Loading AI tools
ensemble des populations ethniques vivant sur le territoire de l'Union soviétique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'Union des républiques socialistes soviétiques était un État multi-ethnique dont la constitution distinguait la « citoyenneté soviétique » appliquée selon le droit du sol à tous les habitants, de la « nationalité » appliquée selon le droit du sang à certains citoyens seulement. Mentionnée sur la carte d'identité, la « nationalité » permettait, selon le gouvernement soviétique, d'appliquer une « discrimination positive », afin de préserver la culture et la langue des peuples « non-russes »[1].
La confusion entre Russes et Soviétiques (parallèle à la confusion Anglais et Britanniques, ne distinguant pas les Irlandais, les Gallois et les Écossais) a souvent occulté le fait que les Russes n'étaient que l'une des nombreuses « nationalités » (Национальность) parmi les citoyens de l'Union soviétique. Mais les Russes étaient la « nationalité » dominante, parce qu'ils étaient majoritaires dans la population, parce qu'ils étaient le seul groupe présent dans toutes les Républiques et parce que leur langue, et elle seule, était « langue de communication inter-ethnique » (язык межнационального общения) dans toutes les Républiques et langue officielle de l'Union. Un « Soviétique » était donc un citoyen de l'Union des républiques socialistes soviétiques (selon le droit du sol) mais son origine ethnique (dite « nationalité » selon le droit du sang) était obligatoirement inscrite comme critère d'identification dans ses documents d'identité, en 5e position, si bien que l'expression « 5e point » est devenue un synonyme courant pour désigner l'origine ethnique d'un citoyen[2].
L'URSS était composée de quinze républiques socialistes soviétiques (« RSS ») correspondant aux quinze « nationalités » (Национальный Народность) répondant aux critères nécessaires pour être considérées comme des « nations » (Наций) : population nombreuse, culture écrite, histoire bien identifiée par des sources anciennes, ne pas être enclavées à l'intérieur d'une autre République… ce qui leur donnait théoriquement droit à la sécession. La plus importante (regroupant à elle seule plus de la moitié de la surface et de la population de l'Union), était la République soviétique fédérative socialiste de Russie (RSFSR).
Mais la complexité du système était bien supérieure à cette Union fédérale de quinze républiques socialistes soviétiques, car à l'intérieur de plusieurs d'entre elles on décomptait :
Ce découpage était fait suivant des critères multiples : le nombre d'habitants, mais aussi les définitions particulières de l'ethnographie soviétique (qui ne suivait pas les règles ethnologiques occidentales, et qui distinguait les Adyghés des autres Circassiens, les Moldaves des autres Roumains, ou bien considérait les colons japonais capturés en 1945 au Manchoukouo et déportés au Kazakhstan comme des Coréens)[3]. Des conflits ethniques en ont découlé lors de l'avènement de la glasnost, qui a permis l'expression de mécontentements accumulés durant des décennies (exemples : l'Oblast autonome d'Ossétie du Sud en Géorgie, réclamant sa réunion avec l'Ossétie du Nord russe, ou encore l'Oblast autonome du Haut-Karabagh en Azerbaïdjan, réclamant sa réunion avec l'Arménie).
En URSS, toutes les institutions de l'État, les administrations, les entreprises, les collectivités territoriales, les syndicats, les unions professionnelles, les clubs et les unités d'habitation étaient étroitement contrôlées, en théorie et selon la Constitution soviétique par le Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS), en pratique et selon le décret du émis au 2e Congrès panrusse des Soviets, par une police politique aux pouvoirs extra-judiciaires : la Tchéka, qui deviendra plus tard la Guépéou puis le NKVD[4].
Les « nationalités soviétiques » (Советский национальный народность) formaient une mosaïque, car en dehors des régions peuplées uniquement de Russes, pour la plupart situées en Russie centrale autour de Moscou, les autres étaient dispersées sur de vastes territoires et mêlées avec les Russes et les unes aux autres ; par ailleurs l’ethnologie soviétique ne suivait pas les règles scientifiques de définition d’un groupe ethnique (même origine, même langue, même histoire, mêmes coutumes, même culture et même tradition religieuse) et y introduisait des critères politiques pour regrouper, ou au contraire distinguer des groupes. De plus, le gouvernement soviétique traça des frontières en dépit du vœu des populations concernées : dans le Caucase par exemple, les Ossètes furent coupés en deux entre la Russie (Ossétie du Nord) et la Géorgie (Ossétie du Sud), et le Haut-Karabagh ne fut pas rattaché à l'Arménie comme le Nakhitchévan le fut à l'Azerbaïdjan. Cette politique suscita des tensions entre les Russes et les autres nationalités qui souffraient de l’hégémonie russe, mais aussi des tensions entre différentes « nationalités » (exemples : Arméniens/Azéris, Ossètes/Ingouches, Géorgiens/Abkhazes…)[5],[6],[7].
Même entre les trois nationalités slaves (Russes, Ukrainiens et Biélorusses) les relations étaient ambiguës car les deux dernières étaient tiraillées entre leur identité locale, plus proche de l’Europe centrale, et leur appartenance historique à la Grande Russie : le gouvernement soviétique considérait la première tendance comme « nationaliste bourgeoise » et la combattait, tandis qu'il encourageait la seconde comme compatible avec le processus de « rapprochement-fusion » (сближение–слияние, sblijenie-sliyanie) devant aboutir à forger l’Homo sovieticus. Outre ces tensions, des divergences politiques et économiques divisaient parfois l’appareil d’État central (en l’occurrence le Politburo) entre « réformateurs » partisans des thèses d'Evseï Liberman, de la déstalinisation et, plus tard, de la glasnost et de la perestroïka, et « conservateurs » s’opposant à tout changement risquant d’affaiblir leur autorité[8].
L'URSS est territorialement et donc démographiquement l'héritière de l'Empire russe, qui a débordé, à partir du XVIIIe siècle, au-delà des limites géographiques des langues slaves orientales, et qui a ensuite largement colonisé les territoires progressivement rattachés. Au moment de la fondation de l'URSS en 1922, le recul de l'Empire avait permis, à l'ouest, l'indépendance de la Finlande, des pays baltes, de la Pologne et de la Moldavie (qui s'était rattachée à la Roumanie), mais à l'issue de la seconde Guerre mondiale, l'URSS récupère une grande partie de ces territoires (sauf en Finlande) ce qui ramène dans ses frontières autant de groupes ethniques.
L'URSS reprend le processus de russification et de colonisation slave commencé par l'Empire russe dans les territoires peuplés d'autres groupes ethniques, en l'amplifiant grâce aux moyens de transport modernes, ce qui modifie partiellement la composition ethnique du pays et crée de nouvelles tensions. Mais en même temps, elle prend en compte l'aspect multiethnique de sa population en adoptant, contrairement à l'Empire, un système national-fédéraliste de républiques fédératives (dites « unionales ») elles-mêmes parfois divisées en républiques ou arrondissements « autonomes », dans un « montage-gigogne » territorial.
Le nouveau régime bolchevique, issu de la révolution, hérite de cet empire et de ses problèmes (nationalités). En 1914, Lénine parlait de « la prison des peuples ».
Thèses en présence avant et au début de la révolution :
Dans les textes :
En conclusion, les textes définissent une fédération de républiques égales entre elles. Dans la pratique, il en fut tout autrement: la russification et la colonisation se poursuivirent avec d'autant plus d'ampleur qu'elles bénéficiaient désormais des technologies modernes : imprimerie, radio, cinéma, chemin de fer, véhicules à moteur.
Les changements successifs sont déterminés par la situation militaire : retraite russe face aux Allemands (1917), défaite allemande face aux Alliés (1918), défaite des Blancs face aux bolcheviks (1918-1920), défaite des Bolcheviks face aux Polonais (1920) et l'émergence des mouvements nationalistes (autonomistes ou indépendantistes).
À la fin de la guerre, l'Arménie et l'Azerbaïdjan redeviennent indépendants, avec l'aide des Alliés. Dès 1920 : les Soviets, qui ont besoin de matières premières (pétrole, ressources minérales) reconquièrent la région ; en , l'Arménie est soviétisée et, en 1921, la Géorgie (dont le gouvernement est menchevik) est envahie.
Dans un premier temps les Bolcheviks hésitent sur le type d'autodétermination qu'il convient d'accorder. Suivant la situation locale, ils font preuve de souplesse et de pragmatisme. Ensuite, ils accorderont une autodétermination restreinte. Donnons trois exemples :
Mais en , la guerre civile terminée, les Bolcheviks réalisent un projet définitif avec compétences très réduites de la RA (« inférieures aux droits que le tsarisme en ses pires moments concédait aux minorités », selon un dirigeant bachkir).
Les bolchéviks de Moscou imposent leur solution là où ils sont en position de force et cèdent provisoirement là où ils ne sont pas en mesure d'imposer leur pouvoir (Lénine : « un pas en arrière, deux pas en avant ».
Devant la désagrégation de la Russie, les bolchéviks adoptent une première solution institutionnelle. Le , est promulguée la première Constitution soviétique qui proclamait un système décentralisé à base administrative territoriale (régions ou « oblasts » en russe, qui n'ont pas de rapport avec les nationalités).
Entre 1918 et 1922, il exista deux possibilités d'intégration :
En 1922-1923, Moscou veut imposer d'en haut un projet fédéral à toutes les républiques. On assiste alors à une tentative de réaction des Géorgiens face au pouvoir central, à la suite de quoi on les accuse de « fractionnisme ». Lénine, pour ne pas aggraver les relations avec les autres nations, s'oppose au projet très centralisateur de Staline (républiques autonomes intégrées à la RSFSR) et prône une fédération de républiques égales entre elles. Staline cède sur ce point, convaincu que de toute façon, une formulation égalitaire ne changera rien à l'inégalité de fait : la Russie sera la tête de la fédération.
Le , l'URSS naissait du traité qui unissait la RSFSR, la Biélorussie, l'Ukraine et la Transcaucasie. Dans le conflit qui oppose les communistes du centre (Moscou) et les partis communistes nationaux, c'est le centre qui l'emporte et impose une fédération.
Les numéros de la « Pravda » (qui donne la ligne directrice du PCUS), des « Annales de l'Institut d’ethnologie et d’anthropologie de l’Académie des Sciences de l’URSS » et les éditions successives de la « Grande encyclopédie soviétique » permettent de suivre au fil des ans l’évolution de la notion de « nationalité » (et de l’ethnologie soviétique en général) en URSS. On peut, selon les historiens Andreï Amalrik[10] et, plus récemment, Nikolaï F. Bougaï ou Svetlana Alieva[11], distinguer trois lignes directrices :
Durant ses sept décennies d’existence, la politique soviétique des nationalités a oscillé entre ces différentes lignes, ce qui s'est traduit sur le terrain par des mesures parfois opposées et quelquefois discriminatoires :
Le fut promulguée la nouvelle Constitution fédérale, très différente de celle de 1918, dont voici les points principaux ayant trait aux nationalités :
Cette période se caractérise par une révision historique qui remet à l'honneur la nationalité russe, y compris sous les tsars. Dans le domaine du cinéma, cette tendance se marque dans les films d'Eisenstein : Alexandre Nevski et Ivan le Terrible. Cette période débute alors que les autres problèmes, d'ordre économique, auxquels Staline voulait s'attaquer, sont relativement réglés (collectivisation). Au cours de cette période, le nationalisme était passé à l'arrière-plan.
À partir de 1935 commence le « nettoyage intérieur » par des purges, qui éliminaient non seulement les élites russes, mais aussi les élites nationales, qui avaient cru à l'« indigénisation » et qui sont dorénavant qualifiés de « nationalistes bourgeois ».
Sur le plan juridique et institutionnel, la Constitution de 1936 affirme la composition fédérale de l'URSS et le respect du droit des groupes et des individus. En fait, il s'agit de la réalisation du projet initial de Staline (voir plus haut)
Cette révision se manifeste dans tous les domaines de la vie publique (politique, culturelle, etc.) par un affaiblissement du poids des nations non-russes. Staline veut procéder à une unification culturelle autour de la Russie. Les républiques ne sont plus que des courroies de transmission du pouvoir central. Ex. : passage généralisé des langues nationales à l'alphabet cyrillique (sauf en Arménie et en Géorgie) : dorénavant tout le monde pourra lire le russe : porte ouverte au bilinguisme.
Après la mort de Staline, Khrouchtchev dénonce les crimes de Staline lors du XXe Congrès du PCUS (1956)
Il s'ensuit une décentralisation économique : aussitôt certaines nationalités en profitent. Par exemple, l'azéri est rétabli comme langue officielle. Certaines cinématographies en langue nationale se développent également (cinéma ukrainien, cinéma géorgien, etc.)
Dans les 20 années à venir, ce dépassement se réaliserait dans une société communiste.
Ils reprennent l'idée de la fusion des nations, mais se heurtent à l'hostilité des nations. En 1977 est promulguée une nouvelle Constitution, l'État soviétique se confond officiellement avec un Parti communiste au centralisme démocratique (art. 3), ce qui rend plus difficile la mise en pratique du droit des Républiques à la sécession.
NB : Deux articles ont été ajoutés à la constitution en 1944 :
Conclusions :
Il existe un Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS) et des Partis communistes républicains, mais dont tous les membres sont également membres du PCUS. Certains groupes sont surreprésentés au sein du PCUS (Géorgiens, Russes). D'autres sont sous-représentés (Baltes, musulmans d'Asie centrale). Ces inégalités tendent à diminuer au cours des années 1960-1970. Dans les organes centraux du Parti, on trouve :
Au niveau des secrétaires nationaux, on constate que :
Conclusion : Cette représentation n'est pas le reflet de la structure nationale.
Sous les Tsars, les non-russes étaient exclus de l'armée.
Ces trois nationalités ont comme seul point commun d'occuper les régions les plus occidentales de l'URSS.
Comme les Russes, les Ukrainiens font partie du groupe des slaves orientaux. En 862, le premier État slave oriental fut créé par des vikings autour de Kiev, l'actuelle capitale de l'Ukraine. Rapidement morcelé, cet État sera envahi par les Lituaniens et les Polonais. Au XVIIe siècle, les Russes gagnent peu à peu du terrain au nord-est. Ils implantent dans la région des colons - soldats, dans le but de protéger leur frontière avec les Turcs. En français, ce genre de territoire s'appelle « Marche », et en russe : Okraïna. En fait, les Russes eux-mêmes parlent plutôt de « Petite-Russie », prolongement méridional de la Grande-Russie, centrée sur Moscou. À l'issue des partages de la Pologne, en 1793 et 1796, l'Ukraine est rattachée à la Russie. Dès l'effondrement du régime tsariste en 1917, une Rada (« conseil ») proclame la république d'Ukraine. Cette république est reconnue par l'Allemagne. Dès le repli des armées allemandes en novembre 1918, différentes factions s'affrontent pour le contrôle de l'Ukraine. C'est finalement l'armée rouge qui sort victorieuse de ces combats et l'Ukraine devient une République socialiste soviétique (). Au cours de la Seconde Guerre mondiale, certains Ukrainiens s'engageront dans le camp allemand.
La Biélorussie n'apparaît sous ce nom qu'en 1919. Les Biélorusses (« Russes Blancs ») étaient auparavant perçus comme une simple variété de Russes. Les origines de la délimitation des frontières de l'actuelle république de Biélorussie remontent cependant loin dans le temps : au XIIIe siècle, les Lituaniens entreprennent de refouler les Mongols qui maintenaient les Slaves orientaux sous leur domination. À partir de là, les Biélorusses font cause commune avec les Lituaniens, puis, plus tard, avec les Polonais. Par rapport aux Russes, la spécificité des Biélorusses est surtout religieuse : en 1596, une assemblée du clergé et des fidèles orthodoxes de la région proclame l'union avec l'église catholique, tout en conservant le rite byzantin. C'est le point de départ de l'église « uniate ». À la suite des partages de la Pologne, l'actuelle Biélorussie passe dans l'empire russe. Pour le tsar, les Biélorusses n'existent pas. Ce sont des Russes comme les autres. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la Biélorussie est partagée entre la Pologne et l'URSS.
Du côté soviétique est constituée une République socialiste soviétique. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la frontière avec la Pologne suit la « ligne Curzon », considérée dès 1919 (sauf par les Polonais) comme limite ethnique. Depuis 1945, la Biélorussie fait partie des membres fondateurs de l'ONU.
Les Moldaves parlent le daco-roumain (dit « roumain » en Roumanie, et « moldave » en URSS). Il s'agit d'une langue romane. Les Moldaves sont de religion orthodoxe, comme la majorité des roumanophones. Enlevée par l'Empire russe à la principauté de Moldavie en 1812, au traité de Bucarest, la partie orientale de la Moldavie appelée Bessarabie, subit une intense colonisation démographique et devînt multiethnique. En août 1940 la Bessarabie, alors roumaine, fit partie, comme les pays Baltes, des territoires attribués à l'URSS par le pacte Hitler-Staline. Dans cette région, là où les roumanophones étaient encore 75 % de la population ou plus, fut créée la République socialiste soviétique de Moldavie ; le reste de la Bessarabie fut attribué à l'Ukraine. Depuis 1945, il existe en Moldavie une forte minorité russe et ukrainienne (un quart de la population). Inquiète par les réformes moldaves (retour à l'écriture latine du roumain, redevenu langue officielle de la république) et craignant de perdre ses avantages (comme dans les pays baltes) cette minorité s'est massivement engagée sous la bannière des partis communiste et socialiste, empêchant le rattachement à la Roumanie (et donc à l'Union européenne, comme les pays Baltes)[16].
Il existe dans ces régions trois républiques fédérées : l'Arménie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan, correspondant aux trois nationalités principales : les Arméniens, les Géorgiens et les Azéris. Il existe néanmoins de nombreuses autres ethnies. La coexistence difficile de tous ces peuples est source de tensions.
Il s'agit d'un peuple indo-européen. Ils constituent une nation depuis une époque très ancienne. Le royaume d'Arménie fut le premier État au monde à adopter officiellement le christianisme comme religion (301 apr. J.-C.). L'Arménie connut une existence difficile entre les deux superpuissances de l'époque, Byzance et la Perse, auxquelles succèdent les Arabes. À partir du XVIe siècle, les Arméniens deviennent sujets de l'Empire ottoman. Ils mènent une existence effacée jusqu'au XIXe siècle : comme d'autres peuples, les Arméniens espèrent se libérer de la domination ottomane. Une partie de l'Arménie est alors conquise par les Russes ; cette avance russe inquiète le Royaume-Uni, qui sacrifie les Arméniens au nom de l'équilibre international. Les Arméniens sont maintenant suspects aux yeux des Turcs. Au cours de la Première Guerre mondiale, le gouvernement turc adopte une « solution finale » du problème arménien : des populations entières sont massacrées ou déportées (1915). Ce génocide fait plus d'un million de victimes. Après l'effondrement de la Russie (1917) et de l'empire Ottoman (1918), les Arméniens parviennent à créer une république d'Arménie indépendante, à l'existence éphémère (1918 - 1920). Battus par Mustafa Kemal Atatürk, les Arméniens se résignent à accepter la protection des Bolcheviks : en 1921, naît la république soviétique d'Arménie, qui ne couvre qu'une petite partie du territoire historique de l'Arménie. De nombreux Arméniens vivent actuellement hors d'Arménie, en URSS mais aussi ailleurs dans le monde. Les années 1970 ont vu une prise de conscience nationale des Arméniens de la diaspora, qui réclament une reconnaissance officielle du génocide de 1915 par la Turquie. Des extrémistes arméniens se sont livrés à des attentats pour appuyer leurs revendications.
Comme les Arméniens, les Géorgiens possèdent une culture ancienne dont ils sont extrêmement fiers. Le dernier roi de Géorgie cède sa couronne au tsar en 1799. La Géorgie est annexée à la Russie en 1801. Comme l'Arménie, elle recouvre son indépendance de façon éphémère entre 1918 et 1921. Il faudra l'intervention de l'armée rouge pour en faire une république soviétique. Dès cette époque les dirigeants communistes géorgiens manifestent leur nationalisme en s'opposant aux tendances centralisatrices de Moscou. La Géorgie sera malgré tout intégrée dans la République de Transcaucasie de 1924 à 1936. Plus encore que l'Arménie, la Géorgie est une mosaïque d'ethnies : font partie de la république de Géorgie deux républiques autonomes que sont l'Abkhazie et l'Adjarie et une région autonome qu’est l'Ossétie du Sud. Les Géorgiens ne constituent en fait qu'environ 70 % de la population de leur propre république. Le nationalisme géorgien s'oppose donc aussi bien aux Russes d'une part qu'aux Abkhazs, Adjars, etc. d'autre part.
Contrairement aux Arméniens et aux Géorgiens chrétiens, il s'agit d'un peuple musulman dont la langue est proche du turc. L'Azerbaïdjan est annexé par la Russie au début du XIXe siècle. Comme l'Arménie et la Géorgie, l'Azerbaïdjan connaît une brève indépendance avant de devenir soviétique (1920). Cette république contient une Région autonome, le Haut-Karabagh, peuplé d'Arméniens, dont l'origine remonte à la période troublée des années 1918 - 1921 : par un accord conclu entre les gouvernements soviétique et turc (rappelons que les Azéris font partie de la famille altaïque au même titre que les Turcs), le Haut-Karabagh est attribué à l'Azerbaïdjan. Malgré les protestations répétées des Arméniens, le gouvernement soviétique n'est jamais revenu sur cette décision.
On appelle « Baltes » trois peuples installés sur les rives de la mer Baltique : les Lituaniens, les Lettons (tous deux baltes) et les Estoniens (finno-ougriens). Ils sont christianisés fort tard (XIIIe – XIVe siècles). Ils connaissent d'abord une évolution distincte :
La Lituanie fut une principauté puissante sous la dynastie des Jagellon (XIVe siècle). Unie à la Pologne au XVe siècle, elle connaît le même destin que ce pays : lors du partage de la Pologne au XVIIIe siècle, la Lituanie est rattachée à la Russie.
Elles sont colonisées par les Allemands (Chevaliers Teutoniques) aux XIIIe et XIVe siècles, puis conquises par la Suède, qui devra les abandonner au tsar Pierre le Grand (1721), pour qui ces pays représentent une voie d'accès indispensable à la mer Baltique et au commerce avec l'Occident. Après deux siècles d'occupation russe, les pays Baltes profitent de la révolution russe pour proclamer leur indépendance. Staline profitera du pacte germano-soviétique (1939) pour envahir les pays Baltes au cours de l'été 1941. Après l'intermède de l'occupation allemande (1941-45), les pays Baltes sont définitivement devenus des républiques fédérées de l'URSS. La politique de l'URSS y a été la même :
Le problème religieux, qui joue un rôle important dans les questions nationales, se présente différemment dans chaque pays Balte : la Lituanie est catholique, tandis que le protestantisme luthérien prédomine en Estonie et en Lettonie. Le gouvernement soviétique, bien que la liberté religieuse fût garantie par la constitution, a toujours mené une politique antireligieuse. Son attitude face au problème religieux présentait néanmoins des différences dans les pays Baltes :
L'Asie centrale, située entre la mer Caspienne et la région de Xinjiang de la Chine, fut aussi appelée dans le passé le Turkestan. Cette dernière appellation fut extrêmement juste car, à l'exception des Tadjiks d'origine iranienne, tous les peuples de cette région sont des peuples du groupe turc : Turkmènes, Kazakhs, Ouzbeks, Kirghiz parlent des langues turques apparentées. Par ailleurs, tous ces peuples (y compris les Tadjiks) sont musulmans. Dans un sens géographique du terme, l'Asie centrale exclut le Kazakhstan et inclut l'Afghanistan.
Cette région fut dans le passé le centre d'empires prestigieux, dont celui du terrible Tamerlan, à la fin du XIVe siècle. Les Russes apparaissent dans la région au XIXe siècle. Ils soumettent d'abord les tribus de nomades Kazakhs, puis les Khanats (États sur lesquels règne un Khan) de Boukhara et de Khiva. Les territoires conquis furent regroupés dans un ensemble administratif appelé gouvernement général du Turkestan.
Au moment de la révolution de 1917, l'indépendance du Turkestan fut proclamée. Les Bolcheviks se rendent rapidement compte qu'une répression impitoyable risque de jeter les musulmans du Turkestan dans les bras des Blancs et cherchent des alliés parmi les musulmans progressistes. L'un d'entre eux, dès que le danger est passé, Sultan Galiev est écarté et exclu du Parti ; la dénomination de Turkestan disparaît ; la région est redécoupée en cinq républiques (1925), en se fondant sur ce qui séparait (des parlers différents d'une même langue turque) plutôt que sur ce qui rapprochait (l'appartenance à une même communauté musulmane. Une chose inquiète en fait les Bolcheviks : le pantourianisme (rassemblement de tous les peuples turcs), ce qui explique qu'ils aient voulu faire disparaître jusqu'au nom de « Turkestan ». Les autorités appuient le développement de cultures locales à condition qu'elles soient présentées comme ouzbek, kazakh, etc. et non pas comme turque, ni surtout comme musulmane. Si la politique de répression a été extrêmement dure dans les années 1920 (plus de la moitié de la population kazakhe a été massacrée), dans les années 1970-1980, les autorités traitent les musulmans d'Asie centrale avec plus de tolérance que les juifs ou les catholiques.
La dislocation de l'URSS en 1990 et 1991 s'inscrit dans la chute des régimes communistes en Europe que n'ont pu empêcher ni la glasnost (« transparence ») ni la perestroïka (« réforme, restructuration ») promues par Mikhaïl Gorbatchev. Elle fait suite à l'effondrement du pouvoir absolu du Parti communiste de l'Union soviétique que le putsch de Moscou tente vainement de restaurer en , et débouche sur la création de la Communauté des États indépendants, à géométrie plus variable que l'URSS, mais qui maintient en partie la cohésion de l'ensemble ex-soviétique autour de la Russie.
Mikhaïl Gorbatchev tenta depuis avril 1985 de sortir l'URSS de la « stagnation » (mot par lequel on désigne la période Brejnev), mais des analystes comme Andreï Amalrik[17] ou Hélène Carrère d'Encausse[18] avaient alors déjà estimé ces tentatives comme trop tardives, le « socialisme réel » ayant manqué sa dernière chance de se réformer en étouffant, au lieu de l'adopter, le « socialisme à visage humain » proposé par les tchécoslovaques en 1968 lors du « printemps de Prague ». De plus, la perestroïka commence timidement et se limite initialement au domaine économique (lutte contre l'alcoolisme, création de coopératives autogérées). Face aux apparatchiks effrayés à l'idée de perdre leurs privilèges, ce n'est qu'en 1987-1988 que Gorbatchev ose parler de la nécessité d'une « perestroïka politique ». Comme la glasnost, la perestroïka est un mouvement parti « du haut » (Soviet suprême), à relayer par le « bas » (soviets locaux), mais à ce moment la plupart des citoyens ne croient déjà plus à des possibilités d'amélioration et veillent seulement à sauvegarder leurs moyens de survie (économie informelle) pour pallier la pénurie de biens de consommation qui s'accentue. Toutefois, la glasnost, à mesure que les citoyens réalisent qu'ils peuvent émettre des idées et des critiques sans être sanctionnés, finit par bouleverser la société soviétique.
Le mot glasnost (« transparence ») a commencé à être employé en 1986, entre autres à propos de la catastrophe de Tchernobyl. Dans l'esprit des dirigeants cela voulait dire que la presse et les responsables devaient dire la vérité aux administrés, ce qui, dans l'esprit de Gorbatchev, permettrait de mieux lutter contre la corruption et de briser la résistance des cadres communistes conservateurs à la perestroïka. Un dicton populaire de l'époque illustre cette lutte : « Un citoyen téléphone à Radio-Erevan et demande -Est-ce vrai que les radiations de Tchernobyl sont dangereuses ? Réponse : Pas depuis la glasnost, le KGB a ordre de vous laisser en parler librement ! ». Après 1988-1989, le mot dérive vers l'idée d'une véritable opinion publique, de liberté de parole. Celle-ci suscite alors l'inquiétude et l'opposition de l'appareil du Parti qui s'efforce de l'endiguer. Dans ce contexte où les identités nationales apparaissent de plus en plus comme des voies de « retour aux sources » et de régénération culturelle pour de nombreux peuples, russe y compris, les citoyens s'aperçoivent qu'ils peuvent s'exprimer plus librement sous le couvert de la glasnost, sans être, comme auparavant, accusés de « nationalisme bourgeois » par les autorités.
Les oppositions furent de nature complexe :
Plusieurs nations étaient enchevêtrées sur le même territoire :
Dans chaque république sont apparus des groupes dont les caractéristiques politiques et culturelles sont variées : les uns étaient assez proches du PCUS et de la Russie, les autres leur étaient hostiles. Le mécanisme fut grosso modo le même : les groupes anti-russes se réclament d'abord prudemment de la glasnost ; ensuite ils revendiquent l'autonomie, voire l'indépendance au nom de la perestroïka. La perestroïka a eu des effets particulièrement foudroyants dans les pays baltes et en Moldavie : dès 1988 se sont créés dans ces pays des « Mouvements pour la Perestroïka » (Sajudis en Lituanie, « Fronts populaires » dans les trois autres républiques). Ces mouvements réclamèrent purement et simplement le retour à la situation existant avant le pacte Hitler-Staline de 1939. Ainsi en 1989, le Sajudis et le PC lituanien travaillent ensemble à l'élaboration de l'avenir de la Lituanie.
Ce mouvement s'est rapidement étendu à d'autres républiques : par exemple en 1988, des intellectuels ukrainiens fondent le « Rukh » (= mouvement populaire ukrainien de restructuration). Ce mouvement démocratique et nationaliste est devenu indépendantiste dans le courant de l'année 1989. Le mouvement n'a pas pris une aussi grande ampleur en Asie centrale (ces républiques ont voté majoritairement « oui » lors du référendum sur l'Union). On constate dans de nombreux cas une coopération entre élites politiques communistes et élites d’opposition, qui permet à des dirigeants communistes de se poser comme représentants du combat national (exemples de Loukachenko en Biélorussie, de Mircea Snegur en Moldavie, de Leonid Kravtchouk, qui deviendra le premier président élu de l'Ukraine)
On assiste donc souvent à un clivage nouveau : élites nationales réconciliées (communistes locaux + nationalistes) contre le pouvoir central, qui se montre longtemps tolérant à l'égard des mouvements nationaux qui se développent et se propagent impunément (exception : Tbilissi, ).
Le problème des nationalités a été fortement influencé par le conflit personnel qui a opposé Mikhaïl Gorbatchev et Boris Eltsine. Boris Eltsine a contribué au renforcement des tendances nationalistes : proclamation de la souveraineté puis de l'indépendance de la Russie, dans le but de retirer à Gorbatchev la plus grande partie des territoires sur lesquels s'exerçaient ses pouvoirs.
Au bout du processus, 12 des 15 républiques soviétiques rejoindront la CEI (seules les 3 républiques baltes rejoindront l'UE), la Russie sauvegardera son intégrité territoriale, et conservera une présence militaire dans le reste de la CEI (notamment en Crimée, Transnistrie, Abkhasie, Ossétie du Sud, Kazakhstan et Tadjikistan).
Le putsch du 19 août 1991 a précipité les événements : il provoque la proclamation d'indépendance de la plupart des républiques. C'est également une grande victoire pour Boris Eltsine, qui s'impose comme le dirigeant de la résistance aux putschistes et l'emporte définitivement sur Mikhaïl Gorbatchev. Gorbatchev reprend ses fonctions mais il est fort impopulaire (les putschistes étaient des hommes qu'il avait désignés lui-même et le pays s'enfonce dans le chaos économique). De son côté Boris Eltsine prend toute une série de mesures pour priver son concurrent de tout pouvoir. Le les dirigeants des trois républiques slaves (Russie, Ukraine, Biélorussie) se réunissent à Minsk. Ils déclarent que l'URSS n'existe plus et mettent sur pied une vague « Communauté des États indépendants » (CEI), rejointe quelques jours plus tard par les autres républiques (sauf les pays baltes et la Géorgie). Le , Mikhaïl Gorbatchev démissionne de ses fonctions comme président de l'URSS. Les membres de la CEI se disputent rapidement sur de nombreux points, sans qu'aucun accord sur des points essentiels n'aboutisse. En 1992, des tendances sécessionnistes apparaissent au sein même de la fédération de Russie (Tchétchénie, Tatarstan) De nombreux problèmes non résolus s'accumulent :
Après l'éclatement de l'URSS se pose le problème des Russes habitant hors de la fédération de Russie. Ils sont au nombre d'environ 25 millions. Avant 1991, on constate une augmentation du nombre de Russes dans les Républiques occidentales (Pays baltes, Ukraine, Moldavie) et une quasi-stabilité ou même un reflux dans les Républiques du Caucase ou d'Asie centrale. Dès la fin des années 1980, le statut des Russes dans les Républiques fédérées subit des modifications. Ce sont les pays baltes qui ont ouvert ce débat : citoyenneté et emploi des langues. Les Russes imposaient le bilinguisme aux autres nationalités, mais le pratiquent peu eux-mêmes. Dès 1988, les pays baltes prennent toute une série de mesures destinées :
Ce phénomène de rejet à l'égard des Russes se manifeste dans d'autres républiques. Cette évolution aura pour conséquences une mobilisation des communautés russes dans différentes républiques et une exaspération croissante du pouvoir russe. Dans ce contexte, la Russie appuie économiquement les minorités russophones ou autres qui font sécession en Moldavie (Transnistrie), Ukraine (Crimée) ou Géorgie (Abkhazie, Ossétie du Sud), leur facilite accès à la citoyenneté russe, gardant de facto jusqu'à aujourd'hui le contrôle militaire de ces territoires déguisé en missions de paix ; sur le terrain, seule l'Ukraine a pu, de 1991 à 2014, asseoir sa souveraineté en Crimée[19], tandis que Moldavie et Géorgie n'ont jamais contrôlé la Transnistrie, l'Abkhazie et l'Ossétie du sud). Par ailleurs, les russophones (officiellement communistes ou non) et les « pro-russes » ont repris le pouvoir en Biélorussie et Moldavie, où ils ont su marginaliser les « pro-européens » au point de les exclure du champ politique[20].
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.