type d'art pratiqué sur les rochers De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'expression «art rupestre» (du latin rupes, «roche») désigne l'ensemble des œuvres d'art au sens large (sans appréciation esthétique) réalisées par l'Homme sur des rochers, le plus souvent en plein air. Il est parfois opposé à l'art pariétal (du latinparietalis, «relatif aux murs», art sur parois de grottes en intérieur), mais aussi à l'art mobilier (que l'on peut déplacer) et à l'art sur bloc[1]. Cette forme d'art occupe une part majeure dans l'art préhistorique. Sa pratique est restée continue jusqu'à nos jours; elle n'est pas le fruit d'une ethnie ou d'une culture particulière, mais relativement universelle.
Le préhistorien Emmanuel Anati, coordinateur mondial pour l'Unesco du projet Wara (World Archives of Rock Art) destiné à la constitution d'une banque de données mondiales de l'art préhistorique, a recensé, en 2003, 45 millions de peintures et gravures rupestres et pariétales réparties sur 170 000 sites dans 160 pays, plus de 70% de ces graphèmes ayant été produits par des sociétés de chasseurs-cueilleurs, tandis que moins de 30% sont l’œuvre de pasteurs et d'agriculteurs[2]. Ce recensement est une estimation minimale (au début de 2008, ce nombre s'élève à plus de 70 millions de motifs)[3] car de nouveaux sites sont découverts chaque année[4].
L'art rupestre est caractérisé par l'utilisation de plusieurs techniques:
la gravure (piquetage et incision): les artistes martelaient un support rocheux avec une pierre dure. Cette technique était très répandue. Dans ce cas, on parle de pétroglyphe.
la peinture: les poudres de couleur utilisées étaient des minéraux broyés. Grâce à un roseau ou un os creux, ils soufflaient les poudres de couleur pour représenter les crinières, les poils, les pelages d'animaux.
La datation des œuvres se heurte aux difficultés propres à l'art rupestre de plein air et à l'érosion des motifs. Les méthodes archéologiques de datation peuvent permettre d'associer des images ou des lieux avec des cultures ou des périodes particulières grâce à la datation absolue et relative. La première utilise plusieurs techniques: radiodatation de certaines patines de traits gravés, datation par l'uranium-thorium de couches de calcite qui peuvent se déposer sur une peinture ou une gravure préhistorique, datation au carbone 14 de pigments organiques (matières et liants organiques tels que des charbons de bois ou d'os, du sang, des végétaux), de pellicule de silice amorphe se formant sur des surfaces gréseuses ou schisteuses exposées aux intempéries, ou de cristaux d'oxalate de calcium dans les biofilms se développant sur les peintures et gravures. La datation relative permet d'obtenir des fourchettes chronologiques en s'appuyant sur la combinaison des données concernant les contextes archéologiques (avec notamment la stratigraphie qui étudie la superposition des couches archéologiques), sur l'approche stylistique (typologie stylistique globale ou à caractère régional qui peuvent apporter une contribution aux analyses chronologiques) et la sériation(en)[5],[6].
Les sujets sont divers selon les périodes et les régions: essentiellement des représentations animales au Paléolithique supérieur (celles de Bornéo, notamment, datent d'au moins 40 000 ans[7]) puis, à partir du Néolithique des humains, des représentations humaines de grandes tailles les bras levés, des orants, des armes primitives, des chars, des habitations, des arbres. Les représentations de scènes sont extrêmement rares au Paléolithique, plus fréquentes à partir du Néolithique (scènes de chasse, de guerre ou de pastoralisme).
Fin 2019, l'Université de Griffith (Australie) publie[8] les résultats d'une datation à l'uranium-thorium sur une peinture préhistorique représentant une scène de chasse découverte en 2017 dans une grotte sur le site de Leang Bulu Sipong sur l'île des Célèbes (Indonésie), selon laquelle cette peinture serait vieille d'au moins 43 900 ans, ce qui en ferait la plus ancienne œuvre d'art figuratif connue[9],[10]. Les peintures mettent en scène des bovidés et des cochons sauvages affrontés par des chasseurs munis de lances et de cordes. Les chasseurs sont des humains mais présentent des traits animaux (queue, bec,etc.): ce sont des thérianthropes.
L'étude des motifs met en évidence une organisation spatiale et un programme iconographique ou décoratif.
En Arabie saoudite: dessins rupestres de la province de Ha'il(de).
En Inde (à partir de 26000 av. J.-C.): le sous-continent indien a le troisième plus grand nombre de sites d'art rupestre après l'Australie et l'Afrique, plus que 150 sites situés un peu partout mais surtout dans le centre, au Madhya Pradesh (Bhimbetka) et au Chhattisgarh (Jogimara).
la grotte de Lubang Jeriji Saléh, sur l'île de Bornéo, porte des peintures datant d'au moins 40 000 ans. Elles représentent notamment un gros animal dans des tons rouge orangé[38],[7].
des grottes des Célèbes abritent des peintures dont certaines ont aussi été datées de 40 000 ans[39],[40] (notamment les grottes de Maros-Pangkep[40]) et même de 43 900 ans (grotte de Sipong 4), ce qui fait de ces dernières peintures les plus anciennes œuvres d'art figuratif connues[8];
des peintures rupestres du Mésolithique, datant d'entre −9000 et −5000[41], représentent des personnages utilisant des cerfs-volants.
Kirghizistan: essentiellement dans les montagnes du Tien Shan, comme à Tcholponata, dans la vallée Talas, à Saimaluu-Tash, et sur l'effleurement rocheux appelé trône de Souleman à Och dans la vallée de Fergana.
Tibet: des empreintes de mains et de pieds réalisées il y a entre - 169.000 et - 226.000 ans et créées près du village de Quesang, à environ 80 kilomètres au nord-ouest de Lhassa. Néanmoins tous les spécialistes ne sont pas d'accord pour les qualifier d'art pariétal [43].
Europe
Les sites ayant livré des œuvres d'art rupestre datant du Paléolithique supérieur sont rares:
Massif Central: des abris paléolithiques sculptés à la lumière du jour (Cap Blanc, Roc-aux-Sorciers) ou ayant fourni des blocs gravés et peints (environs des Eyzies-de-Tayac) sont également connus.
Georges Sauvet, «À la recherche du temps perdu. Méthodes de datations en art préhistorique : l’exemple des sites aurignaciens», Palethnologie, no7, (DOI10.4000/palethnologie.815).
(en) M. Aubert, P. Setiawan, A. A. Oktaviana, A. Brumm, P. H. Sulistyarto et al., «Palaeolithic cave art in Borneo», Nature, vol.564, , p.254-257 (DOI10.1038/s41586-018-0679-9).
(en) Maxime Aubert, Rustan Lebe, Adhi Agus Oktaviana, Muhammad Tang, Basran Burhan et al., «Earliest hunting scene in prehistoric art», Nature, vol.576, , p.442-445 (DOI10.1038/s41586-019-1806-y).
Jules Masson Mourey, Gwenola Graff, Abdellah Alaoui, Tony Hamon, Abdelladih Ewague et Mohammed Baïbba, «Les gravures rupestres de Laghchiwat», Archéologia, (lire en ligne)
André Simoneau, «Recherches sur les gravures rupestres du Haut-Atlas marocain», Bulletin de la Société préhistorique française, vol.65, no2, , p.642–653 (DOI10.3406/bspf.1968.4174, lire en ligne, consulté le )
Marion Sénones et Odette du Puigaudeau, «Gravures rupestres du Hank (Sahara Marocain)», Bulletin de la Société préhistorique française, vol.36, no11, , p.437–453 (DOI10.3406/bspf.1939.4709, lire en ligne, consulté le )
Léone Allard-Huard et Paul Huard, «Nouvelles gravures rupestres du Sud-Oranais», Bulletin de la Société préhistorique française, vol.77, no10, , p.442–462 (DOI10.3406/bspf.1980.5231, lire en ligne, consulté le )
E. B, P. Trousset, J. Despois et Y. Gauthier, «Fezzân. (Phazania*, Targa)», dans Encyclopédie berbère, Éditions Peeters, (ISBN9782857449485, lire en ligne), p.2777–2817
Primitiva Bueno-Ramirez et Rodrigo De Balbin Behrmann, «El arte rupestre en Canarias. Antecedentes y perspectiva de futuro», Antiquités africaines, vol.34, no1, , p.1–10 (DOI10.3406/antaf.1998.1278, lire en ligne, consulté le )
Jules Masson Mourey et Nicoletta Bianchi, «Moving beyond the Bego God. Some new remarks about the interpretation of the prehistoric engravings of the Vallée des Merveilles and the Val de Fontanalba (Tende, Alpes-Maritimes, France)», British Archaeological Reports, International Series, (lire en ligne)
«L’art rupestre sublimé!», Carbone 14, le magazine de l'archéologie, France Culture, 3 février 2024.
(en) «Rock Art», sur rockartscandinavia.com (consulté le ). Site sur l'art rupestre de Tanum en Suède, avec de nombreux articles sur l'art rupestre mondial