pour l’œuvre de l'antiquaire[n 10], qu'il avait pourtant consultée longuement. Pourtant, ni l'abbé Martial de Lépine, témoin des vestiges et futur légataire de Beaumesnil, ni le ministre Bertin, possible destinataire de ce premier envoi après 1759, un connaisseur des antiquités qui lui fera attribuer le titre de correspondant de l’AIBL vers 1779, n'avaient envisagé de contrefaçons.
En 1932, Adrien Blanchet a retrouvé à l’Institut, avec l'aide du secrétaire de l'AIBL, François Renié[n 11], le cahier réalisé lors du troisième voyage de Beaumesnil à Périgueux, en 1784, et expédié immédiatement. On lui a signalé, à cette occasion, le cahier de 1763 et 1772, lui aussi aux Archives de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et reçu en 1780.
Ce sont les deux seuls recueils censés être à l’Institut et connus à ce jour.
Sont localisés, par ailleurs, une copie de l'abbé Lespine (au Département des manuscrits de la BnF), et un probable double de Beaumesnil (dans le recueil de Taillefer, à Périgueux), du même cahier de 1763 et 1772 sur les antiquités de Périgueux.
Guibert (1900, p. 59) note que les archives de la succession Beaumesnil (les divers papiers, notes, croquis, dessins et gravures alors non distribués par Beaumesnil) se retrouvent successivement hérités par Mme Beaumesnil née Aimée Gouslin, puis par M. de Lépine en 1788, puis son fils après 1805, et sont dispersés vers 1808-1809, à la mort de ce dernier[28].
C'est à ce moment-là que, alerté par voie préfectorale, l'académie d'Agen se porte acquéresse du cahier sur les antiquités d'Agen[29], auprès de la succession de Lépine[30]. Probablement, d'autres institutions ont été prévenues de la disponibilité de ce fonds exceptionnel, à cette date, particulièrement Millin (ancien directeur de la Bibliothèque nationale et alors membre de l'Institut) et Alexandre Lenoir (alors administrateur du Musée des monuments français), mais n'ont pas donné suite à cette opportunité, étonnamment. De même, on ne sait si l'abbé de Tersan ou Alexandre Lenoir ont enrichi leurs collections personnelles à cette occasion (Lenoir ayant, au plus tard vers 1821, acquis des cahiers de Beaumesnil en vue d'en publier les illustrations).
Selon Leroux (1890)[31], après 1809, une partie de la succession de Lépine se retrouve à l'Hôtel de Ville de Limoges, peut-être comme dépôt en attente d’acquéreurs (et aurait été consultée vers 1838 par Prosper Mérimée — voire qu'il s'agisse des mêmes « quatre cahiers » sur Limoges consultés par Charles-Nicolas Allou avant 1821), puis semble perdue. Une autre partie de cette succession est achetée par M. Ruffin (héritée selon Tripon, qui en fait un parent de Lépine), un juge de paix membre de la Société d'agriculture, des sciences et des arts du département de la Haute-Vienne, qui les possédait encore en 1837 (Tripon en publiera alors plusieurs extraits), et est héritée par sa femme qui décédera vers 1855.
Guibert (1900, p. 61) précise, mais peu clairement, qu'une partie des documents issus de la succession Ruffin sont hérités ou acquis par Paul Mariaux (un avocat, petit fils de Maurice Ardant [1793-1867], conservateur des monuments et archiviste de la Haute-Vienne), Léonce Pichonnier (un manufacturier de Limoges), et aussi, semble-t-il, d'une certaine dame Rupin. Le collectionneur Ch. Nivet-Fontaubert[n 12], vice-président de la Société archéologique et historique du Limousin, aurait acheté des documents à ces deux derniers, selon Leroux, et les rendra accessible, parmi d'autres, à Émile Espérandieu, dans les dernières décennies du XIXe siècle.
Certains cahiers de Paul Mariaux décrits par Louis Guibert (p. 61, et 63-69) étaient peut-être la propriété de Mme du Boucheron (Beynac), en 1957[32].
La collection Nivet-Fontaubert est apparemment perdue ou dispersée, depuis le début du XXe siècle, bien qu'en 1963, Geneviève François-Souchal ne perdait pas espoir d'en retrouver certains éléments à Limoges[33]. Par exemple, le volume sur les Environs de Limoges vu par Louis Guibert (p. 69) en 1900 (et dont certains extraits auraient été fournis précédemment à Émile Espérandieu), est peut-être celui de la collection Edmond Panet dont les Archives départementales de la Haute-Vienne ont une copie microfilmée[34] depuis 1969.
L'académie d'Agen a publié en 2017 une reproduction des 47 pages du manuscrit sur les Antiquités de la ville d'Agen commenté en 1812 par Jean-Florimond de Saint-Amans. Ce dernier n'avait jamais rendu le cahier, acquis à la succession du fils de Lépine par l'académie en 1808 grâce à son président, le préfet Christophe de Villeneuve[30], mais réapparaît pourtant dans leurs archives avant 1977[35].
Certains documents réunis par Alexandre Lenoir proviendraient de la collection de l'abbé de Tersan (Charles-Philippe Campion de Tersan, 1737-1819) mise en vente par Grivaud de la Vincelle[36]. Nulle part un, ou plusieurs, propriétaire précédent n'est mentionné[37], ni à quelle occasion l'abbé de Tersan en a fait l’acquisition. Guibert doutait toutefois qu'une partie de cette collection puisse provenir sous une forme ou une autre de la succession Beaumesnil, pour la partie limousine. En tout cas, l'ensemble concernant les cahiers originaux de Beaumesnil aurait été acquis par Lenoir en 1821 auprès du libraire Nepveu, et est depuis 1938 à la BnF[38].
Les calques et notes de l'abbé de Tersan, faits d'après des dessins de Beaumesnil peut-être en vue d'une publication, avaient été acquis par le Département des manuscrits de la BnF[39] immédiatement après son décès, dès 1819.
La qualité de ses dessins et descriptions de monuments[40] sont critiqués par nombre de spécialistes assez tôt, notamment[41] par Millin (1811)[42] et dans Chaudruc 1818, p. 324-325, Saint-Amans (1812, p. 251), Allou (1821, p. 58[n 13] ou 74 n. 1 p. suiv.) et Mérimée (1838, p. 100-102), qui lui reprochent de mêler plus d'imagination que de réalité et de copier des ouvrages sans les mentionner. Camille Jullian (1890, p. 254) lui consacre un chapitre accablant, résumant : « il a copié quelques inscriptions sur les originaux avec assez d'inexactitude ; il a dédoublé ces inscriptions en donnant des variantes qu'il imaginait lui-même et dont il faisait de nouveaux textes [...] ; il a dessiné des monuments qui n'existaient pas, en y appliquant des inscriptions qu'il copiait dans les livres [...] ; il a enfin fait des inscriptions à l'aide des titres, sous-titres ou membres de phrases de livres imprimés ». Quant à Émile Espérandieu, il le présente comme « le plus effronté faussaire que le XVIIIe siècle ait produit » et consacre un chapitre de 48 pages aux 67 « inscriptions fausses ou suspectes », reprenant en sous-titre le chapeau de Jullian, « l’œuvre de Beaumesnil », dans son ouvrage sur les Inscriptions de la cité des Lemovices[43].
Plus récemment les condamnations sont plus nuancées, comme pour Gaston Dez[44] en 1969 considérant que les « dessins et commentaires [de Beauménil], à condition d'être critiqués, rendent parfois service », et en 1998, Pierre Pinon[45] constatant que « son dessin se veut précis même s'il n'est pas très habile », il ajoute « Beaumesnil a tendance, quelquefois, malgré l'apparente objectivité de son trait, à restituer des parties manquantes, à modifier le contexte, à inventer tout court ».
L’impossibilité de distinguer dans ses travaux l'aspect descriptif d'une appropriation très personnelle du culte de l'antique ou de l'invention, avec un lyrisme « préromantique » parfois érotique[n 14] dont la logique créatrice et compilatoire nous échappe, a profondément dérangé les auteurs du XIXe siècle, déçus dans leurs espoirs face à la richesse documentaire. Ceux-ci ne feront pas l'effort de se rappeler qu'en Haute-Vienne, « au XVIIIe siècle, rares sont les laïcs qui comme de Lépine, le subdélégué de l’intendance, s’intéressent aux témoignages du passé » (Pascal Texier 2016 [2014], p. 2[46]), pas plus que de reconnaître son rôle non négligeable de collecte et de promoteur des connaissances patrimoniales, alors en gestations (d'où sa fortune critique).
Certains qualificatifs utilisés par ces savants à son égard sont ainsi marqués par la condescendance, la pudibonderie, l’ignorance, voire la mauvaise foi[n 15]. Sa profession de comédien, de plus itinérant, étant le terme le plus méprisant, sous leur plume. On peut imaginer que leurs propos décevants, et anachroniques, n'ont probablement pas encouragé les dépositaires de l'œuvre de Beaumesnil, particulièrement l'Institut, à les conserver justement.
« Pierre Beaumesnil, qui réalisait des aquarelles représentant des monuments antiques, s'est trouvé voué aux gémonies par ceux qui ont eu à utiliser ses travaux car, à Limoges ou à Bordeaux, ses dessins ont servi à attiser sa réputation d'escroc. En revanche, à Périgueux, ils permettent d'affirmer que, en dépit de quelques traits discutables, sa plume est demeurée sûre et que son œuvre, si modeste soit-elle, constitue une base de travail qui n'est pas à négliger. »
— François Michel 1993, p. 23.
La documentation étant particulièrement réduite et ancienne, peu renouvelée depuis 1900, on ne peut que spéculer sur les raisons et les choix qui ont fait produire par Pierre Beaumesnil cette œuvre volumineuse et originale, au regard de la logique propre des images et du texte. De même, on a du mal à cerner le contexte culturel et personnel de cet artiste voyageur, polyvalent et possiblement autodidacte, au milieu du XVIIIe siècle. On retient toutefois les propos qu'il aurait tenu à Martial de Lépine, sur le besoin qui l’animait de fréquenter l'antique et le domaine savant, avec la réserve que cela était probablement ce que celui-ci voulait entendre. On peut ajouter qu'il est envisageable que Beaumesnil soit issu de la foisonnante communauté dramatique parisienne de l'époque.
Ses conditions de vie misérables font qu'une partie de sa production est certainement fabriquée ou transformée en vue de lui assurer des revenus auprès de cet environnement plus aisé que lui, constitué de notables et de religieux composant leur propre cabinet de curiosités ou contribuant à des documentations institutionnelles. Par ailleurs, certains travaux, comme des copies de gravures, ou de cartes et de plans, semblent être exclusivement alimentaires et mettent en lumière la variété de ses compétences techniques et de son réseau professionnel.
La distinction de parties ayant eu volontairement une destination différente au sein de cet ensemble de figures et de réflexions savantes que l'histoire a préservée, ne fait qu’affleurer. Sans connaître le cadre des commanditaires éventuels, on peut prudemment constater que ses productions sont parfois la trace d'observations et de collectes d'informations assez rigoureuses pour l'époque, et dans d'autres cas une reconstitution enrichie librement de ce qu'il aurait rencontré, lu ou entendu, voire doivent être considérées comme un projet artistique ou une œuvre délibérément personnelle.
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